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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5-7
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2015
(n° 99, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 2015/07257
Décision déférée à la Cour : n° 215C0380 rendue le 31 mars 2015
par L’AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS
DEMANDERESSE E AU RECOURS :
– La société CHARITY & INVESTMENT MERGER ARBITRAGE FUND, société anonyme de droit luxembourgeois,
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est : [Adresse 7]
Elisant domicile au Cabinet de Maître Julien VISCONTI
[Adresse 8]
Représentée par Maître Julien VISCONTI,
avocat au barreau de PARIS,
toque : D1827
[Adresse 8]
DÉFENDERESSES AU RECOURS :
– La société EURO DISNEY INVESTMENTS, S.A.S.
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est : [Adresse 1]
Elisant domicile au Cabinet de Maître Jean-Claude CHEVILLER
[Adresse 4]
– La société EDL CORPORATION, S.A.S.
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est : [Adresse 1]
Elisant domicile au Cabinet de Maître Jean-Claude CHEVILLER
[Adresse 4]
– La société EDL HOLDING COMPANY LLC, société de Droit de l’état du Delaware
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est : [Adresse 6]
Elisant domicile au Cabinet de Maître Jean-Claude CHEVILLER
[Adresse 4]
Représentées par :
– Maître Jean-Claude CHEVILLER,
avocat au barreau de PARIS,
toque : D0945
[Adresse 4]
– Maître Jean-Yves GARAUD et Maître Fabrice BAUMGARTNER,
avocats au barreau de PARIS, toque : J021
Cabinet CLEARY, GOTTLIEB, STEEN & HAMILTON LLP,
[Adresse 2]
– La société EURO DISNEY SCA, société en commandite par actions
Prise en la personne de son représentant légal
Dont le siège social est : [Adresse 1]
Elisant domicile au Cabinet de La SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
[Adresse 9]
Représentée par :
– Maître Matthieu BOCCON-GIBOD,
avocat au barreau de PARIS,
toque : C2477
La SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
[Adresse 9]
– Maître Patrick BONVARLET,
avocat au barreau de PARIS
Cabinet Sullivan & Cromwell LLP
[Adresse 5]
EN PRÉSENCE DE :
– L’AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS
Représentée par son Président
dont le siège est : [Adresse 3]
représentée Mme [L] [G], munie d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 04 juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
– Mme Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère faisant fonction de présidente
– Mme Mireille DE GROMARD, Conseillère
– Mme Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
MINISTÈRE PUBLIC :
L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Mme Madeleine GUIDONI, avocate générale, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Valérie MICHEL- AMSELLEM, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.
* * * * * * * *
La société Euro Disney SCA (la société Euro Disney), dont les actions sont aujourd’hui admises aux négociations sur le compartiment B du marché réglementé d’Euronext [Localité 10], a été introduite à la bourse de [Localité 10] en 1989. Elle a pour principal actif une participation de 82 % dans le capital de la société Euro Disney Associés SCA (la société EDA), laquelle exploite le parc d’attraction Disneyland [Localité 10], et elle est gérée par la société Euro Disney SAS (la société ED SAS), filiale à 100 % de la société américaine The Walt Disney Company (la société TWDC).
Elle a été l’objet d’un plan de recapitalisation et de réduction d’endettement annoncé en octobre 2014, dans le cadre duquel la société américaine EDL Holding Company (la société EDL Holding) et les sociétés Euro Disney Investments SAS (la société EDI) et EDL Corporation SAS (la société EDLC), toutes trois indirectement détenues à 100 % par la société TWDC, ont souscrit à des augmentations de capital. C’est ainsi que la société EDL Holding a souscrit 157 570 794 actions au prix de 1 euro l’action et que les sociétés EDI et EDLC ont souscrit chacune 196 800 000 actions au prix de 1,25 euro l’action.
À l’issue de ces opérations, les sociétés EDL Holding, EDI et EDLC détenaient ensemble et de concert 72,34 % du capital et des droits de vote de la société Euro Disney et elles se sont donc trouvées dans l’obligation de déposer une offre publique d’achat, par application des dispositions des articles 234-2 et 234-5 du règlement général de l’AMF.
Le 20 février 2015, la société BNP Paribas, agissant comme établissement présentateur, a déposé, pour le compte des sociétés EDL Holding, EDI et EDLC un projet d’offre publique d’achat simplifiée des actions de la société Euro Disney, au prix de 1,25 euro par action.
Le cabinet Ledouble SAS a été désigné pour procéder à l’expertise indépendante prévue par l’article 261-1 du règlement général de l’AMF. Il a, par l’attestation d’équité délivrée le 12 février 2015, conclu que le prix offert de 1,25 euro par action était équitable pour les actionnaires de la société Euro Disney.
Le 17 février 2015, le conseil de surveillance de la société Euro Disney a rendu un avis motivé sur l’offre en considérant qu’elle était conforme à ses intérêts, ainsi qu’à ceux de ses salariés et actionnaires.
Par lettre du 6 mars 2015, le conseil de la société de droit luxembourgeois Charity Investment Merger Arbitrage Fund (la société CIMA), actionnaire de la société Euro Disney, a fait connaître à l’AMF que le projet d’offre ne lui paraissait pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables. C’est ainsi qu’elle a fait valoir que les contrats conclus au sein du groupe TWDC portaient préjudice à la société Euro Disney et à ses actionnaires, que l’information délivrée sur l’offre était incomplète et trompeuse et que la valorisation sur la base de laquelle avait été calculé le prix offert ne prenait pas en compte la valeur réelle de certains actifs fonciers.
Par décision n° 215C0380 du 31 mars 2015, l’AMF a déclaré le projet d’offre publique d’achat simplifiée des sociétés EDL Holding, EDI et EDLC conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables.
Par déclaration déposée au greffe le 9 avril 2015, la société CIMA a formé devant la Cour d’appel de PARIS un recours en annulation de cette décision.
SUR CE,
Vu la déclaration de recours en date du 9 avril 2015, déposée au greffe par la société CIMA contre la décision n° 215C0380 de l’AMF ;
Vu le mémoire en réplique du 22 mai 2015 déposé par la société CIMA ;
Vu les mémoires déposés les 6 mai et 29 mai 2015 par les sociétés EDI, EDL et EDL Holding ;
Vu les mémoires déposés les 6 mai et 29 mai 2015 par la société Euro Disney ;
Vu les observations de l’AMF déposées le 11 mai 2015 ;
Après avoir entendu à l’audience publique du 4 juin 2015 le conseil de la société CIMA qui a été mis en mesure de répliquer, les conseils des sociétés EDI, EDL, EDL Holding et de la société Euro Disney, l’Autorité des marchés financiers et le ministère public ;
La Cour
A l’appui de sa demande d’annulation de la décision, la société CIMA soutient que la société Euro Disney est l’objet, depuis sa création et son introduction en bourse en 1989, de prélèvements abusifs opérés au profit de la société TWDC, sur la base de contrats internes au groupe Walt Disney. Elle fait valoir qu’il en résulte des atteintes graves et répétées aux principes de loyauté et d’égalité des traitement des actionnaires et que, dans ces conditions, l’offre des sociétés EDI, EDL et EDL Holding ne pouvait être déclarée conforme. Elle met en cause, par ailleurs, l’exactitude et la sincérité de l’information financière délivrée par ces sociétés sur leur offre et précise avoir saisi le Procureur de la République d’une plainte pour faux et abus de biens sociaux. À cet égard, elle critique les conclusions de l’expert indépendant, à qui elle reproche de ne pas avoir procédé à une juste valorisation des droits fonciers détenus par la société Euro Disney. Elle soutient que l’adoption par la société Euro Disney de la forme juridique de commandite par actions, ainsi que la conclusion des contrats sur la base desquels la société TWDC prélève des redevances font obstacle au principe du libre jeu des offres et des surenchères et sont contraires au principe de loyauté.
Enfin, la société CIMA rappelle que les offres publiques réalisées après que le projet de leur initiateur a été déclaré conforme par l’AMF, donnent lieu à la perception par celle-ci de redevances calculées sur la valeur des titres présentés. Elle en conclut que la procédure d’examen de conformité ne présente pas toutes les garanties d’impartialité objective requises par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et que la décision déférée doit en conséquence être annulée.
Les sociétés EDI, EDL et EDL Holding ainsi que la société Euro Disney demandent la confirmation de la décision de l’AMF.
Sur les atteintes alléguées aux principes de loyauté, d’égalité de traitement des actionnaires et du libre jeu des offres et des surenchères
La société CIMA expose que l’offre des sociétés EDI, EDL et EDL Holding n’est que l’aboutissement d’un long processus d’abus de pouvoir exercé par la société TWDC sur la société Euro Disney, dont elle permet la prise de contrôle total, à un prix dérisoire, par le groupe Walt Disney Company. Elle soutient qu’alors que le cours de la société Euro Disney n’a cessé de baisser depuis son introduction en bourse, les différents contrats internes au groupe Walt Disney Company (contrat de licence, contrat de gérance, contrat de développement) permettent à la société mère TWDC de prélever sur le chiffre d’affaires de la société Euro Disney des sommes d’un montant très largement supérieur aux normes du marché et qui revêtent un caractère abusif. Elle souligne que la société Euro Disney, qui revêt la forme juridique d’une société en commandite par actions, a pour gérant la société Euro Disney SAS, indirectement détenue à 100 % par son actionnaire de référence la société TWDC et elle soutient que la société Euro Disney est gérée non dans l’intérêt commun de ses actionnaires, mais dans l’intérêt exclusif de la société TWDC. La société requérante fait valoir que cette situation, contraire à l’article 1833 du code civil, a pour conséquence la nullité du contrat de société qui fonde la société Euro Disney et elle en conclut que l’offre, qui « parachève une situation manifeste d’abus de pouvoir » par la société TWDC, ne pouvait dès lors être déclarée conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables et qu’elle est contraire aux principes de loyauté et d’égalité de traitement des actionnaires.
L’AMF, lorsqu’elle est saisie d’un projet d’offre publique d’acquisition, doit se prononcer sur la conformité de celui-ci aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables. Cette conformité s’apprécie, notamment, au regard des articles L. 433-1 et suivants du code monétaire et financier et des articles 231-1 et suivants du règlement général de l’AMF.
En revanche, cette autorité ne saurait, dans le cadre de cet examen de conformité, se prononcer, aux lieu et place des juridictions compétentes, sur la validité du contrat unissant les actionnaires de la société cible. Elle ne pouvait dès lors tirer de conséquences juridiques des allégations de la société CIMA selon lesquelles la nullité de la société Euro Disney serait encourue du fait de la prétendue violation de l’intérêt commun de ses actionnaires.
Par ailleurs, si le principe du libre jeu des offres et de leurs surenchères s’oppose à la conclusion de contrats, dans le cadre et pour les besoins d’une offre publique, sous la condition suspensive de la réussite de celle-ci, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, comme l’a relevé l’AMF dans sa décision, les contrats dont la société CIMA dénonce le caractère abusif à ses yeux, sont antérieurs à l’offre puisqu’ils sont conclus depuis que la société Euro Disney a été introduite en bourse en 1989. Si dans le cadre de la réorganisation menée en 2005, ces contrats ont été transférés de la société Euro Disney à ses filiales opérationnelles, ils n’ont été substantiellement modifiés ni dans leur principe, ni dans leur montant. Ils ne sont, en outre, liés à l’offre par aucun lien de connexité qui les rendrait indissociables de celle-ci et ont, enfin, fait l’objet des procédures d’information et de consultation des actionnaires requises par les textes et les statuts sociaux.
Dans ces conditions, c’est à juste titre que l’AMF a considéré qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ces contrats dans le cadre de l’examen de conformité du projet d’offre dont elle était saisie.
Sur l’information financière
La société CIMA soutient que la société Euro Disney a dissimulé une partie significative des « transactions entre parties liées », lesquelles n’apparaitraient pas dans ses documents de référence successifs et correspondraient à des ventes de biens facturés à concurrence de 50 millions d’euros par an.
Elle ajoute que la société Euro Disney disposerait, au titre de ses droits immobiliers, d’une plus-value de l’ordre de 2 milliards d’euros, non prise en compte dans sa valorisation, et qu’elle a passé, à tort, une provision comptable de 470 millions d’euros prétendument justifiée par une surévaluation comptable qu’elle aurait récemment découverte. Elle expose que le rapport établi à sa demande par M. [K] [B], expert près la Cour d’appel de Paris et expert agréé par la Cour de cassation, conclut, en particulier, à l’existence de plus-values d’au moins 243 millions d’euros au titre des biens détenus en propre et de 1 888 millions d’euros au titre de l’option d’achat foncier dans l’emprise de la convention entre le groupe TWDC et l’État français, soit une plus-value totale de 2 131 millions d’euros. Elle ajoute que ce rapport chiffre à au moins 2 908,7 millions d’euros la situation nette réévaluée et, sur cette base, à 3,7 euros le prix des actions de la société Euro Disney ;
Ces allégations ne sont pas fondées.
La Cour relève, en premier lieu, que les documents de référence publiés en 2012, 2013 et 2014 par la société Euro Disney présentent en détail, dans une note annexée aux états financiers consolidés, les transactions que cette société a passées avec des parties liées, sans que la société CIMA ne démontre, ni d’ailleurs ne soutienne, que ces informations seraient inexactes.
En second lieu, les allégations de la société CIMA selon lesquelles la société Euro Disney dissimulerait une plus-value de l’ordre de 2 milliards d’euros sont contredites par l’expertise indépendante à laquelle cette société a fait procéder conformément à l’article 261-1 du règlement général de l’AMF. En effet, il résulte de l’attestation d’équité qu’il a délivrée, que l’expert indépendant a, dans ses travaux, pris en compte et valorisé les droits immobiliers de la société Euro Disney, par simulation d’une cession des actifs immobiliers immédiatement suivie de leur location à des conditions de marché, sur la base de la documentation à sa disposition, revue dans le cadre d’une expertise immobilière à laquelle il a fait procéder.
Il s’en déduit la société CIMA ne démontre pas que l’AMF a fait une appréciation faussée du projet qui lui était soumis, en ce qui concerne l’exactitude et la sincérité de l’information délivrée aux actionnaires de la société Euro Disney.
Enfin, la circonstance que la société CIMA ait informé l’AMF de la plainte qu’elle avait déposée auprès du Procureur national financier, le 26 mars 2015, des chefs d’abus de biens sociaux, de diffusion d’informations fausses ou trompeuses et de présentation de faux bilan n’était pas de nature, à elle seule, à contraindre l’AMF à surseoir à l’examen du projet d’offre dont elle était saisie.
Sur l’obstacle allégué au libre jeu des offres et des surenchères résultant de la structure juridique de la société Euro Disney et des conventions internes au groupe Euro Disney
La société CIMA soutient que la société Euro Disney ayant la forme juridique d’une société en commandite par actions, son gérant, la société ED SAS, filiale à 100 % de la société TWDC, ne peut être révoqué que par une décision des associés commandités, lesquels sont contrôlés par la même société TWDC. Elle en conclut que cette forme sociale « interdit toute possibilité de surenchère ». Elle ajoute que les contrats de licence, de gérance et de développement passés au sein du groupe TWDC « rendent toute tentative de prise de contrôle inamicale de la société [Euro Disney] rigoureusement impossible ». Elle vise à ce sujet, en particulier, d’une part, le contrat de licence conclu entre les sociétés « Disney Enterprises Inc. » et Euro Disney, qui stipule que la société TWDC peut mettre fin à cette convention « en cas de survenance de certains évènements, comme par exemple la révocation ou le remplacement du gérant, le changement de contrôle direct ou indirect d’EDA », d’autre part, le contrat de partenariat conclu avec certaines entreprises autorisées à être présentes sur le site Euro Disney et qui serait « résilié de plein droit en cas de résiliation du contrat de licence ». Elle estime que la combinaison de ces différents accords fait obstacle au libre jeu des offres et des surenchères, de sorte que l’AMF aurait dû déclarer l’offre non conforme ;
Cependant, en premier lieu, les sociétés en commandite par actions ayant, comme les sociétés anonymes, la capacité d’être cotées en bourse, on ne saurait considérer que leur structure juridique propre est contraire aux principes de loyauté, d’égalité et de libre jeu des offres et des surenchères, sauf à postuler qu’elles ne peuvent faire l’objet d’une offre publique d’acquisition.
En second lieu, la Cour ayant précédemment retenu que les contrats mis en cause par la société CIMA ne relevaient pas de l’examen de conformité du projet d’offre visant les actions de la société Euro Disney, c’est à juste titre que l’AMF, qui n’a par ailleurs relevé aucune atteinte au principe du libre jeu des offres et de leurs surenchères, a considéré dans sa décision qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ces contrats.
Les moyens développés sur ce point doivent en conséquence être rejetés.
Sur le prix offert
L’AMF a jugé conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables le prix de 1,25 euro par action Euro Disney offert par les initiateurs.
La société CIMA soutient que ce prix n’est pas équitable car il n’a, selon elle, été calculé que par application de méthodes fondées sur l’analyse du cours de bourse de la société cible et sur l’actualisation de ses flux de trésorerie futurs. Elle précise que le cours de bourse et les flux de trésorerie de la société Euro Disney souffrent des « prélèvements arbitraires et abusifs » de la société TWDC et elle en conclut que, pour être équitable, le prix offert aurait dû être calculé sur la base de l’actif net réévalué (ANR) de la société Euro Disney. Elle s’appuie sur les conclusions du rapport précité établi à sa demande par M. [K] [B], lequel, par application de la méthode de l’ANR, a évalué à 3,7 euros le prix des actions de la société Euro Disney.
Toutefois, l’article 234-6 du règlement général de l’AMF, applicable en l’espèce, énonce que « Lorsqu’un projet d’offre est déposé en application des articles 234-2 et 234-5, le prix proposé doit être au moins égal au prix le plus élevé payé par l’initiateur, agissant seul ou de concert au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce, sur une période de douze mois précédant le fait générateur de l’obligation de déposer le projet d’offre ». Or il est établi que le prix le plus élevé au sens de ces dispositions est le prix de 1,25 euro par action auquel les sociétés EDI et EDLC, membres du concert formé avec la société EDL Holding, ont souscrit à l’augmentation du capital de la société Euro Disney réalisée le 20 février 2015.
Par ailleurs, l’expertise indépendante à laquelle il a été procédé conformément aux articles 261-1 et suivants du règlement général de l’AMF, repose sur la mise en ‘uvre d’une évaluation multicritères, appliquant les méthodes de valorisation qui ont paru à l’expert les plus appropriées et dont il a justifié de la pertinence, en l’occurrence les méthodes fondées sur l’analyse du cours de bourse, l’actualisation des flux de trésorerie prévisionnels (DCF) et les multiples boursiers, tout en tenant compte de l’incidence de la valeur des actifs immobiliers de la société ED SCA. Au terme de son analyse, l’expert indépendant a constaté qu’il en ressortait une valeur unitaire de l’action inférieure au prix de l’offre et des primes comprises entre 0,24 euro et 1,21 euro, et il en a conclu que le prix offert était équitable pour les actionnaires d’Euro Disney.
C’est en conséquence, et compte tenu de ces éléments, par une juste appréciation du prix offert, que l’AMF a déclaré conforme le projet qui lui était soumis.
Sur la violation alléguée du principe d’impartialité objective de l’AMF
La société CIMA fait encore valoir que toute offre publique donne lieu, de la part de son initiateur, au paiement à l’AMF d’une contribution composée, selon l’article L. 621-5-3 du code monétaire et financier, d’un droit fixe de 10 000 euros et d’un montant assis sur la valeur des titres présentés à l’offre, mais qu’en revanche, aucune contribution n’est due lorsque le projet d’offre a été déclaré non conforme. Elle en conclut que la procédure d’examen de conformité est contraire à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme en ce qu’elle ne présente pas les garanties d’impartialité objective requises par ce texte.
Cependant, à supposer que les dispositions de l’article 6 précité soient applicables en l’espèce, la cour ne dispose d’aucune indication sur le montant de la contribution à percevoir à l’issue de l’offre lancée sur les titres de la société Euro Disney, de sorte qu’elle ne se trouve pas en mesure de déterminer si cette contribution représente une part à ce point significative des ressources totales de l’AMF, qu’elle jetterait un doute sur l’impartialité objective avec laquelle a été examinée la conformité du projet d’offre des sociétés EDI, EDL et EDL Holding. Au surplus et en tout état de cause, les décisions prises par l’AMF au terme de l’examen des projets d’offre publique dont elle est saisie, peuvent être déférées à la cour de céans, dans le cadre d’un recours effectif et de plein contentieux présentant toutes les garanties prescrites par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le moyen est en conséquence infondé.
Sur la demande de publication du présent arrêt
La société Euro Disney demande à la Cour d’ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans des publications de son choix et aux frais de la société CIMA.
Elle ne démontre toutefois pas que la procédure engagée par la société CIMA lui aurait causé un préjudice d’une nature telle qu’il devrait être réparé par la mesure de publication qu’elle sollicite. Sa demande sera donc rejetée.
Sur la demande de condamnation pour procédure abusive et sur la demande de condamnation au paiement d’une amende civile
Si la société CIMA succombe dans le recours qu’elle a formé contre la décision de l’AMF ayant jugé conforme le projet d’offre publique déposé par les sociétés EDI, EDL et EDL Holding, il ne ressort pas du dossier qu’elle aurait agi avec mauvaise foi ou légèreté blâmable et qu’elle aurait ainsi abusé de son droit d’agir en justice.
L’ensemble des demandes des sociétés EDI, EDL et EDL Holding sur ce point seront en conséquence rejetées.
Sur les frais irrépétibles
Il n’y a pas lieu au regard de l’ensemble des éléments du dossier de prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
REJETTE le recours formé par la société Charity & Investment Merger Arbitrage Fund contre la décision n° 215C0380 de l’AMF publiée le 31 mars 2015 ;
REJETTE la demande de la société Euro Disney SCA tendant à ce que soit ordonnée la publication du présent arrêt ;
REJETTE les demandes des sociétés EDL Holding Company, Euro Disney Investments SAS et EDL Corporation SAS de condamnation de la société requérante au paiement de dommages-intérêts et à une amende civile ;
DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Charity et Investment Merger Arbitrage Fund aux dépens de la présente instance.
LE GREFFIER,
Benoît TRUET-CALLU
LA PRESIDENTE,
Valérie MICHEL- AMSELLEM