Prestations informatiques externalisées : le risque de redressement fiscal

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Prestations informatiques externalisées : le risque de redressement fiscal
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Les prestations informatiques confiées à des sociétés sans établissement en France peuvent donner lieu à une retenue à la source. 

Sous-traitance de prestations de services informatiques

L’EURL Mak 7 a versé à la société Algaron Info Ltd, pendant les années 2014, 2015 et 2016, les sommes respectives de 67 167,97 euros, 51 032,03 euros et 28 800 euros en rémunération de prestations de services informatiques et de travaux de sous-traitance et de 54 000 euros, 78 000 euros et 60 000 euros à titre de redevances pour l’utilisation d’une base de données. De tels versements étaient soumis à la retenue à la source en application des dispositions du c) du I de l’article 182 B du code général des impôts.

Convention bilatérale franco britannique 

Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition. 

Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification.

Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office, si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale.

Le notions de bénéfices et de résultats

Le terme « bénéfices » mentionné à l’article 7 de la convention fiscale franco-britannique n’est pas défini par cette convention et doit, dès lors, être interprété selon le principe énoncé au paragraphe 2 de l’article 3 de ladite convention, aux termes duquel : « Pour l’application de la présente convention à un moment donné par un Etat contractant, tout terme ou expression qui n’y est pas défini a, sauf si le contexte exige une interprétation différente, le sens que lui attribue, à ce moment, le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s’applique la présente Convention, le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet Etat prévalant sur le sens que lui attribuent les autres branches du droit de cet Etat ». 

En l’absence d’élément exigeant une interprétation différente, les « bénéfices » auxquels fait référence l’article 7 de la convention sont ceux déterminés selon les règles fixées par le code général des impôts. 

Ainsi, si les sommes versées par l’EURL Mak 7 à la société Algaron Info Ltd en rémunération de prestations de services et de travaux de sous-traitance ont pu concourir au résultat d’ensemble de cette dernière société, elles ne peuvent être confondues avec le bénéfice de la société Algaron Info Ltd, résultant de la déduction du total de ses produits de toutes les charges qu’elle a supportées au cours de l’exercice. 

Il s’ensuit que c’est à bon droit que l’administration a regardé lesdites sommes comme des éléments du revenu de la société Algaron Info Ltd, entrant dans le champ de l’article 23 de la convention fiscale franco-britannique, et non comme des bénéfices de cette entreprise au sens de l’article 7 de cette convention. 

Notion de redevances

Pour refuser d’exonérer les sommes en litige de la retenue à la source en application des stipulations de l’article 4 de la convention fiscale franco-britannique et des articles 13 et 23 de cette convention s’agissant, respectivement, des redevances et des autres versement, l’administration s’est fondée sur le double motif que la société Algaron Info Ltd n’avait pas présenté à l’EURL Mak 7 préalablement au versement des sommes en cause les justificatifs de sa domiciliation fiscale au Royaume-Uni et qu’il n’était pas établi que la société Algaron Info Ltd était le bénéficiaire effectif des versements. 

Notion de bénéficiaire effectif

Il résulte de l’instruction, notamment des constatations du service décrites dans les propositions de rectification du 7 décembre 2017 et du 31 juillet 2018, non contredites par la société requérante, que certaines des factures émises par la société Algaron Info Ltd mentionnaient les références de comptes bancaires en Pologne. 

L’administration a confirmé, par l’exercice de son droit de communication auprès la banque de l’EURL Mak 7, que les facturations de la société Algaron Info Ltd avaient été payées par virement sur des comptes bancaires polonais. Par ailleurs, comme le relève le service dans la réponse aux observations du contribuable du 26 octobre 2018, l’associé unique de la société Algaron Info Ltd est résident de l’Afrique du Sud. 

Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que la société Algaron Info Ltd était le bénéficiaire effectif des redevances et de la rémunération des prestations de services et travaux de sous-traitance qu’elle avait facturés. 

L’administration pouvait dès lors, pour ce seul motif et à supposer même que la société Mak 7 puisse se prévaloir d’une attestation délivrée par les autorités britanniques justifiant de ce que la société Algaron Info Ltd était résidente britannique au titre des années en litige, refuser d’exonérer les sommes versées à cette société de la retenue à la source, en application des stipulations précitées des article 13 et 23 de la convention fiscale franco-britannique. 

Pour rappel, aux termes de l’article 4 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 : « 1. Au sens de la présente Convention, l’expression » résident d’un Etat contractant « désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, y est assujettie à l’impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu d’enregistrement ou de tout autre critère de nature analogue, et s’applique aussi à cet Etat ainsi qu’à toutes ses subdivisions politiques ou à ses collectivités locales, ainsi qu’à toute personne morale de droit public de cet Etat, de cette subdivision ou de cette collectivité. 

Cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus et les gains en capital de sources situées dans cet Etat ». Aux termes de l’article 13 de cette convention : « 1. Les redevances provenant d’un Etat contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat. 2. Le terme » redevances « employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique y compris les films cinématographiques et les logiciels, d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un dessin ou d’un modèle, d’un plan, d’une formule ou d’un procédé secrets, ou pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique ». 

Aux termes du 1 de l’article 7 de la même convention : « Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. () ». Aux termes de l’article 23 de ladite convention : « 1. Les éléments du revenu d’un résident d’un Etat contractant dont ce résident est le bénéficiaire effectif, d’où qu’ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention et qui ne sont pas des revenus de » trusts « ou des successions en cours de liquidation, ne sont imposables que dans cet Etat ». 


Tribunal administratif de Strasbourg, 3ème chambre, 7 novembre 2022, n° 2005587

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 septembre 2020, 25 mai et 2 juillet 

2021, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Mak 7, représentée par Me Contet, demande au tribunal :

1°)de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 et de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2014, 2015 et 2016 ;

2°)de condamner l’Etat aux dépens ; 

3°)de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

L’EURL Mak 7 soutient que :

— l’administration a entaché d’irrégularité la vérification de comptabilité en refusant de lui transmettre, en méconnaissance de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, les documents obtenus des autorités britanniques ;

— c’est à tort que l’administration lui a refusé le bénéfice de l’exonération de retenue à la source prévue par les articles 13 et 23 de la convention fiscale franco-britannique à raison des sommes qu’elle a versées à la société britannique Algaron Info Ltd en rémunération de prestations de services et à titre de redevances ;

— le paiement de prestations de services entre dans la champ de l’article 7 de la convention qui stipule que les bénéfices des entreprises ne sont imposables que dans l’autre Etat que si elles y ont un établissement stable, ce qui n’est pas le cas de la société Algaron Info Ltd ;

— elle ignorait qu’elle devait être en possession d’un justificatif de résidence de la société Algaron Info Ltd pour bénéficier de l’exonération de retenue à la source sur les redevances ;

— dès lors qu’elle justifie maintenant d’un certificat de résidence au Royaume-Uni de la société Algaron Info Ltd, elle peut bénéficier de cette exonération en application de la réponse Chazeaux n° 15729 du 26 octobre 1998 ;

— il ne lui appartient pas, en application de l’article 13 de la convention, de démontrer que la société Algaron Info Ltd est le bénéficiaire effectif des redevances.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mars et 22 juin 2021, la directrice régionale des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

La directrice régionale des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin soutient que les moyens soulevés par l’EURL Mak 7 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale et la fraude fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée le 19 juin 2008 ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. C A,

— les conclusions de M. Laurent Guth, rapporteur public

— et les observations de Me Contet, représentant l’EURL Mak 7.

Une note en délibéré, présentée pour l’EURL Mak 7, a été enregistrée le 18 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. L’EURL Mak 7, dont M. B est l’associé unique et le gérant, exploite un centre d’appel à Strasbourg. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 25 janvier 2014 au 31 décembre 2016 à la suite de laquelle l’administration a, notamment, soumis à la retenue à la source les sommes versées à la société britannique Algaron Info Ltd en rémunération de prestations de services et pour le paiement de redevances. L’EURL Mak 7 a, en conséquence, été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre des années 2015 et 2016 et de la retenue à la source au titre des années 2014, 2015 et 2016, s’élevant, en droits et pénalités, à la somme totale de 218 603 euros, dont elle demande la décharge. 

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. Aux termes de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales : « L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ». S’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en œuvre, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements recueillis auprès de tiers afin que l’intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n’est tenue à cette obligation qu’en ce qui concerne ceux des renseignements qu’elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements. Enfin, la régularité de la procédure d’imposition suivie à l’égard d’un contribuable s’apprécie chef de redressement par chef de redressement.

3. La société requérante soutient que l’administration aurait méconnu les dispositions 

précitées en refusant, le 9 janvier 2019, de lui communiquer, comme elle l’avait demandé par lettre du 27 décembre 2018, copie des documents obtenus des autorités fiscales britanniques dans le cadre de l’assistance administrative internationale. Toutefois, il résulte de l’instruction que la demande d’assistance formulée le 18 décembre 2017 par le service et la réponse des autorités britanniques intervenue le 23 mai 2018 ne portaient que sur l’application des stipulations de la convention fiscale franco-britannique en matière de retenue à la source. Il s’ensuit que la méconnaissance invoquée des dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales serait, à la supposer même avérée, sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition suivie pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d’impôt sur les sociétés. Par ailleurs, la réponse des autorités britanniques n’ayant été portée à la connaissance de l’administration fiscale que le 23 mai 2018, postérieurement à la notification de la proposition de rectification du 7 décembre 2017 et de la réponse aux observations du contribuable du 27 février 2018 relatives aux redressements envisagés au titre de l’année 2014, le moyen invoqué est également inopérant à l’égard de la retenue à la source au titre de ladite année. Enfin, il résulte des termes de la réponse aux observations du contribuable du 26 octobre 2018 et de la lettre du 6 février 2019 de l’interlocuteur départemental que l’information obtenue des autorités britanniques, selon laquelle le siège déclaré de la société Algaron Info Ltd au Royaume-Uni était une adresse de domiciliation, n’a été évoquée par l’administration qu’à l’appui du refus qui aurait pu être opposé à une éventuelle demande de restitution de la retenue à la source et non pour conforter ou pour confirmer l’assujettissement à la retenue à la source des sommes versées à la société Algaron Info Ltd au cours des années 2015 et 2016. Dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le service se serait basé sur des renseignements et documents obtenus de tiers qui ne lui auraient pas été communiqués en dépit de sa demande. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut, par suite, être accueilli.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. D’une part, aux termes de l’article 182 B du code général des impôts : « I. – Donnent lieu à l’application d’une retenue à la source lorsqu’ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, qui n’ont pas dans ce pays d’installation professionnelle permanente : () c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France () ».

5. D’autre part, aux termes de l’article 4 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 : « 1. Au sens de la présente Convention, l’expression » résident d’un Etat contractant « désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, y est assujettie à l’impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu d’enregistrement ou de tout autre critère de nature analogue, et s’applique aussi à cet Etat ainsi qu’à toutes ses subdivisions politiques ou à ses collectivités locales, ainsi qu’à toute personne morale de droit public de cet Etat, de cette subdivision ou de cette collectivité. Cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus et les gains en capital de sources situées dans cet Etat ». Aux termes de l’article 13 de cette convention : « 1. Les redevances provenant d’un Etat contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat. 2. Le terme » redevances « employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique y compris les films cinématographiques et les logiciels, d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un dessin ou d’un modèle, d’un plan, d’une formule ou d’un procédé secrets, ou pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique ». Aux termes du 1 de l’article 7 de la même convention : « Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. () ». Aux termes de l’article 23 de ladite convention : « 1. Les éléments du revenu d’un résident d’un Etat contractant dont ce résident est le bénéficiaire effectif, d’où qu’ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention et qui ne sont pas des revenus de » trusts « ou des successions en cours de liquidation, ne sont imposables que dans cet Etat ». 

6. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition. Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office, si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale.

7. Il est constant que l’EURL Mak 7 a versé à la société Algaron Info Ltd, pendant les années 2014, 2015 et 2016, les sommes respectives de 67 167,97 euros, 51 032,03 euros et 28 800 euros en rémunération de prestations de services informatiques et de travaux de sous-traitance et de 54 000 euros, 78 000 euros et 60 000 euros à titre de redevances pour l’utilisation d’une base de données. De tels versements étaient soumis à la retenue à la source en application des dispositions du c) du I de l’article 182 B du code général des impôts.

8. Par ailleurs, le terme « bénéfices » mentionné à l’article 7 de la convention fiscale franco-britannique n’est pas défini par cette convention et doit, dès lors, être interprété selon le principe énoncé au paragraphe 2 de l’article 3 de ladite convention, aux termes duquel : « Pour l’application de la présente convention à un moment donné par un Etat contractant, tout terme ou expression qui n’y est pas défini a, sauf si le contexte exige une interprétation différente, le sens que lui attribue, à ce moment, le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s’applique la présente Convention, le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet Etat prévalant sur le sens que lui attribuent les autres branches du droit de cet Etat ». En l’absence d’élément exigeant une interprétation différente, les « bénéfices » auxquels fait référence l’article 7 de la convention sont ceux déterminés selon les règles fixées par le code général des impôts. Ainsi, si les sommes versées par l’EURL Mak 7 à la société Algaron Info Ltd en rémunération de prestations de services et de travaux de sous-traitance ont pu concourir au résultat d’ensemble de cette dernière société, elles ne peuvent être confondues avec le bénéfice de la société Algaron Info Ltd, résultant de la déduction du total de ses produits de toutes les charges qu’elle a supportées au cours de l’exercice. Il s’ensuit que c’est à bon droit que l’administration a regardé lesdites sommes comme des éléments du revenu de la société Algaron Info Ltd, entrant dans le champ de l’article 23 de la convention fiscale franco-britannique, et non comme des bénéfices de cette entreprise au sens de l’article 7 de cette convention. 

9. Enfin, pour refuser d’exonérer les sommes en litige de la retenue à la source en application des stipulations de l’article 4 de la convention fiscale franco-britannique et des articles 13 et 23 de cette convention s’agissant, respectivement, des redevances et des autres versement, l’administration s’est fondée sur le double motif que la société Algaron Info Ltd n’avait pas présenté à l’EURL Mak 7 préalablement au versement des sommes en cause les justificatifs de sa domiciliation fiscale au Royaume-Uni et qu’il n’était pas établi que la société Algaron Info Ltd était le bénéficiaire effectif des versements. Il résulte de l’instruction, notamment des constatations du service décrites dans les propositions de rectification du 7 décembre 2017 et du 31 juillet 2018, non contredites par la société requérante, que certaines des factures émises par la société Algaron Info Ltd mentionnaient les références de comptes bancaires en Pologne. L’administration a confirmé, par l’exercice de son droit de communication auprès la banque de l’EURL Mak 7, que les facturations de la société Algaron Info Ltd avaient été payées par virement sur des comptes bancaires polonais. Par ailleurs, comme le relève le service dans la réponse aux observations du contribuable du 26 octobre 2018, l’associé unique de la société Algaron Info Ltd est résident de l’Afrique du Sud. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que la société Algaron Info Ltd était le bénéficiaire effectif des redevances et de la rémunération des prestations de services et travaux de sous-traitance qu’elle avait facturés. L’administration pouvait dès lors, pour ce seul motif et à supposer même que la société Mak 7 puisse se prévaloir d’une attestation délivrée par les autorités britanniques justifiant de ce que la société Algaron Info Ltd était résidente britannique au titre des années en litige, refuser d’exonérer les sommes versées à cette société de la retenue à la source, en application des stipulations précitées des article 13 et 23 de la convention fiscale franco-britannique. 

10. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’EURL Mak 7 n’est pas fondée à demander la décharge de la retenue à la source mise à sa charge au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par voie de conséquence, les conclusions qu’elle a présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 :La requête de l’EURL Mak 7 est rejetée. 

Article 2 :Le présent jugement sera notifié à l’EURL Mak 7 et au directeur régional des finances publiques du Grand Est et du département du Bas-Rhin.

Délibéré après l’audience du 17 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Julien Iggert, président,

M. Christophe Michel, premier conseiller,

M. Mohammed Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2022.

Le rapporteur,

C. A

Le président,

J. IGGERT

Le greffier,

S. PILLET

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Strasbourg, le 

Le greffier,


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