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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 12 JUIN 2015
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 13/03578
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Janvier 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J20110194
APPELANTS
Maître [F] [U], es qualité de commissaire à l’éxécution du plan de la société ART’MELL
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Patrice COHEN SEAT de la SELARL GAIA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0087
Représenté par Me Catherine COHEN SEAT, avocat au barreau de NICE
SELAFA SELAFA MJA prise en la personne de Maître [H] es qualité de mandataire judiciaire de la SARL ART’MELL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Patrice COHEN SEAT de la SELARL GAIA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0087
Représenté par Me Catherine COHEN SEAT, avocat au barreau de NICE
SARL ART’MELL, prise en la personne de son gérant domicilie en cette qualité au dit siège
[Adresse 4]
[Localité 4]
Représentée par Me Patrice COHEN SEAT de la SELARL GAIA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0087
Représenté par Me Catherine COHEN SEAT, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SARL MAYBE MOVIES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe PASCAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0792
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1 Avril 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre
Paul André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie,
Marie-Annick PRIGENT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, président et par Mme Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Vu le premier jugement rendu le 1er juin 2011 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :
constaté la résiliation du contrat de production audiovisuelle en date du 10 décembre 2005 passé entre la Sarl MAYBE MOVIES et la Sarl ART’MELL,
ordonné une mesure d’instruction et désigné en qualité d’expert M.[G] pour faire les comptes entre les parties et condamné les deux sociétés à consigner chacune une somme de 1.500€ pour le règlement des honoraires de l’expert,
Vu la caducité de cette mesure d’instruction faute pour la société MAYBE MOVIES d’avoir versé sa quote part de la consignation,
Vu le jugement rendu le 5 avril 2012 par le Tribunal de commerce de Paris qui a arrêté le plan de redressement par voie de continuation de la société ART’MELL pour une durée de 7 ans et a nommé la Selarl [F] [U] en qualité de commissaire à l’exécution du plan,
Vu le second jugement rendu le 16 janvier 2013 par la juridiction consulaire parisienne qui a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
donné acte à Maître [U] de son intervention volontaire en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la société ART’MELL,
prononcé la résiliation du contrat de production du 10 décembre 2005 entre la Sarl MAYBE MOVIES et la Sarl ART’MELL aux torts de cette dernière,
condamné la société ART’MELL à payer à la société MAYBE MOVIES la somme de 90.000€ à titre de dommages et intérêts et la somme de 8.000€ en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté la société ART’MELL de ses demandes en dommages et intérêts,
Vu les écritures signifiées le 12 septembre 2013 par la Selafa MJA agissant en la personne de Maître [H] en qualité de mandataire liquidateur de la société ART’MELL, appelante, par lesquelles elle :
estime que la résiliation du contrat de production audiovisuelle du 10 décembre 2005 est imputable à faute à la société MAYBE MOVIES ,
réclame la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1.502.324,09€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
considère que la société MAYBE MOVIES ne justifie d’aucun préjudice du fait de cette rupture et que ses demandes doivent être rejetées,
à titre subsidiaire, demande que l’erreur matérielle entachant le dispositif du jugement du 16 janvier 2013 soit rectifiée en ce qu’il a prononcé deux condamnations à son égard alors qu’il ne peut s’agir que de la fixation de créances,
en tout état de cause souhaite l’allocation d’une indemnité de 15.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions signifiées le 18 juillet 2013 par la société MAYBE MOVIES, intimée formant appel incident, aux termes desquelles elle :
sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a constaté la défaillance de la société ART’MELL dans la réalisation de son apport en numéraire, et prononcé la résiliation du contrat de production audiovisuelle du 10 décembre 2005 aux torts de la société ART’MELL,
en tant que de besoin, demande la constatation de l’acquisition de la clause de résiliation de plein droit stipulée à l’article XII du contrat de coproduction,
souhaite l’infirmation du surplus du jugement, la constatation des créances de 400.000€, de 20.000€ en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, au passif de la société ART’MELL et à son profit,
.réclame la condamnation de la société ART’MELL à lui verser une indemnité de 20.000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile, et le rejet des prétentions de cette dernière,
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes du contrat de ‘Coproduction Audiovisuelle’ passé le 10 décembre 2005 entre les sociétés MAYBE MOVIES et la société LMCP, exploitant sous le nom commercial ART’MELL, la première a entrepris la production d’une série d’animation en 2D de 26 épisodes de 26 minutes dénommée BANJA, la seconde a accepté de participer à la production de la série en qualité de coproducteur.
En mai 2007 la série ‘BANJA’ a été livrée à la société CANAL Plus et le 8 septembre 2007 elle a été diffusée.
Sur la résiliation du contrat du 10 décembre 2005 :
Par lettre recommandée du 8 septembre 2008, la société MAYBE MOVIES a reproché à la société ART’MELL de rester redevable d’une somme de 361.368,80€ HT et l’a informée que le contrat serait résilié de plein droit en application de l’article XII du contrat en l’absence de paiement ; la société ART’MELL a revendiqué dans son courrier en réponse du 27 octobre 2008 un investissement dans la production d’un montant de 1.484.091,70€, a mis en demeure sa partenaire de rendre compte de la comptabilité et s’est prévalue à défaut de l’application de la clause de résiliation.
En appel, les sociétés MAYBE MOVIES et ART’MELL représentée par son mandataire liquidateur sollicitent, chacune, la résiliation de ce contrat aux torts de l’autre pour inexécution de ses obligations ; ainsi la première reproche à la seconde de n’avoir pas satisfait à son engagement financier en numéraire et la seconde estime que les défaillances de la première qui tiennent à l’absence d’accès à la comptabilité et à la communication d’éléments comptables, l’ont conduite à fournir des efforts financiers complémentaires excédant ceux du contrat de production.
Il est prévu à l’article IV du contrat de production que ‘la société Art’Mell participe à ce financement en effectuant un apport de 980.000€ HT via un partenaire asiatique; cet apport se fera sous les formes suivantes :
– un apport en industrie d’un montant de 650.000€,
– un apport en numéraire de 300.000€,
– un apport de 30.000€ qui équivaut à 60% d’un couloir de recette prioriatire de 50.000€ à valoir sur la quote part de recette octroyée à Art’Mell selon les modalités définies à l’article VII .
Cet apport en numéraire sera versé à Maybe Movies selon l’échéancier suivant :
– 10.000€ d’avance en trésorerie, d’ores et déjà payés le 7 octobre 2005,
– 50.000€ HT payables à la signature des présentes,
– 40.000€ HT payables au 31 décembre 2005,
– le solde 200.000€ HT sera payable selon un échéancier qui sera défini ultérieurement par les parties après analyse des besoins liés au plan de trésorerie.’
La société Art’Mell s’est également engagée à l’article IV.I.B à compléter le financement en effectuant un ‘apport complémentaire en numéraire d’un montant maximum de 200.000€, qui équivaudra à l’écart financier entre le devis de production et les sommes effectivement réunies au plan de financement’ (…). L’apport de ART’MELL est forfaitaire et définitif, quel que soit le coût final de la série ‘.
Enfin il est prévu à l’article XI.11 que ‘ART’MELL garantit MAYBE MOVIES du respect de ses engagements financiers tels que détaillés à l’article IV’.
Qu’à juste titre les premiers juges ont retenu, qu’après la levée de l’option par la société ART’MELL sur l’apport complémentaire par mail des 17 août et 11 septembre 2007 et le Mémo Deal du 24 octobre 2007, la totalité de l’apport en numéraire que celle-ci s’est engagée à apporter s’élevait à la somme de 530.000€ HT mais qu’elle n’ a versé selon ses propres pièces qu’une somme de 171.232,95€, de sorte qu’il est établi qu’elle n’a pas rempli ses engagements.
En défense, elle fait toutefois valoir qu’en raison des défaillances de la société MAYBE MOVIES qui ont conduit à plusieurs arrêts de la production, elle a du pallier les erreurs de celle-ci en engageant des frais pour le compte de la production aux lieu et place de sa partenaire à hauteur de la somme de 260.942,74€, que partie des recettes ont été utilisées à titre de trésorerie, de sorte qu’en définitive les difficultés financières n’ont plus permis de respecter les conditions initiales du contrat de production.
Mais il convient d’observer que la société ART’MELL ne justifie nullement d’un accord exprès de la société MAYBE MOVIES tenant à une modification des termes du contrat de production ; en effet aux termes de l’article IX, la société MAYBE MOVIES a seule la responsabilité de producteur délégué et doit en conséquence prendre seule les décisions relatives à la réalisation de la série au mieux des intérêts communs, prendre en charge seule la gestion financière de la production, l’administration et l’exploitation de la série, supporte seule les dépassements du budget. Ainsi à titre d’exemple les fournisseurs des matériels et services nécessaires à la production sont choisis et traités librement par le producteur délégué. Par ailleurs aux termes de l’article IV.1B, l’apport de la société ART’MELL est forfaitaire et définitif, de sorte que sa responsabilité est strictement limitée au montant de son apport.
Il s’ensuit que la société ART’MELL n’est pas fondée à revendiquer l’accomplissement de son obligation d’apport en numéraire par le paiement de frais qui ne lui incombe pas et
surtout par une simple privation de recettes postérieures, ce qui est contraire à la lettre du contrat de production du 10 décembre 2005 et à son économie, l’apport en numéraire au moment de la production étant essentielle au succès du financement de l’opération, et ce, faute de démontrer l’existence d’un accord postérieur au contrat entre les parties ; ainsi est-il justifié du manquement de cette société à son obligation d’apport en numéraire.
La société ART’MELL fait, à son tour, grief à la société MAYBE MOVIES de n’avoir pas satisfait à son obligation de gestion et d’information ; par courrier du 4 décembre 2008 elle a mis en demeure cette dernière de la remplir et l’a menacée d’une résiliation de plein droit de la convention les liant.
Aux termes de l’article IV.3 de ce contrat, ‘il est entendu que les sommes constituant l’apport en numéraire d’ART’MELL à la coproduction seront versées sur un compte spécial ouvert au nom de la production qui servira exclusivement aux dépenses de la série et fonctionnera sous la responsabilité du producteur délégué :
– Banque OBC
– compte 12650300001 sous compte BANJA.’
Il est également prévu à l’article VII.2 que ‘la tenue de la comptabilité de la série est assurée par la société MAYBIE MOVIES qui s’engage à agir au mieux de l’intérêt commun’ et qu’elle ‘communiquera à ART’MELL par périodes comptables de trois mois pendant la première année d’exploitation de la série, par périodes comptables semestrielles la deuxième année, puis par périodes comptables annuelle ensuite
– les comptes d’exploitation de la série par catégorie de recettes,
– les bordereaux distributeurs et sous-distributeurs,
– un état récapitulatif détaillé des frais ,
– la copie des contrats de vente,
– un état récapitulatif des ventes à l’étranger’.
L’inobservation de ces obligations par la société MAYBE MOVIES résulte du fait qu’elle n’a pas ouvert un compte spécial ‘BANJA’ au nom de la production, fonctionnant sous sa signature et sa responsabilité dans le livres de la banque OBC, non seulement pour recueillir l’apport en numéraire de la société ART’MELL mais aussi toutes les contributions financières prévues au plan de financement , les apports des producteurs, les versements des établissements financiers ; elle n’a pas davantage déféré à la mise en demeure de sa partenaire de communication des comptes.
Dans ces conditions la résiliation du contrat de production du 10 décembre 2005 sera prononcée aux torts réciproques des sociétés pour manquement à leurs obligations respectives.
Sur les comptes entre les parties :
La société MAYBE MOVIES sollicite la fixation de sa créance au passif de la société ART’MELL à une somme de 400.000€, tandis que cette dernière réclame la condamnation de la première à lui verser la somme de 1.502.324,09€ à titre de dommages et intérêts.
La comptabilité tenant à la production de la série ‘BANJA’ n’a pas été tenue par la société MAYBE MOVIES, comme elle en avait l’obligation. Par ailleurs dès le 26 septembre 2006 la société Maybe Movies a suggéré un ‘split’ entre elle et ART’MELL pour certaines dépenses ; le 20 novembre 2006 la société Art’Mell s’est plainte du paiement de charges de 50.000€ par mois depuis janvier 2005 sans aucun rapport avec la série Banja. Puis les deux parties ont signé le 24 octobre 2007 un acte intitulé ‘Memo Deal’ avec la société ‘Deux Minutes’ en sa qualité de coproducteur de la série, aux termes duquel :
– la société MAYBE MOVIES a sollicité la levée d’option de la société ART’MELL pour un complément d’apport de 200.000€en contrepartie d’un couloir prioritaire de 100% jusqu’à récupération,
– par une cession de créance du 23 octobre les trois sociétés susmentionnées ont accepté de céder l’ensemble du montant de 130.000€ à la société COFILOISIRS pour le financement de cette série ; cette vente et sa cession participent pour partie aux 200.000€ de la levée d’option de la société ART’MELL,
– les parties se sont entendues sur la ‘cros col latéralisation des sommes à percevoir sur les séries Banja, Todoms, et Step By Step afin de permettre à la société Art’Mell un remboursement total et définitif de la somme de 91.333€’.
Il convient de rappeler que la société MAYBE MOVIES, qui est garante de la bonne fin et de l’achèvement de la série BANJA, doit supporter seule les dépassements du budget.
Dans ce contexte, et alors que la société Maybe Movies ne publie pas ses comptes annuels depuis 2008, le Tribunal de commerce avait estimé indispensable de désigner un expert judiciaire M.[G] ; la société MAYBE MOVIES n’a pas cru utile de verser sa quote-part de consignation des frais et la société ART’MELL n’a pas davantage estimé nécessaire de la régler à la place de cette dernière, ainsi qu’il résulte de la lettre de l’expert du 15 septembre 2011, de sorte que cette mesure d’instruction est devenue caduque.
Dans ces conditions, les parties, qui n’ont cessé de modifier l’équilibre économique de l’opération au cours du contrat de production et ont signé le 24 octobre 2007 un Memo Deal, ne mettent pas la Cour en mesure d’être pleinement informée de la réelle comptabilité de la production ‘BANJA’, du calcul comptable des parts de droits à recettes de la société ART’MELL pouvant venir en déduction des frais effectivement payés, des recettes effectivement perçues par cette dernière, du calcul des frais exigés par cette dernière dont certains ne sont pas justifiés et dont le principe n’est pas acquis pour d’autres, de manière à donner une solution appropriée aux demandes des parties. Il s’ensuit que les parties , qui ont refusé de mettre en oeuvre une nécessaire mesure d’instruction, ne peuvent être que déboutée de leurs demandes financières non étayées par des pièces à valeur probante. Elles seront chacune déboutée de leur demande en paiement.
Aucune circonstance d’équité ne commande l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , en faveur de l’une ou l’autre des parties.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement
Infirme le jugement rendu le 16 janvier 2013, hormis sur le principe de la résiliation du contrat de coproduction du 10 décembre 2005 et la condamnation aux dépens,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du contrat de coproduction du 10 décembre 2005 aux torts réciproques des deux parties,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge de la société ART’MELL avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président