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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 17/09212 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LOAM
SASU JTEKT AUTOMOTIVE [Localité 3]
C/
[U]
S.A.S. PRO SERVICES CONSULTING
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 30 Novembre 2017
RG : F 14/00712
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
APPELANTE :
Société JTEKT AUTOMOTIVE [Localité 3]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Philippe CHASSANY de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
[Z] [U]
né le 06 Juillet 1984 à [Localité 4] (25)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me François DUMOULIN de la SELARL FRANCOIS DUMOULIN, avocat au barreau de LYON
Société PRO SERVICES CONSULTING
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON Me ayant pour avocat plaidant Emmanuel TORDJMAN de la SELARL SEATTLE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie PALLE, Présidente
Bénédicte LECHARNY, Conseiller
Thierry GAUTHIER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Octobre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [U] (le salarié) a été engagé à compter du 2 mai 2012, en qualité d’agent de fabrication polyvalent, par la société Pro Services Consulting dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partagé signé le 27 avril 2012, moyennant 34,15 heures par semaine, et a été mis à disposition de manière continue auprès de la société JTEKT Automotive [Localité 3].
Alertée par les salariés de la société Pro Services Consulting sur leur situation, l’inspection du travail indiquait à la société JTEKT Automotive [Localité 3], le 13 mai 2013, que ces salariés se trouvaient dans une situation illégale de marchandage et, le 20 février 2014, elle dressait un procès verbal d’infraction en visa des articles L. 8241-1 et L. 8243-1 du code du travail. Après avis donné par la DIRECCTE, le 30 septembre 2015, le procureur de la République de [Localité 3] décidait d’un classement sans suite.
Par courrier du 19 juillet 2013, la société Pro Services Consulting a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 juillet 2013.
Par courrier du 1er août 2013, la société Pro Services Consulting a notifié au salarié son licenciement au motif de la fin de la mission au sein de la société JTEKT Automotive [Localité 3] et de l’impossibilité de lui trouver de nouvelles missions.
Par requête du 19 février 2014, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Au dernier état de ses demandes, le salarié a sollicité du conseil de prud’hommes de juger que sa mise à disposition par la société Pro Services Consulting auprès de la société JTEKT Automotive [Localité 3] est constitutive de marchandage et d’un prêt de main d’oeuvre illicite, et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il a également sollicité la condamnation solidaire des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] à lui verser des dommages-intérêts pour marchandage et prêt de main d’oeuvre illicite, et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 30 novembre 2017, statuant en formation de départage, le conseil de prud’hommes a :
– requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun le contrat de travail liant le salarié à la société Pro Services Consulting,
– dit et jugé que les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] ont réalisé comme employeurs conjoints une opération de prêt de main-d’oeuvre illicite,
– dit et jugé que le licenciement du salarié est abusif,
– condamné solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] à verser au salarié les sommes suivantes, outre intérêts légaux à compter de la décision :
3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite,
4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté le salarié du surplus de ses demandes,
– déclaré le syndicat CGT des travailleurs métallurgiques de la société JTEKT d’Irigny irrecevable en toutes ses demandes en l’absence de capacité à ester en justice,
– débouté les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dirigées contre le salarié et le syndicat CGT des travailleurs métallurgiques de la société JTEKT Automotive [Localité 3] d’Irigny,
– condamné solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] aux dépens de l’instance.
La société JTEKT Automotive [Localité 3] a relevé appel de ce jugement, le 22 décembre 2017 (RG n°17/09212), en intimant le seul salarié et par une seconde déclaration d’appel, le 2 janvier 2018 (RG n°18/00011), elle a intimé le salarié et la société Pro Services Consulting.
La société Pro Services Consulting a également relevé appel, le 3 janvier 2018 (RG n°18/00039) en intimant le salarié, la société JTEKT Automotive [Localité 3] ainsi que le syndicat CGT Travailleurs métallurgistes JTEKT d’Irigny.
Par un écrit distinct et motivé, notifié le 3 avril 2018, la société Pro Services Consulting a déposé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l’article L. 1252-2 du code du travail et de l’expression – personnel qualifié – qu’elle contient.
Par arrêt du 6 mars 2019, la présente cour d’appel a ordonné la transmission de cette question à la Cour de cassation et a sursis à statuer.
Par arrêt du 10 juillet 2019, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu à renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Dans ses conclusions notifiées le 17 septembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la société JTEKT Automotive [Localité 3] demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien-fondé son appel principal et incident,
– infirmer le jugement rendu le 30 novembre 2017 par le conseil de prud’hommes de Lyon, statuant en départage, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté le salarié du surplus de ses demandes et déclaré le syndicat irrecevable en ses demandes,
– dire et juger que le recours au travail à temps partagé a été opéré dans des conditions conformes aux dispositions des articles L. 1252-1 et suivants du code du travail, le respect du critère de mise à disposition d’un personnel qualifié étant caractérisé et l’impossibilité de recruter elle-même étant établie,
– dire et juger qu’aucun prêt de main d’oeuvre illicite n’est caractérisé dès lors que le recours au travail à temps partagé a été opéré dans des conditions régulières et qu’en tout état de cause, rien ne permet d’établir l’élément intentionnel nécessaire à la reconnaissance d’un prêt de main d’oeuvre illicite, étant précisé qu’une mauvaise application des dispositions légales ne permettrait pas de caractériser une telle intention,
– débouter en conséquence le salarié de sa demande de condamnation solidaire avec la société Pro Services Consulting à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce prétendu prêt de main d’oeuvre illicite ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, y compris dans le cadre de son appel incident,
– dire et juger subsidiairement que rien ne permet de caractériser un quelconque préjudice subi par le salarié et qu’en l’absence de démonstration du préjudice qu’il invoque, le salarié ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre du prétendu prêt de main d’oeuvre illicite ou d’un quelconque marchandage,
– débouter en conséquence le salarié de sa demande d’indemnisation présentée à ce titre à hauteur de 15 000 euros dans le cadre de son appel incident,
– dire et juger qu’aucun lien de subordination n’est établi entre le salarié et elle, et qu’elle n’a pas la qualité d’employeur conjoint du salarié,
– débouter en conséquence le salarié de sa demande de condamnation solidaire avec la société Pro Services Consulting à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, y compris dans le cadre de son appel incident,
– constater subsidiairement qu’elle n’a pas participé à la procédure de licenciement du salarié,
– débouter en conséquence le salarié de la demande présentée dans le cadre de son appel incident à son encontre en vue de sa condamnation solidaire au versement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
– dire et juger très subsidiairement, pour le cas où la cour confirmerait en son principe sa condamnation solidaire avec la société Pro Services Consulting, que le salarié ne justifie pas d’un préjudice spécifique subi du fait de la rupture de son contrat ; de limiter à la somme de 1.453,88 euros euros, correspondant à 1 mois de salaire, le montant des dommages et intérêts alloués,
– débouter le salarié de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, y compris celle présentée à titre incident,
– condamner le salarié à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner subsidiairement la société Pro Services Consulting, pour le cas où cette dernière succomberait en tout ou partie, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société JTEKT Automotive [Localité 3] fait valoir que :
– la notion de personnel qualifié, visée à l’article L. 1252-2 du code du travail, n’est pas définie par la loi ; les dispositions légales ne restreignent pas le recours au travail à temps partagé à des personnes occupant des postes relevant d’une catégorie socio-professionnelle déterminée ; les ouvriers ne sont donc pas exclus du dispositif et le niveau de diplôme atteint au regard des référentiels établis par l’Education nationale n’est pas un critère pertinent,
– le salarié a été engagé en qualité d’agent de fabrication polyvalent par la société Pro Services Consulting ; que dans le cadre de sa mission , il devait ‘exécuter des opérations d’assemblage ou d’usinage de composants à l’aide de machines automatisées, en respectant les objectifs Q/C/D/RH/S/E’ ; ces tâches, nécessitant le respect d’objectifs divers, se situent au-delà de simples compétences basiques et nécessitent un certain niveau de qualification initial, que le respect du critère de mise à disposition d’une personnel qualifié est caractérisé,
– la loi n’a fixé aucun seuil d’effectif au-delà duquel une entreprise n’aurait plus la possibilité de faire appel à une entreprise de travail partagé en vue de la mise à disposition de personnel, que l’impossibilité de recruter peut être justifiée par des considérations budgétaires ou par des variations d’activité de nature à remettre en cause le besoin de personnel, qu’elle a versé aux débats des éléments démontrant qu’elle n’était pas en mesure de procéder elle-même au recrutement du personnel mis à disposition par la société Pro Services Consulting, compte tenu de sa situation économique et financière et des fluctuations du marché sur lequel elle intervient, que le fait d’avoir procédé à 3 recrutements en contrat à durée indéterminée entre le 9 mai et le 7 août 2011 est inopérant pour démontrer qu’elle aurait eu les moyens de recruter le salarié, que les dispositions légales ne définissent pas la notion de ‘moyens’,
– il n’est pas nécessaire pour l’entreprise utilisatrice d’entrer dans les cas limitatifs de recours au travail temporaire, qui constitue un dispositif distinct dont les conditions d’application sont strictement définies par la loi, pour recourir au travail à temps partagé, que le fait qu’elle n’ait pas précisé la mission pour laquelle le salarié été engagé dans le cadre du contrat de travail à temps partagé est indifférent au présent litige, que les mentions exigées par l’article L. 1252-10 du code du travail se trouvaient bien dans le contrat de mise à disposition conclu avec la société Pro Services Consulting,
– il n’est pas possible de retenir qu’elle se serait rendue coupable de prêt de main d’oeuvre illicite dès lors qu’en application de l’article L. 8241-1 du code du travail, les dispositions relatives au prêt de main d’oeuvre illicite ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre du travail à temps partagé, que les dispositions légales relatives au travail à temps partagé ne comportent aucune précision quant aux sanctions attachées au non-respect des conditions de recours à une telle organisation du travail, qu’en outre, en application des dispositions du code pénal, ‘il n’y a point de délit sans intention de le commettre’, que rien ne permet d’établir qu’elle aurait eu l’intention de s’inscrire dans une opération de prêt de main d’oeuvre illicite,
– rien ne permet de considérer que le salarié aurait subi un quelconque préjudice du fait de sa mise à disposition dans le cadre du dispositif de travail à temps partagé, que le salarié n’a pas été illégitimement privé d’un quelconque avantage, que le salarié a bénéficié des dispositions conventionnelles et de tous les avantages applicables au sein de la société Pro Services Consulting, qu’en outre, conformément à l’article L. 1252-6 du code du travail, le salarié a bénéficié d’une structure de rémunération conforme aux dispositions prévues au profit de son propre personnel,
– elle a parfaitement respecté les conditions de recours au travail à temps partagé, qu’aucun manquement ne saurait lui être reproché, que le salarié ne peut se prévaloir d’un contrat à durée indéterminée à son encontre, qu’il a été démontré qu’aucun prêt de main d’oeuvre illicite ne peut être caractérisé, qu’elle n’a donc pas la qualité de co-employeur du salarié, et ne peut pas être tenue responsable, même partiellement du licenciement du salarié,
– le salarié a tenté de démontrer qu’un lien de subordination se serait créé entre eux, que le fait qu’elle ait été responsable des conditions d’exécution du travail du salarié n’est que la résultante des dispositions légales applicables au travail à temps partagé, que la loi n’interdit nullement d’affecter des personnes mises à dispositions dans le cadre d’un travail à temps partagé à des postes correspondant à l’activité normale et habituelle de l’entreprise, que tous les éléments relatifs à la vie professionnelle d’un salarié n’étaient pas assurés par elle mais par la société Pro Services Consulting (formation, évolution de carrière, suivi médical, rémunération, élection professionnelle, gestion des absences, etc…).
Dans ses conclusions notifiées le 17 septembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Pro Services Consulting demande à la cour de :
– dire et juger recevable et bien-fondé son appel,
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau,
– dire et juger que le contrat de travail à temps partagé du salarié est conforme aux dispositions légales,
– dire et juger que la société JTEKT Automotive [Localité 3] et elle ne sont pas co-employeurs du salarié,
– dire et juger qu’aucun prêt de main d’oeuvre illicite ni marchandage n’a été commis par elle,
– dire et juger que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes,
– débouter le salarié de son appel incident,
En tout état de cause,
– condamner le salarié au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.
La société Pro Services Consulting fait valoir que :
– à titre liminaire, le législateur n’a pas enfermé le mécanisme créé par la loi du 2 août 2005 dans des définitions strictes tenant notamment à la qualification du personnel mis à disposition, ou à la taille de l’entreprise utilisatrice, qu’aucun décret d’application n’est paru pour définir ces notions, qu’elle a donc déposé une question prioritaire de constitutionnalité, qu’en tout état de cause, il n’est pas juridiquement admissible qu’une entreprise de travail à temps partagé puisse être sanctionnée par le conseil de prud’hommes alors que son modèle est conforme avec les dispositions pertinentes du Code du travail,
– il ressort de l’article L. 1252-2 qu’aucun critère de qualification n’est requis par le texte, ce dernier se contentant de mentionner du ‘personnel qualifié’ sans autre précision, qu’en l’absence de conditions définies par le législateur quant au niveau de qualification du salarié faisant l’objet d’une mise à disposition, il n’appartient pas au juge de se substituer au législateur en posant des conditions non prévues par la loi, que peut être considéré comme qualifié, le salarié disposant d’une formation, d’une expérience ou d’un savoir-faire qui le rend pleinement opérationnel, que les ouvriers ne sont donc pas exclus légalement du dispositif,
– le salarié dispose en l’espèce de compétences spécifiques et d’une habilitation pour l’utilisation d’engins spéciaux, que le salarié a effectué des tâches diversifiées sur des machines automatisées et nécessitant le respect d’objectifs divers, que ces tâches se situent au-delà de simples compétences basiques et nécessitent un certain niveau de qualification initial,
– si la société JTEKT Automotive [Localité 3] a poursuivi ses relations avec elle, c’est bien parce qu’elle a subi une baisse de son activité, que le fait que la société JTEKT Automotive [Localité 3] soit la filiale d’un groupe international ne l’exclut pas du champ d’application du travail à temps partagé, que la loi n’a fixé aucun seul d’effectif au-delà duquel une entreprise n’aurait plus la possibilité de faire appel à une entreprise de travail à temps partagé,
– le salarié a considéré que son contrat de travail à temps partagé ne précisait ni la durée estimée de la mission, ni les caractéristiques particulières du poste, que ces mentions ne doivent pas figurer dans le contrat de travail mais dans le contrat de mise à disposition, que les articles L. 1252-4 et L. 1252-9 du code du travail n’imposent aucune forme particulière quant à la rédaction du contrat de travail à temps partagé, qu’en l’espèce le contrat de mise à disposition est bien conforme aux exigences légales,
– s’agissant du prétendu prêt de main d’oeuvre illicite, l’article L. 8241-1 du code du travail exclut expressément l’application des dispositions sur le prêt de main d’oeuvre dans le cadre du travail à temps partagé, qu’aucun juridiction pénale ne l’a d’ailleurs condamnée pour un tel délit, ni même poursuivie ; que les pièces versées au dossier de l’enquête ont établi sans contestation l’absence de tout élément intentionnel et de concertation ; que le prétendu délit de marchandage n’a pas non plus été démontré par le salarié, que ce dernier n’est donc pas fondé à solliciter des dommages et intérêts, qu’elle a outre fait une application volontaire à l’ensemble de ses salariés des dispositions de la convention collective des commerces de gros, les faisant bénéficier de nombreux avantages sociaux, similaires à ceux existant au sein de la société JTEKT Automotive [Localité 3],
– pour tenter de faire reconnaître la qualité de co-employeur de la société JTEKT Automotive [Localité 3], le salarié a invoqué un prétendu lien de subordination avec cette dernière, que les dispositions de l’article L. 1252-7 du code du travail prévoient expressément que, pendant la durée de la mise à disposition, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail, qu’elle a versé aux débats plusieurs éléments de fait démontrant au contraire qu’il existait seulement un lien de subordination entre elle et le salarié,
– la spécificité du mécanisme instauré par la loi du 2 août 2005 justifie que puisse être mis fin au contrat travail à temps partagé en cas d’impossibilité de trouver une mission pour le salarié, que c’est également ce que prévoit l’accord d’entreprise conclu en son sein, qu’en outre la participation du salarié à une mission constitue l’objet même de son contrat de travail, qu’elle n’a trouvé aucune mission compatible avec les compétences et qualifications du salarié et l’a donc licencié, que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Dans ses conclusions notifiées le 15 juin 2018, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à porter :
le montant de la condamnation prononcée à titre solidaire à l’encontre des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] à titre de dommages-intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite à la somme de 15 000 euros,
le montant de la condamnation prononcée à titre solidaire à l’encontre des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30 000 euros,
A titre subsidiaire,
– dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner en conséquence la société Pro Services Consulting à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts de droit à compter de la décision,
En tout état de cause,
– condamner chacune des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] à lui verser la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner chacune des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] aux dépens de l’instance.
Le salarié fait valoir que :
– la société Pro Services Consulting est une entreprise de travail à temps partagé dont l’activité devrait consister à mettre à la disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens, que tel n’a pas été le cas en l’espèce, que la société Pro Services Consulting s’est contentée de le recruter pour le mettre à disposition d’une entreprise utilisatrice qui pouvait le recruter elle-même directement, qu’en effet la société JTEKT Automotive [Localité 3] est une des multiples filiales de la société internationale JTEKT Corporation,
– il a été recruté pour occuper les fonctions d’agent de fabrication polyvalent et ne possédait aucune qualification spécifique, que le contrat de travail à temps partagé n’a d’ailleurs pas fait état des caractéristiques particulières liées aux fonctions occupées par lui, qu’il a exercé les fonctions typiques des emplois occupés par les salariés directement embauchés par la société JTEKT Automotive [Localité 3] dans le cadre de son activité industrielle, que cela ne correspond pas à la notion de ‘personnel qualifié’ qui renvoie à la réalité des qualifications habituelles du personnel directement salarié par l’entreprise utilisatrice, qui doivent être différentes des qualifications requises du salarié mis à disposition,
– la définition légale du travail à temps partagé est loin d’être aussi large que ne le laissent entendre les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3], qu’il ne saurait être admis que le législateur ait pu créer un cadre de mise à disposition de personnel dérogatoire à des interdictions, notamment le prêt de main d’oeuvre à but lucratif, dont le non-respect est susceptible de sanctions pénales et/ou civiles, en ne posant comme condition que le simple bon vouloir de l’auteur de la mise à disposition et de son bénéficiaire, qu’il est clair que le texte renvoie à une impossibilité matérielle de recrutement direct, qu’il ne s’agit pas pour la société de ne pas ‘vouloir’ recruter mais de ne pas ‘pouvoir’ recruter, qu’en l’espèce la société JTEKT Automotive [Localité 3] n’a pas démontré qu’elle s’est retrouvée dans l’impossibilité de le recruter directement,
– l’absence de communication de l’entier dossier pénal ne permet pas de vérifier à quelles situations et à quels dossiers se rattache la décision de classement sans suite évoquée par les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3], qu’une décision de classement sans suite est une simple mesure d’administration judiciaire qui n’emporte pas autorité de la chose jugée quant à l’existence ou non d’une infraction pénale,
– les société Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] se sont partagées le pouvoir de direction à son égard et doivent en conséquence être considérées comme des employeurs conjoints ;que seule la société JTEKT Automotive [Localité 3] déterminait ses horaires de travail et son poste de travail, lui donnait des directives et contrôlait l’exécution des tâches effectuées, qu’il a donc été intégré à un service organisé au sein duquel les conditions de travail étaient déterminées unilatéralement par la société JTEKT Automotive [Localité 3], caractérisant ainsi l’existence d’un lien de subordination, qu’il a versé aux débats des éléments en ce sens,
– le simple fait d’évoquer l’article L. 1252-7 du code de travail ne suffit pas à démontrer l’absence de lien de subordination, que ces dispositions s’inscrivent dans la cadre d’un dispositif dérogatoire du droit commun, qu’il ne peut y être fait référence qu’à la condition que la relation de travail se soit inscrite dans le cadre d’une mise à disposition conforme au cadre fixé par l’article L. 1252-2 du code du travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce,
– le marchandage est défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet d’éluder l’application de dispositions légales, ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ; que sa mise à disposition par la société Pro Services Consulting au profit de la société JTEKT Automotive [Localité 3] est constitutive de marchandage, qu’en effet sa mise à disposition avait pour effet d’éluder l’application des dispositions légales contraignantes et de se dégager de toute obligation contractuelle à son égard afin de s’assurer une parfaite flexibilité dans la gestion du personnel tout en effectuant des gains en termes de charges salariales,
– la société Pro Services Consulting, en détournant l’activité d’une entreprise de travail à temps partagé en se contentant de mettre à la disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qu’elles auraient pu elles-mêmes recruter, s’est dispensée de toutes les formalités préalables auprès de l’autorité administrative et de toute garantie financière obligatoire dans le cadre d’une activité d’entrepreneur de travail temporaire conformément aux articles L. 1251-45 et suivants du code du travail,
– sa mise à disposition par la société Pro Services Consulting auprès de la société JTEKT Automotive [Localité 3] lui a nécessairement causé un préjudice, qu’il a occupé un poste permanent au sein de la société JTEKT Automotive [Localité 3] sans pouvoir bénéficier des mêmes droits que ses salariés en termes de formation, de rémunération, d’évolution de carrière ou de participation à l’élection des représentants du personnel,
– étant titulaire d’un contrat à durée indéterminée de droit commun, le motif tiré d’une prétendue ‘fin de mission’ ne saurait constituer une cause légitime de licenciement ; que l’accord collectif évoqué par la société Pro Services Consulting est postérieur à son licenciement, qu’en outre, les règles légales relatives au licenciement sont d’ordre public absolu.
Par ordonnance du 15 mars 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d’appel enregistrée sous le numéro RG 18/00041 à l’égard du syndicat CGT Travailleurs Métallurgistes JTEKT d’Irigny.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la jonction des procédures d’appel enregistrées sous le numéros RG 17/09212, n°18/00011 et 18/00039 est ordonnée sous le seul numéro RG 17/09212.
1- Sur la qualification de la relation de travail
Selon l’article L. 1252-1, alinéa 1er, du code du travail, le recours au travail à temps partagé a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission dans les conditions fixées aux 1° et 2°du même texte.
Et selon l’article L. 1252-2, alinéa 1er, du même code, est un entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive, nonobstant les dispositions de l’article L. 8241-1, est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.
En application de ce dernier texte, le personnel qualifié pouvant être mis à disposition dans le cadre d’un contrat de travail à temps partagé est celui que les entreprises utilisatrices ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.
Il est constant que le contrat de travail dénommé contrat de travail à durée indéterminée à temps partagé a été signé le 27 avril 2012 entre M. [U] et la société Pro Services Consulting, laquelle a conclu le même jour, avec effet au 2 mai 2012, un contrat de mise à disposition avec la société JTEKT Automotive [Localité 3], pour un poste d’agent de fabrication polyvalent, moyennant 152,08 heures par mois selon des horaires en 2×8 du matin les semaines impaires.
Le contrat de travail décrit l’emploi d’agent de fabrication polyvalent comme consistant à exécuter des opérations d’assemblage ou d’usinage de composants à l’aide de machine automatisées en respectant les objectifs Qualité/Coût/Délai/Ressources Humaines/Sécurité/Environnement.
Le contrat de mission ne comporte aucun descriptif des fonctions d’agent de fabrication polyvalent et renvoie à une fiche de poste, laquelle n’est pas annexée au contrat. A hauteur d’appel, la société JTEKT Automotive [Localité 3] produit trois fiches de poste correspondant aux emplois d’ouvrier professionnel, d’opérateur d’assemblage et d’opérateur d’emballage, étant observé que seul l’emploi d’ouvrier professionnel requiert un niveau de formation CAP ou BEP ou deux ans d’expérience mais que la définition de ce poste qui comporte notamment le réglage, la vérification des niveaux et du fonctionnement de la machine ne correspond manifestement pas aux seules tâches d’exécution que recouvre la description de l’emploi d’agent de fabrication polyvalent.
Il n’est par conséquent justifié ni de compétences particulières requises pour occuper cet emploi, ni d’une formation spécifique autre qu’une formation interne.
Alors qu’elle considère qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de procéder à des recrutements compte tenu de sa situation économique et financière, marquée par des licenciements collectifs pour motif économique en 2009 et début 2011 ainsi que par le recours au chômage partiel du 1er novembre 2012 au 31 mars 2013 en raison des fluctuations d’activité en lien avec celles du marché de la vente des véhicules neufs, il est au contraire démontré que la société JETK Automotive [Localité 3] avait procédé au recrutement sous contrat à durée indéterminée à temps complet de deux ouvriers, le 9 mai 2011, et à celui d’un agent logistique, le 7 août 2011, lesquels étaient toujours présents à l’effectif en décembre 2014, peu important au regard des exigences légales en cause que ces embauches soient intervenues dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise ou que le nombre des sorties de l’effectif fût supérieur à celui des embauches en CDI, de sorte qu’il est pas justifié que par sa taille ou ses moyens la société JTEKT Automotive [Localité 3], entreprise utilisatrice, se trouvait dans l’impossibilité de recruter elle-même du personnel pour un emploi d’agent de fabrication polyvalent de la catégorie ouvrier, lequel ne requérait pas un savoir faire ou une technicité que n’avaient pas les salariés qu’elle recrutait elle-même.
Il en résulte que ne répondant pas aux conditions légales du recours au travail à temps partagé, le contrat de travail conclu entre M. [U] et la société Pro services Consulting doit être requalifié en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée, ainsi que l’ont retenu les premiers juges.
2- Sur le marchandage et le prêt illicite de main d’oeuvre
Il résulte de la combinaison des articles L. 8211-1 et L. 8231-1 du code du travail, qu’est qualifiée de marchandage de main d’oeuvre l’opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui porte préjudice au salarié qu’elle concerne ou qui aboutit à éluder l’application de dispositions légales ou d’une convention ou d’un accord collectif. Le marchandage est constitutif de l’infraction de travail illégal.
Et selon les articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, une opération à but lucratif qui a pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre, sauf dérogations légales au nombre de laquelle figure l’activité de temps de travail partagé, constitue un prêt illicite de main d’oeuvre.
Le salarié dont les intérêts ont été lésés dans le cadre d’une opération constitutive d’un marchandage ou d’un prêt illicite de main d’oeuvre peut demander réparation devant le conseil de prud’hommes.
S’agissant du marchandage de main d’oeuvre, il n’est pas établi que les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] ont contourné les dispositions légales régissant le travail temporaire comme le soutient le salarié, dès lors, d’une part, que contrairement aux salariés intérimaires, M. [U] était recruté sous contrat à durée indéterminée et pouvait percevoir une rémunération pendant les périodes au cours desquelles aucune mission ne lui était confiée dans la limite de trois mois, d’autre part, qu’il ne conteste pas utilement qu’il était soumis à la convention collective du commerce de gros dont l’application était précisée sur les bulletins de paie établis par la société Pro Services Consulting et le salarié ne justifie pas en quoi celle-ci lui a été défavorable en comparaison de celle applicable au sein de la société JTEKT Automotive [Localité 3].
Par ailleurs, s’il résulte des propos tenus à la réunion du comité d’entreprise du 30 mai 2013 au cours de laquelle la société JTEKT admettait que le recours au travail à temps partagé lui offrait une flexibilité sans limitation de durée dans la gestion du personnel, cette seule circonstance ne saurait suffire à qualifier de marchandage de main d’oeuvre l’opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre entre les deux sociétés.
Enfin, M. [U] qui soutient que sa mise à disposition illicite auprès de la société utilisatrice lui a nécessairement causé un préjudice, ne produit aucune pièce permettant de caractériser le préjudice en résultant, étant notamment observé qu’il bénéficiait des différentes formes de primes énumérées au contrat de mission sous le libellé «primes diverses : REGAIN JTEKT 13ème mois, prime de déplacement, ITE, complément mensuel» et qu’alors que la société JTEKT Automotive répondait à la DIRRECTE, le 18 février 2013 (pièce n°4-2), que le restaurant d’entreprise était ouvert aux salariés détachés comme à toutes les personnes travaillant sur le site de l’entreprise, M. [U] qui prétend le contraire n’en rapporte pas la preuve.
S’agissant du prêt illicite de main d’oeuvre, si M. [U] ne présentait pas une qualification particulière justifiant sa mise à disposition au sein de la société JTEKT, laquelle avait été en capacité de recruter du personnel pour ce type d’emploi, ainsi qu’il a été démontré plus avant, le salarié ne justifie cependant pas que sa mise à disposition auprès de celle-ci l’aurait lésé, la société Pro Services Consulting décrivant, sans être utilement contredite par le salarié, lui avoir fait bénéficier par l’effet des dispositions conventionnelles qui lui étaient applicables, des avantages et garanties similaires à ceux existants au sein de la société JTEKT.
De ces éléments il résulte que la demande de dommages-intérêts au titre d’un marchandage de main d’oeuvre comme du prêt illicite de main d’oeuvre n’est pas fondée, de sorte que, par infirmation du jugement, il convient de la rejeter.
3- Sur le co-emploi
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Un salarié, titulaire d’un seul contrat de travail, est lié à plusieurs employeurs dit co-employeurs soit parce qu’il se trouve sous un lien de subordination avec chacun d’eux, soit parce qu’il existe une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre l’employeur initial et une autre personne physique ou morale.
Le contrat de travail à durée indéterminée en litige a été signé par le salarié avec la seule société Pro Services Consulting et si le salarié était soumis aux horaires de travail de la société JTEKT Automotive [Localité 3], il était rémunéré par la société Pro Services Consulting qui établissait les bulletins de paie, organisait les visites par la médecine du travail et exerçait à son égard un pouvoir disciplinaire ainsi qu’en attestent le courrier que la société Pro Services Consulting lui adressait le 25 octobre 2012 pour lui rappeler son obligation de l’informer de toute absence, de lui en justifier dans les 48 heures par la production le cas échéant d’un certificat médical, ainsi que l’avertissement qu’elle lui notifiait le 18 décembre 2012 pour ne l’avoir pas avisée dans les 48 heures de son absence pour maladie.
Ainsi, alors qu’il n’est pas établi que la société JTEKT Automotive [Localité 3] avait le pouvoir de sanctionner les manquements du salarié à ses obligations contractuelles, excluant tout rapport de subordination, et qu’il n’est pas soutenu qu’il existait entre les deux sociétés une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, il ne peut être conclu à l’existence d’une situation de co-emploi, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, et seule la société Pro services consulting avait la qualité d’employeur juridique de M. [U].
4- Sur le licenciement
Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.
Le contrat de travail du salarié étant requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, emportant l’obligation pour l’employeur de fournir du travail au salarié, le motif de «fin de mission dans l’entreprise utilisatrice» invoqué dans la lettre de licenciement notifiée au salarié le 1er août 2013 ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail pour motif personnel.
Il résulte des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 que le salarié dont le licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse a droit à l’indemnité pour licenciement abusif prévue par l’article L. 1235-5 du code du travail quand il a moins de deux ans d’ancienneté ou quand son entreprise employait habituellement moins de onze salariés.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle brute de 1 453 euros du salarié, de son ancienneté de un an et trois mois, et de la circonstance qu’il ne justifie par aucune pièce de sa situation économique dans les mois qui ont suivi, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 4 000 euros, mais, par réformation du jugement, seule la société Pro services consulting, employeur, est condamnée à payer cette somme au salarié. Cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017, date de prononcé du jugement.
5- Sur les demandes accessoires
Compte tenu de l’issue du litige, le jugement est infirmé en ce qu’il a mis les dépens et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la charge des deux sociétés solidairement.
La société Pro services consulting qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer au salarié la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a du exposer en première instance et celle de 2500 euros en cause d’appel.
L’équité ne commande pas qu’il soit fait droit à la demande de la société JTEKT Automotive [Localité 3] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort
ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous le numéros RG 17/09212, 18/00011 et 18/00039 est sous le seul numéro RG 17/09212,
INFIRME le jugement en ce qu’il a :
– dit que les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] ont réalisé comme employeurs conjoints une opération de prêt de main-d’oeuvre illicite,
– condamné solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] à verser à M. [U] les sommes suivantes, outre intérêts légaux à compter de la décision :
3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite,
4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] aux dépens de l’instance.
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
CONDAMNE la société Pro Services Consulting à payer à M. [Z] [U] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017,
REJETTE, comme étant non fondée, la demande de M. [U] en paiement de dommages-intérêts pour marchandage de main d’oeuvre et prêt illicite de main d’oeuvre,
CONDAMNE la société Pro Services Consulting à payer à M. [Z] [U] la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance,
Y ajoutant,
REJETTE les demandes des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 3] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Pro Services Consulting à payer à M. [Z] [U] la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel,
CONDAMNE la société Pro Services Consulting aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière, La présidente,