Prêt illicite de main d’oeuvre : 15 septembre 2022 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00051

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Prêt illicite de main d’oeuvre : 15 septembre 2022 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00051
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ARRÊT DU

15 SEPTEMBRE 2022

NE/CO***

———————–

N° RG 22/00051 –

N° Portalis DBVO-V-B7G-C6XI

———————–

[O] [M]

C/

SAS AUTO SERVICES [Localité 8]

CSE POLE EMPLOI OCCITANIE

———————–

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 115 / 2022

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quinze septembre deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[O] [M]

né le 07 janvier 1970 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant constitué Me Emmanuelle ASTIE, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE et représenté par Me Pascale BENHAMOU, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE

DEMANDEUR AU RENVOI DE CASSATION suite à l’arrêt de la Cour de Cassation du 04 novembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° de pourvoi A 20-13.926

d’une part,

ET :

La SAS AUTO SERVICES [Localité 8] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Guy NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN et par Me Alfred PECYNA, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE

Le Comité d’établissement CSE POLE EMPLOI OCCITANIE pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 4]

[Localité 1]

Non comparant, non représenté

DÉFENDEURS AU RENVOI DE CASSATION

d’autre part,

A rendu l’arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 05 juillet 2022 devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre, Dominique BENON, conseiller et Jean-Yves SEGONNES, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier, et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Les sociétés AUTO SERVICES [Localité 6] et AUTO SERVICES [Localité 8], exploitent chacune une concession automobile FORD.

La Société SUD AUTO EMOTION, qui exerce son activité dans les locaux de la société AUTO SERVICES [Localité 8], représente la marque SEAT.

Monsieur [M] a été engagé le 21 juillet 1998 par la société AUTO SERVICES [Localité 6] en qualité de chargé de clientèle service, catégorie agent de maîtrise, position A, indice 70 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.

Le 1er janvier 2003, Monsieur [M] est devenu salarié de la S.A.S. AUTO SERVICES [Localité 8] et a été promu au poste de cadre technique, coefficient 1A de la convention collective.

Monsieur [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Gaudens le 21 mars 2013 afin de voir prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et que celui-ci soit condamné au paiement de diverses indemnités.

Monsieur [M] a été placé en arrêt de travail par le médecin du travail le 30 juillet 2013, cet arrêt à été prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 9 octobre 2013.

Par courrier du 3 octobre 2013, la société AUTO SERVICE [Localité 8] a adressé à Monsieur [M] une convocation, assortie d’une mise à pied conservatoire, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 15 octobre 2013.

Le 10 octobre 2013, Monsieur [M] a rencontré le médecin du travail qui l’a déclaré « inapte à la reprise de son poste ». Il a été placé en arrêt maladie par son médecin le 11 octobre 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2013, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute lourde aux motifs suivants :

« Vous êtes employé par notre service en qualité de Chef d’Atelier / Réceptionnaire, cadre technique.

Courant septembre 2013, notre attention a été attirée sur des différences inexplicables au niveau du stock d’huile. Nous avons donc entrepris des recherches. A cette occasion, pendant votre absence, nous avons interrogé vos deux collaborateurs, les mécaniciens présents sur le site. Nous avons alors appris qu’en début d’année 2013, vous aviez ordonné à l’un d’entre eux de réaliser sur votre véhicule personnel, une FORD MONDEO et ce, pendant son temps de travail, les travaux suivants :

* Dépose/pose de deux ensembles d’amortisseurs avant,

* Remplacement de deux jambes de suspension avant,

* Dépose/pose de deux ensembles amortisseurs arrière,

* Remplacement de deux jambes de suspension arrière,

* Outre le contrôle du parallélisme qui doit être effectué suite à la réalisation de ces travaux.

Bien plus grave encore, à la même époque, ont été extraites du stock du magasin de la concession, des pièces spécifiques adaptées au système de suspension d’une FORD MONDEO. Vous avez déclaré avoir fait installer ces pièces sur des véhicules d’occasion d’autres modèles de la marque FORD, voire d’une autre marque, pour lesquels ces pièces ne conviennent pas. Sur les factures de cession interne que vous avez établies se rapportant à ces véhicules d’occasion, vous n’avez pas fait apparaître la bonne dénomination de ces pièces.

Plusieurs fautes ont donc été volontairement commises par vous dans le but évident de nuire à notre société :

– Vous avez fait exécuter par l’un de vos collaborateurs de la société pendant son temps de travail et avec les moyens de l’entreprise, une réparation qui intéressait votre véhicule personnel, sans ordre de réparation, ce qui excluait toute facturation et sans avoir obtenu notre autorisation pour ce faire.

– Mais bien plus, pour l’exécution de ce travail effectué à notre insu, vous avez prélevé une partie des pièces nécessaires à la réparation, sur le stock de la concession.

– Et pour expliquer cette modification des stocks, vous avez affecté ces pièces spécifiques sous de fausses dénominations, à des réparations qui ne peuvent être qu’imaginaires puisqu’elles intéressaient des véhicules d’occasion à la réparation desquelles ces pièces ne sont pas adaptées.

Au-delà de votre comportement d’une gravité exceptionnelle, puisqu’à l’évidence préjudiciable aux intérêts de la société, nous relevons la particulière duplicité malveillante avec laquelle vous avez dissimulé vos agissements frauduleux, totalement indignes d’un membre du personnel d’encadrement.

Un tel comportement fait obstacle à la poursuite de nos relations contractuelles, y compris pendant la durée du préavis.

Compte tenu de l’intention de nuire à la société qui vous animait, nous vous licencions pour faute lourde. »

Par jugement du 29 juin 2015, le conseil de prud’hommes de Saint Gaudens a débouté Monsieur [M] de sa demande de résiliation judiciaire et jugé que son licenciement repose sur une faute lourde, débouté Monsieur [M] de l’ensemble de ses prétentions, débouté la société AUTO SERVICE [Localité 8] de sa demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur [M] aux dépens de l’instance.

Monsieur [M] a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2015.

Par arrêt du 6 décembre 2019, auquel il est renvoyé pour une parfaite connaissance de sa motivation, la Cour d’appel de Toulouse a infirmé le jugement déféré, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [M] aux torts exclusifs de l’employeur et en conséquence, a :

– condamné la société AUTO SERVICES [Localité 8] à lui payer :

– 8.741,34 euros a titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 874,13 euros au titre des congés payés afférents,

– 10.926,66 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 30.000,00 euros a titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société AUTO SERVICES [Localité 8] à remettre le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi conformes à l’arrêt,

– condamné la société AUTO SERVICES [Localité 8] aux dépens de première instance et d’appel.

La société AUTO SERVICES [Localité 8] a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 4 novembre 2021, la chambre sociale de la Cour de Cassation a :

– cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse le 6 décembre 2019,

– remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Agen,

– condamné Monsieur [M] aux dépens,

– rejeté les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour de Cassation a considéré que la Cour d’appel de Toulouse a violé l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis en retenant que l’employeur affirme que le salarié a été mis à la disposition de la société SUD AUTO EMOTION dans le cadre d’un contrat de sous traitance, que le salarié indique avoir été rattaché à cette société dans le cadre d’un prêt de main d’oeuvre illicite, que la mise à disposition ne peut être qualifiée de contrat de sous traitance et que l’absence d’accord du salarié est de nature à rendre illicite un tel prêt de main d’oeuvre, alors que dans ses conclusions, l’employeur contestait que le salarié ait été mis à disposition d’une autre société.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par déclaration du 17 janvier 2022, Monsieur [M] a saisi la Cour de renvoi, intimant la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] et le CSE Pôle Emploi Occitanie.

Par conclusions du 29 mars 2022, Monsieur [M] s’est désisté à l’égard du CSE Pôle Emploi Occitanie et a sollicité de la Cour de constater l’extinction de l’instance à son encontre.

Dans ses dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 1er juillet 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, Monsieur [M], dans le cadre de la procédure l’opposant à la société AUTO SERVICES [Localité 8], demande à la Cour d’infirmer la décision déférée, et statuant à nouveau, de :

– déclarer irrecevable la demande reconventionnelle formulée pour la première fois en juin 2022 de la société AUTO SERVICES [Localité 8] à titre principal,

– débouter la société AUTO SERVICES [Localité 8] de cette demande à titre subsidiaire,

– dire et juger que la société AUTO SERVICES [Localité 8] a gravement manqué à ses obligations contractuelles à son égard,

– prononcer à titre principal la résiliation judicaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société AUTO SERVICES [Localité 8], celle-ci produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dire et juger, à titre subsidiaire, que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– condamner la société AUTO SERVICES [Localité 8] à lui payer la somme

de 58.000 euros (20 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner également la société AUTO SERVICES [Localité 8] à lui verser, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, les sommes suivantes :

– 8.741,34 euros au titre de l’indemnité de préavis

– 10.926,66 euros au titre de l’indemnité de licenciement

– 874,13 euros à titre de complément d’indemnité de congés payés

– condamner la société AUTO SERVICES [Localité 8] à lui remettre un certificat de travail portant les dates suivantes 25 mai 1998 / 21 janvier 2014 ainsi qu’une attestation Pôle Emploi conforme, sous astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

– condamner la société AUTO SERVICES [Localité 8] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société AUTO SERVICES [Localité 8] de ses demandes,

– la condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :

Concernant la demande de résilitation judiciaire aux torts exclusifs de l’employeur

– la société AUTO SERVICE [Localité 8] a :

– gravement violé son contrat de travail en le rattachant, sans son accord, à la société SUD AUTO EMOTION, concessionnaire SEAT, à compter du printemps 2012,

– porté atteinte à son contrat de travail et à son état de santé en lui imposant d’effectuer des fonctions supplémentaires pour le compte d’une autre société alors que sa charge de travail était déjà très importante,

– gravement violé son contrat de travail en lui imposant d’assurer, sans même avoir signé un quelconque avenant, le remplacement de Monsieur [V] sur son poste de « Vendeur PRA » (Pièce de Rechange Automobile) à l’arrivée de la concession SEAT à [Localité 8],

– unilatéralement modifié sa rémunération portant ainsi encore gravement atteinte à son contrat de travail,

– lorsque M. [O] [I] a décidé d’exploiter également la marque SEAT à [Localité 8] au printemps 2012, il a été contraint, sans qu’il n’en ait jamais été officiellement informé et donné son accord, d’assumer de nouvelles fonctions pour le compte d’une autre société, avec laquelle il n’avait aucun lien contractuel mais dirigée également par M. [I],

– à compter de l’arrivée de la marque SEAT à [Localité 8], il a constaté qu’il était désormais rattaché, sans jamais en avoir été informé, à la société SUD AUTO EMOTION : son nom apparaissait en qualité de « conseiller client » ou de «technicien» sur les factures émanant de la société SUD AUTO EMOTION, il était programmé sur les plannings des rendez-vous ateliers des deux sociétés, il était convoqué aux formations SEATpar la société SUD AUTO EMOTION, il était contraint de rendre des comptes sur la qualité de son travail à la société VOLKSWAGEN, propriétaire de la marque SEAT exploitée par SUD AUTO EMOTION, il était présenté par la société SUD AUTO EMOTION à la société VOLKSWAGEN France en qualité de Conseiller client, il apparaissait sur l’organigramme de la concession SEAT exploitée par la société SUD AUTO EMOTION,

– ses anciens collègues de travail attestent qu’à compter du printemps 2012, il était contraint de travailler pour le compte de la société SUD AUTO EMOTION, aux fonctions de « conseiller client SEAT »,

– dans le courrier qu’il lui envoie le 23 décembre 2012, Monsieur [I] s’adresse à lui en qualité de président de la société SUD AUTO EMOTION,

– juridiquement cette situation doit être qualifiée de prêt de main d”uvre et nécessite que l’employeur recueille l’accord du salarié concerné, produise une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice et un avenant au contrat de travail signé par le salarié précisant notamment le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, à défaut ce prêt de main d’oeuvre est illicite,

– il ne peut s’agir d’une opération de sous-traitance ou de prestation de service puisqu’il faut que la mission confiée à l’entreprise sous-traitante ou prestataire ne relève pas du domaine d’activité du donneur d’ordre, ce qui n’est pas le cas en l’espèce et puisqu’aucun contrat n’est produit indiquant que la société SUD AUTO EMOTION sous traiterait cette activité à la société,

– cet ajout de missions supplémentaires et l’affectation sur de nouvelles fonctions supplémentaires, pour le compte d’une autre société, emporte bien modification du contrat de travail,

– lorsque Monsieur [I], lui a demandé d’accepter ces nouvelles fonctions en signant la fiche de poste de « conseiller client SEAT », il a officiellement fait part à son employeur de son impossibilité d’y consentir considérant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail que son employeur ne pouvait unilatéralement lui imposer, et qui constituait pour lui une surcharge de travail,

– il a eu en outre la surprise de constater que tout le travail accompli sur les véhicules de la concession SEAT exploitée par la société SUD AUTO EMOTION n’était pas pris en compte pour le calcul de ses primes, tant trimestrielles que mensuelles,

Subsidiairement, le licenciement pour faute lourde est dépourvu de cause réelle et sérieuse

– les faits sont prescrits :

– le conseil de prud’hommes a commis une erreur de droit et a totalement inversé la charge de la preuve en considérant qu’il n’amenait « pas d’éléments caractérisant la prise de connaissance par l’employeur des faits fautifs deux mois avant le 15octobre 2013 »

– contrairement à ce que soutient l’employeur, ce n’est pas au mois de septembre 2013 mais au mois de juillet 2013, lorsqu’il a réalisé des investigations sur le niveau du stock d’huile en interrogeant les salariés de la concession que son attention a été attirée sur des différences inexpliquées de stock d’huile,

– les prétendues fautes ne sont pas établies :

– il ne conteste pas avoir déjà travaillé sur son véhicule personnel au sein de l’atelier, pratique qui a cours dans tous les garages de France, mais uniquement hors de ses heures de travail et avec l’autorisation de sa hiérarchie, ce qui est confirmé par nombre de salariés dont les attestations contredisent celles produites par l’employeur,

– la société se contente de verser au débat des factures sur lesquelles apparaissent des pièces destinées à un véhicule FORD MONDEO, sans précision du client et explique que ces pièces auraient été installées sur son véhicule, ce qui est insuffisant malgré l’attestation de Monsieur [V] affirmant ne pas avoir débité ces pièces,

– les « copies écrans » ne suffisent pas à démontrer qu’il est celui qui a débité les pièces en question, une autre personne ayant pu utiliser sa session, ce qui arrivait fréquemment comme en attestent Messieurs [T] et [G].

Sur la demande reconventionnnelle de la société AUTO SERVICES [Localité 8]

– elle a attendu près de 10 ans après la rupture du contrat de travail pour demander le remboursement de cette somme sur la base d’une pièce n°35 produite depuis plusieurs années,

– la juridiciton qui revient sur cassation ne peut donc être saisie de cette nouvelle demande.

Dans ses dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 4 juillet 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimée, la SAS AUTO SERVICE [Localité 8] demande à Cour de confimer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Saint Gaudens du 9 juin 2015, en consequence,

– débouter Monsieur [M] de sa demande de résiliation judiciaire,

– dire et juger que Ie licenciement de Monsieur [M] repose sur une faute lourde,

– débouter Monsieur [M] de l’integralité de ses prétentions,

Y ajoutant,

– condamner Monsieur [M] au paiement d’une somme de 646,56 euros,

En toute hypothèse,

– lui allouer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’articIe 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [M] en tous les dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

– concernant la mise à disposition d’une société tierce :

– la société SUD AUTO EMOTION, concessionnaire SEAT, occupe ses locaux, n’a pas de personnel propre, et l’activité technique est assurée avec les moyens de la société AUTO SERVICES [Localité 8] parallèlement demeurée concessionnaire FORD, le même personnel apparaissant sur les organigrammes des deux sociétés,

– Monsieur [M] a réalisé pour son compte des travaux au bénéfice de la société SUD AUTO EMOTION, mais elle refacturait à celle-ci, les prestations globales ainsi réalisées, c’est à dire non seulement les salaires mais aussi des prestations commerciales (vente de VN et VO), logistiques (refacturation forfaitaire du coût de l’encadrement et des magasiniers) et techniques (refacturation mensuelle des ordre de réparation, correspondant aux interventions techniques réalisées sur les véhicules de la marque SEAT ou au bénéfice de cette marque),

– il n’est pas interdit de sous traiter son activité à une entreprise tierce, a fortiori à l’intérieur d’un groupe,

– si le salarié doit donner son accord pour étre mis à disposition d’une entreprise tierce, il ne peut refuser d’exécuter, à la demande de son employeur, sous le contrôle et dans les locaux de ce dernier, des travaux de sous-traitance au bénéfice d’entreprises tierces, facturées ensuite par son employeur,

– le salarié travaillait simultanément pour les deux entreprises, ce qui est exclusif d’un prêt de main d’oeuvre et correspond à une prestation de sous-traitance,

– Monsieur [M] ne rapporte la preuve qui lui incombe, d’un quelconque détachement auprès d’une entreprise tierce,

-concernant la modification du contrat de travail :

– l’employeur peut toujours modifier les tâches confiées au salarié dès lors qu’elles demeurent conformes à ses attributions, or les fonctions de Monsieur [M] demeuraient inchangées, il les exerçait sur des véhicules de marques differentes,

– le fait de demander à un salarié de réaliser ponctuellement un travail n’entrant pas dans ses attributions, en l’espèce PRA et à supposer que tel fut le cas, ne caracterise pas une modification du contrat de travail,

– Monsieur [M], qui supporte seul la charge de la preuve ne démontre ni l’effectivité de son remplacement, ni l’atteinte ainsi portée à ses attributions, s’agissant tout au plus de remplacements ponctuels,

– concernant le prétendu avenant :

– Monsieur [M] prétend qu’il lui aurait été demandé de signer un document constituant un avenant à son contrat de travail,mais le document dont il se prévaut est un document d’organisation qui ne peut constituer un avenant au contrat de travail car il n’est pas conclu entre le salarié et un quelconque employeur, aucun nom de société n’y apparait,

– la signature du document litigieux valait simplement accusé de réception mais il n’était pas demandé à Monsieur [M] son accord, en sorte qu’il devait s’y conformer, sauf à démontrer l’atteinte à un élément essentiel du contrat de travail, démonstration dans laquelle il échoue,

– concernant la surcharge de travail :

– Monsieur [M] est totalement défaillant dans la démonstration qui lui incombe d’une charge de travail excessive à partir du début 2012 ou présentant une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite de ce dernier,

– l’analyse des courriers échangés d’octobre 2012 à juin 2013 permet de le vérifier et démontre qu’elle rapporte la preuve du contraire au moyen des attestations des réceptionnaires d’autres concessions du Groupe,

– concernant le non-paiement des rémunerations variables :

– ses déclarations, selon lesquelles, puisque des rémunérations variables sont versées sur un type de produits (les produits FORD), elles devraient l’être aussi pour les autres de types de produits (les produits SEAT), sont sans interêt car dépourvues de fondement juridique,

– très subsidiairement, à supposer que Monsieur [M] ait eu droit à une rémunération variable sur la vente des produits SEAT, demeurant la particulière modicité des sommes en cause, leur défaut de versement ne peut pas légitimer la résiliation judiciaire du contrat de travail,

– concernant les les prétendus effets de la situation sur l’état de sante de Monsieur [M] :

– si le medecin peut constater l’existence chez Monsieur [M] d’un syndrome anxio depressif réactionnel, il ne peut avec certitude, médicalement l’imputer à une souffrance au travail de préférence à une autre cause, le médecin s’est contenté de rapporter les propos de Monsieur [M] sans pour autant le preciser dans son certificat, or la delivrance de tels documents de complaisance est interdite,

– suite à sa saisine devant le conseil de l’ordre, le médecin a rédigé une attestation précisant avoir établi les certificats sur la base de l’interrogaoire du patient et non sur des constations qu’il aurait effectué lui même dans l’entreprise,

– le dossier de la médecine du travail montre que Monsieur [M], déclarait au médecin du travail être confronté à des charges de travail excessives depuis avril 2008, soit 4 ans avant qu’il assure une activité au bénéfice de la marque SEAT mais à aucun moment jusqu’en 2012, ni Monsieur [M] ni le médecin du travail n’ont saisi l’employeur de la moindre difficulté,

Sur le licenciement pour faute lourde

– il apparait que Monsieur [M] faisait sortir du magasin des pièces destinées à son véhicule, faisait réaliser le travail à son bénéfice par des collaborateurs pendant leur temps de travail, sans ordre de réparation, donc sans facturation, et affectait le travail ainsi réalisé sur des véhicules du parc VO à remettre en état,

– au-delà du détournement des seules pièces visées dans la lettre de licenciement et en complement de ces dernières, elle a retrouvé d’autres pièces nécessaires au remplacement des amortisseurs d’une FORD MONDEO et, fictivement affecteés par Monsieur [M] sur des véhicules autres,

– les pièces sont tres différentes d’un modèle à l’autre, en sorte qu’en aucun cas, des pièces destinées à une FORD MONDEO ne pouvaient être montées sur des FORD d’un modèle autre, sans parler, évidemment, de véhicules de marques PEUGEOT,

– des détournements de cette ampleur et aussi bien organisés commis par Ie salarié, caractérisent intention dolosive et donc, une faute lourde,

-à son retour de congés, Madame [S] a fait remplir la cuve d’huile (le 6 septembre 2013), et a alors découvert un écart significatif (plus de 1000 litres entre Ie stock théorique et le stock physique), Ie 16 septembre 2013 elle a signalé cette situation à l’employeur qui a décidé d’enquêter sur les motifs de cet écart, c’est à cette occasion, en interrogeant les mécaniciens que ceux-ci lui ont fait part des travaux que Monsieur [M] faisait réaliser sur son véhicule,

– la procédure de licenciement a été engagée le 3 octobre 2013, les faits ne sont donc pas prescrits,

– demeurant l’organisation de la concession, il serait intéressant que Monsieur [M], Réceptionnaire – Chef d’Atelier Cadre, explique qui composait le défilé de collaborateurs qui, selon lui, se succedaient à son poste pour se livrer aux manipulations qui lui sont reprochées et comment se fait- il, alors qu’il les contrôle , qu’il ait pu laisser passer des ordres de réparation donnant lieu aux factures litigieuses et faisant apparaitre des pieces de FORD MONDEO sur des factures intéressant d’autres modèles FORD ou même une PEUGEOT ou encore faisant apparaitre sur des factures, des termes incompréhensibles,

– à supposer, pour le plaisir du raisonnement, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail fondée ou encore le licenciement de Monsieur [M] pour faute grave infondé, il ne saurait pour un peu plus d’un an de chômage durant lequel il a été indemnisé à hauteur de 57 % du salaire brut soit de l’ordre de 70 % du salaire net, obtenir en outre une somme représentant 20 mois de salaire brut, Monsieur [M] ne démontre pas l’existence d’un préjudice correspondant aux sommes dont il demande le paiement,

Sur la demande reconventionnelle

– Monsieur [M] sera condamné à lui payer la somme de 646,56 euros correspondant aux pieces detournées,

– cette demande présente un lien suffisant avec l’objet du litige qui est la contestation du bien fondé du licenciement par le salarié,

– la saisine du conseil des prud’hommes a interrompu la prescription procédant du contrat de travail et s’étend aux demandes reconventionnelles procédant du même contrat, peu importe la date de leur explication,

– rien n’interdit de formuler une demande reconventionnelle devant la Cour de renvoi.

MOTIVATION

Sur le désistement de l’appel dirigé contre CSE Pôle Emploi

A titre liminaire, l’article 401 du code de procédure civile dispose que le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.

La Cour constate le désistement partiel d’appel de Monsieur [M] fait sans réserve à l’égard du CSE Pôle Emploi qui n’a pas comparu, n’a pas formé d’appel incident, ni de demande reconventionnelle.

Sur la résiliation judiciaire

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement, il convient de rechercher si la demande était justifiée. C’est seulement s’il ne l’estime pas fondée que le juge doit statuer sur le licenciement.

Le prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, qui a les effets d’un licenciement nul si les faits reprochés sont de nature à entraîner la nullité de la rupture ou ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, suppose que le salarié démontre la commission par ce dernier de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail par requête reçue le 21 mars 2013, soit antérieurement au licenciement pour faute lourde en date du 21 octobre 2013, Monsieur [M] se prévaut des manquements de l’employeur suivants :

– l’avoir rattaché à la société SUD AUTO EMOTION sans son accord

– avoir porté atteinte à son contrat de travail et à son état de santé en lui imposant d’effectuer des fonctions supplémentaires pour le compte d’une autre société alors que sa charge de travail était déjà très importante

– lui avoir imposé d’assurer, sans même avoir signé un quelconque avenant, le remplacement de Monsieur [V] sur son poste de « Vendeur PRA » (Pièce de Rechange Automobile) à l’arrivée de la concession SEAT à [Localité 8],

– avoir unilatéralement modifié sa rémunération.

* Sur le rattachement de Monsieur [M] à la société SUD AUTO EMOTION sans son accord

En application de l’article L.8241-2 du code du travail les opérations de prêt de main d’oeuvre à but non lucratif sont autorisées. Le prêt de main d’oeuvre requiert alors l’accord du salarié concerné, une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse, un avenant au contrat de travail, signé par le salarié précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

Il y a opération de sous-traitance lorsque l’on confie à une entreprise un travail précisément identifié et objectivement défini, faisant appel à une compétence spécifique qu’elle va réaliser en toute autonomie, avec son savoir-faire propre, son personnel, son encadrement et son matériel. Inversement, il y a prêt illicite de main-d”uvre lorsque la convention a pour objet la fourniture de main-d”uvre moyennant rémunération pour faire exécuter une tâche permanente de l’entreprise utilisatrice, sans transmission d’un savoir-faire ou mise en ‘uvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse.

Le critère du lien de subordination joue un rôle déterminant dès lors qu’il est invoqué un contrat de prestation de service ou de sous-traitance, l’existence d’un lien de subordination entre l’entreprise utilisatrice et le salarié excluant l’existence d’un tel contrat.

En l’espèce, le salarié reproche à son employeur de l’avoir mis à disposition de la société AUTO SUD EMOTION, selon lui par le biais d’un prêt illicite de main d’oeuvre.

Afin d’en justifier il produit des factures de la société SUD AUTO EMOTION sur lesquelles son nom est indiqué en qualité de ‘conseiller client’ ou ‘technicien’, des plannings de rendez- vous atelier des deux sociétés sur lesquels il apparaît, une convocation par la société SUD AUTO EMOTION à son nom à une formation SEAT/WOLKSWAGEN.

L’employeur ne conteste pas que Monsieur [M] ait réalisé des travaux sur des véhicules de marque SEAT appartenant à la société SUD AUTO EMOTION mais soutient que le salarié les réalisait dans le cadre d’une sous traitance.

Pour écarter l’existence d’une opération de sous traitance, il suffira de relever que :

– l’employeur ne produit aucune convention de sous traitance signée entre les deux sociétés, se contentant de produire des factures de la société AUTO SERVICES [Localité 8] à la société SUD AUTO EMOTION, insuffisantes à caractériser l’opération alléguée,

– contrairement à ce que soutient l’employeur, les factures produites (pièce 15) n’ont pas trait à une facturation globale mais mettent en évidence des refacturations établies mensuellement de la société AUTO SERVICES [Localité 8] à la société SUD AUTO EMOTION ne portant que sur le temps de main d’oeuvre atelier, tandis que d’autres prestations facturées trimestriellement avaient pour objet le paiement des salaires et commissions des vendeurs VN et VO,

– l’employeur ne justifie d’aucune tâche définie que la société SUD AUTO EMOTION lui aurait confié,

– il n’est pas contesté et même admis par l’intimée que Monsieur [M] réalisait ses prestations de travail indifféremment sur les voitures de la marque SEAT comme sur les véhicules de la marque FORD, exerçant les mêmes fonctions, que dès lors il n’exécutait aucune mission précise au sein de la société SUD AUTO EMOTION,

– l’employeur admet que la société SUD AUTO EMOTION n’avait pas de personnel, il s’en déduit que Monsieur [M] exécutait donc les tâches permanentes de cette société et n’apportait à l’entreprise utilisatrice aucun savoir-faire particulier dont ses propres salariés ne disposaient pas,

– l’argument de l’absence d’accomplissement du travail dans les locaux de l’entreprise tierce et avec son matériel est inopérent dès lors que les deux sociétés partageaient les mêmes locaux et pour cette même raison est également vain l’argument selon lequel le salarié qui continuait à travailler pour son employeur d’origine ne pouvait être mis à disposition d’une société tierce,

– il s’évince du message électronique adressé le 13 mai 2013 à Monsieur [M] via Madame [S] que le salarié recevait des instructions directement de la société WOLKSWAGEN propriétaire de la marque SEAT exploitée par SUD AUTO EMOTION et que cette société contrôlait aussi la prestation de travail du salarié,

– il se déduit des convocations adressées à Monsieur [M] pour des formations SEAT du 4 juin au 4 juillet 2012 puis du 18 février au 1er mars 2013 adressées directement par la société SUD AUTO EMOTION que cette dernière avait un pouvoir de direction sur le salarié,

– dès lors, l’existence d’un lien de subordination entre la société SUD AUTO EMOTION et Monsieur [M] se trouve caractérisée.

Enfin, si l’employeur a pu se référer à la notion de groupe dans ses écritures, il n’allègue et a fortiori ne justifie d’aucun éléments propres à circonstancier l’existence d’un groupe, de sorte que cette notion ne peut être retenue.

Au regard des éléments communiqués, la mise à disposition du salarié à une autre société sans son accord et ce, de façon persistante, malgré les protestations du salarié par courrier recommandé du 8 mars 2013, caractérise un manquement suffisamment grave de la part de l’employeur pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres manquements évoqués par le salarié.

Cette résiliation judiciaire prend effet à la date d’envoi de la lettre de licenciement, soit le 21 octobre 2013 et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera donc infirmé ce ce chef.

Sur les conséquences financières de la rupture

* Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Aux termes des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis.

En l’absence de contestation spécifique du montant sollicité par le salarié, la Cour retient que celui-ci a droit aux sommes de 8741.34 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et à celle de 874.13 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis.

* Sur l’indemnité de licenciement

Aux termes de l’article 4.11 de la convention collective dans sa version applicable à l’espèce, ‘sauf en cas de faute grave ou lourde, il est versé au salarié ayant au moins 1 an d’ancienneté dans l’entreprise une indemnité de licenciement distincte des salaires dus jusqu’au terme du préavis ou de l’indemnité compensatrice de préavis mentionnée à l’article 4.10.

L’ancienneté dans l’entreprise, calculée conformément aux prescriptions de l’article 1.13 de la présente convention, est appréciée par années et mois complets pour le calcul de cette indemnité de licenciement.

L’indemnité de licenciement s’établit comme suit :

– à partir de 1 an d’ancienneté, 2/10 de mois par année, à compter de la date d’entrée dans l’entreprise ;

– pour les salariés ayant plus de 10 ans d’ancienneté, il est ajouté, au chiffre précédent, 2/15 de mois supplémentaires par année de présence au-delà de 10 ans.

L’indemnité de licenciement est calculée sur la base de 1/12 de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, de 1/3 des 3 derniers mois, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aura été versée au salarié pendant cette période, n’étant prise en compte que dans la limite d’un montant calculé pro rata temporis’.

Monsieur [M] qui comptait une ancienneté de 15 ans et 3 mois peut ainsi prétendre à une indemnité d’un montant de 10926.66 euros sur la base d’un salaire mensuel moyen des trois derniers mois de 2913.78 euros.

* Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l’article 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date du licenciement, le 21 octobre 2013, « Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »

Compte tenu des circonstances de la rupture du contrat de travail, de l’âge de Monsieur [M], 43 ans, de son ancienneté, des avis d’impôt sur le revenu versés au débat, du contrat de travail à durée indéterminée daté du 5 février 2015 qu’il produit, le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail sera réparé par l’allocation d’une indemnité de 30 000 euros, que l’intimée sera condamnée à lui verser.

Sur la demande reconventionnelle

En vertu de l’article 638 du code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit, à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

En vertu de l’article 633 du code de procédure civile, la recevabilité des prétentions nouvelles devant la juridiction statuant sur renvoi après cassation est soumise aux règles qui s’appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée, sans distinction selon que la cassation précédemment intervenue ait été partielle ou totale.

En vertu de l’article R.1452-7 du code du travail,dans sa rédaction antérieure au décret n°2016-660 du 20 mai 2016, est recevable devant la juridiction de renvoi après cassation, la demande nouvelle dérivant du même contrat de travail et portant sur des dispositions non encore jugées.

Tel est bien le cas de la demande de l’employeur tendant à voir le salarié condamné au remboursement de pièces qu’il aurait détournées à l’occasion de l’exercice de son travail, ce fait fondant le licenciement pour faute lourde allégué.

Selon l’article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

L’employeur a sollicité du conseil des prud’hommes, initialement saisi par requête du 21 mars 2013 du salarié de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat, de voir juger que le licenciement intervenu par courrier du 21 octobre 2013 repose sur une faute lourde.

Si en principe, l’interruption de la prescription prévue à l’article L.1471-1 du code du travail ne peut s’étendre d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d’une même instance, concernent l’exécution du même contrat de travail.

Il en résulte que la prescription en cours de deux ans a été interrompue par la demande de l’employeur formée dans ses conclusions devant le conseil des prud’hommes de voir dire que le licenciement repose sur une faute lourde, même si la demande de remboursement des pièces n’a été présentée pour la première fois qu’en cause d’appel après renvoi de cassation.

Il convient par conséquent d’écarter le moyen fondé sur la prescription.

Il n’est pas contesté par Monsieur [M] qu’il était propriétaire d’un véhicule FORD MONDEO.

L’employeur justifie par :

– les attestations de Monsieur [U], Monsieur [B], Madame [X] et Monsieur [V],

– trois factures internes de remise en état de véhicules PEUGEOT 307, FORD FIESTA, FORD KA sur lesquelles apparaissent des pièces référencées pour les véhicules FORD MONDEO,

– les documents informatiques portant référence de Monsieur [M] pour les débits du magasin des pièces litigieuses,

que le salarié a fait sortir du magasin des pièces destinées à son véhicule sans facturation et sans autorisation de sa hiérarchie.

La demande de l’employeur de voir Monsieur [M] rembourser les pièces détournées pour un montant de 646.56 euros TTC est ainsi fondée et en conséquence le salarié doit être condamné au paiement de cette somme.

Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi

Selon l’article L.1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige : Dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

S’agissant d’une résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d’ordonner, d’office et par application de l’article L.1235-4 du code du travail, applicable en l’espèce la société employant habituellement moins de onze salariés, le remboursement par la société AUTO SERVICES [Localité 8] à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [M] à la suite de la résiliation du contrat, dans la limite de six mois de prestations.

Sur les demandes accessoires

La société AUTO SERVICES [Localité 8] doit être condamnée à remettre au salarié le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la présente décision, sans qu’il ne soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte. La société AUTO SERVICES [Localité 8] dont la succombance est principale, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et ne peut prétendre à une indemnité pour frais de procédure.

Monsieur [M] doit être indemnisé des frais de procédure qu’il a dû exposer.La société AUTO SERVICES [Localité 8] sera condamnée à lui verser à ce titre une somme de 3000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONSTATE le désistement d’appel de Monsieur [M] à l’égard du CSE Pôle Emploi ;

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud’hommes de Saint Gaudens du 29 juin 2015 ;

Statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [O] [M] aux torts exclusifs de la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] prenant effet au 21 octobre 2013 ;

DIT que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] à payer à Monsieur [O] [M] les sommes de :

8741.34 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

874.13 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,

10 926.66 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail,

y ajoutant,

DÉCLARE recevable le demande reconventionnelle de la la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] ;

CONDAMNE Monsieur [O] [M] à payer à la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] une somme de 646.56 euros TTC ;

CONDAMNE la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] à remettre à Monsieur [O] [M] le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt ;

DÉBOUTE Monsieur [O] [M] de sa demande d’astreinte ;

ORDONNE le remboursement par la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [O] [M] à la suite de la résiliation judiciaire du contrat de travail, dans la limite de six mois de prestations ;

DÉBOUTE la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] à payer à Monsieur [O] [M] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SAS AUTO SERVICES [Localité 8] aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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