Redevances de gestion collective des radios
Redevances de gestion collective des radios
Ce point juridique est utile ?

En cas de non paiement des redevances de gestion collective par une radio, l’article 834 du Code de procédure civile s’avère très efficace pour obtenir une provision sous astreinte : « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différent ».

Par application de l’article 835 du même code, « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire »

En la cause, la radio condamnée était tenue, en contrepartie des autorisations d’utilisation des répertoires généraux des SOCIÉTÉS (SACD, SDRM ..) , au paiement d’une redevance annuelle hors-taxes égale à 5 % du montant total de ses charges constituées par l’ensemble des montants des comptes de la Classe 6 (Comptes de Charges) du Plan Comptable élaboré par le Conseil National de la Comptabilité à l’exclusion du montant total de la TVA réglée, du montant total des salaires et charges sociales des journalistes d’information titulaires de la carte professionnelle délivrée par la Commission Paritaire de la Convention Collective des Journalistes, avec un minimum. hors-taxes et qu’au cas où la radio aurait déclaré aux SOCIÉTÉS que ces diffusions d’œuvres de leurs répertoires ne dépassent pas 30 % de la durée totale des émissions, une réduction de moitié du taux et du minimum de la redevance.

Résumé de l’affaire

Les sociétés d’auteurs (SACEM, SACD, SCAM, SDRM) ont assigné l’ADEJM Radio JM en justice pour non-paiement des redevances dues pour l’exploitation des œuvres musicales et dramatiques sur leur service de radiodiffusion sonore “RADIO JM”. Malgré des mises en demeure et des demandes de communication des éléments comptables, l’ADEJM n’a pas répondu aux obligations contractuelles depuis 2014. Les demanderesses réclament le paiement des sommes dues, la communication des éléments comptables et des pénalités de retard. L’affaire a été portée en référé devant le Tribunal Judiciaire de Marseille, où les parties ont maintenu leurs prétentions.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 mai 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n° 23/00941
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

ORDONNANCE DE REFERE N° 24/

Référés Cabinet 3

ORDONNANCE DU :17 Mai 2024
Président :Madame LECOQ, Vice-présidente en charge des référés
Greffier :Madame SOULIER, Greffière

Débats en audience publique le : 05 Avril 2024

GROSSE :
Le 17 Mai 2024
à Me Christophe PINEL
à Me Hugo VALENSI

EXPÉDITION :
Le ………………………………………………….
à Me ………………………………………………
Le ………………………………………………….
à Me ………………………………………………
Le …………………………………………………..
à Me ………………………………………………

N° RG 23/00941 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3B6V

PARTIES :

DEMANDERESSES

La Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM)
dont le siège social est sis [Adresse 3] à [Localité 6]
pris en la personne de son représentant légal

La Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD)
dont le siège social est sis [Adresse 1] à [Localité 8]
pris en la personne de son représentant légal

La Société Civile des Auteurs Multimedia (SCAM)
dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 7]
pris en la personne de son représentant légal

La Société pour l’Administration du Droit de Reproduction Mécanique (SDRM)
dont le siège social est sis [Adresse 3] à [Localité 6]
pris en la personne de son représentant légal

représentés par Me Christophe PINEL, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et Me Christine NGUYEN DUC LONG avocat plaidant au barreau de Paris

DEFENDERESSE

L’ADEJM RADIO JM ayant pour sigle RJM
association déclarée dont le siège est situé [Adresse 4] – [Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Hugo VALENSI, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSES DES FAITS

Les sociétés d’auteurs délivrent des autorisations d’exploitation des œuvres appartenant à leurs répertoires à tout type d’utilisateur et notamment, aux éditeurs de services de radiodiffusion sonore, comme l’ADEJM.

L’ADEJM exploite un service local de radiodiffusion sonore dénommée « RADIO JM » en vertu d’une autorisation d’émettre délivrée par la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle depuis le 17 février 1984 puis par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et renouvelée par une décision du 5 février 2008, reconduite à plusieurs reprises et notamment par une dernière décision du 11 avril 2018 du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.

Le 22 septembre 1986, les Sociétés d’Auteurs ont régularisé avec l’ADEJM un contrat général de représentation et de reproduction pour l’exploitation du Service RADIO JM avec effet rétroactif au 17 février 1984, renouvelable tacitement par reconduction annuelle et toujours applicable.
À partir de l’année 1999, l’ADEJM a sollicité auprès de la SACEM des délais de paiement des redevances, puis s’est acquittée irrégulièrement par des paiements ponctuels et partiels du règlement des redevances dues jusqu’en 2008.
À compter de l’année 2014, l’ADEJM n’a pas satisfait à son obligation de remise des éléments comptables nécessaires au calcul des droits dus et toutes les mises en demeures qui lui ont été adressées à cette fin et pour le paiement des redevances sont demeurées sans réponse.
Le 15 novembre 2021, la SACEM a mis en demeure l’ADEJM de régler la somme de 155 660,35 € au titre des redevances restant dues, lui a réitéré sa demande de communication des éléments comptables de 2014 à 2020 et a sollicité la signature d’un nouveau contrat type couvrant les exploitations délinéarisées de programmes radiophoniques.
Le 19 septembre 2022, la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM ont fait délivrer à l’ADEJM une sommation de payer la somme provisionnelle de 159 521,86 € TTC et de communiquer les pièces comptables nécessaires au calcul des redevances définitives des exercices 2014 à 2021, sans succès.

C’est dans ces circonstances que par acte de commissaire de justice du 24 février 2024, la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM ont fait assigner l’ADEJM devant le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Marseille, aux fins d’obtenir :
-la condamnation de l’ADEJM au paiement de la somme provisionnelle de 110 729,90 € à parfaire correspondant à la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2022, augmentée des pénalités de retard ;
-la condamnation de l’ADEJM à lui communiquer les éléments comptables nécessaires au calcul des redevances définitives pour les exercices 2014 à 2021, à savoir le compte de résultats détaillés et les guides de déclaration des charges du Service Radio JM, complétés par les justificatifs correspondants, sous astreinte de 2000 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours calendaires suivant la signification de l’ordonnance à intervenir, avec réserve de la liquidation de l’astreinte ;
– la condamnation de l’ADEJM au paiement de la somme de 2000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 avril 2024.

À cette date, la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM, représentées par leur conseil, maintiennent les termes de leurs prétentions telles que formées au terme de leurs conclusions récapitulatives n°1 auxquelles il sera renvoyé, actualisent leurs demandes initiales et sollicitent obtenir :
-la condamnation de l’ADEJM à l’exécution forcée du contrat conclu dans les 15 jours de la signification de l’ordonnance à intervenir, à verser la somme provisionnelle de 111 591,34 € TTC correspondant à la période d’exploitation du Service Radio JM pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023 ;
-la condamnation de l’ADEJM à lui communiquer au plus tard dans un délai de 15 jours calendaires suivant l’ordonnance à intervenir, les éléments comptables nécessaires au calcul des redevances définitives pour les exercices 2014 à 2016 et pour l’exercice 2023, à savoir le compte de résultats détaillés pour chacun de ces exercices ;
-la condamnation de l’ADEJM à lui communiquer au plus tard dans un délai de 15 jours calendaires suivant l’ordonnance à intervenir pour chacun des exercices 2014 à 2023 les guides de déclaration des charges du Service Radio JM, complétés par les justificatifs correspondants et voir assortir les demandes de communication visées d’une astreinte de 2000 € par jour de retard à compter de l’expiration du délai de 15 jours calendaires suivant la signification de l’ordonnance à intervenir et se réserver la liquidation de l’astreinte ;
-la condamnation de l’ADEJM au paiement de la somme de 2000 € par application 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ADEJM, représentée par son conseil, développe ses conclusions en référé n°2 auxquelles il convient de se référer, conclut au débouté de l’ensemble des demandes fins et prétentions des sociétés requérantes au motif de l’existence d’une contestation sérieuse, au rejet de la demande de provision formée en référé et de remise de documents contractuels, sollicite voir ordonner aux demanderesses la communication de tous les éléments retenus correspondant à des critères objectifs, transparents et non discriminatoires prévus à l’article L324-6 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, permettant d’appliquer, soit le taux de redevances éventuellement réduits, soit le régime forfaitaire prévu aux articles L 131-4 et L 324-6 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, en application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, sollicite voir ordonner une mesure d’instruction et conclut à la condamnation des sociétés demanderesses au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de son conseil.

SUR CE

Sur les demandes des Sociétés d’Auteurs

Attendu qu’aux termes de l’article 834 du Code de procédure civile, « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différent » ;

Que par application de l’article 835 du même code, « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire » ;

Que dans le cas présent, sur le fondement de l’article 835 du Code de procédure civile, la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM entendent obtenir le paiement de sommes provisionnelles au titre de redevances dues en application du contrat du 22 septembre 1986 les liant à l’ADEJM, pour la période de 2014 à 2023 majorées de pénalités de retard ;

Attendu que le contrat du 22 septembre 1986 prévoit en son article 8, que l’ASSOCIATION est tenue, en contrepartie des autorisations d’utilisation des répertoires généraux des SOCIÉTÉS, au paiement d’une redevance annuelle hors-taxes égale à 5 % du montant total de ses charges constituées par l’ensemble des montants des comptes de la Classe 6 (Comptes de Charges) du Plan Comptable élaboré par le Conseil National de la Comptabilité à l’exclusion du montant total de la TVA réglée, du montant total des salaires et charges sociales des journalistes d’information titulaires de la carte professionnelle délivrée par la Commission Paritaire de la Convention Collective des Journalistes, avec un minimum de 2000 Fr. hors-taxes et qu’au cas où l’ASSOCIATION aurait déclaré aux SOCIÉTÉS que ces diffusions d’œuvres de leurs répertoires ne dépassent pas 30 % de la durée totale des émissions, une réduction de moitié du taux et du minimum de la redevance ;

Que l’ADEJM s’est engagée, au visa de l’article 9 du contrat, à adresser à la SACEM, après la clôture de chaque exercice social le montant total détaillé des comptes de la Classe 6 (Comptes de Charges) du Plan Comptable élaboré par le Conseil National de la Comptabilité ainsi que les documents comptables justificatifs (comptes d’exploitation) ;
Que l’ADEJM, qui s’est acquittée du paiement des redevances jusqu’en 1999, ne justifie d’aucune difficulté quant à l’analyse des dispositions du contrat qu’elle a régularisé, ni d’aucune contestation des nombreuses mises en demeures qui lui ont été adressées ;
Que l’ADEJM ne conteste pas son obligation de paiement mais soutient uniquement qu’il existe une contestation sérieuse quant à l’interprétation de la condition d’application du taux de redevances réduit de 2,5 % ;
Qu’en réalité, l’ADEJM conteste la mise en œuvre du contrat et le quantum des sommes réclamées par la SACEM ;
Que l’examen de cette contestation nécessite l’analyse des comptes de la Classe 6 (Comptes de Charges) du Plan Comptable élaboré par le Conseil National de la Comptabilité pour chaque année à compter de l’année 2014 au regard des dispositions contractuelles et des dispositions légales applicables en la matière ;
Que cette analyse n’entre pas dans les pouvoirs limités du juge des référés et relève de la seule compétence du juge du fond ;
Que pour autant, l’ADEJM, tenue à une obligation de paiement non sérieusement contestable, ne justifie d’aucun règlement effectué en contrepartie de la diffusion des œuvres des Sociétés d’Auteurs entre 2014 et 2023 de sorte qu’il n’est pas contestable qu’elle est débitrice de redevances au titre de ces exercices ;
Qu’en conséquence, l’ADEJM sera condamnée à verser, à titre provisionnel, la somme de 40 000 € à la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM à valoir sur le montant des sommes dues et il appartient à la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM, si elles le souhaitent de saisir le juge du fond de leurs demandes en paiement ;
Attendu que dans le cadre de la présente instance, l’ADEJM verse au débat les comptes de bilan et de résultats des exercices clos au 31 décembre 2018, 31 décembre 2019, 31 décembre 2021 et 31 décembre 2022 ainsi que les comptes annuels du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 ;
Que pour autant, elle ne produit aucun élément comptable au titre des années 2014 à 2016 et pour l’exercice 2023 sollicité par les Sociétés d’Auteurs :
Qu’en conséquence, l’ADEJM sera condamnée à adresser à la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard durant trois mois, les documents comptables, nécessaires au calcul des redevances définitives, suivants :
-les comptes de résultat détaillé pour chacun des exercices 2014 à 2016 et pour l’exercice 2023,
-les guides de déclaration des charges du Service Radio JM, complétés par les justificatifs correspondants ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;

Sur les demandes de l’ADEJM

Attendu que l’ADEJM ne justifie pas de l’applicabilité des dispositions de l’article L 134-6 et et L 324-6 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle au présent litige et ses demandes, qui se heurtent à des contestations sérieuses, seront rejetées en l’absence de toute démonstration de l’existence d’un trouble manifestement illicite ou de la nécessité de prévenir un dommage imminent ;

Sur les demandes accessoires

Attenu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM les frais qu’elles ont dû engager à l’occasion de la présente instance ;

Qu’en conséquence, l’ADEJM sera condamnée à leur verser la somme de 1800 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, en référé et en premier ressort,

CONDAMNONS l’ADEJM à verser à la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM la somme provisionnelle de 40 000 € à valoir sur les redevances dues pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023 de l’intégralité de ses demandes ;
CONDAMNONS l’ADEJM à communiquer à la SACEM, la SACD, la SCAM et à la SDRM dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard durant trois mois, les documents suivants :
– le compte de résultat détaillé pour les exercices 2014 à 2016 et pour l’exercice 2023,
-les guides de déclaration des charges du Service Radio JM, complétés par les justificatifs correspondants ;

DISONS n’y avoir lieu de faire droit au surplus des demandes de la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM ;

DISONS n’y avoir lieu de faire droit aux demandes formées par l’ADEJM ;

CONDAMNONS l’ADEJM à verser à la SACEM, la SACD, la SCAM et la SDRM la somme de 1800 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNONS l’ADEJM aux dépens de l’instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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