Prêt illicite de main d’oeuvre : 5 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09107

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 5 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09107
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2023

N°2023/ 125

Rôle N° RG 19/09107 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEMJO

[X] [S] épouse [V]

C/

SARL SERVICE AMBULANCE VAROIS

Copie exécutoire délivrée

le : 05/05/2023

à :

Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FREJUS en date du 14 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00050.

APPELANTE

Madame [X] [S] épouse [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Gilles ORDRONNEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

SARL [Adresse 4]

représentée par Me Clément LAMBERT, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [S] a été engagée en qualité d’ambulancière par la SARL Service Ambulance Varois (ci-après société SAV) selon contrat à durée indéterminée du 19 octobre 2009.

Dans le dernier état de la relation contractuelle régie par les dispositions de la convention collective du transport routier- transport sanitaire, elle percevait une rémunération brute mensuelle de 1 963,,57 euros.

Elle a été élue déléguée du personnel en 2013 et son mandat s’est achevé le 30 juin 2017.

La salariée a été placée en arrêt maladie à compter du 11 mai 2017 et son contrat de travail a été suspendu.

Elle a démissionné le 23 juin 2017.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes le 8 février 2018 aux fins de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et rappel de salaire.

Par jugement du 14 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Fréjus a :

– jugé la démission de Mme [S] claire et non équivoque;

– Débouté Mme [S] de sa demande en requalification de la démission en prise d’acte;

– En conséquence, l’a déboutee de toutes ses prétentions, fins et conclusions;

– Reçu la SARL Service ambulance varois en sa demande reconventionnelle;

– Condamné Mme [S] é payer la somme de 300 € à la SARL Service D’ambulance Varois au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– Condamné Mme [S] aux entiers dépens.

Mme [S] a relevé appel de la décision le 6 juin 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, Mme [S] demande à la cour de :

– juger qu’elle occupait des fonctions de responsable d’agence ;

– Juger que sa démission doit s’analyser en une prise d’acte devant produire les effets d’un licenciement nul a titre principal et sans cause réelle et sérieuse a titre subsidiaire;

– Condamner Ia société Service D’ambulances Varois à lui payer au titre de l’indemnité compensatrice de préavis la somme de :

– à titre principal 1 3 792,52 Euros ;

– à titre subsidiaire : 2 933,30 Euros ;

– Condamner la société Service d’ambulance varois à lui payer au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis la somme de :

– à titre principal : 379,25 Euros ;

– à titre subsidiaire : 293,33 Euros ;

– Condamner la société Service d’ambulance varois à lui payer la somme de 3 845,31 Euros au titre de l’indemnité de licenciement ;

– Condamner la société Service d’ambulance varois à lui payer la somme de 16 000 Euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

– Condamner la société Service d’ambulance varois à lui payer la somme de 10781,42 Euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur ;

– Condamner la société Service d’ambulance varois à lui payer à titre de rappels de salaires :

-2014 : l 017,32 Euros et 101,73 Euros au titre des congés payes;

-2015 : I 469,36 Euros et 146,93 Euros au titre des congés payes;

-2016 : 3 556,97 Euros et 355,69 Euros au titre des congés payes;

-2017 : 2 508 Euros et 250,80 Euros au titre des congés payes;

– Condamner la société Service d’ambulance varois à lui payer à titre de rappel de prime d’ancienneté :

-2016 : 191,02 Euros ;

-2017 : 170,64 Euros.

– Condamner la société Service d’ambulance varois à lui payer la somme de 5 000 Euros pour prét illicite de main d’oeuvre, exécution déloyale du contrat de travail et délit d’entrave;

– Condamner la société Service d’ambulance varois à lui payer la somme de 2 000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

– Condamner la société Service d’ambulance varois aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, la société Service ambulance varois demande à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Fréjus en date du 14 mai 2019 RG 18/00050 en ce qu’il a :

– Jugé la démission de Mme [S] claire et non équivoque;

– Débouté Mme [S] de sa demande de requalification de la prise d’acte;

– En conséquence, débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions;

– Condamner Mme [S] à lui payer la somme de 300€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

En tout état de cause il est demandé à la cour d’appel de:

– Rejeter la pièce numérotée 12 adverse, ne répondant pas au formalisme de l’article 202 du code de procédure civile;

– Juger qu’elle n’a commis aucun manquements graves rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle;

– Juger qu’elle a régulièrement payé les salaires et congés payés y afférents à Mme [S] pour sa période travaillée conformément à son emploi d’ambulancier;

– Juger que Mme [S] n’a jamais occupé les fonctions de responsable d’agence.

– Débouter Mme [S] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

– Condamner Mme [S] à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Mme [S] aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Clément Lambert, avocat au barreau de Toulon.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exécution du contrat de travail

1) Sur les rappels de salaire

Moyens des parties

Mme [S] sollicite des rappels de salaire au motif qu’embauchée en qualité d’ambulancière, elle a en réalité exercé des fonctions de conseillère funéraire pour le compte de la société France Funéraire Pompes Funèbres en 2014 et 2015 et des fonctions de chef d’agence entre janvier et juin 2016 et entre janvier et mai 2017.

S’agissant des fonctions de conseillère funéraire, elle soutient que ses heures auraient dû être payées à 100% jusqu’à 35 heures hebdomadaires et, au delà, être majorées au titre des heures supplémentaires et non n’être payées qu’à 90% comme le sont les heures d’un ambulancier.

Elle affirme qu’elle a occupé des fonctions de chef d’agence avant et après le départ d’un responsable d’agence embauché sur la période du mois de juillet à décembre 2016 ; qu’en qualité de chef d’agence, elle relevait du groupe 3 de la nomenclature des techniciens et agents de maîtrise et aurait dû percevoir le salaire minimum conventionnel correspondant fixé à 1 842,59 euros.

En réplique, la société conteste que Mme [S] ait exercé les fonctions revendiquées. Elle soutient que la mention du nom de Mme [S] sur les bons de commandes de la société Roc Eclerc s’explique par le fait qu’elle était l’interface entre l’agence de pompe funèbre et la société d’ambulance chargée des démarches et des transports de corps; que la salariée ne produit aucune pièce relative à des actes relevant des attributions d’un conseiller funéraire tel facture, autorisation d’exhumer, autorisation de transport, ni de chef d’agence.

L’employeur conteste la valeur probante des attestations provenant d’anciens salariés. Il expose que M. [Z] a créé une société concurrente qui a été rejointe par Mme [S] et que Mme [G] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Réponse de la cour

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.

Pour démontrer qu’en 2014 et 2015, elle était conseiller funéraire pour le compte de la société France Funéraire Pompes Funèbres, tout en étant rémunérée en qualité d’ambulancière par la société SAV, Mme [S] produit près d’une quarantaine de bonds de commande de la société France Funéraires Pompes Funèbres de 2014 à 2017 où son nom apparaît pour le suivi du dossier ; ainsi qu’une attestation de M. [Z], ancien salarié de la société SAV, selon lequel ‘les fonctions qu’a occupé Mme [V] ([S]) ont été conseillère funéraire sur [Localité 3] (…)’.

La cour observe cependant que certaines tâches funéraires ne sont pas l’apanage du conseiller funéraire dès lorsque, d’une part, la convention collective prévoit la possibilité pour l’ambulancier d’exécuter des tâches complémentaires de type ‘funéraire, tâches d’exécution (porteur)’ ainsi que ‘autre activité funéraire (spécifique)’ et d’autre part, qu’aux termes de la fiche de poste d’ambulancier, signée par l’appelante, il est indiqué que ‘dans le cadre de ses fonctions, l’ambulancier peut être amené, à titre accessoire, à effectuer d’autres opérations que le transport sanitaire, notamment le transport de corps’.

Il n’est par ailleurs pas discuté que la société SAV dispose d’un établissement sur la commune de [Localité 3] situé à la même adresse que le siège de la société France Funéraire Pompes Funèbres et que M. [K] dirige les deux entités, de sorte que le fait que Mme [S] exerce son activité dans ce lieu est sans conséquence sur ses fonctions et le nom de la société pour laquelle elle les exerce.

L’attestation de M. [Z], qui n’est corroborée par aucune autre, est inefficace à démontrer les fonctions exercées par la salariée du fait des termes trop généraux utilisés et de l’absence de tout élément permettant d’en déduire qu’il aurait été témoin des tâches exécutées.

Aucun autre élément n’est produit pour démontrer l’accomplissement d’actes ressortant des fonctions de conseiller funéraire telles que revendiquées.

En cet état, la cour considère que la seule mention du suivi de dossiers apposée sur des bons de commandes est insuffisante à démontrer l’accomplissement de fonctions de conseiller funéraire.

La demande en rappel de salaire, et congés payés afférents, pour les années 2014 et 2015 doit donc être rejetée.

S’agissant des fonctions de chef d’agence exercée entre 2016 et 2017, Mme [S] produit des attestations de cinq anciens salariés évoquant pèle-mêle ses tâches comme suit : ‘organiser les plannings des ambulanciers et le positionnement des congés payés, de faire le recrutement, de s’occuper du bon fonctionnement de l’entrepôt’ (M. [Z]), ‘ traiter les plannings des employés, les congés, les recrutements, les facturations, la propreté des locaux et des ambulances’ (M. [Y]); ‘le recrutement et les entretiens d’embauche, l’organisation des plannings du mois, le suivi du nettoyage du local, la propreté des véhicules, la gestion des annexes et des pièces manquantes, la gestion des tenues’ (Mme [C] et M. [E]); ‘elle signait les feuilles de semaine, établissait les plannings, veillait à l’entretien des locaux, ainsi que beaucoup de tâches annexes’ (M. [A]).

La cour relève qu’hormis l’énumération désincarnée de tâches par ces anciens collègues sans renvoi à aucun fait ou souvenir précis relatif à un échange avec Mme [S] en sa qualité de chef d’agence et la production d’une fiche de poste qui n’est pas signée et que rien ne permet de rattacher à Mme [S], celle-ci ne produit ni mails, ni consignes, ni agenda, ni rendez-vous, ni compte rendu de réunions, démontrant l’exécution positive d’un ou plusieurs actes ressortant des fonctions de chef d’agence qu’elle indique pourtant avoir exercé pendant près de deux ans.

Le procès verbal d’une réunion du 15 octobre 2016 intitulé ‘Revus de processus’ sans plus de précision sur son objet, mentionnant le nom de Mme [S] parmi les personnes présentes mais aussi celui du gérant, n’est pas pertinent dès lors, d’une part, que Mme [S] était à cette date déléguée du personnel et qu’elle a pu y participer en cette qualité, d’autre part, que la présence d’une ambulancière à une réunion de la société dans laquelle elle travaille ne saurait suffire à la qualifier de chef d’agence.

La cour retient également que les tâches énoncées ci-dessus concernent pour certaines celles figurant parmi les fonctions d’ambulancier-régulateur, telles que définies par la fiche de poste de l’intéressée, notamment : la facturation et l’encaissement et/ou l’établissement des dossiers administratifs dans le cadre de la subrogation, le maintien en ordre de marche et l’entretien du matériel de la cellule sanitaire, le nettoyage intérieur et extérieur ainsi que la désinfection du véhicule, l’entretien du matériel et des locaux.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’appelante ne démontre pas qu’elle exerçait des fonctions de chef d’agence au titre de son activité principale en 2016 et 2017, de sorte que sa demande en rappel de salaire doit être rejetée et le jugement confirmé.

2) Sur la prime d’ancienneté

De manière subséquente, il convient de rejeter les demandes formulées au titre de la prime d’ancienneté en 2016 et 2017 fondées sur l’exercice par la salariée de fonctions de chef d’agence que la cour n’a pas retenues.

3) Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Il résulte de l’article 954 du code de procédure civile que la cour d’appel ne statue que sur les prétentions des parties énoncées au dispositif de leurs dernières écritures.

Or, au dispositif de ses dernières conclusions, la salarié ne reprend pas sa demande de condamnation en paiement au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés figurant dans la partie discussion de ses conclusions (p.11-12).

La cour ne saurait statuer sur une telle demande dont elle n’est pas saisie.

4) Sur la liberté d’expression et l’exécution déloyale du contrat

L’article L.1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

L’article L.2281-3 du code du travail ajoute que les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Il est donc admis que le salarié jouit dans l’entreprise, et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

En l’espèce, Mme [S] estime que l’employeur a porté atteinte à sa liberté d’expression en lui reprochant d’avoir participé à une réunion le 10 mai 2017 et en lui ayant repris le soir même la clé de l’établissement de [Localité 2] et du véhicule.

Au soutien, elle produit le témoignage de M. [Z] qui ‘atteste que Mme [V] ([S]) a rendu un trousseau de clés en main propre à M. [K] le mercredi 10 mai 2017 vers 20h à l’entrepôt de [Localité 2] en présence de M. [V] [J]. Mme [V] ([S]) a été reçue dans le bureau de M. [K]. J’entendais celui-ci la surmener en lui reprochant sa présence à la réunion organisée par les ambulanciers ce jour. M. [K] lui a demandé en sortant du bureau de lui remettre toutes les clés qu’elle possédait car il voulait mettre l’entrepôt en sécurité.’ ainsi qu’un SMS que lui a adressé M. [K] du 10 mai 2017 à 19h39 ‘j’attends pour récupérer les clés (toutes les clés)’.

Comme justement relevé par l’intimé, ni ces éléments, ni les déclarations de l’appelante ne concernent le fait que Mme [S] aurait été empêchée de se rendre ou de participer à la réunion en cause.

Celle-ci fait grief à la société de lui avoir reproché d’avoir participé à ladite réunion et de lui avoir supprimée les clés de l’établissement et du véhicule par mesure de rétorsion, tel qu’elle le suggère.

Aucune précision n’est faite sur le véhicule qui serait visé étant observé que la salariée ne bénéficiait pas de véhicule de fonction.

La cour relève que la salariée a été placée en arrêt maladie le 11 mai 2017, soit le lendemain de la réunion litigieuse, et qu’elle produit aux débats un SMS de M. [K] le 10 mai à 21h52 dans lequel il lui dit : ‘soignes toi bien’, de sorte qu’il ne peut être exclu comme l’affirme l’intimé, que la demande de restitution des clés soit liée à la suspension de son contrat de travail pour cause de maladie. Le lien entre la participation à la réunion et la reprise des clés n’est pas établi et par conséquent, ne l’est pas non plus l’atteinte à la liberté d’expression de la salariée par l’employeur.

La demande de dommages et intérêts doit être rejetée et le jugement confirmé.

5) Sur l’entrave

L’employeur est tenu de mettre à la disposition des délégués du personnel le local nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission, et, notamment, de se réunir. Et il est jugé que seules des circonstances de force majeure peuvent exonérer l’employeur de l’obligation susvisée. Il est également jugé que si le choix du local appartient au chef d’entreprise, il doit s’agir néanmoins d’un local spécifique où les délégués du personnel doivent pouvoir accéder sans entrave.

Mme [S] sollicite des dommages et intérêts au motif que la société n’a jamais mis à sa disposition de local équipé pour lui permettre de remplir sa mission et de se réunir dans le cadre de l’exercice de son mandat de délégué du personnel. Elle considère qu’il s’agit d’un manquement dans l’exécution du contrat de travail.

Elle produit l’attestation de Mme [I], ancienne ambulancière au sein de la société SAV du 1er avril 2013 au 14 septembre 2017 qui affirme qu ‘il n’y avait pas de local pour les délégués du personnel au sein de la société’ ainsi que la copie d’un texto groupé envoyé le 10 mai 2017 transféré du téléphone de [F] [P] libellé comme suit : ‘salut vous êtes tous conviés ce soir au local de bel Azur à partir de 18h30, si les patrons sont là se sera plus tard… sinon [N] nous attend il doit nous parler! De plus, nous devons récupérer les dossiers! J’espère que vous serez tous présents!’.

De son côté, la société qui conteste toute entrave de sa part produit l’attestation de M. [B], ambulancier dans la société en 2013 et indiquant avoir été élu délégué du personnel suppléant de Mme [V] ([S]) ‘nos échanges avec la direction s’effectuaient dans un local mis à notre disposition à l’étage de l’agence de [Localité 2]. Ces locaux disposaient de toutes les commodités’.

La cour, après analyse de ces éléments, estime que le manquement n’est pas constitué, de sorte que la demande de Mme [S] doit être rejetée et le jugement confirmé.

6) Sur le prêt illicite de main d’oeuvre

La cour n’a pas retenu que la salariée avait eu des fonctions de conseiller funéraire pour le compte de la société France Funéraire Pompes Funèbres en 2014 et 2015.

Hormis les bons de commande détaillés ci-dessus par la cour et qui concernaient la période 2014 à 2017 inclus, aucun autre élément n’est produit pour démontrer l’existence d’un quelconque prêt de main d’oeuvre durant les années 2016 et 2017.

Il en résulte que le reproche de prêt illicite de main d’oeuvre dont Mme [S] aurait été l’objet entre 2014 et 2017 n’est pas constitué. La demande de dommages et intérêts doit par conséquent être rejetée et le jugement confirmé.

Sur la rupture du contrat de travail

Il est rappelé que la démission ne se présume pas et qu’elle ne peut résulter que d’une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation de travail ; elle n’est pas soumise à des conditions de forme particulières.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.

Mme [S] soutient que le caractère équivoque de sa démission ne fait aucun doute, dès lors qu’elle l’a faite précéder d’un courrier du 12 juin 2017 rédigé comme suit : ‘je vous transmets cette lettre suite à votre comportement à mon égard et ce que vous m’avez fait subir depuis plusieurs mois. J’ai examiné mes bulletins de salaire sur les trois dernières années et j’ai pu constater des anomalies, mes heures n’ont pas été payées à leur juste valeur et les majorations n’ont pas été respectées. Les postes que j’ai occupé entant que, conseillère funéraire à [Localité 3], responsable d’agence à [Localité 2] et les journées administratives qui auraient dû être payées à 100% et non à 90% comme un ambulancier. Je vous demande donc de bien vouloir vous acquitter du règlement de ces heures et du préjudice moral. Je sui à votre disposition cette semaine pour un éventuel entretien sur [Localité 2] afin de trouver un aboutissement à ces problèmes, pour le régulariser ensemble. Je vous rappelle également que je suis déléguée du personnel et que vous m’avez faite élire dans des conditions que vous avez déterminées vous-même. Si vous ignorez ma sollicitation, je serai dans l’obligation d’avertir l’inspection du travail.’

En conséquence, Mme [S] considère que les griefs invoqués pour expliquer sa décision de quitter l’entreprise sont exclusifs du caractère non équivoque de sa démission et justifient que celle-ci soit requalifiée en prise d’acte.

Par ailleurs, eu égard aux manquements qu’elle impute à l’employeur, Mme [S] demande à ce que cette prise d’acte soit dite aux torts exclusifs de la société intimée et qu’elle produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle soutient que le fait d’avoir donné sa démission le 23 juin 2017 pour le 1er juillet suivant est sans incidence dès lors qu’étant en arrêt de travail, elle n’a pas effectué ce préavis.

L’employeur objecte que la lettre de démission de Mme [S] ne mentionnait aucune réserve et que la salariée a prévu un préavis dans sa lettre de démission ce qui prouve qu’elle ne considérait pas qu’il ait commis des manquements graves.

Il conteste les manquements qui lui sont reprochés par Mme [S] pour fonder sa prise d’acte et il demande à ce que celle-ci soit requalifiée en démission.

En cet état, la cour retient que la lettre de rupture de la salariée, en date du 23 juin 2017, s’inscrit dans le cadre d’un différent l’opposant à l’employeur, ce qu’elle a clairement indiqué quelques jours plus tôt en mentionnant qu’elle lui reprochait son comportement depuis plusieurs mois.

Par infirmation du jugement, il en résulte que la démission de la salariée était équivoque et qu’elle s’analyse comme une prise d’acte.

Cependant, faute pour la salariée de caractériser l’existence des griefs imputés à l’employeur, au titre du non respect des salaires minimum conventionnels correspondant aux fonctions exercées, du prêt illicite de main d’oeuvre, de l’atteinte à sa liberté d’expression et de l’entrave à son mandat de délégué du personnel, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte produisait les effets d’une démission et en ce qu’il a débouté Mme [S] de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur la violation du statut protecteur

La cour ayant jugé que la rupture du contrat de travail provoquait les effets d’une démission et non d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, l’éventuelle inobservation du statut protecteur ne peut être invoquée.

La demande doit être rejetée.

Sur les autres demandes

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel et de condamner Mme [S] à verser à la société la somme de 1 000 euros.

Mme [S], partie succombante, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris SAUF en ce qu’il a jugé la démission claire et non équivoque,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit que la rupture du contrat de travail de Mme [X] [S] s’analyse en une prise d’acte,

Dit que la prise d’acte produit les effets d’une démission,

Condamne Mme [S] à payer à la société Service d’Ambulance Varois la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Mme [S] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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