Présentateur : 25 juin 2015 Cour d’appel de Paris RG n° 14/06282

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Présentateur : 25 juin 2015 Cour d’appel de Paris RG n° 14/06282
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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 25 JUIN 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/06282

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Février 2014 -Tribunal de Commerce de de Paris – RG n° 2013032607

APPELANTE

SA BRED BANQUE POPULAIRE

RCS PARIS 552 091 795

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Me Valérie TRILLING, avocat au barreau de PARIS, toque : J059

INTIMEE

SA SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE

RCS NANTERRE 322 215 021

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Assistée de Me Virginie LE ROY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0973

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 31 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

– Contradictoire,

– par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par Madame Marie GIRAUD Greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement, réputé contradictoire, rendu le 28/2/2014 par le tribunal de commerce de Paris qui a condamné la BRED BANQUE POPULAIRE à payer à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE la somme de 388.803,04 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2013 avec anatocisme, a ordonné l’exécution provisoire, a condamné la BRED BANQUE POPULAIRE à payer la somme de 10.000 € à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE au titre de l’article 700 du code de procédure civile, a condamné la BRED BANQUE POPULAIRE aux dépens ;

Vu l’appel interjeté par la BRED BANQUE POPULAIRE à l’encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions signifiées le 14/2/2015 par la BRED BANQUE POPULAIRE qui demande à la cour, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, à titre principal, de déclarer prescrite l’action de la Swisslife Prévoyance et Santé pour toutes les sommes détournées par son ancien salarié, Madame [H] [V] avant le 1er mai 2008 et dire, en tout état de cause, que l’assiette du préjudice revendiqué par la société Swisslife Prévoyance et Santé à prendre en compte est ramenée à 261 189,54 €, de débouter la société Swisslife Prévoyance et Santé de toutes ses demandes fins et conclusions sur ce solde non prescrit, celle-ci ne pouvant invoquer ses propres turpitudes puisqu’elle est à l’origine des détournements pratiqués dans ses propres services à défaut d’avoir procédé aux contrôles internes qui s’imposaient et par voie de conséquence de dire que les fautes de la victime sont exonératrices de toute responsabilité de sa part, à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour considérait qu’elle a commis des négligences quant à la forme des chèques remis à l’encaissement par Madame [H] [V] sur la période non prescrite, de juger que ces négligences sont intégralement couvertes par les fautes patentes et récurrentes commises par la société Swisslife Prévoyance et Santé, de débouter par voie de conséquence à nouveau la société Swisslife Prévoyance et Santé de toutes ses demandes fins et conclusions sur le solde non prescrit, à titre très subsidiaire, si par extraordinaire la Cour considérait qu’elle a commis des fautes en lien causal exclusif avec le préjudice dont il est sollicité réparation par la société Swisslife Prévoyance et Santé, de fixer dans telle proportion qu’il appartiendra, le partage de responsabilité entre elle et la société Swisslife Prévoyance et Santé, de juger que ces fautes ne peuvent donner lieu en tout état de cause à condamnation de sa part qu’à hauteur maximale d’une somme de 43 495 € au vu des 15 chèques produits par la société Swisslife Prévoyance et Santé pour fonder son préjudice et totalisant cette somme et ce avant partage de responsabilité ;

Vu les conclusions signifiées le 20 février 2015 par la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE qui demande à la cour de la recevoir en ses demandes, vu l’article 224 du Code civil, vu la loi du 17juin 2008, de constater et juger que ses demandes ne sont pas prescrites, de rejeter l’exception de prescription de la BRED, vu les articles 1382 et suivants du Code Civil, de dire et juger que la BRED en acceptant de créditer sur le compte de Monsieur et Madame [V] des chèques qui n’étaient pas libellés à leur ordre et dont l’endos ne correspondait pas à leur signature, et en ne procédant pas a des vérifications au vu du fonctionnement anormal de leur compte bancaire, a commis des fautes engageant sa responsabilité, de dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute dans le contrôle de sa salariée, de constater qu’il résulte de l’enquête pénale que l’ensemble des chèques frauduleusement émis par Madame [V] étaient établis a l’ordre de ‘MR [V]’, en conséquence, de débouter la BRED de l’ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris et condamner la BRED à lui payer la somme de 388.803,04€ avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts, de condamner la BRED à lui payer la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l’exécution forcée sera réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice et que les sommes retenues par l’huissier, par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, seront supportées par le débiteur et en tant que besoin le condamner à lui rembourser ces sommes, telles que calculées par l’huissier de justice ;

SUR CE

Considérant que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE expose :

que Madame [H] [V] a été sa salariée du 24 juin 1985 au mois d’octobre 2011, époque à laquelle elle a diligenté à son encontre une procédure de licenciement pour faute grave ; que depuis 2002, Madame [V] a occupé les postes suivants :

– du 1er juin 2002 au 31 mars 2005 : Gestionnaire Santé individuelle,

– du 1er avril 2005 au 31 décembre 2008 : Gestionnaire de prestations déléguées en Santé (Service Gestion délégué Santé),

– du 1er janvier 2008 au 31 septembre 2010 : Chargée d’opérations de prestations en Gestion Déléguée Santé (Service Gestion délégué Santé),

– à partir du 1er octobre 2010 : Responsable technique produit (Service Support Technique Collectives et Délégation de gestion) ;

Que le 29 août 2011, le manager de1’Unité Opérationnelle Gestion Déléguée a constaté dans le cadre du rapprochement quotidien technico-comptable (vérification et justification des écarts entre les prestations gérées et les règlements effectués par SwissLife Prévoyance et Santé au titre des contrats de santé collective) que Madame [H] [V] avait émis des chèques, au bénéfice d’un certain ‘ Monsieur [V]’ sous couvert de la gestion d’un dossier de prestations ; que ce fait a surpris cet employé dans la mesure où depuis sa mutation en octobre 2010, Madame [V] n’avait plus en charge la gestion des prestations et n’était donc plus, depuis cette date, habilitée à émettre des chèques ; qu’interrogée, Madame [V] avait répondu qu’elle continuait de travailler sur un dossier ancien particulièrement complexe qui concernait ‘la société PY [V]’ et ‘Monsieur [V]’ ; que le 7 septembre 2011, elle avait décidé de diligenter un audit interne sur les prestations dont avaient bénéficié la société PY [V] et Monsieur [V], qui a permis de constater, s’agissant des prestations réglées à Monsieur [V] qu’elles avaient été imputées sur différentes polices et chez différents apporteurs, que l’ensemble des prestations enregistrées l’avaient été par le rédacteur ‘ PS’, code attribué à Madame [H] [V] ; que les prestations enregistrées et payées par Madame [H] [V] sur ces contrats n’avaient aucune justification ; que les accords ou protocole de gestion concernant la société [V] n’avaient pas été retrouvés, que la société [V] était inexistante ; que l’ensemble des chèques litigieux avait été émis par la transaction manuelle d’édition de chèques, que chacun était d’un montant inférieur à 3.000 €, montant à partir duquel la double signature est nécessaire pour l’émission d’un chèque, seul le gestionnaire – rédacteur ‘ PS’, attribué à Madame [H] [V] avait émis des chèques au bénéfice de la société [V], 186 des 187 chèques émis à destination de ‘ Mr [V]’ avaient été endossés, un chèque ayant été annulé, les 186 chèques émis et endossés représentaient la somme de 388.803,04 € sur la période allant du 8 mars 2005 au 31 août 2011, aucun dossier physique n’avait été retrouvé et tant les chèques réglés à Monsieur [V] que les prestations associées n’étaient justifiés ; que lors de l’entretien préalable du 6 octobre 2011, Madame [V] a reconnu avoir fabriqué de faux documents et détourné les sommes mentionnées ci-dessus à son profit, sous couvert du règlement de prestations santé inexistantes ; que Madame [V] a été licenciée pour faute grave par lettre du 27 octobre ; qu’elle a déposé plainte auprès du procureur de la République de Paris, le 2 novembre 2011 des chefs de faux et usage de faux, de falsification de chèques, d’abus de confiance et d’escroquerie et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données ;

Considérant que l’enquête de police diligentée suite à la plainte a permis d’établir que les 186 chèques avaient été encaissés sur le compte ouvert par Monsieur [D] [V] et son épouse, dans les livres de la BRED BANQUE POPULAIRE, agence de [Localité 3], le 16 janvier 1990 ; que Madame [V] a reconnu avoir enregistré informatiquement des prestations fictives auprès des clients de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE et émis ensuite des chèques équivalents aux fausses prestations , au nom de Monsieur [V] ;

Considérant que Madame [V], qui a reconnu l’intégralité des faits, a été déféré devant le tribunal correctionnel de Paris , qui le 15 février 2013, a requalifié les faits en escroquerie et a condamné Madame [V] à un an d’emprisonnement avec sursis du chef d’escroquerie au préjudice de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE;

Considérant que par assignation délivrée le 30 avril 2013, la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE a attrait la BRED BANQUE POPULAIRE devant le tribunal de commerce de Paris en sollicitant sa condamnation au paiement de la somme de 388.803,04 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts, en soutenant que la banque, en acceptant de créditer sur le compte de Monsieur et Madame [V] des chèques qui n’étaient pas libellés à leur ordre et dont l’endos ne correspondait pas à leur signature et en ne procédant pas à des vérifications au vu du fonctionnement anormal de leur compte avait commis une faute engageant sa responsabilité;

Considérant que c’est dans ces circonstances et conditions qu’est intervenu le jugement déféré, la BRED n’ayant pas comparu ;

Considérant que devant la cour, la BRED BANQUE POPULAIRE invoque tout d’abord la prescription ;

Considérant que la BRED BANQUE POPULAIRE rappelle qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et que l’assignation a été délivrée le 30 avril 2013 ;

Considérant qu’elle explique que le délit d’escroquerie commis par Madame [H] [V] à l’insu de son employeur résulte de l’établissement par Madame [H] [V] de 186 chèques émis et endossés sur la période allant du 8 mars 2005 au 31 août 2011, se décomposant par année de la façon suivante :

‘ sur l’année 2005, ont été émis 36 chèques, dont 35 ont été débités et qui représentent la somme globale de 24.469,10 €,

‘ sur l’année 2006, ont été émis 26 chèques qui ont tous été débités et qui représentent la somme globale de 27.492,98 €,

‘ sur l’année 2007, ont été émis 25 chèques qui ont tous été débités et qui représentent la somme globale de 52.420,46 €,

‘ sur l’année 2008, ont été émis 26 chèques qui ont tous été débités et qui représentent la somme globale de 70.910,50 €,

‘ sur l’année 2009, ont été émis 26 chèques qui ont tous été débités et qui représentent la somme globale de 73.260 €,

‘ sur l’année 2010, ont été mis 31 chèques qui ont tous été débités et qui représentent la somme globale de 90.005 €,

‘ sur l’année 2011, ont été émis 17 chèques qui ont tous été débités et qui représentent la somme globale de 50. 245 €,

Considérant qu’elle en déduit que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE est irrecevable à venir rechercher sa responsabilité pour obtenir la réparation de son préjudice correspondant à l’émission et l’endossement des chèques litigieux émis du 8 mars 2005 au 30 avril 2008, puisque son action, sur cette période est prescrite ; qu’elle précise que les chèques émis du 8 mars 2005 au 7 avril 2008 s’élèvent à la somme totale de 127.613,50 €, de sorte que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE n’est recevable à solliciter réparation que sur un quantum de préjudice de 261.189,54 € (388.803,04 € – 127.613,50 €) qui correspond à l’émission et l’endossement de chèques sur la période du 30 avril 2008 au 31 août 2011 ;

Considérant, ainsi que le relève pertinemment la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE, qu’en raisonnant ainsi la BRED BANQUE POPULAIRE ignore les dispositions transitoires prévues par l’article 26 de la loi du 17 juin 2008, les faits litigieux étant soumis à la prescription ancienne de 10 ans ;

Mais considérant en tout état de cause, ainsi que le soutient la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE, que le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité extracontractuelle se situe à la date de la manifestation du dommage qui s’est révélé, en l’espèce, au plus tôt, le 7 septembre 2011, date de l’audit réalisé par la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE qui a permis de découvrir les malversations de Madame [V], et au plus tard, à l’issue de la procédure pénale lorsque la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE a pu avoir communication du dossier, le 12 décembre 2012 ; qu’il ne saurait être fixé à la date de l’émission des chèques litigieux qui ont été dissimulée à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE par les manoeuvres de Madame [V] ;

Considérant que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE ayant introduit son action le 30 avril 2013, aucune de ses demandes n’est atteinte par la prescription ;

Considérant sur le fond, que la BRED BANQUE POPULAIRE soutient qu’elle n’a commis aucune faute et que par contre la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE allègue ses propres turpitudes, qu’elle n’a réalisé aucun contrôle interne, et ce pendant 6 ans ; que tout employeur doit répondre des manquements de ses préposés quels qu’ils soient ; qu’elle conclut que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE est à l’origine de son propre préjudice ; qu’elle insiste sur le fait que la faute de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE s’est aggravée à partir d’octobre 2010 puisqu’à partir de cette date son nouveau poste ne lui permettait plus a priori d’avoir accès aux outils informatiques dont elle avait disposés en sa qualité de gestionnaire de santé et/ou de prestations de santé, de juin 2002 à septembre 2010 alors qu’en réalité Madame [V] avait gardé l’usage d’accréditations qui ne correspondaient plus à ses fonctions ;

Considérant qu’elle rappelle qu’elle a reçu des chèques tirés sur le CREDIT AGRICOLE libellés à l’ordre de Monsieur [V] dont elle n’a pas à vérifier le signataire ; qu’étant banque présentatrice, elle n’est pas en mesure de savoir si Madame [H] [V] a le pouvoir de signer les chèques au nom de la société SWISSLIFE PRÉVOYANCE ET SANTÉ ; qu’elle ne peut donc se voir reprocher aucune faute assimilable à une absence de vérification à ce titre ; qu’elle affirme avoir procédé à la vérification de l’auteur de la signature valant endossement avec le spécimen de signature qui lui a été remis lors de l’ouverture du compte joint de Monsieur et Madame [V] qui correspondait au spécimen de signature qui lui avait été remis ; qu’elle ajoute que l’inadéquation entre l’ordre des chèques litigieux (Monsieur [V]) remis à l’encaissement par Madame [H] [V] et les noms des titulaires du compte joint (Monsieur et Madame [V]), relève d’une erreur matérielle et que le client est présumé de bonne foi et qu’en toutes hypothèses les fautes patentes commises par l’employeur plaignant couvrent ses négligences ; que très subsidiairement, elle prétend que le montant du préjudice indemnisable ne saurait excéder la somme de 43.495 € , montant des 15 chèques joints en copie ;

Considérant que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE réplique que la BRED BANQUE POPULAIRE a encaissé 186 chèques dont elle n’a pas vérifié la régularité formelle puisque les chèques étaient libellés au nom de Monsieur [V], alors que le compte était au nom de Monsieur et Madame [V], et que la signature figurant en endos était une fausse signature et que ces omissions fautives ont permis les détournements ; qu’elle ajoute que la banque aurait dû s’interroger sur la cause de ces nombreux chèques et sur le fonctionnement anormal du compte de personnes, qui avaient un salaire global de 3.000 €, lequel était viré sur le dit compte, réalisaient des dépenses considérables et souscrivaient des crédits à la consommation ; qu’elle insiste sur le caractère astucieux du système mis en place par Madame [V] qui rendaient les détournements non détectables ; qu’elle précise que c’est à la demande des services de police qu’elle n’a fourni que 15 chèques ;

Considérant qu’il y a lieu tout d’abord de relever que c’est la police qui a demandé à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE de lui transmettre un ‘échantillonnage de quinze chèques années 2010/2011″ ; qu’il ne peut être sérieusement contesté que les 186 chèques litigieux qui ont été recensés par l’enquête de police sont strictement identiques ; qu’ils ont émis tous émis au bénéfice d’une personne imaginaire, Monsieur [V], tiré sur le compte dont la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE était titulaire au CREDIT AGRICOLE, par Madame [V] et ont été encaissés après endos sur le compte des époux [V] à la BRED BANQUE POPULAIRE ; que le préjudice ne saurait être réduit au montant des 15 chèques versés aux débats ;

Considérant qu’il est constant que Madame [V] , qui était une employée de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE a émis 186 chèques d’un montant de 388.803,04 € au bénéfice de ‘ Monsieur [V]’, qui était une personne fictive, qu’elle a encaissés sur le compte qu’elle avait ouvert avec son époux dans les livres de la BRED BANQUE POPULAIRE ; qu’elle a rempli pour chaque chèque un bordereau de remise sur lequel elle a mentionné le nom du titulaire du compte ‘[V] [D]’ et le numéro du compte bénéficiaire ;

Considérant que la BRED BANQUE POPULAIRE est en l’espèce banquier présentateur, teneur du compte des époux [V] ; qu’elle était seule en mesure d’exercer un contrôle réel et efficace sur les chèques dont elle devait vérifier la régularité formelle ;

Considérant que le banquier ne peut procéder à l’encaissement de chèques qu’au profit des bénéficiaires désignés sur les titres ou des endossataires et qu’il doit vérifier l’adéquation entre le nom du bénéficiaire et celui du titulaire du compte ;

Considérant qu’en l’espèce tous les chèques ont été émis à l’ordre de Monsieur [V] et que le compte était ouvert au nom de [V] ; que la banque ne peut pertinemment invoquer une erreur matérielle alors qu’elle a été reproduite à 186 reprises et que les chèques étaient dactylographiés et qu’ils émanaient d’un organisme social ;

Considérant en outre que contrairement aux affirmations de la banque, l’endos qui figure sur les chèques, quand il y figure, certains dépôts à l’encaissement ayant été effectués sans endos, ne correspond pas du tout aux spécimen de signatures qu’elle avait recueillis;

Considérant qu’en acceptant d’encaisser sur le compte des époux [V] des chèques barrés libellés au profit d’un tiers et en ne vérifiant pas l’endos, la BRED BANQUE POPULAIRE a commis une faute et a engagé sa responsabilité ;

Considérant d’autre part que l’émission et l’endossement de ces chèques n’a été rendu possible qu’à la suite d’une faute du titulaire du compte ouvert dans les livres de la banque tirée qui n’a pas exercé une surveillance suffisante de son préposé, et à la suite d’une faute intentionnelle du préposé lui même qui a commis des malversations ;

Considérant ainsi que la BRED BANQUE POPULAIRE le soutient exactement les malversations ont duré 6 ans et ont été rendus possible par l’absence totale de contrôle interne et de rapprochement comptable ; qu’il est manifeste que des contrôles périodiques auraient dû être effectués sur les chèques émis par Madame [V] pour vérifier notamment leur adéquation avec les prestations enregistrées et l’identité des destinataires; qu’il est remarquable que bien qu’en ayant changé, Madame [V] a pu continuer à utiliser, à des fins personnelles, les moyens, les outils et le matériel de son ancienne fonction ;

Considérant qu’il doit être relevé qu’il résulte du rapport de synthèse établi par les policiers que Madame [V] a expliqué qu”elle subissait une situation de harcèlement au travail de la part de sa supérieure hiérarchique directe depuis 2005 et qu’elle avait émis un chèque en espérant provoquer une confrontation avec sa supérieure et la direction des Ressources humaines, mais que le règlement frauduleux était passé inaperçu (et qu’elle) avait continué à émettre des chèques de façon compulsive’ ;

Considérant que certes le comportement fautif de la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE n’est pas la cause exclusive de son préjudice mais que la cour estime devoir procéder à un partage de responsabilité et dire que la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE devra garder à sa charge 30 % de son préjudice ;

Considérant que le jugement déféré sera donc infirmé sur le quantum de la condamnation et que la BRED BANQUE POLULAIRE sera condamné à verser à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE la somme de 272.162,12 € (70% de 388.803,04€), avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2013 avec anatocisme ;

Considérant que la BRED BANQUE POPULAIRE qui succombe pour l’essentiel et sera condamnée aux dépens ne peut prétendre à l’octroi de sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que l’équité commande qu’elle soit, au contraire, condamnée à verser à ce titre 3.000 € à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE ;

Considérant que les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées ;

PAR CES MOTIFS

Infirme il jugement déféré en ce qu’il a condamné la BRED BANQUE POPULAIRE à verser à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE la somme de 388. 803,04 €, le confirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la BRED BANQUE POPULAIRE à verser à la société SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE la somme de 272.162,12 €, et celle de 3. 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la BRED BANQUE POPULAIRE aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et comprendront les sommes retenues par l’huissier de justice en charge de l’exécution forcée par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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