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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de Me PRADON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– B… Jean-Claude,
– X… Emmanuel dit François Y…,
– LA SOCIETE SANH, civilement responsable, contre l’arrêt n° 5 (5348/95) de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 4 avril 1996, qui, pour provocation à la discrimination raciale et complicité, a condamné les prévenus à 10 000 francs d’amende chacun a ordonné une mesure de publication, a déclaré la société éditrice civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
“en ce que, par l’arrêt attaqué, la Cour a condamné Jean-Claude B… en sa qualité de directeur de la publication “National Hebdo” et François Y… en sa qualité de journaliste rédacteur de l’article incriminé à la peine de 10 000 francs d’amende, et à payer à la LICRA et au MRAP, parties civiles, des dommages-intérêts et une indemnité au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale, la société Sanh étant déclarée civilement responsable, pour s’être rendus coupables comme auteur principal ou comme complice du délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard des juifs à raison de leur appartenance à la communauté juive, à raison de la publication de la chronique “journal d’un homme libre” parue dans le n° 531 du journal “National Hebdo” daté de la semaine du 22 au 28 septembre 1994 en pages 14 et 15 dans son passage intitulé “Faut-il que je me convertisse ?” ;
“aux motifs que “par la nature des idées exprimées et compte tenu du vocabulaire utilisé, vocabulaire très polémique, le passage poursuivi constitue une provocation à la haine envers les juifs et même une provocation à la discrimination dans la mesure où il est suggéré que les juifs, repliés sur eux-mêmes, ne s’intéressent pas aux problèmes de la France et ne sont pas réellement intégrés dans la nation française” ; que François Y… évoquant “les réactions suscitées au sein de la communauté juive par certaines prises de position de François A… concernant la responsabilité de la France dans l’holocauste”, “met en cause la communauté juive dans son ensemble”, qu’il laisse entendre “que la communauté juive fait preuve d’ingratitude envers François A…”, qu’il n’est pas dit que les attaques contre celui-ci “proviennent d’une fraction extrémiste de la communauté juive, les incidents survenus lors de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv’ (au cours desquels des “énergumènes” ont conspué le président de la République) ne sont évoqués qu’à titre d’exemple”, qu’en qualifiant M. Z… de “procureur des procès de Moscou”, l’auteur “présente, à mots couverts, le journaliste comme porte-parole de la communauté juive chargé, au nom de celle-ci, de mettre en accusation son interlocuteur” ; que François Y… ne se borne pas à critiquer la communauté juive envers François A…, “mais cherche à susciter chez le lecteur des sentiments d’indignation à l’égard des juifs présentés comme orgueilleux, ingrats, intolérants et repliés sur eux-mêmes” ; que “l’auteur laisse entendre que les juifs n’hésitent pas à s’identifier à l’humanité tout entière” ; qu’il “emploie les mots “intolérance”, “oppression” et “opération de destruction” pour désigner l’attitude des juifs, celle de “meute” pour désigner la communauté juive” ; qu’il soutient que les attaques contre François A… “sont uniquement motivées par les actions de ce dernier qui concernent les juifs” et “qu’enfin il invite François A… à mettre à profit les attaques de la communauté juive “pour réconcilier les Français”, suggérant ainsi que les juifs français ne font pas réellement partie intégrante de la nation française” ;
“alors que, d’une part, il ne résultait d’aucune des mentions de l’article incriminé une quelconque “provocation” de son auteur à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard des juifs ou de la communauté juive, que cet auteur émettait seulement une critique de l’attitude violente de certains d’entre eux qualifiés d’ “énergumènes” à l’égard du président de la République, lors de manifestations publiques, et qu’à tout le moins, il ne résultait d’aucun des motifs de l’arrêt que l’auteur de l’article incriminé ait eu une volonté claire et immédiate de provoquer qui que ce soit de manière univoque ;
“alors que, d’autre part, la Cour ne citait aucune des mentions de l’article d’où pouvait se déduire la volonté de son auteur de provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard des juifs ou de la communauté juive, et qu’elle ne pouvait suppléer cette absence de provocation directe, en se référant seulement à des intentions présumées de l’auteur de la provocation prétendue” ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et l’examen des pièces de la procédure mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction, et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, et caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, comme auteur principal et comme complice ; qu’elle a ainsi justifié l’allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer les préjudices découlant de cette infraction ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, réunis en formation restreinte, conformément aux dispositions de l’article L. 131-6 du Code de l’organisation judiciaire : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;