Prêt illicite de main d’oeuvre : 27 octobre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/09211

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 27 octobre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/09211
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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 17/09211 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LOAK

SASU JTEKT AUTOMOTIVE LYON

C/

[G]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 30 Novembre 2017

RG : F14/00711

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

Société JTEKT AUTOMOTIVE LYON

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Philippe CHASSANY et Me Tiphaine COATIVY de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

[W] [G]

né le 13 Janvier 1974 à [Localité 8] (69)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me François DUMOULIN de la SELARL FRANCOIS DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

Société PRO SERVICES CONSULTING

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel TORDJMAN de la SELARL SEATTLE Avocats, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Bénédicte LECHARNY, Conseiller

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Octobre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [G] (le salarié) a été engagé le 22 avril 2011, avec effet au 26 avril suivant, en qualité d’agent logistique, niveau III, échelon 1 de la convention collective commerce de gros, par la société Pro Services Consulting dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partagé, moyennant un horaire moyen hebdomadaire de 34,15 heures, et a été mis à disposition de manière continue auprès de la société JTEKT Automotive [Localité 6].

Alertée par les salariés de la société Pro Services Consulting sur leur situation, l’inspection du travail indiquait à la société JTEKT Automotive [Localité 6], le 13 mai 2013, que ces salariés se trouvaient dans une situation illégale de marchandage et, le 20 février 2014, elle dressait un procès verbal d’infraction en visa des articles L. 8241-1 et L. 8243-1 du code du travail. Après avis donné par la DIRECCTE, le 30 septembre 2015, le procureur de la République de [Localité 6] décidait d’un classement sans suite.

A compter du 19 décembre 2013, date de fermeture du site de la société JTEKT Automotive [Localité 6] pour les congés de fin d’année, le salarié a cessé d’intervenir sur ce site.

Le 6 janvier 2014, la société Pro Services Consulting a informé le salarié de la fin de sa mission auprès de la société JTEKT Automotive [Localité 6] et lui a indiqué rechercher de nouvelles missions.

Par requête du 19 février 2014, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6].

En avril et mai 2014, la société Pro Services Consulting a adressé au salarié trois missions auprès de différentes sociétés que celui-ci a refusées.

Par courrier du 26 septembre 2014, la société Pro Services Consulting a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 octobre 2014.

Par courrier du 10 octobre 2014, la société Pro Services Consulting a notifié au salarié son licenciement en raison de son refus des trois propositions de mission.

Au dernier état de ses demandes, le salarié a sollicité du conseil de prud’hommes qu’il juge que son contrat de travail à temps partagé était illicite et requalifie celui-ci en contrat de travail de droit commun, que les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT automotive [Localité 6] avaient la qualité d’employeurs conjoints ou de co-employeurs, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] et de les condamner solidairement au paiement de diverses sommes à titre notamment de licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, condamner la société Pro services consulting au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en tout état de cause, condamner solidairement les deux sociétés au paiement de dommages-intérêts pour marchandage et de prêt de main-d’oeuvre illicite.

Par jugement du 30 novembre 2017, statuant en formation de départage, le conseil de prud’hommes a :

– requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun le contrat de travail liant le salarié à la société Pro Services Consulting,

– dit que les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] ont réalisé comme employeurs conjoints une opération de prêt de main-d’oeuvre illicite,

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] à la date du 10 octobre 2014,

– dit que la résiliation judiciaire emporte les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] à verser au salarié les sommes suivantes, outre intérêts légaux à compter de la présente décision :

8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite,

10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné le remboursement par les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] solidairement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans les limites de six mois d’indemnités de chômage,

– débouté le salarié du surplus de ses demandes,

– déclaré le syndicat CGT des travailleurs métallurgiques de la société JTEKT Automotive [Localité 6] d’Irigny irrecevable en toutes ses demandes en l’absence de capacité à ester en justice,

– débouté les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] de leurs demandes reconventionnelles présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dirigées contre le salarié et le syndicat CGT des travailleurs métallurgiques de la société JTEKT d’Irigny,

– condamné solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] aux dépens de l’instance.

La société JTEKT Automotive [Localité 6] a relevé appel de ce jugement, le 22 décembre 2017 (RG n°17/09211), en intimant le seul salarié et par une seconde déclaration d’appel, le 2 janvier 2018 (RG n°18/00012), elle a intimé le salarié et la société Pro Services Consulting.

La société Pro Services Consulting a également relevé appel, le 3 janvier 2018 (RG n°18/00041) en intimant le salarié, la société JTEKT Automotive [Localité 6] ainsi que le syndicat CGT Travailleurs métallurgistes JTEKT Automotive [Localité 6] d’Irigny.

Par un écrit distinct et motivé, notifié le 3 avril 2018, la société Pro Services Consulting a déposé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l’article L. 1252-2 du code du travail et de l’expression – personnel qualifié – qu’elle contient.

Par arrêt du 6 mars 2019, la présente cour d’appel a ordonné la transmission de cette question à la Cour de cassation et a sursis à statuer.

Par arrêt du 10 juillet 2019, la Cour de cassation (Soc., n°19-40.012) a dit n’y avoir lieu à renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

Dans ses conclusions notifiées le 17 septembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la société JTEKT Automotive [Localité 6] demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien-fondé son appel principal et incident,

– infirmer le jugement, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté le salarié du surplus de ses demandes et déclaré le syndicat irrecevable en ses demandes,

– dire et juger que le recours au travail à temps partagé a été opéré dans des conditions conformes aux dispositions des articles L. 1252-1 et suivants du code du travail, le respect du critère de mise à disposition d’un personnel qualifié étant caractérisé et l’impossibilité de recruter elle-même étant établie,

– dire et juger qu’aucun prêt de main d’oeuvre illicite n’est caractérisé, dès lors que le recours au travail à temps partagé a été opéré dans des conditions régulières et qu’en tout état de cause, rien ne permet d’établir l’élément intentionnel nécessaire à la reconnaissance d’un prêt de main d’oeuvre illicite, étant précisé qu’une mauvaise application des dispositions légales ne permettrait pas de caractériser une telle intention,

– débouter en conséquence le salarié de sa demande de condamnation solidaire de la société JTEKT Automotive [Localité 6] avec la société Pro Services Consulting à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce prétendu prêt de main d’oeuvre illicite ainsi que de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de sa demande subséquente de dommages-intérêts pour rupture abusive, y compris dans le cadre de son appel incident,

– dire et juger subsidiairement, même en cas de reconnaissance d’un prêt de main d’oeuvre illicite, que rien ne permet de caractériser un préjudice subi par le salarié et qu’en l’absence de démonstration du préjudice qu’il invoque, le salarié ne peut prétendre à aucune indemnisation,

– débouter en conséquence le salarié de sa demande de condamnation solidaire avec la société Pro Services Consulting à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ce prétendu prêt de main d’oeuvre illicite ou d’un quelconque marchandage, y compris en ce qu’il réclame la somme de 15 000 euros dans le cadre de son appel incident,

– dire et juger subsidiairement, pour le cas où la cour confirmerait la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, qu’aucun lien de subordination n’est établi entre le salarié et la société JTEKT Automotive [Localité 6], et que celle-ci n’a pas la qualité d’employeur conjoint du salarié,

– dire et juger en conséquence que la résiliation judiciaire du contrat de travail et ses conséquences financières doivent être supportées exclusivement par la société Pro Services Consulting,

– débouter en conséquence le salarié de sa demande de condamnation solidaire avec la société Pro Services Consulting à lui verser des dommages-intérêts pour rupture abusive du fait de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, y compris dans le cadre de son appel incident,

– débouter le salarié de toute demande dirigée contre la société JTEKT Automotive [Localité 6], y compris en ce qu’il réclame sa condamnation solidaire au versement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif dans le cadre de son appel incident,

– dire et juger très subsidiairement, pour le cas où la cour confirmerait en son principe sa condamnation solidaire avec la société Pro Services Consulting, que le salarié ne justifie pas d’un préjudice spécifique subi du fait de la rupture de son contrat ; de limiter à la somme de 9 081,82 euros, correspondant à 6 mois de salaire, le montant des dommages-intérêts alloués pour rupture abusive ; de limiter à un mois d’allocations le remboursement à Pôle emploi des allocations de chômage éventuellement versées au salarié,

– débouter le salarié de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, y compris celle présentée à titre incident,

– condamner le salarié à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner subsidiairement la société Pro Services Consulting, pour le cas où cette dernière succomberait en tout ou partie, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société JTEKT Automotive [Localité 6] fait valoir que :

– la notion de personnel qualifié, visée à l’article L. 1252-2 du code du travail, n’est pas définie par la loi ; les dispositions légales ne restreignent pas le recours au travail à temps partagé à des personnes occupant des postes relevant d’une catégorie socio-professionnelle déterminée ; les ouvriers ne sont donc pas exclus du dispositif et le niveau de diplôme atteint au regard des référentiels établis par l’Education nationale n’est pas un critère pertinent,

– le salarié a été engagé en qualité d’agent de logistique par la société Pro Services Consulting et, dans le cadre de sa mission au sein de la société JTEKT Automotive [Localité 6], il devait assurer les opérations de stockage et d’expédition pour une bonne circulation des produits nécessaire à la production, en respectant les objectifs Q/C/D/RH/S/E ; ces tâches, nécessitant le respect d’objectifs divers, se situent au-delà de simples compétences de base et exigent un certain niveau de qualification ; qu’en effet la détention du CACES est notamment exigée ; que la fiche de définition de l’emploi type – agent logistique – démontre l’importance pour l’entreprise de disposer immédiatement d’un personnel opérationnel et formé, de sorte que le respect du critère de mise à disposition d’un personnel qualifié est caractérisé,

– la loi n’a fixé aucun seuil d’effectif au-delà duquel une entreprise n’aurait plus la possibilité de faire appel à une entreprise de travail partagé en vue de la mise à disposition de personnel ; que l’impossibilité de recruter peut être justifiée par des considérations budgétaires ou par des variations d’activité de nature à remettre en cause le besoin de personnel ; qu’elle a versé aux débats des éléments démontrant qu’elle n’était pas en mesure de procéder elle-même au recrutement du personnel mis à disposition par la société Pro Services Consulting, compte tenu de sa situation économique et financière et des fluctuations du marché sur lequel elle intervient ; que le fait d’avoir procédé à trois recrutements en contrat à durée indéterminée entre le 9 mai et le 7 août 2011 est inopérant pour démontrer que la société JTEKT Automotive [Localité 6] aurait eu les moyens de recruter le salarié ; que les dispositions légales ne définissent pas la notion de moyens,

– le recours au travail à temps partagé ne nécessite pas pour l’entreprise d’entrer dans les cas limitatifs de recours au travail temporaire, lequel constitue un dispositif distinct dont les conditions d’application sont strictement définies par la loi ; que le fait que la mise à disposition du salarié se soit poursuivie au-delà de la durée de 12 mois initialement envisagée est donc indifférent au présent litige ; que l’article L. 1252-10 du code du travail impose seulement l’indication d’une durée de mission – estimée -, et ne prévoit donc aucune règle relative à un éventuel renouvellement ou une succession de mises à disposition,

– il n’est pas possible de retenir que la société JTEKT Automotive [Localité 6] se serait rendue coupable  de  prêt  de  main  d’oeuvre  illicite, dès  lors  qu’en  application de l’article

L. 8241-1 du code du travail, les dispositions relatives au prêt de main d’oeuvre illicite ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre du travail à temps partagé, que les dispositions légales relatives au travail à temps partagé ne comportent aucune précision quant aux sanctions attachées au non-respect des conditions de recours à une telle organisation du travail ; qu’en outre, en application des dispositions du code pénal, il n’y a point de délit sans intention de le commettre et rien ne permet d’établir que la société JTEKT Automotive [Localité 6] aurait eu l’intention de s’inscrire dans une opération de prêt de main d’oeuvre illicite,

– rien ne permet de considérer que le salarié aurait subi un quelconque préjudice du fait de sa mise à disposition dans le cadre du dispositif de travail à temps partagé ; le salarié n’a pas été illégitimement privé d’un quelconque avantage ; il a bénéficié des dispositions conventionnelles et de tous les avantages applicables au sein de la société Pro Services Consulting ; en outre, conformément à l’article L. 1252-6 du code du travail, le salarié a bénéficié d’une structure de rémunération conforme aux dispositions prévues au profit de son propre personnel,

– elle a parfaitement respecté les conditions de recours au travail à temps partagé ; aucun manquement ne saurait lui être reproché ; le salarié ne peut se prévaloir d’un contrat à durée indéterminée à son encontre et il a été démontré qu’aucun prêt de main d’oeuvre illicite ne peut être caractérisé, de sorte qu’elle n’a donc pas la qualité de co-employeur du salarié,

– le salarié a tenté de démontrer qu’un lien de subordination se serait créé entre eux, que le fait qu’elle ait été responsable des conditions d’exécution du travail du salarié n’est que la résultante des dispositions légales applicables au travail à temps partagé, que la loi n’interdit nullement d’affecter des personnes mises à dispositions dans le cadre d’un travail à temps partagé à des postes correspondant à l’activité normale et habituelle de l’entreprise ; que tous les éléments relatifs à la vie professionnelle d’un salarié n’étaient pas assurés par elle mais par la société Pro Services Consulting (formation, évolution de carrière, suivi médical, rémunération, élection professionnelle, gestion des absences, etc…).

Dans ses conclusions notifiées le 17 septembre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Pro Services Consulting demande à la cour de :

– dire et juger recevable et bien-fondé son appel principal et incident,

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

– dire et juger que le contrat de travail à temps partagé du salarié est conforme aux dispositions légales,

– dire et juger que la société JTEKT Automotive [Localité 6] et la société Pro Services Consulting ne sont pas co-employeurs du salarié,

– dire et juger qu’aucun prêt de main d’oeuvre illicite, ni marchandage n’a été commis par la société Pro Services Consulting,

– dire et juger que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et plus généralement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– débouter le salarié de son appel incident,

En tout état de cause,

– condamner le salarié au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner le salarié aux dépens.

La société Pro Services Consulting fait valoir que :

– à titre liminaire, le législateur n’a pas enfermé le mécanisme créé par la loi du 2 août 2005 dans des définitions strictes tenant notamment à la qualification du personnel mis à disposition, ou à la taille de l’entreprise utilisatrice ; qu’aucun décret d’application ne défini ces notions et en tout état de cause, il n’est pas juridiquement admissible qu’une entreprise de travail à temps partagé puisse être sanctionnée par le conseil de prud’hommes alors que son modèle est conforme avec les dispositions pertinentes du code du travail,

– il ressort de l’article L. 1252-2 qu’aucun critère de qualification n’est requis par le texte, ce dernier se contentant de mentionner du – personnel qualifié – sans autre précision ; qu’en l’absence de conditions définies par le législateur quant au niveau de qualification du salarié faisant l’objet d’une mise à disposition, il n’appartient pas au juge de se substituer au législateur en posant des conditions non prévues par la loi ; que peut être considéré comme qualifié, le salarié disposant d’une formation, d’une expérience ou d’un savoir-faire qui le rend pleinement opérationnel ; que les ouvriers ne sont donc pas exclus légalement du dispositif,

– le salarié dispose en l’espèce d’un certain niveau de qualification et de compétences spécifiques, ainsi que d’une habilitation pour l’utilisation d’engins spéciaux ; qu’il a effectué des tâches diversifiées sur des machines automatisées et nécessitant le respect d’objectifs divers ; que ces tâches se situent au-delà de simples compétences basiques et nécessitent un certain niveau de qualification initiale,

– si la société JTEKT Automotive [Localité 6] a poursuivi ses relations avec elle, c’est bien parce qu’elle a subi une baisse de son activité ; que le fait que la société JTEKT Automotive [Localité 6] soit la filiale d’un groupe international ne l’exclut pas du champ d’application du travail à temps partagé ; la loi n’ayant fixé aucun seul d’effectif au-delà duquel une entreprise n’aurait plus la possibilité de faire appel à une entreprise de travail à temps partagé,

– le salarié a considéré que son contrat de travail à temps partagé ne précisait ni la durée estimée de la mission, ni les caractéristiques particulières du poste ; que ces mentions ne doivent pas figurer dans le contrat de travail mais dans le contrat de mise à disposition ; que les articles L. 1252-4 et L. 1252-9 du code du travail n’imposent aucune forme particulière quant à la rédaction du contrat de travail à temps partagé ; qu’en l’espèce le contrat de mise à disposition est bien conforme aux exigences légales,

– s’agissant du prétendu prêt de main d’oeuvre illicite, l’article L. 8241-1 du code du travail exclut expressément l’application des dispositions sur le prêt de main d’oeuvre dans le cadre du travail à temps partagé ; qu’aucune juridiction pénale ne l’a d’ailleurs ni poursuivie, ni condamnée pour un tel délit ; que les pièces versées au dossier de l’enquête ont établi sans contestation l’absence de tout élément intentionnel et de concertation ; que le prétendu délit de marchandage n’a pas non plus été démontré par le salarié ; que ce dernier n’est donc pas fondé à solliciter des dommages-intérêts ; qu’elle a outre fait une application volontaire à l’ensemble de ses salariés des dispositions de la convention collective des commerces de gros, les faisant bénéficier de nombreux avantages sociaux, similaires à ceux existant au sein de la société JTEKT Automotive [Localité 6],

– pour tenter de faire reconnaître la qualité de co-employeur de la société JTEKT Automotive [Localité 6], le salarié a invoqué un prétendu lien de subordination avec cette dernière ; que les dispositions de l’article L. 1252-7 du code du travail prévoient expressément que, pendant la durée de la mise à disposition, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail ; qu’elle a versé aux débats plusieurs éléments de fait démontrant au contraire qu’il existait seulement un lien de subordination entre elle et le salarié,

– à supposer que les manquements qui lui sont reprochés aient pu justifier la résiliation judiciaire, en l’absence de saisine rapide de la juridiction, les motifs évoqués n’ont pas fait obstacle à la poursuite du contrat ; que dès lors les effets du licenciement sans cause réelle et sérieuse n’ont plus lieu d’être ; qu’en l’espèce le contrat de travail a été conclu le 22 avril 2011 et la demande de résiliation judiciaire a été effectuée le 19 février 2014,

– le salarié a été licencié en raison de son refus illégitime d’accepter plusieurs missions proches de son domicile qui lui ont été proposées lors de sa période dite d’intermission ; que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Dans ses conclusions notifiées le 15 juin 2018, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à porter :

le montant de la condamnation prononcée à titre solidaire à l’encontre des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] à titre de dommages-intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite à la somme de 15 000 euros,

le montant de la condamnation prononcée à titre solidaire à l’encontre des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30 000 euros,

A titre subsidiaire,

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de l’intimé aux torts exclusifs de la société Pro Services Consulting,

– dire et juger que la résiliation judiciaire de son contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la société Pro Services Consulting à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts de droit à compter de la décision,

A titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la société Pro Services Consulting à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts de droit à compter de la décision,

En tout état de cause,

– condamner chacune des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] à lui verser la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner chacune des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] aux dépens de l’instance.

Le salarié fait valoir que :

– la société Pro Services Consulting est une entreprise de travail à temps partagé dont l’activité devrait consister à mettre à la disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié que celles-ci ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens ; que tel n’a pas été le cas en l’espèce puisque la société Pro Services Consulting s’est contentée de le recruter pour le mettre à disposition d’une entreprise utilisatrice qui pouvait le recruter elle-même directement ; qu’en effet la société JTEKT Automotive [Localité 6] est une des multiples filiales de la société internationale JTEKT Corporation ainsi que la filiale à 100% de la société JTEKT Europe,

– il a été recruté pour occuper les fonctions d’agent logistique et ne possédait aucune qualification spécifique ; que le contrat de travail à temps partagé n’a d’ailleurs pas fait état des caractéristiques particulières liées aux fonctions occupées par lui ; qu’il a exercé les fonctions typiques des emplois occupés par les salariés directement embauchés par la société JTEKT Automotive [Localité 6] dans le cadre de son activité industrielle de sous-traitance de l’industrie automobile ; que cela ne correspond pas à la notion de – personnel qualifié – qui renvoie à la réalité des qualifications habituelles du personnel directement salarié par l’entreprise utilisatrice, qui doivent être différentes des qualifications requises du salarié mis à disposition,

– la définition légale du travail à temps partagé n’est pas aussi large que le laissent entendre les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] ; qu’il ne saurait être admis que le législateur a pu créer un cadre de mise à disposition de personnel dérogatoire à des interdictions, notamment le prêt de main d’oeuvre à but lucratif, dont le non-respect est susceptible de sanctions pénales et/ou civiles, en ne posant comme condition que le simple bon vouloir de l’auteur de la mise à disposition et de son bénéficiaire ; qu’il est clair que le texte renvoie à une impossibilité matérielle de recrutement direct et qu’il ne s’agit pas pour l’entreprise de ne pas vouloir recruter mais de ne pas pouvoir recruter ; qu’en l’espèce la société JTEKT Automotive [Localité 6] n’a pas démontré qu’elle s’est retrouvée dans l’impossibilité de le recruter directement,

– l’absence de communication de l’entier dossier pénal ne permet pas de vérifier à quelles situations et à quels dossiers se rattache la décision de classement sans suite évoquée par les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] ; qu’une décision de classement sans suite est une simple mesure d’administration judiciaire qui n’emporte pas autorité de la chose jugée quant à l’existence ou non d’une infraction pénale,

– les société Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] se sont partagées le pouvoir de direction à son égard et doivent en conséquence être considérées comme des employeurs conjoints ; que seule la société JTEKT Automotive [Localité 6] déterminait ses horaires de travail et son poste de travail, lui donnait des directives et contrôlait l’exécution des tâches effectuées ; qu’il a donc été intégré à un service organisé au sein duquel les conditions de travail étaient déterminées unilatéralement par la société JTEKT Automotive [Localité 6], caractérisant ainsi l’existence d’un lien de subordination,

– le simple fait d’évoquer l’article L. 1252-7 du code de travail ne suffit pas à démontrer l’absence de lien de subordination ; que ces dispositions s’inscrivent dans le cadre d’un dispositif dérogatoire du droit commun ; qu’il ne peut y être fait référence qu’à la condition que la relation de travail se soit inscrite dans le cadre d’une mise à disposition conforme au cadre fixé par l’article L. 1252-2 du code du travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce,

– le marchandage est défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet d’éluder l’application de dispositions légales, ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ; que sa mise à disposition par la société Pro Services Consulting au profit de la société JTEKT Automotive [Localité 6] est constitutive de marchandage ; elle avait pour effet d’éluder l’application des dispositions légales contraignantes et de se dégager de toute obligation contractuelle à son égard afin de s’assurer une parfaite flexibilité dans la gestion du personnel, tout en effectuant des gains en termes de charges salariales,

– la société Pro Services Consulting, en détournant l’activité d’une entreprise de travail à temps partagé et se contentant de mettre à la disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qu’elle aurait pu elle-même recruter, s’est dispensée de toutes les formalités préalables auprès de l’autorité administrative et de toute garantie financière obligatoire dans le cadre d’une activité d’entrepreneur de travail temporaire conformément aux articles L. 1251-45 et suivants du code du travail,

– sa mise à disposition par la société Pro Services Consulting auprès de la société JTEKT Automotive [Localité 6] lui a nécessairement causé un préjudice dès lors qu’il a occupé un poste permanent au sein de la société JTEKT Automotive [Localité 6] sans pouvoir bénéficier des mêmes droits que les salariés de celle-ci, en termes de formation, de rémunération, d’évolution de carrière ou de participation à l’élection des représentants du personnel,

– en tout état de cause, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; la société Pro Services Consulting lui a proposé de nouvelles missions à compter du mois d’avril 2014 alors même qu’il avait été convenu que les recherches de missions seraient effectuées auprès de la société JTEKT Automotive [Localité 6] et il a refusé ces missions car elles s’inscrivaient dans le cadre d’un prêt de main d’oeuvre illicite, ce dont il ne peut donc lui être fait grief.

Par ordonnance du 15 mars 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité partielle de la déclaration d’appel enregistrée sous le numéro RG 18/00041 à l’égard du syndicat CGT Travailleurs Métallurgistes JTEKT d’Irigny.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la jonction des procédures d’appel enregistrées sous le numéros RG 17/09211, n°18/00012 et 18/00041 est ordonnée sous le seul numéro RG 17/09211.

1- Sur la qualification de la relation de travail

Selon l’article L. 1252-1, alinéa 1er, du code du travail, le recours au travail à temps partagé a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission dans les conditions fixées aux 1° et 2°du même texte.

Et selon l’article L. 1252-2, alinéa 1er, du même code, est un entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive, nonobstant les dispositions de l’article L. 8241-1, est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.

En application de ce dernier texte, le personnel qualifié pouvant être mis à disposition dans le cadre d’un contrat de travail à temps partagé est celui que les entreprises utilisatrices ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.

Il est constant que le contrat de travail dénommé contrat de travail à durée indéterminée à temps partagé a été signé le 22 avril 2011 entre M. [G] et la société Pro Services Consulting, laquelle a conclu le 26 avril suivant un contrat de mise à disposition avec la société JTEKT Automotive [Localité 6], pour un poste d’agent logistique, dans des fonctions consistant à assurer les opérations de stockage et d’expédition pour la bonne circulation des produits nécessaires à la production, en respectant les objectifs Qualité/Coût/Délai/Ressources Humaines/Sécurité/Environnement, moyennant 34,15 heures en équipe par semaine, le niveau de formation/expérience requis correspondant à une formation interne au KABAN/RECOR et au mode opératoire ainsi qu’à la détention du CACES nécessaire à la conduite du moyen utilisé et d’une autorisation de conduite délivrée par l’entreprise.

Alors qu’elle considère qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de procéder à des recrutements compte tenu de sa situation économique et financière, marquée par des licenciements collectifs pour motif économique en 2009 et début 2011 ainsi que par le recours au chômage partiel du 1er novembre 2012 au 31 mars 2013 et en raison des fluctuations d’activité en lien avec celles du marché de la vente des véhicules neufs, il est au contraire démontré qu’à une période contemporaine de la mise à disposition de M. [G], à compter du 27 avril 2011, dans un emploi d’agent logistique pour l’exercice duquel la seule qualification préalable exigée était la détention d’un permis de cariste, pour une mission d’une durée initiale estimée à 12 mois qui devait en réalité se prolonger jusqu’au 19 décembre 2013, la société JETK Automotive [Localité 6] procédait au recrutement sous contrat à durée indéterminée à temps complet de deux ouvriers, le 9 mai 2011, et à celui d’un agent logistique, le 7 août 2011, lesquels étaient toujours présents à l’effectif en décembre 2014, peu important au regard des exigences légales en cause que ces embauches soient intervenues dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise, de sorte qu’il est pas justifié que par sa taille ou ses moyens la société JTEKT Automotive [Localité 6], entreprise utilisatrice, se trouvait dans l’impossibilité de recruter elle-même du personnel qualifié pour ce type d’emploi, de la catégorie ouvrier.

Il en résulte que ne répondant pas aux conditions légales du recours au travail à temps partagé, le contrat de travail conclu entre M. [G] et la société Pro services Consulting doit être requalifié en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée, ainsi que l’ont retenu les premiers juges.

2- Sur le marchandage et le prêt illicite de main d’oeuvre

Il résulte de la combinaison des articles L. 8211-1 et L. 8231-1 du code du travail, qu’est qualifiée de marchandage de main d’oeuvre l’opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui porte préjudice au salarié qu’elle concerne ou qui aboutit à éluder l’application de dispositions légales ou d’une convention ou d’un accord collectif. Le marchandage est constitutif de l’infraction de travail illégal.

Et selon les articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, une opération à but lucratif qui a pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre, sauf dérogations légales au nombre de laquelle figure l’activité de temps de travail partagé, constitue un prêt illicite de main d’oeuvre.

Le salarié dont les intérêts ont été lésés dans le cadre d’une opération constitutive d’un marchandage ou d’un prêt illicite de main d’oeuvre peut demander réparation devant le conseil de prud’hommes.

S’agissant du marchandage de main d’oeuvre, il n’est pas établi que les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT ont contourné les dispositions légales régissant le travail temporaire comme le soutient le salarié, dès lors, d’une part, que contrairement aux salariés intérimaires, M. [G] était recruté sous contrat à durée indéterminée et pouvait percevoir une rémunération pendant les périodes au cours desquelles aucune mission ne lui était confiée dans la limite de trois mois, d’autre part, qu’il ne conteste pas utilement qu’il était soumis à la convention collective du commerce de gros dont l’application était précisée tant au contrat conclu avec la société Pro Services Consulting que sur son bulletin de salaire et le salarié ne justifie pas en quoi celle-ci lui a été défavorable en comparaison de celle applicable au sein de la société JTEKT.

Par ailleurs, s’il résulte des propos tenus à la réunion du comité d’entreprise du 30 mai 2013 au cours de laquelle la société JTEKT admettait que le recours au travail à temps partagé lui offrait une flexibilité sans limitation de durée dans la gestion du personnel, cette seule circonstance ne saurait suffire à qualifier de marchandage de main d’oeuvre l’opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre entre les deux sociétés.

Enfin, M. [G] qui soutient que sa mise à disposition illicite auprès de la société utilisatrice lui a nécessairement causé un préjudice, ne produit aucune pièce permettant de caractériser le préjudice en résultant, étant notamment observé qu’il bénéficiait des différentes formes de primes énumérées au contrat de mission sous le libellé «primes diverses : REGAIN JTEKT 13ème mois, prime de déplacement, ITE, complément mensuel» et qu’alors que la société JTEKT Automotive répondait à la DIRRECTE, le 18 février 2013 (pièce n°4-2), que le restaurant d’entreprise était ouvert aux salariés détachés comme à toutes les personnes travaillant sur le site de l’entreprise, M. [G] qui prétend le contraire n’en rapporte pas la preuve.

S’agissant du prêt illicite de main d’oeuvre, s’il ne résulte d’aucune pièce du dossier que M. [G] présentait une qualification particulière justifiant sa mise à disposition au sein de la société JTEKT, laquelle était en capacité de recruter du personnel pour ce type d’emploi ainsi qu’il a été démontré plus avant, le salarié ne justifie cependant pas que sa mise à disposition auprès de celle-ci l’aurait lésé, la société Pro Services Consulting décrivant, sans être utilement contredite par le salarié, lui avoir fait bénéficier, par l’effet des dispositions conventionnelles qui lui étaient applicables, des avantages et garanties similaires à ceux existants au sein de la société JTEKT.

De ces éléments il résulte que la demande de dommages-intérêts au titre d’un marchandage de main d’oeuvre comme du prêt illicite de main d’oeuvre n’est pas fondée, de sorte que, par infirmation du jugement, il convient de la rejeter.

3- Sur le co-emploi

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Un salarié, titulaire d’un seul contrat de travail, est lié à plusieurs employeurs dit co-employeurs soit parce qu’il se trouve sous un lien de subordination avec chacun d’eux, soit parce qu’il existe une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre l’employeur initial et une autre personne physique ou morale.

En l’occurrence, le contrat de travail à durée indéterminée en litige a été signé par le salarié avec la seule société Pro Services Consulting et si le salarié était soumis aux horaires de travail de la société JTEKT Automotive [Localité 6], ainsi que le prévoyait expressément son contrat, il était rémunéré par la société Pro Services Consulting qui établissait les bulletins de paie, organisait les visites par la médecine du travail et exerçait à son égard un pouvoir disciplinaire ainsi qu’en atteste l’avertissement qu’elle lui notifiait le 8 novembre 2013 pour notamment n’avoir pas respecté les horaires de pause de repas et s’être absenté le 24 octobre de son poste dans l’entreprise de détachement.

Ainsi, alors qu’il n’est pas établi que la société JTEKT Automotive [Localité 6] avait le pouvoir de sanctionner les manquements du salarié à ses obligations contractuelles, excluant tout rapport de subordination, et qu’il n’est pas soutenu qu’il existait entre les deux sociétés une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, il ne peut être conclu à l’existence d’une situation de co-emploi, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, et seule la société Pro services consulting avait la qualité d’employeur juridique de M. [G].

4- Sur la résiliation judiciaire

Il résulte de l’application des articles 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 1221-1 du code du travail que le salarié peut demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas de manquement de l’employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La mise à disposition illicite du salarié auprès de la société JTEKT Automotive [Localité 6] caractérise un manquement contractuel suffisamment grave de la part de la société Pro services consulting pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifie sa résiliation aux torts exclusifs de la société Pro services consulting.

Le jugement ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à l’égard des deux sociétés Pro services consulting et JTEKT Automotive [Localité 6], il convient de le réformer en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Pro Services Consulting au 10 octobre 2014, date de la rupture des relations contractuelles.

5- Sur les conséquences financières

La résiliation judiciaire du contrat à durée indéterminée prononcée à l’initiative du salarié et aux torts exclusifs de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des articles L.1235-3, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement onze salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise dont il n’est pas contesté qu’il était d’au moins onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle brute de 1 514 euros du salarié au jour de la rupture, de son ancienneté de 3 ans et 5 mois, mais également de la circonstance qu’il est demeuré au chômage indemnisé jusqu’en décembre 2016, date à laquelle il a retrouvé un emploi équivalent, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 10 000 euros, mais, par réformation du jugement, seule la société Pro services consulting, employeur, est condamnée à payer cette somme au salarié. Cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017, date de prononcé du jugement.

6- Sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par la seule société Pro services consulting, employeur, aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnisation. Le jugement est réformé en ce sens.

7- Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l’issue du litige, le jugement est infirmé en ce qu’il a les dépens et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la charge des deux sociétés solidairement.

La société Pro services consulting qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer au salarié la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a du exposer en première instance et celle de 2500 euros en cause d’appel.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait droit à la demande de la demande de la société JTEKT Automotive [Localité 6] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous le numéros RG 17/09211, 18/00012 et 18/00041 est sous le seul numéro RG 17/09211.

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

– dit que les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] ont réalisé comme employeurs conjoints une opération de prêt de main-d’oeuvre illicite,

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] à la date du 10 octobre 2014,

– condamné solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] à verser à M. [G] les sommes suivantes, outre intérêts légaux à compter du jugement :

8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite,

10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné le remboursement par les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] solidairement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement et ce dans les limites de six mois d’indemnités de chômage,

– condamné solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] aux dépens de l’instance.

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [W] [G] aux torts exclusifs de la société Pro Services Consulting, au 10 octobre 2014,

CONDAMNE la société Pro Services Consulting à payer à M. [W] [G] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2017,

REJETTE, comme étant non fondée, la demande de M. [G] en paiement de dommages-intérêts pour marchandage de main d’oeuvre et prêt illicite de main d’oeuvre,

CONDAMNE la société Pro Services Consulting à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance,

ORDONNE le remboursement par la société Pro Services Consulting à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [W] [G] du jour de son licenciement au jour du jugement et ce dans les limites de six mois d’indemnités de chômage,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes des sociétés Pro Services Consulting et JTEKT Automotive [Localité 6] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Pro Services Consulting à payer à M. [W] [G] la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel,

CONDAMNE la société Pro Services Consulting aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente,

 


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