Produits cosméto-textiles : quelle classe de marque viser ?

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Produits cosméto-textiles : quelle classe de marque viser ?
Ce point juridique est utile ?

S’agissant de la sous-catégorie autonome des produits cosméto-textiles, si l’EUIPO a décidé dès 2022 que “les produits cosméto-textiles ne sont pas des produits cosmétiques classiques et ils constituent une sous-catégorie pertinente dans la mesure où leur application s’opère via des vêtements”, il avait au contraire retenu dans sa décision 33 763 du 11 juin 2020 que “les produits de la titulaire peuvent être classés en classe 25 ainsi qu’en classe 3 dans la mesure où des produits d’habillement sont vendus parce qu’ils contiennent des cosmétiques, des huiles essentielles ou des lotions pour les cheveux”, que “les cosmétiques peuvent être apposés directement sur la peau ou indirectement via (…) des vêtements” et que “le fait que la méthode d’utilisation des produits soit inhabituelle n’en affecte pas leur nature”.

Le critère central dans la définition d’une sous-catégorie autonome est celui de la finalité des produits ou services (CJUE 22 octobre 2020, C-720/18, Ferrari SPA).

Or, les produits cosméto-textiles ont pour finalité la modification et l’embellissement de l’aspect de la peau, la bonification du corps, incluant l’amincissement par application cutanée de produits cosmétiques, ou encore l’hydratation, qui est bien celle des cosmétiques en général si bien que les caractéristiques des produits en cause n’apparaissent pas pertinentes pour la définition d’une sous-catégorie autonome.

Aucune des deux décisions rendues par l’INPI et l’EUIPO n’est donc exécutoire et la protection conférée par ces titres doit être examinée au regard des produits et services visés à l’enregistrement pour la marque française.

Résumé de l’affaire

L’affaire oppose la société Skin’up à la société Univers pharmacie et à M. [C], concernant la contrefaçon de marques dans le domaine des produits cosmétiques. Skin’up détient des marques enregistrées pour des produits cosmétiques, tandis que Univers pharmacie commercialise des produits sous des marques similaires. Des décisions de déchéance des droits de Skin’up sur certaines marques ont été prononcées par l’INPI et l’EUIPO. Skin’up réclame des dommages et intérêts pour préjudice économique et moral, tandis que Univers pharmacie et M. [C] contestent toute contrefaçon et réclament des dommages et intérêts pour préjudice subi. L’affaire est en attente de jugement.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 juin 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
21/14032
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

N° RG 21/14032
N° Portalis 352J-W-B7F-CVQAP

N° MINUTE :

Assignation du :
10 Novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 14 Juin 2024
DEMANDERESSES

S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE pris en la personne de Me [B] [I], es-qualité d’Administrateur judiciaire de la société SKIN’UP
[Adresse 4]
[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. [X]-FLOREK pris en la personne de Me [B] [X], es-qualité de Mandataire judiciaire de la société SKIN’UP
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]

S.A.S. SKIN’UP
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentées par Maître Sonia-maïa GRISLAIN de la SELEURL GRISLAIN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0035

et par Maître Karine ETIENNE, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant.

DÉFENDEURS

S.A.S. UNIVERS PHARMACIE
[Adresse 7]
[Localité 8]

Monsieur [R] [C]
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentés par Maître Sébastien BEAUGENDRE de la SELARL CABINET HUBERT BENSOUSSAN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0262
Copies délivrées le :
– Maître [W] #A35 (exécutoire)
– Maître [H] #A262 (ccc)

Décision du 14 Juin 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 21/14032 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVQAP

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Véra ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assistés de Quentin CURABET, greffier

DEBATS

A l’audience du 29 Mars 2024 tenue en audience publique, tenue en audience publique devant Véra ZEDERMAN et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l’audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Juin 2024, avis à été donné aux avocats que la décision serait prorogée au 14 juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Skin’up, qui fabrique et commercialise des vêtements confectionnés dans des textiles comportant des microcapsules contenant elles-mêmes des actifs cosmétiques (ci-après “cosméto-textiles”), est titulaire :- d’une marque verbale française Skin’up, déposée et enregistrée le 17 mai 2004 sous le numéro 3293789 pour désigner des produits relevant des classes 3 (préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres, masques de beauté ; produits de rasage ; produits pour la conservation du cuir (cirages) ; crèmes pour le cuir), 18 (cuir et maroquinerie) et 25 (vêtements),
– d’une marque internationale Skin’up visant l’Union européenne, déposée et enregistrée le 12 janvier 2006 sous le numéro 876 928 pour désigner notamment des produits cosmétiques relevant des classes 3 (ramenée pour l’Union européenne aux cosmétiques, huiles essentielles et lotions pour les cheveux depuis la décision d’annulation 33 763 de l’EUIPO du 11 juin 2020) et 25,
ci-après désignées par les marques Skin’up.

Depuis le 27 novembre 2018, elle reproche à M. [R] [C] pharmacien et dirigeant de la société Univers pharmacie, et à celle-ci de commercialiser des produits cosmétiques sous les marques françaises verbale et semi-figuratives Up skin dont M. [C] est titulaire : – la marque semi-figurative française, enregistrée le 22 janvier 2018 sous le numéro 4421526 dans les classes 3, 15, 16, 18 et 35 pour désigner notamment des savons, parfums, huiles essentielles et cosmétiques,
– la marque semi-figurative française (identique à la précédente mais sans la partie inférieure Paris), enregistrée le 10 avril 2017 sous le numéro 4353429 dans les classes 3, 5, 16, 18 et 35 pour désigner notamment des savons, parfums, cosmétiques et des produits de cuir,
– la marque verbale française Up skin, enregistrée le 1er mars 2017 sous le numéro 4342012 dans les classes 3 et 5 pour désigner notamment des savons, parfums et cosmétiques.
Le 11 décembre 2018, M. [C] a renoncé aux marques numéro 4353429 et 4342012.

Le 1er octobre 2020, la société Univers pharmacie a saisi le directeur de l’INPI et l’EUIPO afin de voir la société Skin’up déchue de ses droits sur ses marques pour tous les produits de la classe 3, ou subsidiairement sauf la seule sous-catégorie autonome des vêtements cosméto-textiles assortis d’une brume amincissante.
Par décision du 20 juin 2022, le directeur de l’INPI a prononcé la déchéance des droits de la société Skin’up à compter du 1er octobre 2020 sur la marque française 3293789 pour désigner les produits suivants relevant de la classe 3 : “Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfums, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage ; produits pour la conservation du cuir (cirages) ; crèmes pour le cuir.”La cour d’appel de Colmar a confirmé cette décision par arrêt du 30 août 2023.
Un pourvoi a été formé contre cet arrêt.

Par décision du 23 juillet 2022, l’EUIPO a déchu la société Skin’up de ses droits sur la marque n°876928 à compter du 1er octobre 2020, pour les “cosmétiques à l’exception des produits cosméto-textiles et leurs recharges ; huiles essentielles ; lotions pour les cheveux”. La société Skin’up a formé un recours contre cette décision devant la chambre de recours le 26 juillet 2022.
Par acte du 29 juin 2021, la société Skin’up a fait assigner la société Univers pharmacie et M. [C] en référé ; par ordonnance du 4 octobre 2021, le juge des référés a interdit à la société Univers pharmacie de fabriquer, vendre et distribuer des produits cosmétiques, en France et sur le territoire de l’Union européenne, revêtus du signe “Up skin Paris” sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et l’a condamnée à payer à la société Skin’up la somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice moral.
Par acte du 10 novembre 2021, la société Skin’up a fait assigner la société Univers pharmacie et M. [C] devant le présent tribunal en contrefaçon et indemnisation de son préjudice.
Dans ses troisièmes et dernières conclusions signifiées le 3 mars 2023, la société Skin’up demande au tribunal de :- débouter M. [C] et la société Univers pharmacie de l’ensemble de leurs demandes,
– prononcer l’annulation et la radiation de la marque semi-figurative française déposée le 22 janvier 2018, sous le n° 4 421 526 et ordonner la transmission par le greffe de la décision à intervenir auprès de l’INPI pour transcription au Registre national des marques,
– prononcer diverses mesures d’interdiction, de rappel et destruction,
– condamner solidairement la société Univers pharmacie et M. [C] à lui payer la somme forfaitaire de 20.000 euros au titre de l’atteinte à ses droits de marques, une provision de 150.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice économique subi en France et en Union européenne, qui sera définitivement déterminé après communication des informations comptables, et la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant son préjudice moral,
– ordonner à la société Univers pharmacie au titre du droit à l’information de lui communiquer sous astreinte les documents comptables certifiés indiquant l’étendue des actes de contrefaçon précités commis en France et en Union européenne du 1er mars 2017 au 26 janvier 2022,
– convoquer à nouveau les parties à une prochaine audience pour statuer sur son préjudice définitif,
– prononcer des mesures de publication du jugement,
– condamner solidairement la société Univers pharmacie et M. [C] aux dépens et à lui payer la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir.

La société Skin’up ayant bénéficié d’une procédure de sauvegarde ouverte par jugement du 5 décembre 2023 du tribunal de commerce de Tours, la SELARL Trajectoire (Me Julien Zetlaoui), et la SELARL [X]-Florek (Me Julien Villa) sont intervenus volontairement à l’instance ès qualités respectivement d’administrateur et de mandataire judiciaire par conclusions signifiées le 16 février 2024 afin de reprendre à leur compte les demandes formées dans la procédure.
Dans leurs sixièmes et dernières conclusions signifiées le 14 février 2024, la société Univers pharmacie et M. [C] demandent au tribunal de :A titre principal,
– surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt que la Cour de cassation rendra sur pourvoi à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Colmar du 30 août 2023 ;
A titre subsidiaire,
– débouter la société Skin’up et les organes de sa procédure collective de l’ensemble de leurs demandes,
– inscrire au passif de la procédure collective de la société Skin’up les sommes de
11.500 euros au titre des restitutions de sommes versées par la société Univers pharmacie à la société Skin up en exécution de l’ordonnance du 4 octobre 2021,
345,20 euros au titre des frais d’huissier pour faire dresser constat du retrait par la société Univers pharmacie de la commercialisation des produits sous la marque Skin up Paris, 24.071,85 euros au titre des pertes éprouvées et du gain manqué,
25.000 euros en réparation du préjudice moral pour la société Univers pharmacie et
25.000 euros en réparation du préjudice moral pour M. [C],
– ordonner une expertise judiciaire avec pour mission d’évaluer le préjudice économique subi par la société Univers pharmacie et celui subi par M. [C],
A titre plus subsidiaire,
– dire qu’il n’y a pas lieu d’allouer une somme supplémentaire au titre de la contrefaçon par rapport à la provision fixée par le juge des référés,
– condamner la société Skin’up et les organes de sa procédure collective aux dépens de l’instance et fixer au passif une créance de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déroger à l’exécution provisoire pour toute condamnation au bénéfice de la société Skin’up.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 février 2024, elle a déclaré la même créance au passif de la procédure collective.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 février 2024.
MOYENS DES PARTIES

Aucune des parties – notamment pas les défendeurs dont c’est la demande principale – ne conclut sur la demande de sursis à statuer.
S’agissant de la contrefaçon, la société Skin’up soutient que : – ses marques sont valides pour protéger les produits cosmétiques de la classe 3 ;
– la décision du 20 juin 2022 de l’EUIPO n’est pas définitive et contredit une décision antérieure du 11 juin 2020 par laquelle il avait constaté l’usage sérieux de sa marque pour les cosmétiques, huiles essentielles et lotions pour les cheveux ;
– les cosméto-textiles sont avant tout des cosmétiques et les “recharges” sont en réalité des produits qui peuvent être utilisés seuls et sont similaires aux cosmétiques en ce qu’ils ont la même finalité et la même clientèle, de sorte qu’ils ne sont pas suffisamment différenciés pour constituer une sous-catégorie autonome ;
– quand bien même le seraient-ils, les produits vendus par la société Univers pharmacie sont similaires aux produits cosmétiques, le consommateur pouvant raisonnablement croire qu’il s’agit de produits complémentaires, apparentés ou présentant un lien avec les produits cosmétiques objets de la sous-catégorie ;
– les marques querellées Up skin sont quasi-identiques ou au moins très fortement similaires à ses marques Skin’up et sont enregistrées pour des produits cosmétiques strictement identiques ;
– jusqu’à janvier 2022, la société Univers pharmacie a exploité la marque litigieuse pour désigner
notamment des gels lavant intimes, shampoings, après-shampoings, crèmes de douche et laits pour le corps qui constituent des produits cosmétiques selon la définition donnée par l’article L. 5131-1 du code de la santé publique ;
– la quasi-identité de signes pour les mêmes produits est de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine des produits, accentué par l’identité partielle des réseaux de distribution ;
– M. [C] a commis des actes de contrefaçon en donnant licence de ses marques à la société Univers pharmacie pour vendre des cosmétiques et celle-ci aussi en les offrant à la vente.

En conséquence, elle fait valoir que :- les marques postérieures Up skin doivent annulées du fait qu’elles sont contrefaisantes.
– depuis leur dépôt, en mars 2017, et jusqu’au retrait des produits en janvier 2022, l’exploitation des marques lui a causé un préjudice économique en l’empêchant de se développer sur le marché des pharmacies, en freinant son développement international et en retardant le lancement de son site internet et dont un droit d’information permettra la détermination ;
– elle a également subi un préjudice moral du fait de la dépréciation, la banalisation et l’avilissement de sa marque Skin’up.

Elle s’oppose aux demandes reconventionnelles du fait que les mesures exécutées étaient parfaitement justifiées et que le préjudice allégué n’est aucunement établi tandis que la mesure d’expertise doit être rejetée comme visant à suppléer la carence des défendeurs dans l’administration de la preuve.
La société Univers pharmacie et M. [C] font valoir qu’aucune contrefaçon de marque ne peut leur être reprochée en ce que :- la société Skin’up n’a pas de titre pour s’opposer à la vente de lotions pour les cheveux, shampooing, savons et sticks à lèvres Up skin ayant été déchue de ses droits de marque de l’Union européenne pour ces produits, qui ne relèvent pas de la sous-catégorie autonome des produits cosméto-textiles et leurs recharges, et devant l’être également de ses droits pour la marque française ;
– il est indifférent que des recours soient pendants contre les décisions de déchéance, celle de l’EUIPO “constituant le droit positif” comme s’inscrivant “dans le fil de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, du tribunal de première instance de l’Union européenne et de l’EUIPO” et suivie par l’INPI ;
– la société Skin’up n’est pas fondée à prétendre subir une contrefaçon de ses marques avant la date de déchéance car “la notion de sous-catégorie autonome des produits cosméto-textiles et leurs recharges (…) vaut depuis l’origine et non seulement depuis le 1er octobre 2020” ;
– il n’existe pas de similitude ni de complémentarité entre les produits commercialisés par la société Skin’up qui sont des produits amincissants et non cosmétiques et les produits que vend la société Univers pharmacie, de sorte qu’il n’existe pas de risque de confusion.
Ils en déduisent l’absence de préjudice, dont ils soulignent à titre subsidiaire l’absence de sérieux en ce que :
– les produits des parties ne sont pas concurrents et sont vendus dans des réseaux de distribution différents, en particulier leurs produits ne sont commercialisés qu’en France de sorte que le poste de préjudice relatif au prétendu freinage d’un projet de développement international est absurde de même que celui d’un empêchement d’être vendu en pharmacie, le réseau Univers pharmacie comptant 140 membres sur les 22.000 officines françaises ;
– la vente de produits en officine ne saurait préjudicier à l’image de la marque Skin’up.

A l’appui de leurs demandes reconventionnelles, ils soutiennent que les actions entreprises de mauvaise foi par la société Skin’up ont causé :- à la société Univers pharmacie, un préjudice économique constitué par le paiement d’une provision, le coût des mesures de rappel et les gains manqués consécutifs à l’arrêt de la commercialisation de ses produits marqués Up skin ;
– à M. [C], un préjudice patrimonial constitué par la dévalorisation et la cessation d’exploitation de ses marques, dont l’analyse nécessite une expertise judiciaire ;
– à chacun d’entre eux, un préjudice moral et de réputation.

MOTIVATION

I . Sur la demande de sursis à statuer

L’article 132 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne prévoit notamment que “Sauf s’il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, un tribunal des marques de l’Union européenne saisi d’une action visée à l’article 124, à l’exception d’une action en déclaration de non-contrefaçon, sursoit à statuer, de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l’une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité de la marque de l’Union européenne est déjà contestée devant un autre tribunal des marques de l’Union européenne par une demande reconventionnelle ou qu’une demande en déchéance ou en nullité a déjà été introduite auprès de l’Office.”
En application de l’article 378 du code de procédure civile “la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine”.
Lorsqu’il n’est pas imposé par la loi, le tribunal apprécie l’opportunité du sursis dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, notamment lorsque l’issue d’une autre procédure est susceptible d’avoir une incidence directe sur la solution du litige. Il lui incombe, dans ce cas, de vérifier que le recours n’est pas dépourvu de sérieux, que le sursis n’est pas dilatoire et qu’il n’aura pas pour l’autre partie des conséquences préjudiciables.
Le présent litige porte sur des actes de contrefaçon de marque depuis mars 2017.
Comme indiqué supra point 4, le directeur de l’INPI, confirmé par la cour d’appel, a prononcé la déchéance des droits de la société Skin’up à compter du 1er octobre 2020 sur la marque française 3293789 pour certains produits de la classe 3 mais a néanmoins retenu que la marque faisait l’objet d’un usage sérieux pour les cosmétiques et huiles essentielles.
L’arrêt sur le pourvoi formé contre l’arrêt confirmatif n’est pas susceptible d’avoir lui-même un effet sur la solution du litige, seul un nouvel arrêt prononcé par la cour de renvoi pouvant éventuellement admettre l’existence de la sous-catégorie autonome soutenue en défense. Dès lors, un sursis à statuer n’aurait de sens que dans l’attente d’une décision définitive sur la portée de la marque 3293789.
Le tribunal observe que les moyens à l’appui de ce recours ne sont pas dépourvus de base néanmoins, s’agissant de la sous-catégorie autonome des produits cosméto-textiles, le présent tribunal l’a récemment rejetée. Si l’EUIPO l’a décidée en 2022, au motif que “les produits cosméto-textiles ne sont pas des produits cosmétiques classiques et ils constituent une sous-catégorie pertinente dans la mesure où leur application s’opère via des vêtements”, il avait au contraire retenu dans sa décision 33 763 du 11 juin 2020 que “les produits de la titulaire peuvent être classés en classe 25 ainsi qu’en classe 3 dans la mesure où des produits d’habillement sont vendus parce qu’ils contiennent des cosmétiques, des huiles essentielles ou des lotions pour les cheveux”, que “les cosmétiques peuvent être apposés directement sur la peau ou indirectement via (…) des vêtements” et que “le fait que la méthode d’utilisation des produits soit inhabituelle n’en affecte pas leur nature”.
Au surplus, quel que soit le sort des procédures actuellement pendantes, la validité des marques françaises Skin’up n’est pas remise en cause avant le 1er octobre 2020, les défendeurs n’ayant pas fait valoir de date antérieure à la demande pour obtenir la déchéance des droits du titulaire.
Enfin, le résultat de ces actions en déchéance, entreprises seulement en octobre 2020 par les défenderesses, ne porterait que sur une faible partie de la demande et serait de nature à faire supporter à la partie demanderesse un délai de jugement excessif (pourvoi et appel) alors même qu’elle fait l’objet d’une procédure de sauvegarde.
Il n’y a donc pas lieu de prononcer de sursis à statuer.
II . Sur la contrefaçon de marque

1 . Sur la portée des marques

Sur les effets d’une décision de déchéance, l’article 62 du règlement 2017/1001 précité dispose : “La marque de l’Union européenne est réputée n’avoir pas eu, à compter de la date de la demande en déchéance ou de la demande reconventionnelle, les effets prévus au présent règlement, selon que le titulaire est déclaré déchu de ses droits en tout ou en partie. Une date antérieure, à laquelle est survenue l’une des causes de la déchéance, peut être fixée dans la décision, sur demande d’une partie.” et l’article 66 prévoit que la formation d’un recours a un effet suspensif.L’article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les recours exercés contre les décisions du directeur de l’INPI en déchéance de marque sont suspensifs.

Les défendeurs opposent essentiellement à la société Skin’up la déchéance de ses droits de marque sans demander au tribunal de la prononcer.
Sur ce dernier moyen, en complément des éléments précités au point 24 supra, le tribunal rappelle que le critère central dans la définition d’une sous-catégorie autonome est celui de la finalité des produits ou services (CJUE 22 octobre 2020, C-720/18, Ferrari SPA). Or, les produits cosméto-textiles ont pour finalité la modification et l’embellissement de l’aspect de la peau, la bonification du corps, incluant l’amincissement par application cutanée de produits cosmétiques, ou encore l’hydratation, qui est bien celle des cosmétiques en général si bien que les caractéristiques des produits en cause n’apparaissent pas pertinentes pour la définition d’une sous-catégorie autonome.
Aucune des deux décisions rendues par l’INPI et l’EUIPO n’est donc exécutoire et la protection conférée par ces titres doit être examinée au regard des produits et services visés à l’enregistrement pour la marque française, rappelés au point 1, et ceux résultant de la décision d’annulation 33 763 de l’EUIPO du 11 juin 2020 pour la marque internationale désignant l’Union européenne.
2 . Sur la matérialité de la contrefaçon

L’article 9 du règlement 2017/1001 précitéprévoit notamment : “2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :

(…) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;(…)
3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 :
a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
b) d’offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe ;
c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe ; (…)”
Les articles L 713-2 et L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle comportent des dispositions similaires pour les marques françaises.
L’article L.716-4 du même code dispose en outre que “L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L. 713-4”

La Cour de justice de l’Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n’est pas absolu, ne l’autorise à s’opposer à l’usage d’un signe par un tiers en vertu de l’article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51).
Pour apprécier la contrefaçon, il y a lieu de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et les produits et services désignés, il existe un risque de confusion, y compris un risque d’association, dans l’esprit du public concerné, en tenant compte de toutes les circonstances et facteurs pertinents du cas d’espèce.L’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
La comparaison doit s’opérer par rapport à la marque telle qu’elle a été déposée indépendamment des conditions dans lesquelles elle est exploitée.
Les produits et services sont similaires lorsqu’ils peuvent être rattachés la même origine par la clientèle, en raison de leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 23) ; d’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés.

A l’appui de ses demandes, la société Skin’up ne verse qu’un procès-verbal de constat internet dressé par commissaire de justice le 16 juin 2021. Il constate que la société Univers pharmacie commercialisait sous la marque Up skin une crème de douche, un lait pour le corps, un gel lavant intime, un shampooing, un après-shampooing, un gel douche, une crème hydratante pour les pieds, une crème pour les mains et un stick à lèvres sur son site internet marchand . La société Univers pharmacie démontre avoir supprimé la vente des quatre derniers produits au plus tard le 27 août 2021 puis plus aucun à partir au plus tard du 26 janvier 2022.De plus, la mise en demeure du 28 novembre 2018 évoque la vente, sur ce même site, de crème de douche, shampoing quotidien et crème hydratante sous les marques Up skin et la réponse du 5 décembre 2018 ne conteste pas ce fait, proposant des modalités de coexistence.

Les neuf types de produits ci-dessus énumérés entrent incontestablement dans la catégorie, désignée à l’enregistrement des marques de la demanderesse, des cosmétiques, que les parties s’accordent à définir selon les termes identiques des articles L. 5131-1 du code de la santé publique et 2-1, a), du règlement 1223/2009 du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques, à savoir “toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, système pileux et capillaires, ongles, lèvres, et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue exclusivement ou principalement de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles”.Ils sont donc similaires par nature aux parfums, savons pour la peau, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dépilatoires, produits de démaquillage, masques de beauté et produits de rasage et par complémentarité aux rouges à lèvres et dentifrices.

En revanche, ils ne présentent pas de parenté ou similarité ou complémentarité avec les autres produits de la classe 3 que sont les préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, savons pour lessives, produits pour la conservation du cuir (cirages) et crèmes pour le cuir.
Les signes Skin’up et Up skin sont composés des deux mêmes mots anglais skin qui signifie peau et up qui est une pré (ou post) position, un adjectif ou un adverbe dont le sens général est un mouvement dynamique vers le haut. Leur association est arbitraire et ne forme pas un sens particulier, “up skin” et “skin up” n’ayant aucun sens particulier, de sorte que leur inversion n’affecte pas leur effet conceptuel. L’adjonction du mot Paris à la marque numéro 4421526 ne modifie pas cette identité intellectuelle en ce que ce mot apparaît en caractères différents et petits sous les mots Up skin, qu’elle semble souligner, afin d’indiquer un ancrage territorial.Sur les plans visuels et auditif, l’inversion des termes atténue la similarité mais faiblement, le public étant accoutumé aux renversements de prépositions, adverbes ou adjectifs dans le langage courant et les slogans publicitaires. De même la présence dans un cas d’un espace et dans l’autre d’une apostrophe est une différence qui passe inaperçue au consommateur d’attention moyenne.

Vues ces similarités de signes et de produits, le public est très susceptible d’attribuer la même origine à ces divers produits cosmétiques destinés aux soins de la peau, qu’ils aient pour finalité le nettoyage, la protection, l’amélioration de l’aspect ou de l’état, incluant l’amincissement. Il existe un risque de confusion sur l’origine des produits énumérés au point 33, de sorte que la contrefaçon de marque est établie pour ceux-ci du 28 novembre 2018 au 26 janvier 2022, soit 3 ans et 2 mois.

3 . Sur la nullité de la marque semi-figurative n° 4421526

L’article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment :“ I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1° Une marque antérieure :
a) Lorsqu’elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;
b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure ;”.

La demande en nullité de la marque postérieure est formée à titre principal de manière connexe à l’action en contrefaçon de la marque antérieure, le présent tribunal est donc compétent.
La marque semi-figurative n° 4421526 a été déposée pour les produits et services suivants de la classe 3 :Lessives ; préparations pour polir ; préparations pour dégraisser ; préparations pour abraser ; produits pour la conservation du cuir (cirages) ; crèmes pour le cuir ; savons ; parfums ; huiles essentielles ; cosmétiques ; lotions pour les cheveux ; dentifrices ; dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouges à lèvres ; masques de beauté ; produits de rasage ; tous ces produits sont d’origine française ou fabriqués en France ;
ainsi que pour divers produits des classes 5, 16, 18 (les mêmes que la marque verbale française Skin’up n° 3293789) et 35.
L’enregistrement porte donc sur des produits des classes 3 et 18 visés par la marque française n° 3293789 antérieure.

La société Skin’up démontre que les produits vendus par la société Univers pharmacie sur son site sont, pour certains, identiques à ceux protégés par les marques Skin’up et, s’agissant de certains autres énumérés au point 33 supra, similaires en tant que produits d’hygiène corporelle, de soins du corps ou de produits de beauté ou de maquillage ; le tribunal fait sienne cette analyse pour chacun des produits.
L’analyse du risque de confusion faite aux point 33 à 36 supra est transposable pour ces produits et ceux visés à l’enregistrement de la marque Up skin Paris, s’agissant de produits identiques ou similaires.
Elle ne saurait en revanche être étendue aux autres produits de la classe 3 visés à l’enregistrement, ni ceux de la classe 18 pour lesquels la société Skin’up n’allègue pas de risque de confusion.
Il y a donc lieu de faire droit seulement partiellement à la demande d’annulation de la marque verbale française Skin up Paris n° 442526 pour les produits de la classe 3 relevant des catégories ci-dessus énumérées, et non pour les produits suivants : préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, préparations non médicinales pour le soin et nettoyage d’animaux, cire pour tailleurs et pour cordonniers et préparations pour nettoyer et polir le cuir et les chaussures, ni pour les produits et services désignés à l’enregistrement relevant d’autres classes.
4 . Sur les mesures de réparation

L’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon dont :- le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée,
– le préjudice moral causé à cette dernière et
– les bénéfices réalisés par le contrefacteur y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées.
A titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, elle peut se voir allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé une autorisation d’exploitation, et qui n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral.

Ces chefs n’ont pas vocation à être cumulés mais leur énumération vise à considérer dans toutes leurs composantes les conséquences subies par la partie lésée du fait des actes de contrefaçon en vue d’une évaluation aussi complète qu’il est possible du préjudice dans ses différents aspects économiques et moraux incluant, tant les impacts négatifs des agissements reprochés que les avantages corrélativement retirés par leur auteur de façon à ce que celui-ci ne puisse pas, nonobstant la condamnation pécuniaire prononcée, en conserver un bénéfice.
La condamnation civile pour contrefaçon peut être assortie du rappel des produits en cause des circuits commerciaux, de leur destruction ou de leur confiscation, ou de mesures appropriées de publicité du jugement, ces mesures étant ordonnées aux frais du contrefacteur.
Quoiqu’interpellée sur ce point par les conclusions adverses, la société Skin’up ne s’explique pas sur son préjudice, se bornant à affirmer l’existence d’une commercialisation d’ampleur en France et dans l’Union européenne de produits cosmétiques par la société Univers pharmacie sous les marques déposées par M. [C] et donc d’un manque à gagner. Elle fournit à cet effet ses propres chiffres de ventes d’articles cosméto-textiles et brume amincissante de 2007 à 2020, sans ventilation selon les pays où les produits sont offerts à la vente.Elle ne s’exprime pas plus sur le lien de causalité entre le différé de ses projets de développement international et de vente en ligne et l’activité de la société Univers pharmacie dont il est établi qu’elle est essentiellement française.

La société Univers pharmacie justifie quant à elle indique avoir réalisé, entre le 26 octobre 2020 et le 26 avril 2021, un chiffre d’affaires des produits considérés de 21.892,69 euros hors taxes et une marge brute de 42 %, soit 9.356,36 euros, soit un bénéfice d’environ 55.000 euros rapporté à la période visée au point 36. Elle ne fournit en revanche aucun élément sur ses ventes en ligne.
La société Skin’up n’a jamais offert à la vente de produit identique à ceux portant la marque contrefaisante, tandis que la société Univers pharmacie ne commercialisait pas sous le signe contrefaisant de produit amincissant, de sorte que le manque à gagner de la demanderesses consécutif à la contrefaçon de sa marque antérieure n’est pas établi dans son principe. En revanche, celui du bénéfice indû du contrefacteur résulte des économies d’investissements promotionnels, la marque antérieure jouissant d’une forte visibilité et d’une image positive démontrées par les recensions de la presse spécialisée et généraliste depuis 2006 versées au dossier, notamment une note favorable attribuée par le magazine 60 millions de consommateurs en 2014, et de son prix “Victoire de la beauté” en 2018.
Enfin, le préjudice moral d’avoir vu sa marque imitée et sa distinctivité affectée par la vente de cosmétiques, après 13 ans d’exploitation de sa part, est considérable.

Il s’évince de ces éléments que le préjudice tel que prévu à l’article L. 716-4-10, alinéa 1, précité peut être établi à la somme de 10.000 euros, sans qu’il y ait lieu de faire droit à la demande au titre du droit d’information avant-dire droit, les éléments versés étant suffisants. Le tribunal rappelle que, dans le cadre de l’application de ce texte, le préjudice moral de la partie lésée est inclus dans le calcul du préjudice total de sorte qu’il n’y a pas lieu de le liquider séparément.

La société Skin’up ne sollicitant qu’une provision et ayant déjà reçu une provision de ce montant de 10.000 euros en exécution de l’ordonnance du juge des référés du 4 octobre 2021, il n’y a pas lieu de prononcer d’autre condamnation.
Au regard du retrait des marques Up skin, de l’annulation de la marque Up skin Paris et de l’exécution non contestée de l’ordonnance de référé, les mesures d’interdiction, de rappel et destruction sollicitées apparaissent sans objet et il y a lieu de les rejeter. L’ancienneté des faits et les dommages et intérêts alloués réparent suffisamment le préjudice sans qu’il y ait lieu d’y ajouter des mesures de publication.

III . Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Dans la mesure où il a été fait droit à la demande principale en contrefaçon de marque, le dommage invoqué par les défendeurs ne résulte pas d’une faute de la société Skin’up.
Il y a donc lieu de rejeter la demande reconventionnelle des défendeurs en dommages et intérêts.

IV . Dispositions finales

La société Univers pharmacie et M. [R] [C] qui succombent sont condamnés aux dépens de l’instance et à payer à la société Skin’up la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aucune circonstance ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit, à l’exception de l’inscription au registre des marques qui ne peut avoir lieu que lorsque la décision est devenue définitive.

PAR CES MOTIFS

Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;

Annule la marque française semi figurative numéro 4421526 enregistrée le 22 janvier 2018 en ce qu’elle vise les produits de la classe 3 suivants : parfums, savons pour la peau, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices, dépilatoires, produits de démaquillage, rouge à lèvres, masques de beauté et produits de rasage ;

Déboute la société Skin’up de sa demande de provision complémentaire à valoir sur son préjudice résultant de la contrefaçon de marque ;

Rejette les mesures d’interdiction, de rappel et destruction des produits, d’exercice du droit à l’information et de publication du présent jugement demandées par la société Skin’up ;

Ordonne l’inscription de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, à l’initiative de la partie la plus diligente, sur le registre des marques tenu par l’INPI ;

Rejette la demande reconventionnelle de la société Univers pharmacie et M. [R] [C] en dommages et intérêts ;

Condamne in solidum la société Univers pharmacie et M. [R] [C] aux dépens de l’instance ;

Condamne in solidum la société Univers pharmacie et M. [R] [C] à payer à la société Skin’up, représentée par la SELARL Trajectoire et la SELARL [X]-Florek ès qualités respectivement d’administrateur et de mandataire judiciaire, la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Écarte l’exécution provisoire de droit pour les mesures de publication et de transmission de la décision à l’INPI pour inscription au Registre national des marques.

Fait et jugé à Paris le 14 Juin 2024

Le GreffierLa Présidente
Quentin CURABETIrène BENAC


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