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Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 17 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/07827 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ONPD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 04 NOVEMBRE 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG F 18/00481
APPELANT :
Monsieur [W] [T]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Philippe GIRARD – Me BEQUAIN DE CONINCK avocat – de la SELARL LYSIS AVOCATS, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
SARL [Adresse 7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me David VAYSSIE de la SCP DAVID VAYSSIE, avocat au barreau de NARBONNE
Ordonnance de clôture du 02 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 MARS 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 19 mai 2014, M. [W] [T] a été engagé par la SCEA [Adresse 4], exploitant un vignoble et commercialisant ses produits, en qualité de chef de culture et maître de chai, statut cadre, moyennant une rémunération mensuelle brut de 3 200 € pour une durée annuelle de travail de 217 jours.
Le 1er janvier 2016, la SCEA [Adresse 4] et la SARL [Adresse 7], toutes deux gérées par M. [U] [X], ont signé un contrat d’entraide entre agriculteurs pour une durée de dix ans aux fins d’échange du matériel listé et de la main-d’oeuvre concernant le chef d’exploitation, le conjoint collaborateur ou les salariés.
Par courrier du 12 octobre 2017, la SCEA [Adresse 4] a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 3 novembre 2017, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Narbonne aux fins de contester la rupture de son contrat de travail avec la SCEA [Adresse 4], lequel a condamné l’employeur à payer au salarié un rappel de deux jours de RTT mais a débouté ce dernier de ses autres demandes, considérant justifié son licenciement.
Par requête enregistrée au greffe le 14 décembre 2018, exposant avoir régulièrement travaillé depuis le début de la relation de travail, à la demande de la SCEA [Adresse 4] pour le compte de la SARL [Adresse 6] devenue la SARL [Adresse 7], M. [W] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers à l’encontre de cette dernière société, aux fins de voir reconnaître, à titre principal, l’existence d’une relation salariée jusqu’à son licenciement par la SCEA [Adresse 4] et d’obtenir des indemnités de rupture ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé, et à titre subsidiaire, le prêt illicite de main-d’oeuvre.
Par jugement du 4 novembre 2019, le conseil de prud’hommes a :
– débouté M. [W] [T] de l’intégralité de ses demandes comme étant injustifiées et mal fondée,
– dit que l’équité ne commandait pas de faire droit aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile de part et « d’autre d’autant plus que ce dernier n’a pas été exposé » ;
– dit que les dépens, s’il en était exposés, seront supportés par le demandeur.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 4 décembre 2019, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 20 avril 2020, M. [W] [T] demande à la Cour, de :
– rejeter tout argument contraire comme injuste et mal fondé ;
– infirmer le jugement ;
– constater l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée le liant à la SARL [Adresse 7] ;
– constater la résiliation du contrat de travail aux torts de cette dernière équipollente à un licenciement sans cause ;
– condamner la SARL [Adresse 7] au paiement des sommes de:
* 9.600 € à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause,
* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 6.400 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de ,
* 640 € brut au titre des congés payés sur préavis,
* 5.200 € au titre de l’indemnité de licenciement,
* 92.800 € au titre du rappel de salaires,
* 9.280 € au titre des congés payés sur rappels de salaire,
* 19.200 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
Subsidiairement, 19.200 € à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main-d’oeuvre ;
– ordonner la remise sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la notification du jugement, du bulletin de paie du certificat de travail et l’attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir ;
– condamner la SARL [Adresse 7] au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, si exposés.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 26 mars 2020, la SARL [Adresse 7] demande à la Cour :
A titre principal, de confirmer le jugement ;
A titre subsidiaire,
– sur les demandes nouvelles, de dire la demande relative au rappel de salaire à hauteur de 54.400 € ainsi que les congés payés y afférents pour une somme de 5.440 €, le complément d’indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour rupture abusive à hauteur de 5.000 € irrecevables ;
– sur la présence du salarié, de le débouter purement et simplement de l’intégralité de ses demandes et le condamner à payer 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– de le condamner aux entiers dépens.
Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 novembre 2022.
MOTIFS
La fin de non-recevoir présentée par l’intimée, tirée de la prescription de l’action de l’appelant du fait de la date de la rupture du contrat de travail que ce dernier avait signé avec la SCEA [Adresse 4] apparaît dépourvue de lien avec le présent litige, l’appelant revendiquant un autre contrat de travail entre lui-même et l’intimée. Elle doit par conséquent être rejetée.
L’article L 325-1 du Code rural et de la pêche maritime dispose que « l’entraide est réalisée entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d’exploitation, y compris ceux entrant dans le prolongement de l’acte de production.
Elle peut être occasionnelle, temporaire ou intervenir d’une manière régulière.
L’entraide est un contrat à titre gratuit, même lorsque le bénéficiaire rembourse au prestataire tout ou partie des frais engagés par ce dernier.
Lorsqu’elle est pratiquée dans une exploitation soumise au régime d’autorisation des exploitations de cultures marines, l’entraide doit donner lieu à l’établissement d’un contrat écrit ».
Il résulte de ces dispositions légales qu’il appartient à l’exploitant agricole de rapporter la charge de la preuve d’un tel contrat qui exclut tout lien de subordination entre le bénéficiaire et le salarié du prestataire.
En l’espèce, à titre principal, l’appelant soutient qu’en parallèle de son emploi au sein de la SCEA [Adresse 4], il a travaillé pour la SARL [Adresse 7] en qualité de salarié, dès mai 2014, à la demande de la SCEA qui prenait en charge son salaire, que faute de contrat de travail écrit avec cette deuxième société, il bénéficie d’un contrat de travail à durée indéterminée auquel il n’a jamais été mis fin et est en droit d’en obtenir la résiliation judiciaire outre la condamnation de la SARL [Adresse 7] au paiement d’un rappel de salaire couvrant la période comprise entre l’audience devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Narbonne et le présent arrêt, période au cours de laquelle il indique s’être tenu à la disposition permanente de la société intimée.
La SARL [Adresse 7] rétorque que l’appelant a été amené à travailler à son profit dans le cadre d’un contrat d’entraide, lequel était verbal jusqu’au 1er janvier 2016, qu’il n’est par conséquent pas démontré l’existence d’un contrat de travail et qu’il ne lui est pas dû de rappel de salaire pour la période litigieuse, ses interventions ayant cessé du fait de son licenciement par la SCEA [Adresse 4], son seul employeur.
Elle produit le contrat d’entraide, lequel comporte deux annexes, l’une relative au personnel et à la liste du matériel – tant de la SCEA que de la SARL – objet du contrat, l’autre prévoyant un règlement intérieur de la banque de travail à laquelle les deux personnes morales adhèrent.
L’appelant verse aux débats des courriels ainsi que des tableaux informatisés relatifs aux activités exercées par l’appelant en tant que personnel de la SCEA [Adresse 4] établissant qu’il a travaillé à la demande de cette dernière au profit de la SARL [Adresse 7] à compter du 26 juin 2014.
Mais d’une part, il admet n’avoir été payé que par son employeur la SCEA [Adresse 4] jusqu’à son licenciement et d’autre part, il ne produit aucun élément susceptible de démontrer l’existence d’un lien de subordination juridique entre lui-même et l’intimée, condition essentielle pour prouver l’existence d’un contrat de travail.
Le moyen tiré de l’absence de tout contrat d’entraide écrit avant le 1er janvier 2016 est inopérant en ce qu’il résulte des dispositions légales précitées qu’un tel contrat, verbal, était parfaitement possible entre les deux exploitations viticoles.
Le moyen tiré du fait que les interventions de l’appelant sur l’exploitation de la SARL [Adresse 7] n’étaient pas ponctuelles mais régulières – au vu des fichiers informatisés retraçant le nombre d’heures de travail accompli sur chacune des deux propriétés – est tout aussi inopérant en ce que l’entraide peut, en vertu du texte précité, intervenir de manière régulière.
Enfin, l’argument selon lequel le contrat d’entraide du 1er janvier 2016 serait entâché d’irrégularité faute pour la SARL [Adresse 7] de démontrer la réciprocité des services entre les deux personnes morales doit être écarté, les pièces produites par l’intimée montrant que les parties au contrat d’entraide ont veillé à préserver la réciprocité des services.
Ainsi, l’existence d’un contrat de travail entre l’appelant et l’intimée n’est pas démontrée, que ce soit avant ou après le 1er janvier 2016.
Il y aura lieu de débouter l’appelant de l’intégralité de ses demandes subséquentes.
L’appelant présente une demande subsidiaire tendant à voir reconnaître l’existence d’un prêt illicite de main-d’oeuvre.
Il se déduit de ce qui précède que les interventions de l’appelant au profit de la SARL [Adresse 7] se sont déroulées en application d’un contrat d’entraide, verbal puis écrit, signé entre cette dernière et la SCEA [Adresse 4] alors seul employeur de l’appelant, en sorte qu’aucun prêt illicite de main-d’oeuvre n’est caractérisé.
La demande en paiement de dommages et intérêts sur ce fondement sera également rejetée.
Le jugement sera intégralement confirmé.
*
L’appelant sera tenu aux dépens de première instance et d’appel.
Il est équitable de le condamner à payer à l’intimée la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;
CONFIRME l’intégralité des dispositions du jugement du 4 novembre 2019 du conseil de prud’hommes de Rodez ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [W] [T] à payer à la SCEA [Adresse 7] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;
CONDAMNE M. [W] [T] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT