Une juste rémunération des auteurs à 3%

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Une juste rémunération des auteurs à 3%
Ce point juridique est utile ?

La rémunération proportionnelle des auteurs pour les oeuvres réalisées en collaboration (spectacles vivants) doit être définie globalement. Le pourcentage en usage pour la mise en scène en tant qu’oeuvre, ce qui est le cas en l’espèce, est comprise entre 1 et 5% de la recette hors taxes en fonction de la notoriété du metteur en scène et du lieu, les pourcentages à Paris étant plus important qu’en province. La juridiction a estimé qu’ un taux de 3% constitue une juste indemnisation des auteurs.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 20 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02916 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4KW

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n°18/00027, en date du 18 septembre 2020,

APPELANTS :

Madame [L] [X]

née le 04 novembre 1985 à [Localité 3] (21)

domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Guillaume BEAUDOIN, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [S] [D]

né le 28 mars 1985 à [Localité 5] (59)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Guillaume BEAUDOIN, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.R.L. PARTENAIRE PLUS, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 7]

Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Sophie BOUCHARD, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, Présidente d’audience et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire, chargée du rapport,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 4 janvier 2023,

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 Mars 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BUQUANT, Conseiller, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Partenaire Plus exploite deux cabarets, le ‘Paradis des Sources’ à [Localité 8] (Haut-Rhin) et ‘Odysséo’ à [Localité 4]. Entre 2014 et 2017, la Sarl Partenaire Plus a notamment présenté dans ses établissements deux revues, intitulées respectivement ‘Evasion’, ‘Gourmandises’ et a représenté en divers endroits un spectacle pour enfants intitulé ‘Martin et la Boîte à Musique’.

Monsieur [S] [D] et Madame [L] [X] ont participé à la réalisation de ces spectacles pour lesquels ils estiment avoir fait oeuvre créatrice. Par courrier recommandé avec avis de réception du 20 juillet 2017, ils ont mis en demeure la SARL Partenaire Plus de leur payer les droits d’auteurs auxquels ils estiment pouvoir prétendre.

Cette mise en demeure étant demeurée vaine, Monsieur [D] et Madame [X] ont fait assigner la SARL Partenaire Plus devant le tribunal de grande instance de Nancy le 27 décembre 2017 afin de voir dire que la représentation des oeuvres revendiquées sans leur autorisation constitue une contrefaçon et obtenir la réparation de leur préjudice.

Par jugement mixte contradictoire du 18 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– dit que ‘Gourmandises’, ‘Evasion’ et ‘Martin et la boîte à musique’ sont des oeuvres de l’esprit dites de collaboration, au sens du code de la propriété intellectuelle,

– sursis à statuer sur l’ensemble des demandes,

– révoqué l’ordonnance de clôture rendue le 15 octobre 2019,

– ordonné la réouverture des débats,

– invité les parties à produire leurs observations sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir en contrefaçon de Monsieur [D] et Madame [X],

– réservé les dépens,

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 17 novembre 2020 pour les conclusions des demandeurs principaux.

Pour statuer ainsi, le tribunal a dit que les demandeurs avaient fait oeuvre créatrice pour chacun des trois spectacles considérés en cela qu’ils avaient fait des choix artistiques révélant l’empreinte de leur personnalité, afin de rendre unique l’histoire à raconter, à chanter et à danser, tout en restant dans l’esprit du music-hall ; que par ailleurs, le travail de mise en scène était également à prendre en compte ; qu’en effet, la création des décors, le jeu de lumières, le séquençage des scènes et les interprétations théâtrales conféraient une unité à l’ensemble du spectacle ; que dès lors, il y avait lieu de constater que la création intellectuelle constituait également une oeuvre de l’esprit originale au sens du code de la propriété intellectuelle.

S’agissant du spectacle ‘Martin et la boîte à musique’, le tribunal a jugé que l’originalité résultait de la création d’un personnage, de l’adaptation d’un univers du cirque, de l’enchaînement des numéros des artistes et de la recherche d’une morale. Les auteurs avaient fait preuve de créativité, conférant aux récit et spectacle, une individualité propre révélant la personnalité des auteurs.

Le tribunal a rejeté la qualification d’oeuvre collective proposée par la société Partenaire Plus et par voie de conséquence la présomption de titularité qui en découle à son profit au terme des dispositions de l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle.

Il a néanmoins retenu que si la trame générale a été créée par Monsieur [D] et Madame [X], les numéros et chorégraphies étaient le fruit du travail des artistes-interprètes de sorte que chacun des spectacles litigieux constituait une oeuvre indivisible issue de la collaboration des demandeurs et de l’ensemble des intervenants dans chacun des spectacles.

L’oeuvre de collaboration étant la propriété indivise des auteurs et leurs droits devant dès lors être exercés d’un commun accord, le tribunal a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes, et invité les parties à conclure sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir faute de mise en cause des autres auteurs.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 14 décembre 2021, Madame [X] et Monsieur [D] ont relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance d’incident du 19 octobre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Nancy a :

– déclaré recevable l’appel de Madame [X] et Monsieur [D] contre le jugement rendu le 18 septembre 2020,

– condamné la société Partenaire Plus à payer à Madame [X] et Monsieur [D] chacun la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande de la société Partenaire Plus de ce chef,

– condamné la société Partenaire Plus aux dépens de la procédure sur incident.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 23 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [X] et Monsieur [D] demandent à la cour, au visa des articles L. 112-1 et suivants, L. 113-1 et suivants, L. 131-2 à L. 131-5, L. 331-1-3 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, de l’article 1240 du code civil, et des articles 31 et 122 du code de procédure civile, de :

– les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

– infirmer le jugement du 18 septembre 2020 en ce qu’il a :

* dit que « Gourmandises », « Évasion » et « Martin et la Boîte à Musique » sont des ‘uvres de l’esprit dites de collaboration, au sens du code de la propriété intellectuelle,

* invité les parties à produire leurs observations sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir en contrefaçon de Monsieur [D] et Madame [X],

Et, statuant à nouveau,

1) Sur les ‘uvres « Gourmandises », « Évasion » et « Martin et la Boîte à Musique » :

– dire que « Gourmandises », « Évasion » et « Martin et la Boîte à Musique » sont des ‘uvres de l’esprit constituées :

‘ d’une trame générale de l’histoire,

‘ de scènes narratives de théâtre (monologues et dialogues),

‘ d’un titre,

‘ de choix de musiques purement instrumentales ou chantées,

‘ de choix concernant le réarrangement de certaines desdites musiques,

‘ d’une adaptation des paroles de certaines chansons,

‘ de choix des types de numéros visuels souhaités,

‘ de choix du séquençage des scènes narratives de théâtre, des numéros visuels et des ballets,

‘ de choix de la lumière,

‘ de choix de la scénographie,

à l’exclusion des numéros de cabarets, des ballets, des ‘uvres que constituent en elles-mêmes les musiques instrumentales ou chantées, ainsi que des décors,

– dire que « Gourmandises », « Évasion » et « Martin et la Boîte à Musique » sont des ‘uvres de collaboration dont Madame [X] et Monsieur [D] sont les seuls co-auteurs,

– dire que les mises en scène initiales des ‘uvres « Gourmandises », « Évasion » et « Martin et la Boîte à Musique » sont des ‘uvres de l’esprit dont Madame [X] et Monsieur [D] sont les seuls co-auteurs,

– dire que Madame [X] et Monsieur [D] sont seuls titulaires de droits d’auteur sur les ‘uvres « Gourmandises », « Évasion » et « Martin et la Boîte à Musique » et sur leurs mises en scènes initiales respectives,

2) Sur la mise en scène de « Gourmandises » adaptée pour le cabaret « Paradis des Sources »

– dire que la mise en scène de « Gourmandises » adaptée pour le cabaret « Paradis des Sources » est une ‘uvre de l’esprit dont Monsieur [D] est l’auteur,

– dire que Monsieur [D] est seul titulaire de droits d’auteur sur la mise en scène de « Gourmandises » adaptée pour le cabaret «Paradis des Sources»,

En conséquence,

– juger que les demandes de Monsieur [D] et Madame [X] ne se heurtent à aucune fin de non-recevoir,

Et par conséquent, y ajoutant,

À titre principal,

– juger que l’exploitation, par la société Partenaire Plus des ‘uvres « Évasion », « Gourmandises » et « Martin et la Boîte à Musique » constitue, en l’absence de contrat de représentation conclu avec Madame [X] et Monsieur [D], une contrefaçon des droits d’auteur de ces derniers,

– juger que l’exploitation par la société Partenaire Plus, dans son cabaret « Paradis des Sources », de la mise en scène de l”uvre « Gourmandises » constitue, en l’absence de contrat de représentation conclu avec Monsieur [D], une contrefaçon des droits d’auteur de ce dernier,

– condamner la société Partenaire Plus à payer à Madame [X] la somme de 146 811 euros à titre d’indemnisation forfaitaire de son préjudice du fait de l’exploitation contrefaisante des oeuvres dont elle est co-auteur, sauf à parfaire,

– condamner la société Partenaire Plus à payer à Monsieur [D] la somme de 171 545 euros à titre d’indemnisation forfaitaire de son préjudice du fait de l’exploitation contrefaisante des oeuvres dont il est co-auteur, sauf à parfaire,

À titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour devait considérer que l’échange de courriels d’avril 2016 entre Monsieur [D] et Monsieur [I] constituait un contrat de représentation au sens de l’article L. 131-2 du code de propriété intellectuelle,

– juger dérisoire la rémunération tirée par Madame [X] et Monsieur [D] de l’exploitation des oeuvres « Évasion », « Gourmandises » et « Martin et la Boîte à Musique », et de la mise en scène des Spectacles « Gourmandises » pour le cabaret Paradis des Sources,

– juger que Madame [X] et Monsieur [D] ont subi un préjudice financier de plus des 7/12ème,

– réviser et fixer le montant de la rémunération des droits d’auteurs dus à Madame [X] au titre de l’exploitation des oeuvres à 146 811 euros,

– condamner la société Partenaire Plus à payer à Madame [X] la somme de 144 561 euros à titre de complément de rémunération de ses droits d’auteurs relatifs aux oeuvres,

– réviser et fixer le montant de la rémunération des droits d’auteurs dus à Monsieur [D] au titre de l’exploitation des oeuvres à 171 545 euros,

– condamner la société Partenaire Plus à payer à Monsieur [D] la somme de 166 295 euros à titre de complément de rémunération de ses droits d’auteurs relatifs aux ‘uvres,

Dans tous les cas,

– condamner la société Partenaire Plus à verser, au titre de l’indemnisation du préjudice moral subi par chacun :

– à Madame [X], la somme de 5000 euros,

– à Monsieur [D], la somme de 5000 euros,

– débouter la société Partenaire Plus de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société Partenaire Plus à verser au titre l’article 700 du code de procédure civile,

* à Madame [X] :

o la somme de 12000 euros au titre des frais exposés en première instance,

o la somme de 6000 euros au titre des frais exposés à hauteur d’appel,

* à Monsieur [D] :

o la somme de 12000 euros au titre des frais exposés en première instance,

o la somme de 6000 euros au titre des frais exposés à hauteur d’appel,

– condamner la société Partenaire Plus aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 5 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Partenaire Plus demande à la cour, au visa des articles L. 113-1 à L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle, de :

– déclarer la société Partenaire Plus recevable en son appel incident,

A titre principal,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* dit que « Gourmandises », « Evasion » et « Martin et la boîte à musique » sont des ‘uvres de l’esprit dites de collaboration, au sens du code de la propriété intellectuelle,

Au surplus, faire droit à l’appel incident de la société Partenaire Plus et statuant à nouveau :

– déclarer irrecevable Monsieur [D] et Mademoiselle [X] de l’ensemble de leurs actions pour non-respect des dispositions de l’article 113-3 du code de la propriété intellectuelle en vertu desquelles les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord,

A titre subsidiaire,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que « Gourmandises » « Evasion » et « Martin et la boîte à musique » sont des ‘uvres de l’esprit dites de collaboration, au sens du code de la propriété intellectuelle,

– faire droit à l’appel incident de la société Partenaire Plus et statuant à nouveau :

– dire que les spectacles sont des ‘uvres collectives appartenant à la société Partenaire Plus en sa qualité de producteur,

A titre infiniment subsidiaire,

– constater que Monsieur [D] et Mademoiselle [X] ont cédé leurs droits et ont été payés pour leur contribution au spectacle conformément à l’accord passé avec la direction,

En tout état de cause,

– débouter Monsieur [D] et Mademoiselle [X] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la société Partenaire Plus,

– les condamner in solidum à payer à la société Partenaire Plus sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

* la somme de 6000 euros au titre de la procédure de première instance,

* la somme de 10000 euros au titre de la procédure d’appel,

– les condamner in solidum aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 10 janvier 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 17 janvier 2023 et le délibéré au 20 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Madame [X] et Monsieur [D] le 23 décembre 2022 et par la SARL Partenaire Plus le 5 décembre 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 10 janvier 2023 ;

Sur l’originalité des oeuvres revendiquées

A titre liminaire, il convient de préciser que la revendication des appelants porte, pour chacun des spectacles considérés, non pas sur le spectacle pris dans son ensemble mais sur ce qu’ils estiment être leur contribution originale, au-delà des numéros exécutés par les artistes (chants, ballets, numéros de cirques). Ils qualifient leur création de ‘colonne vertébrale du spectacle’ laquelle comporte : une trame générale de l’histoire, des scènes narratives de théâtre, un titre, et des choix portant sur la musique, instrumentale ou chantée, y inclus les arrangements jugés nécessaires de la musique ou du texte, sur le type des numéros présentés, sur le séquençage des scènes de théâtre, ballets et numéros, sur la lumière et la scénographie.

En ce qui concerne la contribution originale au spectacle ‘Evasion’

La trame générale repose sur une enquête menée par un agent secret, Minnie Chérie, chargée de retrouver et d’arrêter une célèbre voleuse de diamants, Lola From Paris, qui projetterait de s’emparer d’une parure de grande valeur. Les recherches conduisent les deux protagonistes d’abord en Irlande, puis au Japon, puis en Russie et enfin au Brésil, donnant lieu à autant de tableaux différents. Lorsque Minnie retrouve Lola et l’arrête, elle découvre qu’il s’agit en fait de son propre frère mystérieusement disparu durant leur enfance.

Sur cette intrigue, le ou les auteurs ont créé les deux personnages, choisi le titre, écrit des dialogues et monologues, choisi et au besoin arrangé les 18 morceaux de musique utilisés en fonction du pays et de l’univers dans lequel ils viennent s’insérer . Ils ont également réalisé une mise en scène de l’ensemble dont le fil conducteur est l’avion, dans lequel les spectateurs sont les passagers, y incluant des vidéogrammes et des éléments scéniques évoquant l’avion : sièges, trolleys, hôtesses et stewards des différents pays et fait des choix appropriés des numéros à inclure : magie, disparitions – réapparition, lévitation, équilibriste, ballets, numéros de tissus.

Ils indiquent enfin avoir créé un séquençage des scènes de théâtre, des numéros de cabaret et de ballets.

Au soutien de leur prétention les demandeurs ont produit un courrier d’envoi d’un script daté du 19/08/2014 (pièce 17), une conduite et un livret (pièce 3) ainsi qu’une captation audiovisuelle du spectacle (pièce 13).

La pièce 3 comporte des textes de monologues, de dialogues et de chansons, sans que le script lui-même, dont il est fait état dans la pièce 8 soit produit. La captation audiovisuelle du spectacle établit cependant la réalisation matérielle effective de l’intrigue ci-dessus exposée.

L’intimée ne produit aucune pièce de nature à démontrer que l’histoire narrée et ses personnages ou la scénographie seraient inspirés d’éléments déjà connus d’une quelconque manière et le cas échéant utilisés dans le cadre d’une revue de cabaret ou d’un autre type de spectacle.

S’il est vrai que le personnage dénommé Lola From Paris correspond au nom choisi par Monsieur [N] et sous lequel il exerce son activité de meneuse de revue, il n’en demeure pas moins que dans le contexte ci-desssus décrit, il devient un des personnages clés d’une histoire qui dépasse clairement le rôle d’une meneuse de revue.

En conséquence, il y a lieu de dire que l’ensemble ainsi créé est original.

En ce qui concerne leur contribution originale au spectacle ‘Gourmandises’

La trame générale expose une anticipation qui se situe d’abord en 2042. Le monde va mal et sa dirigeante décide que les plaisirs qui sont à l’origine de cette situation doivent tous être prohibés, au premier rang desquels l’amour, supposé le plus dangereux.

Le second tableau se situe en 2066, les humains sont devenus sombres, plus de chants, plus de musiques, plus de rires. Cependant la dernière séquence laisse entrevoir qu’il existe un endroit secret où tous les plaisirs sont conservés, le Temple de Gourmandises qui est gardé par Lola From Paris.

La seconde partie du spectacle est consacrée à ce Temple et à la rencontre entre Lola et Minnie Chérie, une jeune femme triste d’avoir perdu l’homme qu’elle aime. Lola l’entraîne dans les différentes pièces de son palais. Cependant Minnie comprend que Lola ne l’aidera jamais à retrouver son amour perdu et décide de quitter les lieux.

Dans la dernière partie, Lola avoue alors à Minnie qu’elle est à l’origine de l’interdiction de l’amour et des plaisirs à la suite d’une déception amoureuse.

Pour se racheter, elle décide de faire exploser le Temple de Gourmandises, libérant les plaisirs qui inondent le monde. Minnie retrouve l’objet de son amour.

Cette trame résulte de la pièce 5 qui présente en détail les différentes parties et au sein de celles-ci les différents tableaux qui se succèdent avec l’indication des musiques, des monologues et dialogues et ainsi que les numéros présentés par les artistes en un séquençage précis.

Une captation audiovisuelle de l’ensemble du spectacle est également produite.

Comme pour la création précédente, les appelants indiquent avoir choisi le titre, les musiques, au besoin adaptées, défini la mise en scène et les numéros d’artiste à présenter au cours des différentes séquences, le tout en fonction de l’intrigue, de son avancée et de l’état d’esprit des personnages créés.

De l’ensemble de la trame et de ces choix résulte une originalité propre reflétant la personnalité de leurs auteurs.

En ce qui concerne l’adaptation de la mise en scène de ‘Gourmandises’ pour le cabaret Paradis des Sources

Le spectacle Gourmandises qui avait été présenté en premier lieu au cabaret Odysséo au cours de la saison 2015-2016 a été présenté au cabaret le Palais des Sources au cours de la saison 2016-2017. Monsieur [D] en a adapté seul la mise en scène et revendique avoir à cette occasion réalisé une création nouvelle et originale, en développant une scénographie grandiose qui a inclus des dessins et instructions pour la fabrication d’éléments de décors géants : Kouglof, candy bar, donjon sexuel avec des chaînes, un nuage balançoire, un nouveau bureau pour Lola from Paris, des bidons lumineux, des lettres et une bouteille de champagne de trois mètres de haut. Il produit à cet égard un certain nombre de photographies et quatre dessins transmis au responsable des décors (pièce 18). Il indique avoir choisi une nouvelle musique pour un des tableaux, introduit plusieurs numéros supplémentaires dans la revue, modifié le dénouement, introduit des transitions et recalculé le chronométrage des séquences.

La captation audiovisuelle de ce spectacle est produite en pièce 16.

De l’ensemble des documents produits il résulte que l’objectif poursuivi par Monsieur [D] a consisté à adapter la mise en scène d’origine pour un cabaret comportant un plateau beaucoup plus grand que celui du cabaret Odysséo, ce qui impliquait notamment de revoir les décors. Cependant, le thème général et l’ensemble des choix opérés au départ sont restés les mêmes. Le changement d’une musique, l’ajout de plusieurs numéros d’artistes et d’un visuel de fin ainsi que les travaux de chronométrage des séquences ne sont pas de nature conférer à cette mise en scène une originalité propre.

Monsieur [D] sera donc débouté de ce chef.

En ce qui concerne la contribution originale au spectacle ‘Martin et la Boîte à Musique’

Il s’agit ici d’un spectacle de Noël pour enfants. La pièce n° 19 expose la trame générale qui peut être résumée ainsi :

Un petit garçon prénommé Martin attend la venue du Père Noël et refuse de s’endormir car il veut le voir. Ses parents endormis, il se cache sous la table du salon. Entendant du bruit, il se trouve face à un groupe de lutins et de poupées.

Les lutins déposent au pied du sapin une étrange boîte, une lettre et une clé. En tournant celle-ci, la boîte s’ouvre et dévoile en musique un cirque miniature. Par magie, le cirque devient un grand chapiteau, alors que Martin devient minuscule. Les artistes du cirque prennent vie et présentent un spectacle grandiose qui éblouit l’enfant.

Le temps passant et le Père Noël n’étant toujours pas arrivé, Martin s’interroge : et si comme le lui avait dit sa maman le Père Noël ne venait que lorsque les enfants sont endormis’ Il voudrait retourner dans sa chambre et retrouver ses doudous mais ne le peut du fait de sa taille minuscule. Le merveilleux spectacle de cirque continue. Pourtant Martin désespère de voir de Père Noël et de recevoir les cadeaux espérés. Il pleure.

Puis soudain ses doudous arrivent pour le consoler. Ils lui expliquent qu’il s’est endormi au son de la musique lorsqu’il a ouvert la boîte. Au matin, ses cadeaux seront au pied du sapin.

La trame de cette histoire, racontée en voix off, introduit plusieurs séquences de numéros classiques de cirque et de ballets le tout dans des décors et avec des musiques choisis par les appelants.

Il n’est pas contesté que les appelants ont réalisé la mise en scène de ce spectacle et aucune pièce n’est produite par l’intimée de nature à établir que la trame trouverait son inspiration dans une histoire déjà connue.

Qu’ainsi il y convient de dire qu’il s’agit d’une création originale portant l’empreinte de la personnalité de ses auteurs.

Sur la nature juridique des oeuvres en cause

L’oeuvre collective

Selon l’article L113-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre collective est une oeuvre créée à l’initiative d’une personne morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous son nom et dans laquelle la contribution de chacun des auteurs se fond dans l’ensemble sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.

Tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce, car chacunes des revues et spectacles ici considérés est constitué de numéros de danse, de cirque, de chant et/ou de scènes de théâtre qui sont parfaitement individualisables car ils relèvent de genres artistiques différents. Si chacun de ces artistes ou auteurs participe à un même spectacle lors d’une représentation donnée, les numéros peuvent varier d’une représentation à l’autre, ce qui n’est pas contesté par la société Partenaires Plus. De plus, ainsi que le montrent les dépliants publicitaires, les noms des metteurs en scène et du chorégraphe notamment sont précisés et mis en exergue.

La qualification d’oeuvres collectives ne peut donc pas être retenue.

L’oeuvre composite

Une telle qualification suppose quant à elle l’existence d’une ou de plusieurs oeuvres pré-existantes incorporées dans une oeuvre seconde. Pour que cette qualification puisse être retenue, il conviendrait que la cour dispose d’éléments précis et individualisés lui permettant de déterminer si les numéros exécutés par les artistes constituent des créations originales portant l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs, au-delà de la qualité et de la technicité de l’exécution des numéros. Or, tel n’est pas le cas.

Par ailleurs, l’article L 113-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’oeuvre composite incorpore dans une oeuvre nouvelle une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière. Cette condition n’est pas satisfaite en l’espèce, de sorte cette qualification ne peut être retenue.

Il y a donc lieu de dire que les oeuvres intitulées ‘Gourmandises’ et ‘ Martin et la Boîte à Musique’ sont des oeuvres de collaboration auxquelles ont concouru M. [D] et Mme [X], personnes physiques au sens de l’article L 113-2 §3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que l’a retenu le premier juge.

Il reste cependant à déterminer quel est le périmètre des oeuvres de collaboration dont s’agit.

Les appelants revendiquent avoir travaillé ensemble et seuls à la création des scénarios considérés (trames générales, intrigues, personnages, dialogues, mises en scène, et aux choix des titres, des musiques et arrangements) ainsi qu’il a été dit ci-dessus et ce indépendamment des numéros présentés par les artistes de cirque, chanteurs et danseurs.

Le jugement contesté a dit au contraire que les spectacles considérés constituaient chacun une oeuvre indivisible issue de la collaboration de plusieurs auteurs, incluant les artistes, créateurs de leurs propres numéros qui préexistaient, les appelants n’ayant fait qu’y apporter des modifications. Il a estimé que les numéros de cirque, ballets et parties chantées pouvaient être exploités indépendamment de la trame, laquelle à l’inverse serait privée de toute originalité sans l’apport des premiers. Il en a déduit que le régime de l’indivision devait s’appliquer et a soulevé d’office la question de la recevabilité de l’action des demandeurs faute de mise en cause de l’ensemble des co-auteurs conformément aux dispositions de l’article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle.

Aux termes de ce texte, l’oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer. Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’oeuvre commune.

L’analyse du tribunal ne peut être suivie pour plusieurs raisons :

D’une part, il n’est pas démontré par la société Partenaires Plus que les contributions des artistes seraient originales.

D’autre part, à supposer qu’elles le soient, elles appartiennent chacune à des genres différents ainsi qu’il ressort suffisamment de l’exposé précédent, de sorte que, quand bien même les revues constitueraient des entités indivisibles, chacun des auteurs a la possibilité d’exploiter sa contribution personnelle, sous la réserve de ne pas nuire à l’oeuvre commune. Les appelants ne le discutent pas.

Enfin et surtout, le caractère d’indivisibilité de l’ensemble constitué entre la contribution des appelants telle que ci-dessus définie et les apports des artistes individuels n’existe pas. S’il est vrai que, comme l’a retenu le premier juge, les artistes peuvent exploiter leur travail indépendamment dans d’autres spectacles ou revues, il ne peut pour autant être retenu qu’en l’absence des numéros présentés par les artistes, les contributions des appelants seraient privées d’originalité, ce qui conduit à faire dépendre l’originalité du travail des appelants aux seules prestations des artistes, en contradiction avec les motifs retenus lors de l’examen de ladite originalité tels que développés dans le jugement en cause. S’il est vrai que la trame générale du spectacle inclut nécessairement des numéros dans des genres différents, ces derniers sont sans influence sur l’originalité de la conception ainsi définie.

Par ailleurs et dans les faits, il est établi que les numéros sont choisis en fonction de la trame et du scénario ou adaptés au besoin selon les instructions données par les demandeurs, de même qu’un numéro peut être remplacé par un autre sans pour autant affecter ou induire des modifications du scénario original.

En conséquence, il y a lieu de dire que les oeuvres Gourmandises et Martin et la Boîte à Musique créées par Madame [X] et Monsieur [D] constituent des oeuvres de collaboration entre eux seuls, de sorte que leur action est recevable. Le jugement sera donc infirmé.

Sur la participation de Madame [X] à l’oeuvre ‘ Evasion’

L’intimée conteste toute intervention de Madame [X] à la création de ce spectacle dans le cadre duquel elle serait exclusivement apparue selon elle en qualité de chanteuse.

Il incombe à chacun des auteurs d’une oeuvre de collaboration de démontrer la réalité de son apport créatif. Or, pour cette oeuvre, aucune preuve n’est versée aux débats établissant l’apport de Madame [X]. D’une part, elle n’est pas créditée de la mise en scène dans le prospectus (Pièce 4). L’affirmation de Monsieur [D] selon laquelle ils ont travaillé en commun à cette oeuvre sans autre indication est insuffisante. La pièce 17 montre que Monsieur [D] a adressé la conduite détaillée à Monsieur [U] et à Mme [X] en indiquant notamment : ‘C’est une feuille de travail avec mes codes de travail… il y a la plus grosse partie des scènes parlées que je vous donne également en pièces jointes’. Cette formulation ne fournit aucun indice de participation de l’intéressée. Le témoignage de Monsieur [Z] (pièce 26) indique que pour le numéro qu’il exécute avec son épouse, ‘[L] et [S] ont changé la musique et adapté pour que cela colle mieux à leur univers. Le deuxième numéro était un numéro de tissus aérien, là aussi la musique a été changée pour aller avec leur scénario’. Or, le seul fait de remplacer une musique par une autre n’est pas créatif en lui-même.

Le mail du 10/08/2015 (pièce 32) par lequel Madame [X] transmet la musique, un texte ainsi qu’un enregistrement de voix, fait référence au premier numéro de sable de sorte qu’il ne peut concerner que ‘Gourmandises’ qui en comporte deux, ce qui est confirmé par la date d’envoi correspondant à la période de création de cette oeuvre.

Aucun autre des éléments versés aux débats n’apportant la démonstration de l’apport créatif de Madame [X], celle-ci sera déboutée de ses demandes concernant cette oeuvre, sa participation ne pouvant relever que de l’aspect matériel de la mise en scène.

Monsieur [D] est donc le seul titulaire des droits de l’auteur de cette oeuvre.

Sur la contrefaçon

Aux termes des dispositions de l’article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle , constitue le délit de contrefaçon, toute reproduction, représentation ou diffusion par quelque moyen que ce soit d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.

Il est constant que les oeuvres ‘Evasion’, ‘Gourmandises’ et ‘Martin et la Boîte à Musique’ ont été exploitées par la société Partenaire Plus sous la forme de représentations dans ses cabarets et sous chapiteaux en divers endroits pour la dernière citée.

Aux termes des dispositions de l’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle, les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d’exécution.

Les contrats par lesquels sont transmis les droits de l’auteur doivent être constatés par écrit.

Dans tous les autres cas, les dispositions des article 1359 à 1362 du code civil sont applicables.

Il est admis que l’écrit est exigé à titre de preuve et non comme condition de validité du contrat.

La société Partenaire Plus estime que les échanges de courriels intervenus en avril 2016 (pièce 11 de l’intimée) entre son gérant et Monsieur [D] établissent un accord entre les parties et constituent un commencement de preuve par écrit au sens de l’article 1362 du code civil qui viendrait suppléer l’absence de contrat.

Il y a lieu de relever en premier lieu que le recours à l’application des articles 1359 à 1362 du code civil relatif à la preuve ne trouvent à s’appliquer que ‘ dans les autres cas’ c’est à dire ceux énoncés dans les paragraphes qui précèdent, de sorte qu’il est exclu pour un contrat de représentation.

En second lieu, en avril 2016, plusieurs représentations ont déjà eu lieu depuis la saison 2014-2015, sans qu’il en soit aucunement fait état dans ces courriers.

Par ailleurs, Madame [X] n’est pas intervenue dans cet échange dans lequel elle ne figure pas même comme destinataire en copie.

Enfin, du contenu de ces messages il résulte que dans le premier Monsieur [I] propose à Monsieur [D] de lui donner une enveloppe budgétaire de 9000 euros correspondant à ‘la mise en scène au Paradis et le transfert de Gourmandise en Alsace’, la mise en scène d’Evasion dans un autre cabaret, si l’opération de reprise se réalise et enfin la mise en scène du spectacle les Stars du Cirque, version après-midi familles. Si le projet de reprise ne voit pas le jour, le budget sera ramené à 6000 euros. Il précise qu’il s’agit d’un budget global comprenant notamment, ‘la cession ou dispense si ça existe de tous droits d’auteur, de création ou d’autres’. Il prévoit que Monsieur [D] aura la responsabilité complète des spectacles à valider par Monsieur [I] ou [P] qui sont ses deux seuls ‘supérieurs hiérarchiques’.

En retour, Monsieur [D] demande une rémunération de 13000 euros pour trois spectacles ou de 9000 euros s’il n’en existe que deux à monter. Il ajoute notamment, ‘ nous sommes disposés à renoncer à nos droits d’auteur pendant l’exploitation jusque juin 2017 si tu acceptes notre proposition’.

Dans sa réponse datée du 8 avril 2016, Monsieur [I] indique qu’il peut valider la commande sur la base de la demande de Monsieur [D], ‘ mais ne veut à aucun moment se trouver coincé avec quelconques droits’. Il précise ensuite: ‘ Ce spectacle comme tous nos spectacles peuvent (sic) partir à l’extérieur l’année prochaine ou plus tard c’est pourquoi je veux acheter libre de droits comme ça, je ne serai pas ennuyé avec ça ! Evidemment, je ne demande pas l’exclusivité de droits, seulement la liberté.’

Il ajoute encore que c’est ainsi qu’il pratique depuis toujours sans problème pour personne et qu’il est important pour lui que cela perdure.

L’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que : ‘La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

Lorsque des circonstances spéciales l’exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du premier alinéa du présent article….’

Il n’est en l’espèce justifié d’aucune circonstance particulière justifiant l’impossibilité d’un contrat écrit et l’échange de courriels ne comporte aucune délimitation des droits qui auraient été cédés, de sorte qu’il est exclu de considérer qu’il puisse valoir contrat de représentation.

De plus la lecture du dernier courrier de Monsieur [I] montre que la société Partenaire Plus dont il est le gérant entend pouvoir utiliser pour l’avenir le travail créatif de mise en scène à sa guise avec pour seule contrepartie un paiement forfaitaire qui n’est pas applicable en un tel cas où la rémunération proportionnelle est la règle. Toutefois aucune exploitation n’a eu lieu au-delà de juin 2017.

En exploitant tant les oeuvres intitulées ‘Evasion’, ‘ Gourmandises’ et ‘Martin et la Boîte à Musique’ sans disposer d’un contrat de représentation écrit et signé par leurs auteurs, la société Partenaire Plus a commis des actes de contrefaçon au préjudice des auteurs au sens de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle.

Sur l’indemnisation du préjudice

Le préjudice matériel

Il convient de retenir que les sommes effectivement payées par la Société Partenaire Plus aux appelants correspond aux cachets qui leur étaient dus pour la réalisation matérielle de la mise en scène laquelle s’analyse en un travail salarié.

La rémunération proportionnelle des auteurs pour les oeuvres réalisées en collaboration entre Monsieur [D] et Madame [X] sera définie globalement, à charge pour eux de procéder à sa répartition entre eux en fonction de leur investissement respectif, la cour ne disposant d’aucun élément permettant de considérer qu’il a été identique de sorte qu’il y aurait lieu de partager par moitié ainsi qu’il est demandé.

Des documents versés aux débats (pièces 21 et 51), il résulte que le pourcentage en usage pour la mise en scène en tant qu’oeuvre, ce qui est le cas en l’espèce, est comprise entre 1 et 5% de la recette hors taxes en fonction de la notoriété du metteur en scène et du lieu, les pourcentages à [Localité 6] étant plus important qu’en province.

Au regard de ces éléments, la cour estime qu’ un taux de 3% constitue une juste indemnisation des auteurs.

Selon les comptes fournis par l’intimée (attestation de l’expert comptable pièce 14), les recettes HT des revues et du spectacle ‘Martin et la Boîte à Musique’ s’établissent ainsi qu’il suit :

Odysséo :

‘Evasion’ 2014/2015 : – 258 998 euros

‘Gourmandises’ 2015/ 2016 : – 256 340 euros

Palais des Sources :

saison 2016/2017 :

‘Gourmandises’ : – 565 240 euros

ADN (Arbre de Noël) : – 35 079 euros

En conséquence, il sera alloué à Monsieur [D] la somme de 7 769,64 euros au titre de ‘Evasion’et à [D] et à Mme [X] la somme globale de 25 699 euros au titre des autres spectacles.

Sur le préjudice résultant de l’atteinte au droit moral

Le droit moral de l’auteur sur ses oeuvres comprend le droit de divulgation, le droit de retrait, le droit à la paternité et le droit au respect desdites oeuvres.

Les demandeurs n’expliquent pas en quoi ces droits auraient été violés en l’espèce. Les divulgations ont eu lieu en leur présence et sans opposition de leur part, leurs noms ont été portés sur les plaquettes diffusées ainsi qu’il a été dit.

Il est fait état de modifications opérées sans leur accord. Cependant, faute de toutes précisions quant aux dates, lieux et nature des représentations comportant ces modifications, la preuve d’atteintes au droit au respect des oeuvres n’est pas rapportée.

Les appelants seront déboutés de ce chef de demande.

Sur les frais et dépens

La société Partenaire Plus étant condamnée sur l’essentiel des chefs de demandes sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il sera en outre alloué aux appelants la somme globale de 15 000 euros au titre de leurs frais de défense, non inclus dans les dépens sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 18 septembre 2020,

Statuant à nouveau,

Dit que la conception des mises en scène des spectacles intitulés ‘Evasion’, ‘Gourmandises’ et ‘Martin et la Boîte à Musique’ constituent des oeuvres de l’esprit originales protégeables au titre du droit d’auteur,

Dit que Monsieur [S] [D] est le seul auteur de l’oeuvre ‘ Evasion’ telle que ci-dessus définie,

Dit que les oeuvres ‘Gourmandises’ et ‘Martin et la Boîte à Musique’ telles que ci-dessus définies sont des oeuvres de collaboration conçues par Monsieur [S] [D] et Madame [L] [X],

Dit qu’en représentant ces oeuvres en violation des droits des auteurs la Sarl Partenaire Plus a commis des actes de contrefaçon,

En conséquence,

Condamne la Sarl Partenaire Plus à payer à Monsieur [D] la somme de 7 769,64 euros (SEPT MILLE SEPT CENT SOIXANTE-NEUF EUROS ET SOIXANTE-QUATRE CENTIMES) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exploitation de l’oeuvre ‘Evasion’,

Condamne la Sarl Partenaires Plus à payer à Monsieur [S] [D] et à Madame [L] [X] la somme globale de 25 699 euros (VINGT-CINQ MILLE SIX CENT QUATRE-VINGT-DIX NEUF EUROS) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exploitation des oeuvres ‘Gourmandises’ et ‘Martin et la Boîte à Musique’,

Déboute Monsieur [S] [D] de sa demande relative à la seconde mise en scène de ‘Gourmandises’,

Déboute Monsieur [S] [D] et Madame [L] [X] de leurs demandes fondées sur l’atteinte au droit moral,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Sarl Partenaire Plus à payer à Monsieur [S] [D] et à Madame [L] [X] la somme globale de 15 000 euros (QUINZE MILLE EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseiller à la Cour d’appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : M. BUQUANT.-

Minute en seize pages.


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