Prêt illicite de main d’oeuvre : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05034

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05034
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05034 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGDE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VILLENEUVE SAINT GEORGES – RG n° 18/00696

APPELANTES

S.A.S. GAUTIER MERRET TRANSPORTS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

S.A.R.L. SODINOR

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

S.A.S. TRANSPORTS GAUTIER NORMANDIE (T.G.N)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIME

Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Laurent MORET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT,Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [K] [J] a été engagé par la société par actions simplifiée (SAS) Gautier Merret Transport (GMT), suivant contrat à durée indéterminée du 27 août 2007, en qualité de directeur de filiale au statut cadre.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des entreprises de transports routiers et activités auxiliaires de transport, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 12 063,63 euros (moyenne sur les 12 derniers mois).

A compter du 1er octobre 2013, le salarié s’est vu confier des responsabilités supplémentaires de Directeur Régional Activité Frais pour la région Ile de France/Normandie, cette région englobant le périmètre des sociétés GMT, Sodinor et Transports Gautier Normandie (TGN).

Le 1er juin 2017, M. [K] [J] a été déchargé de ses fonctions de direction de la Filiale GMT, tout en conservant ses missions de Directeur Régional Activité Frais.

Le 15 septembre 2017, M. [K] [J] a été placé en arrêt de travail.

Le 1er mars 2018, M. [K] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges, dans sa section Encadrement, pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail et demander un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et la condamnation in solidum des sociétés Gautier Merret Transport, Transports Gautier Normandie et Sodinor pour prêt illicite de main d’oeuvre.

Le 2 décembre 2019, l’affaire a été renvoyée devant la formation de départage.

Le 19 juin 2020, le juge départiteur statuant seul a :

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K] [J] conclu le 27 août 2007 aux torts de la SAS Gautier Merret Transport, prise en la personne de son représentant légal, à la date du 1er mars 2018

– mis hors de cause la SAS Transports Gautier, prise en la personne de son représentant légal

– condamné la SAS Gautier Merret Transport, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [K] [J] les sommes suivantes :

* 144 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 48 252 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

* 4 825,20 euros au titre des congés payés afférents

* 48 255,56 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

– rappelé que l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement porteront intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2018 et que le surplus des sommes allouées est assorti des intérêts au taux légal à compter de la présente décision

– ordonné la capitalisation des intérêts par année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil

– ordonné à la SAS Gautier Merret Transport, prise en la personne de son représentant légal, de remettre à M. [K] [J] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation destinée à l’organisme Pôle emploi conformes à la présente décision, dans les meilleurs délais

– débouté M. [K] [J] du surplus de ses demandes à l’encontre de la SAS Gautier Merret Transport, prise en la personne de son représentant légal

– débouté M. [K] [J] de ses demandes à l’encontre de la SARL Sodinor, prise en la personne de son représentant légal et de la SAS Transport Gautier Normandie, prise en la personne de son représentant légal

– dit que copie du présent jugement sera transmise au Pôle emploi, conformément aux articles R. 1235-1 et R. 1235-2 du code du travail

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision

– condamné la SAS Gautier Merret Transport, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [K] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la SAS Gautier Merret Transport, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.

Par déclaration du 29 juillet 2020, la SAS Gautier Merret Transport, la SARL Sodinor et la SAS Transports Gautier Normandie ont relevé appel du jugement de première instance dont elles ont reçu notification le 3 juillet 2020.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 6 septembre 2022, aux termes desquelles la SAS Gautier Merret Transport, les sociétés Sodinor et Transports Gautier Normandie demandent à la cour d’appel de :

A titre principal,

– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges en ce qu’il a :

” * prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du 1 er mars 2018

* condamné la société G.M.T à payer diverses sommes à Monsieur [J] à ce titre

* ordonné le décompte des intérêts au taux légal sur l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité conventionnelle de licenciement à compter du 13 avril 2018

* condamné la société G.M.T à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile”

Statuant à nouveau

– dire que la société G.M.T n’a commis aucun manquement de nature à emporter la rupture du contrat à ses torts

– débouter Monsieur [K] [J] de sa demande de résiliation judicaire de son contrat de travail

Par conséquent,

– débouter Monsieur [K] [J] des demandes suivantes :

” * indemnité conventionnelle de licenciement : 68 948,76 euros, et subsidiairement à la somme de 48 255,56 euros

* indemnité compensatrice de préavis: 51711,57 euros, et subsidiairement à la somme de 36 191,97 euros

* congés payés sur préavis : 5 171,15 euros

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 172 371,90 euros, et subsidiairement à la somme de 120 638,90 euros”

– confirmer le jugement du conseil des prud’hommes en ses autres dispositions

– et par conséquent, débouter Monsieur [K] [J] de l’ensemble de ses demandes présentées contre les sociétés G.M.T, TGN et Sodinor au titre de l’appel incident :

* dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 15 000 euros

* rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires : 165 614 euros

* congés payés sur rappel de salaire : 16 561,40 euros

* dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos : 94 059,10 euros

* rappel de salaire à titre de rémunération variable : 55 355,20 euros

* congés payés sur rappel de salaire à titre de rémunération variable : 5 535,52 euros

* dommages-intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite – subsidiaire : 15 000 euros

Solidairement entre les sociétés GMT et TGN

* indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 103 423,14 euros

Solidairement entre les sociétés GMT et Sodinor

* indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 103 423,14 euros

Y ajoutant

– déclarer recevable la demande de restitution de l’indu présentée par la société GMT

– condamner Monsieur [K] [J] à payer à la société Gautier Merret Transport la somme de 50 400 euros bruts au titre de la restitution des sommes indument payées entre le 14 mai 2018 et le 19 juin 2020

À titre subsidiaire,

si la cour d’appel confirme la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société GMT

– fixer la date de la rupture du contrat de travail à la date du prononcé du jugement, soit le 19 juin 2020

– fixer la moyenne de salaire de Monsieur [K] [J] à 12 063,63 euros

– retenir les montants déterminés par la société GMT concernant l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis

– limiter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 36 191 euros correspondant à 3 mois de salaire

– décerner acte à la société GMT qu’elle a levé la clause de non concurrence contractuelle

– dire que les intérêts au taux légal dus sur les sommes à caractère salarial ou indemnitaire

courent au plus tôt à compter du jugement de première instance

À titre infiniment subsidiaire,

si la Cour confirmait la date de rupture du contrat de travail au 1er mars 2018

– condamner Monsieur [K] [J] à restituer à la société Gautier Merret Transport la somme brute de 55 200 euros réglée mensuellement à Monsieur [J] entre le 1er mars 2018 et le 19 juin 2020

En tout état de cause,

– débouter Monsieur [K] [J] de ses demandes fondées sur les dispositions de

l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Monsieur [K] [J] à payer à la société GMT la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Monsieur [K] [J] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 6 septembre 2022, aux termes desquelles M. [K] [J] demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

” * prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [J] aux torts de la société GMT

* condamné la société GMT à payer à Monsieur [J] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement

* ordonné la capitalisation des intérêts par année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil

* condamné de la société GMT aux entiers dépens et à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ”

– confirmer le décompte des intérêts des condamnations prononcées à compter du 13 avril 2018, date de convocation des parties devant le bureau de conciliation du conseil de

prud’hommes et à compter du 19 juin 2020 pour les dommages-intérêts

Pour le surplus,

– infirmer le jugement et statuant à nouveau sur appel incident

– infirmer le jugement sur le choix de la date de la résiliation judiciaire et la fixer au jour du prononcé du jugement déféré, soit le 19 juin 2020

– fixer le salaire mensuel moyen de Monsieur [J] à la somme de 17 237,19 euros bruts en intégrant les heures supplémentaires ou 12 063,89 euros bruts hors heures supplémentaires

– infirmer le jugement sur le quantum des dommages-intérêts accordés au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en fixer le montant à la somme de 172 371,90 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (10 mois intégrant les heures supplémentaires)

Subsidiairement si les heures supplémentaires ne sont pas accordées par la cour,

– infirmer le jugement sur le quantum des dommages-intérêts accordés et le fixer à 120 638,90 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (10 mois sans intégration des heures supplémentaires)

– infirmer le jugement sur le quantum de l’indemnité compensatrice de préavis et

– condamner la société GMT au paiement de la somme de 51 711,57 euros bruts au titre outre 5 171,15 euros de congés payés afférents

Subsidiairement si les heures supplémentaires ne sont pas accordées par la cour,

– infirmer le jugement sur le quantum de l’indemnité compensatrice de préavis et la fixer à 36 191,97 euros bruts outre 3 617,19 euros de congés payés afférents

– infirmer le jugement sur le quantum de l’indemnité conventionnelle de licenciement et

– condamner la société GMT au paiement de la somme de 68 948,76 euros à ce titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

Subsidiairement si les heures supplémentaires ne sont pas accordées par la cour,

– confirmer le montant figurant au jugement déféré

– infirmer le jugement déboutant Monsieur [J] de sa demande de condamnation de la société GMT au paiement de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement

à l’obligation de sécurité

– infirmer le jugement déboutant Monsieur [J] de la soumission à la durée légale du travail chez GMT et en conséquence :

– condamner la société GMT au paiement de 27 276 euros bruts à titre de rappel d’heures

supplémentaires à 125 % effectuées durant l’année 2015, outre 2 727,60 euros bruts au titre des congés payés afférents

– condamner la société GMT au paiement de 31 094 euros bruts à titre de rappel d’heures

supplémentaires à 150 % effectuées durant l’année 2015, outre 3 109,40 euros bruts au titre des congés payés afférents

– condamner la société GMT au paiement de dommages-intérêts pour privation du droit à

repos compensateur pour l’année 2015 à hauteur de 35 660 euros nets

– condamner la société GMT au paiement de 39 198 euros bruts à titre de rappel d’heures

supplémentaires à 125 % effectuées durant l’année 2016, outre 3 919,80 euros bruts au titre des congés payés afférents

– condamner la société GMT au paiement de 50 223 euros bruts à titre de rappel d’heures

supplémentaires à 150 % effectuées durant l’année 2016, outre 5 022,30 euros bruts au titre des congés payés afférents

– condamner la société GMT au paiement de dommages-intérêts pour privation du droit à

repos compensateur pour l’année 2016 à hauteur de 53 092 euros nets

– condamner la société GMT au paiement de 7 863 euros bruts à titre de rappel d’heures

supplémentaires à 125 % effectuées durant l’année 2017, outre 786,30 euros bruts au titre des congés payés afférents

– condamner la société GMT au paiement de 9 960 euros bruts à titre de rappel d’heures

supplémentaires à 150 % effectuées durant l’année 2017, outre 996 euros bruts au titre des

congés payés afférents

– infirmer le jugement déboutant Monsieur [J] de ses demandes de rémunération variable

malgré l’absence de fixation d’objectifs et en conséquence :

– condamner la société GMT au paiement de 15 105,98 euros bruts à titre de rappel de salaires (solde de rémunération variable) pour l’année 2015 outre 1 5010,59 euros bruts au titre des congés payés afférents

– condamner la société GMT au paiement de 11 785,44 euros bruts à titre de rappel de salaires (solde de rémunération variable) pour l’année 2016 outre 1 178,54 euros bruts au titre des congés payés afférents

– condamner la société GMT au paiement de 28 463,78 euros bruts à titre de rappel de salaires (rémunération variable) pour l’année 2017 outre 2 846,37 euros bruts au titre des congés payés afférents

– infirmer le jugement déboutant Monsieur [J] de ses demandes relatives au prêt de main

d”uvre illicite par la société GMT au bénéfice des sociétés TGN et Sodinor

– condamner in solidum la société GMT et la société TGN au paiement de 103 423,14 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre

– condamner in solidum la société GMT et la société Sodinor au paiement de 103 423,14 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt illicite de main d”uvre

Sur la demande nouvelle de la société GMT en cause d’appel :

– dire irrecevable la demande nouvelle de répétition de salaires présentée en cause d’appel par la société GMT

Subsidiairement, débouter la société GMT de sa demande de compensation

En tout état de cause

– ordonner le décompte des intérêts des créances salariales à venir à compter du 13 avril 2018, date de convocation des parties devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et à compter du 19 juin 2020 pour les dommages-intérêts

– ordonner le décompte des intérêts des créances indemnitaires à venir à compter de l’arrêt

– ordonner la capitalisation des intérêts par année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil

– condamner la société GMT à payer à Monsieur [J] la somme de 6 000 euros au titre

des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers

dépens.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le statut de cadre dirigeant

Selon l’article L. 3111-2 du code du travail : “Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement”. Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des II et III du code du travail sur les durées légales de travail.

M. [K] [J] conteste le statut de cadre dirigeant qui lui a été appliqué par la SAS Gautier Merret Transport (GMT), en relevant qu’il ne réunissait pas sur sa personne les conditions cumulatives exigées par l’article L. 3111-2 du code du travail. Il relève, notamment, que l’employeur opérait un décompte de ses jours de travail, ainsi qu’en attestent ses bulletins de salaire, et qu’il bénéficiait de jours de récupération, dits de “RTT” ce qui démontre qu’il était soumis, dans les faits, à un forfait en jours incompatible avec le statut d’un cadre dirigeant.

En outre, il précise qu’en sa qualité de Directeur Régional, il n’avait aucun pouvoir de décision puisque celles-ci étaient prises au niveau du groupe par les salariés composant la Direction Générale, qui étaient tous des salariés de la société Beauvoir, ainsi que l’a constaté le cabinet Syndex dans un rapport présenté au Comité d’Entreprise en octobre 2018 (pièce 17 employeur). En sa qualité de salarié de la société GMT, M. [K] [J] ne participait pas à la Direction Générale de cette société ou du groupe STG et il devait rendre compte de son activité auprès des “CODIR Régions” (CODIREG) composés de la Direction Générale, des principaux Directeurs de fonctions et des Directeurs Régionaux.

M. [K] [J] ajoute qu’il ne disposait d’aucune équipe dédiée à l’activité de Directeur Régional, qu’il a assurée à compter du mois d’octobre 2013, puisque ses collaborateurs étaient rattachés hiérarchiquement aux fonctions support du siège social de groupe STG (pièces 36, 69 et 73). S’il est entré au CODIREG, à compter de 2013, il affirme que cet organe n’avait aucun pouvoir décisionnel. Preuve en est d’ailleurs, que le CODIREG n’a été ni consulté, ni informé lorsque le groupe a décidé de supprimer l’échelon des régions, l’employeur privilégiant une information individuelle et collective à l’égard des salariés.

M. [K] [J] prétend qu’il ne pouvait engager la société GMT dans aucun acte de disposition, y compris à l’échelon régional, sans accord de la Direction Générale du groupe STG et il précise que l’avenant 2013 à son contrat de travail mentionnait qu’il “s’engage à respecter les instructions qui lui seront données et à se conformer aux règles régissant le fonctionnement de l’entreprise ainsi qu’à la politique décidée par elle”. Sa prime annuelle était d’ailleurs subordonnée “à l’engagement et l’investissement personnel” qu’il mettait “notamment dans la mise en application des directives de la Direction Générale” (pièces 2.1 et 2.2).

Ainsi, le salarié intimé explique qu’il pouvait, certes, émettre des recommandations commerciales mais qu’il ne décidait jamais des tarifications des prestations de son site, validées uniquement par le siège du groupe STG. Il avance qu’il n’avait pas davantage la possibilité d’embaucher ou de licencier de son propre chef.

Enfin, le salarié intimé indique que sa rémunération ne se situait pas dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération du groupe STG et, la seule communication par la société intimée des remunérations des salariées de GMT, ne permet pas d’effectuer une comparaison pertinente puisque les cadres dirigeants faisaient tous partie, en 2017, de la société Beauvoir, dont il n’est pas transmis les niveaux de rémunération.

L’employeur répond qu’en sa qualité de Directeur de Filiale, M. [K] [J] était en charge de l’organisation générale de la société GMT, qui employait 171 salariés et qu’il la dirigeait en parfaite indépendance et sans supérieur hiérarchique, ainsi qu’en atteste l’organigramme de cette société (pièce 25). Eu égard à ses fonctions, M. [K] [J] exerçait un pouvoir hiérarchique sur d’autres cadres comme les responsables d’exploitation et les responsables administratifs, il disposait d’un pouvoir disciplinaire et de la capacité de licencier les salariés de GMT (pièce 34), il assumait la présidence des instances représentatives du personnel et pouvait engager financièrement la société, parfois pour des montants importants (pièces 27 et 28). Le salarié représentait, également, la société à l’occasion de la signature des accords relatifs aux Négociations Annuelles Obligatoires (NAO).

La société intimée précise que M. [K] [J] était titulaire d’une délégation de pouvoir pour assurer le respect des lois et règlements et que la nécessité qui lui était rappelée de suivre les orientations de la Direction Générale du groupe ne remettait pas en cause l’autonomie qui lui était accordée en sa qualité de cadre dirigeant de GMT.

Enfin, le salarié percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise, puisque, en dernier lieu, il bénéficiait d’une rémunération brute mensuelle fixe d’un peu plus de 10 000 euros, qui était la plus élevée de la société (pièce 38) et très supérieure à celle prévue dans la grille conventionnelle des salaires.

Lorsqu’en 2013, M. [K] [J] est devenu Directeur de Région, il a conservé une autonomie justifiant le maintien de son statut de cadre dirigeant puisqu’il avait un pouvoir de contrôle et de direction des équipes régionales et qu’il assumait des missions de contrôle et de direction des deux puis trois Directeurs de filiales (Sodinor & TGN, puis GMT) situées sur son périmètre. A ce titre, il réalisait les entretiens annuels de chacun et définisait la stratégie et la mise en place de plan d’actions pour les sites en accord avec les Directeurs de site (pièces 44, 45, 46, 47).

Ce pouvoir décisionnel s’exprimait, notamment, à l’occasion des COREG (réunions de Région) animées par le salarié, où il était décidé les plans d’actions et axes stratégiques de fonctionnement et développement des filiales situées dans sa région. C’est également

M. [K] [J] qui établissait le compte rendu de ces réunions adressé à la Direction Générale pour l’informer des options retenues. Dans le cadre de ses fonctions, M. [K] [J] a continué à exercer des missions en relation avec les ressources humaines en co-animant certaines réunions avec les IRP (pièces 56) en participant aux NAO (pièce 13) en décidant d’un certain nombre de mesures en termes de rémunérations, ruptures, recrutements (pièces 57, 58, 59).

M. [K] [J] était, aussi, membre du CODIREG qui rassemblait les 10 premiers postes du groupe STG et dans lequel étaient décidées les grandes orientations du groupe pour chacune des régions.

Enfin, l’employeur justifie, en produisant, la liasse fiscale établie pour la société Beauvoir, que le salarié intimé a toujours eu une des plus fortes rémunérations du groupe, à savoir la 3ème pour les exercices 2014/2015 et 2015/2016 et la 6ème pour l’exercice 2016/2017 (avec la prise en compte d’un arrêt maladie durant 3 mois).

En cet état, la cour observe que le contrat de travail de M. [K] [J] prévoyait son positionnement au “groupe 5- coefficient 132 classé dans la catégorie Cadre Dirigeant” (pièce 2 salarié) et que ce statut a, également, été rappelé dans l’avenant à son contrat de travail du 1er octobre 2013 (pièce 2-2 salarié). La référence à l’octroi de RTT sur 6 bulletins de salaire sur toute la relation contractuelle est insuffisante pour affirmer que le salarié bénéficiait, dans les faits, d’un forfait annuel en jours et qu’il était soumis à un contrôle de son temps de travail, qui n’est objectivé par aucun autre élément, comme des demandes d’autorisation pour des prises de congés, par exemple.

Il apparaît, par ailleurs, que tant en sa qualité de Directeur de la filiale GMT, qu’en sa qualité de Directeur de Région à compter d’octobre 2013, M. [K] [J] a disposé d’un pouvoir décisionnaire et d’engagement en termes de stratégie et de politiques commerciales, ainsi qu’en matière de gestion des ressources humaines, qu’il était titulaire d’une délégation en terme de responsabilité, qu’il représentait la Direction auprès des Institutions Représentatives du Personnel et des tiers, qu’il définissait les axes stratégiques de fonctionnement et de développement de GMT, puis des filiales situées dans sa région en concertation avec les responsables des fonctions opérationnelles au niveau du Groupe dans le cadre des CODIREG (pièce 22 salarié).

La mention figurant dans un avenant au contrat de travail du salarié selon laquelle il s’engageait à respecter la politique définie au niveau du Groupe n’obère pas les responsabilités et l’autonomie qui lui étaient accordées dans l’exercice de ses missions au niveau opérationnel de sa Région.

Enfin, il est justifié que le salarié a bien perçu une des rémunérations les plus élevées au sein du Groupe.

En conséquence, les responsabilités occupées par le salarié tant en sa qualité de Directeur de Filiale que de Directeur de Région, son autonomie dans l’organisation de son temps de travail, sa participation aux organes décisionnels à son niveau opérationnel et la perception d’un des plus importants salaires du Groupe permettent de retenir que les fonctions de

M. [K] [J] répondaient bien au statut de “cadre dirigeant” et qu’il ne peut, de ce fait, revendiquer les dispositions légales communes relatives au temps de travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [K] [J] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et congés afférents pour les années 2015, 2016 et 2017, ainsi que pour ses demandes de dommages-intérêts pour privation du droit à repos compensateur pour ces mêmes années.

2/Sur la demande de rappel de rémunération variable

M. [K] [J] rapporte qu’il bénéficiait d’une rémunération variable annuelle en tant que Directeur Régional, dénommée “prime annuelle d’objectifs”, ainsi définie dans l’avenant contractuel signé le 1er octobre 2013 :

“Il est convenu de l’attribution d’une prime annuelle d’objectifs, d’un montant brut maximum de 20 % de la rémunération brute annuelle, et dont les modalités et objectifs sont définis par la Direction à chaque début d’exercice comptable, en fonction notamment de la stratégie arrêtée par la Direction Générale pour le groupe et les sites qui la composent.

Pour information, pour l’exercice comptable 2013/2014 la prime est calculée de la façon suivante :

– 30 % du montant total subordonné à l’atteinte des résultats budgétaires du groupe sur l’exercice 2013/2014

– 30 % du montant total subordonné à l’atteinte des résultats budgétaires de la région d’affectation sur l’exercice 2013/2014

– 30 % du montant total subordonné à l’atteinte des résultats budgétaires du site de rattachement sur l’exercice 2013/2014

– 10 % du montant total subordonné à l’engagement et l’investissement personnel de Monsieur [J] notamment dans la mise en application des directives de la Direction Générale, dans sa capacité à être force de proposition pour atteindre les objectifs fixés, dans sa capacité à entretenir la cohésion des équipes et à participer à celle du Comité de Direction”.

Le salarié ajoute que, postérieurement à l’exercice 2014, aucun objectif ne lui a été fixé à chaque début d’exercice comptable et qu’aucune évaluation de l’atteinte des objectifs n’a été réalisée. Aussi, les primes,qui lui ont été versées les années suivantes ont été déterminées de manière parfaitement discrétionnaire par l’employeur.

En conséquence, M. [K] [J] considère qu’il peut prétendre au montant maximum de rémunération variable prévu, soit 20 % de sa remunération brute annuelle, dont il convient de déduire les primes versées par l’employeur et il sollicite un rappel de 15 105,98 euros au titre de l’année 2015, outre 1 510,59 euros au titre des congés payés afférents, un rappel de 11 7855,44 euros, outre 1 178,54 euros au titre des congés payés afférents pour l’exercice 2016 et un rappel de 28 463,78 euros, outre 2 846, 37 euros au titre des congés payés afférents pour l’exercice 2017.

Si l’employeur convient qu’il n’a pas été procédé à une actualisation des critères de calcul des objectifs postérieurement à l’exercice 2013/2014, il affirme qu’en raison des résultats du groupe et de la région non conformes aux budgets (pièce 70), il n’a pas été versé au salarié une rémunération variable correspondant à 100 % des objectifs pour les exercices 2015, 2016 et 2017. Néanmoins, il justifie avoir réglé au salarié une rémunération variable de 9 390 euros, correspondant à 38 % du potentiel de prime en décembre 2015, une part variable de 15 800 euros, correspondant à 57 % du potentiel de prime pour l’exercice 2016 et aucune prime pour l’exercice 2017 en raison de la dégradation des résultats du groupe, de la région mais, également, de la société GMT.

La cour retient qu’en dépit des stipulations de l’avenant au contrat de travail du 1er octobre 2013, l’employeur s’est abstenu de définir à chaque début d’exercice comptable les objectifs servant de calcul pour la prime annuelle versée au salarié. Par ailleurs, les sociétés appelantes ne justifient que par la production d’un tableau, établi le 16 avril 2021 (pièce 70), pour les besoins de la cause, des résultats du groupe, de la Région et de la société GMT et de leur non-conformité, supposée, aux budgets définis pour les années 2015, 2016 et 2017, budgets dont il n’est pas justifié de la notification au salarié pour les années litigieuses.

L’examen de la pièce 70 permet encore de s’apercevoir que si les résultat du groupe et de la région n’étaient pas conformes aux prévisions budgétaires en 2015, ils ne l’étaient pas non plus en 2016, alors que le pourcentage de part variable alloué au salarié a évolué à la hausse sur cet exercice, ce qui ne peut s’expliquer par la prise en compte du seul item relatif à son engagement et à son investissement. Au titre de l’année 2017, il est encore observé que le salarié n’a perçu aucune somme au titre de sa part variable alors qu’il n’est pas justifié que son engagement et son investissement dans la mise en application des directives de la Direction aurait été inférieur aux années précédentes. Il s’en déduit que le montant des parts variables allouées au salarié pour les années 2015, 2016 et 2017 a été déterminé de manière parfaitement discrétionnaire par l’employeur, qui s’abstient d’ailleurs de communiquer les éléments explicatifs accompagnant la notification au salarié de sa part variable pour les années litigieuses.

En conséquence, à défaut de justification des modalités de calcul de parts variables de

M. [K] [J] pour les années 2015, 2016 et 2017 et de production d’éléments comptables justifiant des résultats du groupe, de la région et de la société GMT et des budgets prévisionnels pour ces années, le salarié est bien fondé à solliciter des rappels équivalant à une atteinte à 100 % des objectifs.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de rappels de rémunérations variables et congés payés afférents et il sera fait droit à ses demandes de ces chefs.

3/ Sur le prêt illicite de main d’oeuvre

M. [K] [J] soutient, qu’alors qu’il a toujours été employé par la société Gautier Merret Transport, il s’est trouvé mis à la disposition de deux sociétés soeurs : Transports Gautier Normandie (TGN) et Sodinor, à compter du 1er octobre 2013 sans respect des conditions légales.

En effet, aucune convention de mise à disposition n’a été signée entre la société GMT et les sociétés TGN et Sodinor pour définir les modalités pratiques d’exécution de la mise à disposition du salarié et, notamment, la question du remboursement de son salaire et de ses charges sociales.

Le salarié souligne que cette opération de prêt de main-d”uvre a donc revêtu un caractère lucratif en l’absence d’opérations de refacturation par la société GMT des salaires et charges sociales engagées, ce qui a permis aux sociétés TGN et Sodinor d’économiser les charges sociales et financières qu’elles auraient eu elles-mêmes à supporter en tant qu’employeurs.

M. [K] [J] ajoute qu’il n’est pas rapporté la preuve par les sociétés concernées que les représentants du personnel aient été consultés sur cette mise à disposition. En outre, la durée maximale de deux ans pour une mise à disposition prévue par l’article L. 8241-3 du code du travail n’a pas été respectée, M. [K] [J] ayant travaillé pour les sociétés TGN et Sodinor entre octobre 2013 et juin 2017.

M. [K] [J] sollicite, donc, la condamnation, in solidum, de la société GMT et de la société TGN au paiement d’une somme de 103 423,14 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre et la condamnation de la société GMT et de la société Sodinor au paiement d’une somme de 103 423,14 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre.

La SAS GMT réplique que si aucune convention de mise à disposition n’a été signée entre les sociétés GMT, TGN et Sodinor c’est parce que M. [K] [J] n’a pas été mis à la disposition de ces sociétés, au sens où l’entend le code du travail. En effet, à compter d’octobre 2013, le salarié intimé a été amené à intervenir sur le périmètre des sociétés TGN et Sodinor dans le cadre d’une convention de prestation de services, en l’espèce une convention de management, conclue entre GMT et la société Beauvoir, Holding du groupe, prévoyant la réalisation par la société GMT d’une prestation de direction pour le compte de la société Beauvoir sur le périmètre de la région Ile-de-France/Normandie (pièce 73). L’employeur ajoute que cette convention déterminait la facturation réalisée par la société Beauvoir auprès de ses filiales, qui, s’agissant de la société GMT se trouvait réduite en raison de la participation de cette société à la prestation de management (pièce 74) .

La SAS GMT souligne que ce type de convention, qui s’assimile à une convention de sous-traitance, est parfaitement licite, notamment dans les groupes de sociétés et qu’elle est pratiquée pour d’autres types de prestations ainsi que l’a retenu le rapport d’expertise comptable Syndex (pièce 17).

La cour retient, qu’à compter d’octobre 2013, le salarié intimé s’est vu confier, en plus de ses tâches de Directeur de la filiale GMT, une mission de supervision et de management de deux sociétés situées dans le même périmètre géographique et rattachées à la société dont il assurait la direction pour constituer un pôle de compétence régionale. La société GMT, employeur de M. [K] [J], a donc signé avec la Holding du groupe une convention de sous-traitance pour une mission de management, exercée dans les faits par l’appelant auprès des sociétés TGN et Sodinor. Cette mission, en raison des connaissances techniques et de terrain qu’elle nécessitait, était bien distincte des fonctions supports assumées par les salariés de la Holding Beauvoir et pouvait donc être confiée au dirigeant de la filiale GMT. M. [K] [J] a continué à être employé et rattaché à GMT durant l’accomplissement de la mission de sous-traitance, puisque le salarié reconnaît dans ces écritures qu’il n’effectuait que des déplacements sur les sites des sociétés TGN et Sodinor. Ces sociétés n’ont jamais donné d’ordres au salarié et la prestation de management de la société GMT a bien fait l’objet d’une facturation par la société Beauvoir sous forme d’une réduction de charges, déterminée forfaitairement en début d’exercice par un accord entre les deux sociétés, et non en fonction d’un nombre d’heures travaillées.

Il s’en déduit que M. [K] [J] a effectué des missions de management et de supervision au bénéfice des sociétés TGN et Sodinor dans le cadre d’une convention de sous-traitance parfaitement licite et qui ne peut en aucune manière être requalifiée en prêt illicite de main d’oeuvre.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre. Si le salarié évoque, dans le corps de ses conclusions, une demande subsidiaire de réparation à hauteur de 15 000 euros en raison des manquements de l’employeur à la loi sur le prêt de main d’oeuvre, cette demande, non fondée, n’est pas reprise dans le dispositif de ses écritures, il n’y sera pas répondu.

4/ Sur le manquement à l’obligation de sécurité

M. [K] [J] fait grief à l’employeur de lui avoir annoncé brutalement la suppression de son emploi, au terme d’un échange téléphonique qui s’est tenu le 15 septembre et sans la moindre mesure d’accompagnement alors que cette option avait été définie depuis de nombreux mois, ce qui a entraîné un choc réactionnel chez le salarié nécessitant son placement immédiat en arrêt de travail.

En conséquence, M. [K] [J] sollicite une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi.

Cependant, il ressort de plusieurs courriels et notamment d’un email du 1er septembre 2017, qu’à cette date M. [K] [J] était informé du projet de réorganisation et de suppression des Directeurs de Régions depuis plusieurs semaines et qu’il s’inquiétait des rumeurs qui se répandaient sur ce projet auprès des salariés (pièce 5 salarié). L’employeur justifie, qu’à compter des mois de juillet et août 2017, la direction des Ressources Humaines s’est rapprochée des Directeurs de Régions, dont M. [K] [J], pour discuter avec eux de la nouvelle organisation, qui devait entraîner la suppression de l’échelon “Région” et de leur repositionnement dans le groupe. Le salarié en convient, d’ailleurs, lui-même, dans ses écritures quand il indique que le CODIREG n’a pas été consulté sur la suppression des Directeurs de Région mais que cette restructuration a fait l’objet d’une information individuelle des salariés en juillet 2017. Il ressort, également, des témoignages de collègues du salarié, de la directrice des Ressources Humaines du Groupe et d’un courriel en date du 1er septembre 2017 (pièces 9, 10, 11 et 12) qu’en raison de son âge et de la proximité de son départ à la retraite, M. [K] [J] ne souhaitait pas se positionner sur un nouveau poste et qu’une rupture conventionnelle était envisagée.

Dans ces conditions, il n’est pas démontré que M. [K] [J] aurait appris brutalement et téléphoniquement la suppression de son poste de travail et que cet agissement de l’employeur aurait porté atteinte à son état de santé. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande indemnitaire au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

5/ Sur la résiliation judiciaire

Les dispositions combinées des articles L. 1231-1 du code du travail et 1224 du code civil permettent au salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations contractuelles.

Il appartient à M. [K] [J] d’établir la réalité des manquements reprochés à son employeur et de démontrer que ceux-ci sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. La résiliation prononcée produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs si, ayant engagé l’instance en résiliation de son contrat de travail, le salarié a continué à travailler au service de l’employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement; c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

La réalité et la gravité de ces manquements sont appréciées à la date où la juridiction statue et non à la date où ils se sont prétendument déroulés.

M. [K] [J] fonde, tout d’abord, sa demande de résiliation judiciaire sur l’annonce brutale qui lui a été faite le 15 septembre 2017 de la suppression de son poste de Directeur Régional, sans proposition de reclassement sur un poste équivalent, ce qui constituait, selon lui, une modification unilatérale de son contrat de travail pour laquelle il ne lui a pas été demandé son accord exprès.

Il reproche, aussi, à l’employeur d’avoir modifié unilatéralement sa rémunération en cessant de lui payer sa prime de Directeur de Région, d’un montant de 2 000 euros mensuel à compter de septembre 2017 et en s’abstenant de lui servir la rémunération variable à laquelle il pouvait prétendre pour les années 2015, 2016 et 2017.

Concernant le premier grief, la cour a retenu au point 4 que M. [K] [J] avait été informé sur la suppression des postes de Directeur de Région dès le mois de juillet 2017 et qu’il avait manifesté son souhait de ne pas se positionner sur un nouvel emploi alors que deux de ses collègues exerçant des fonctions de Directeur de Région ont été nommés à des postes de Directeur Délégué Transport. Il ne peut donc être retenu que l’intention de l’employeur de supprimer le poste de Directeur de Régional du salarié, qui n’était formalisée en aucune manière à la date du 15 septembre 2017, date à partir de laquelle M. [K] [J] a été placé en arrêt de travail constituait une modification unilatérale de son contrat de travail. Ce grief sera donc écarté.

De la même manière, s’il est avéré que le salarié n’a pas perçu sa prime de Directeur de Région pendant plusieurs mois, il est acquis que cette situation a été régularisée en janvier 2018, soit antérieurement à la saisine par le salarié du conseil de prud’hommes. Ce grief ne peut donc fonder une demande en résiliation judiciaire.

En revanche, l’absence de versement durant trois années à l’intimé de la rémunération variable à laquelle il pouvait prétendre, l’a privé d’une part importante de son salaire, ce qui constitue un manquement grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, cette rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du jugement qui l’a prononcée soit, le 19 juin 2020.

Au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [K] [J] qui, à la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail, comptait 10 ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 3 et 10 mois de salaire.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 64 ans, de son ancienneté de plus de 10 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 120 636,30 euros.

Le jugement entrepris sera donc réformé sur le montant de cette condamnation.

Il sera, également, alloué à M. [K] [J] les sommes suivantes :

– 36 190,89 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 3 619,09 au titre des congés payés afférents

– 48 254,53 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Le jugement déféré sera, donc, également, réformé sur le montant de ces condamnations.

6/ Sur la recevabilité de la demande la société GMT de répétition d’une partie du salaire de M. [K] [J] contractuellement dû

La société GMT indique qu’elle a maintenu le salaire de M. [K] [J] de la date de son placement en arrêt de travail jusqu’au 13 mai 2018 et que, même postérieurement à cette date, elle a continué à lui verser sa prime mensuelle de 2 000 euros, de Directeur de région, jusqu’au 19 juin 2020.

La SAS Gautier Merret Transport sollicite, donc, la restitution par le salarié d’une somme totale de 50 400 euros au titre de la prime qu’il a perçue indûment durant son arrêt maladie après la période donnant lieu à maintien de salaire.

Mais, ainsi que le relève le salarié intimé, cette prétention de l’employeur qui n’est ni l’accessoire, ni la conséquence, ni le complément de ses demandes initiales et qui n’a pas pour objet de faire écarter les prétentions adverses, constitue une demande nouvelle qui doit être écartée en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.

La demande de GMT de restitution d’une somme de 50 400 euros indûment perçue par le salarié sera donc dite irrecevable.

7/ Sur la levée de la clause de non-concurrence

La société fait valoir qu’elle avait demandé dans ses écritures de première instance que le conseil de prud’hommes lui décerne acte qu’elle levait la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail à compter du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail. Les premiers juges n’ayant pas statué sur cette prétention, elle demande que la cour d’appel y fasse droit.

Mais, la cour observe que cette demande ne figure pas dans le récapitulatif des demandes de la défenderesse mentionné dans le jugement du 19 juin 2020 et surtout que cette prétention n’apparaît pas dans le dispositif des conclusions des sociétés GMT, STG, Sodinor et TGN, visées par le greffe du conseil de prud’hommes en date du 15 mai 2020.

Les sociétés appelantes seront donc déboutées de cette demande, qui n’a pas été formée en temps utile.

8/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2018, date de l’audience du bureau de conciliation et d’orientation, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l’employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2020, date du jugement déféré.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

La SAS Gautier Merret Transport supportera les dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à payer à M. [K] [J] une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dit irrecevable la demande de condamnation de M. [K] [J] à restituer à la SAS Gautier Merret Transport une somme de 50 400 euros,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K] [J] aux torts exclusifs de la SAS Gautier Merret Transport à effet au 19 juin 2020,

Condamne la SAS Gautier Merret Transport à payer à M. [K] [J] les sommes suivantes :

– 15 105,98 euros bruts à titre de solde de rémunération variable pour l’année 2015, outre 1 510,59 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 11 785,44 euros bruts à titre de solde de rémunération variable pour l’année 2016, outre 1 178,54 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 28 463,78 euros bruts à titre de solde de rémunération variable pour l’année 2017, outre 2 846,37 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 120 636,30 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

– 36 190,89 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 3 619,09 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 48 254,53 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2018 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2020, date du jugement déféré,

Ordonne la capitalisation des intérêts pourvus qu’ils soient dus pour une année entière,

Déboute M. [K] [J] du surplus de ses demandes à l’encontre de la SAS Gautier Merret Transport et de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la SARL Sodinor et la SAS Transports Gautier Normandie,

Déboute la SAS Gautier Merret Transport, la SARL Sodinor et la SAS Transports Gautier Normandie du surplus de leurs demandes plus amples ou contraire,

Condamne la SAS Gautier Merret Transport supportera les dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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