Your cart is currently empty!
Une société cessionnaire de droits (médailles religieuses) porte atteinte au droit à la paternité / droit au nom de l’auteur en commercialisant ses oeuvres sur son site sans faire mention du nom de ce dernier.
Toutefois, compte tenu des captures d’écran de son site internet versées aux débats par la société, non démenties par l’auteur, il s’avère que la durée de cette absence d’indication du nom de l’auteur a effectivement été très limitée.
Eu égard à cet élément, l’indemnité allouée à l’auteur en réparation de son préjudice moral a été réduite à 500 euros.
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU : 27 JUIN 2023
BV
N° RG 20/04480 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LZE2
[W] [C] veuve [S]
c/
S.A.R.L. AMG LA COURONNE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 octobre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 14/10534) suivant déclaration d’appel du 18 novembre 2020
APPELANTE :
[W] [C] veuve [S]
née le 25 Novembre 1951 à [Localité 4]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
représentée par Maître Eva VIEUVILLE, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Nicolas WEISSENBACHER, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.R.L. AMG LA COURONNE, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]
représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître PAUVERT substituant Maître Jean-Philippe DESTREMAU de la SELARL DESTREMAU ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 16 mai 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
M. Roland POTEE, Président
Mme Bérengère VALLEE, Conseiller
M. Emmanuel BREARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux
ARRÊT :
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [W] [S] est sculptrice depuis 1975 et crée des médailles religieuses.
La SARL AMG La Couronne est une entreprise créée en 2004 qui a repris et poursuivi l’activité développée en 1990 par M. [J] [T] et Mme [F] [T] de bijoutiers-joailliers. La société AMG La Couronne est spécialisée dans la création, la fabrication et la vente de médailles, pendentifs, chaînes, bracelets et bijoux de tradition.
En 2004, Mme [S] est entrée en rapport avec M. et Mme [T], qui lui ont confié la réalisation de médailles, les premières ayant été commercialisées par la société AMG La Couronne à compter de mai 2005.
Un contrat a été passé entre les parties le 9 janvier 2006 intitulé ‘contrat de création et de cession de droits d’auteur’ avec effet rétroactif au 1er mai 2005, lequel prévoyait la cession par Mme [S] du droit exclusif d’exploiter les droits de propriété artistique sur les médailles créées pour la société AMG, portant sur la création de 7 médailles avec droit de préférence pour les créations futures.
Le contrat prévoyait que Mme [S] percevra la somme 600 € en rémunération du travail consacré à la réalisation de chaque nouvelle médaille et une redevance forfaitaire de 6 € par médaille vendue pendant la durée du contrat.
Mme [S] a créé sur la base de ce contrat 5 nouvelles médailles en 2006 et 2007.
Par la suite, ont été créées par Mme [S] et commercialisées par la société AMG les médailles suivantes :
Ces médailles ont été rémunérées sur la base du contrat passé en 2006, la rémunération de Mme [S] ayant été renégociée à partir du 1er janvier 2010.
Faisant valoir que le contrat doit s’analyser en un contrat d’édition devant répondre aux exigences des articles L.131-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, qu’il ne respecte pas ces dispositions, qu’il a pris fin au terme des deux ans prévus et que l’utilisation postérieure par la SARL AMG La Couronne de modèles réalisés par elle, de photographies prises par elle de ses oeuvres et leur diffusion sur le site de la SARL AMG constituent des actes de contrefaçon et faisant valoir que le contrat du 1er mai 2005 est insusceptible d’avoir opéré une quelconque cession définitive des droits d’auteur de Mme [S] au profit de la société AMG La Couronne, que sa ‘prolongation’ après mai 2007 est elle-même insusceptible d’avoir produit le moindre effet et qu’en tout état de cause, son inexécution fautive justifierait alors que la résolution de ce contrat soit prononcée aux torts de la société AMG La Couronne, Mme [S] a, par acte du 8 octobre 2014, fait assigner la SARL AMG La Couronne devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Par jugement du 23 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
Moyens
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 2018, Mme [S] a fait part à la société AMG La Couronne de sa volonté de résilier le contrat de création et de cession de droit d’auteur du 9 janvier 2006 avec un préavis de six mois, ladite résiliation emportant qu’ ‘à compter du 1er juillet 2019, toute commercialisation de (ses) médailles ou tout acte d’usage de (ses) droits sera(it) poursuivi pour contrefaçon’.
Le 12 février 2019, la société AMG La Couronne a refusé de cesser la commercialisation des médailles objets du contrat résilié. Soutenant que Mme [S] faisait une interprétation erronée des termes du contrat et de leurs droits réciproques, elle indiquait entendre ‘poursuivre l’exploitation et la commercialisation des médailles créées au cours du contrat jusqu’à l’expiration de la durée des droits de propriété intellectuelle qui leur sont attachés et (qui ont été) cédés aux termes de l’article 9 du contrat du 9 janvier 2006.’
Mme [S] a alors saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux d’une requête en interprétation du jugement du 23 octobre 2018 visant à faire préciser que la formule du dispositif selon laquelle ‘Dit que la SARL AMG La Couronne a la qualité de cessionnaire des droits d’exploitation portant sur les médailles ci-dessus citées’ doit s’entendre comme signifiant : ‘Dit que la SARL AMG La Couronne a la qualité de cessionnaire des droits d’exploitation portant sur les médailles ci-dessus citées tant que dure la reconduction tacite du contrat passé entre la SARL AMG La Couronne et Mme [S]’.
Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a rejeté cette requête en interprétation aux motifs que :
« il ressort de la lecture du jugement que l’ajout est sollicité (par Mme [S]) sur un chef de demande par lequel le Tribunal a tranché la question de la qualité de la SARL AMG dans le contrat intitulé « contrat de création et de cession de droits d’auteur ». Cette qualité à agir était contestée par la demanderesse au motif d’une indication erronée du numéro SIREN de cette société dans le document contractuel.
La demanderesse en interprétation reconnaît, elle-même, dans sa requête, que le Tribunal n’a été saisi d’aucune prétention relative à la résiliation du contrat survenu postérieurement au jugement. Or, l’ajout sollicité tend au contraire à insérer au dispositif une mention qui aurait autorité de la chose jugée quant aux effets d’une résiliation du contrat sur la durée d’exploitation des ‘uvres par le cessionnaire.
Cet ajout modifie le contenu du dispositif et la requête en interprétation doit être rejetée».
C’est dans ces conditions que par déclaration du 18 novembre 2020, Mme [S] a relevé appel du jugement du 23 octobre 2018
Par conclusions déposées le 12 mai 2023, elle demande à la cour de :
À titre liminaire :
Sur l’originalité des modèles de médailles de Mme [W] [S] et, partant, leur bénéfice de la protection offerte par le droit d’auteur :
Sur la portée et la durée du « contrat de création et de cession de droits d’auteur » du 9 janvier 2006 :
Statuant dans les limites subsistantes de l’appel :
Sur la résiliation du « contrat de création et de cession de droits d’auteur » du 9 janvier 2006 au 1er juillet 2019 et la reddition des redevances dues à Mme [W] [S] cette date :
Statuant à nouveau :
Sur les actes de contrefaçon de droits d’auteur de la société AMG La Couronne au préjudice de Mme [W] [S] :
Réformant partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [W] [S] de ses demandes au titre de la contrefaçon :
Sur les actes de contrefaçon dits « secondaires » :
*Sur la violation du droit à la paternité de Mme [W] [S] s’agissant de la médaille « Christ miséricordieux » :
*Sur la contrefaçon des droits d’auteur de Mme [W] [S] attachés à des photographies de médailles :
*Sur la contrefaçon constituée par la médaille « Notre-Dame du bel amour » :
Couronne contrefait les droits d’auteur de Mme [W] [S] attachés à ses modèles de médaille « Étoile du matin V63 » et « 887 501 »,
Sur les demandes reconventionnelles et l’appel incident de la société AMG La Couronne
Sur les autres demandes de Mme [W] [S]
*Sur les mesures d’interdiction et de destruction :
*Sur la publication de l’arrêt à intervenir :
*Sur les frais irrépétibles :
Par conclusions déposées le 15 mai 2023, la société AMG La Couronne demande à la cour de :
A titre incident
En toute hypothèse,
Par message RPVA du 1er mai 2023, le conseil de Mme [S] a sollicité le report de l’ordonnance de clôture.
Par message en réponse du 3 mai 2023, le conseil de la société AMG La Couronne a indiqué ne pas s’y opposer.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 16 mai 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 mai 2023.
Lors de l’audience, la cour a invité les parties à formuler, par note en délibéré, leurs observations sur le moyen relevé d’office par la cour et tiré d’une éventuelle irrecevabilité des prétentions de l’appelante fondées sur la résiliation à effet du 1er juillet 2019 du contrat du 9 janvier 2006 au regard des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.
Dans sa note en délibéré du 26 mai 2023, le conseil de Mme [S] estime que les prétentions formées par cette dernière en cause d’appel sont identiques à celles présentées en première instance puisqu’elles visent à voir relever l’absence ou la fin de toute cession des droits d’exploitation prétendument opérée aux termes du contrat du 9 janvier 2006 et, ainsi, à caractériser les atteintes commises par la société AGM La Couronne. En outre, elle fait valoir que quand bien même ses demandes en appel seraient considérées comme nouvelles, il conviendrait alors de constater qu’elles tendent à faire écarter les prétentions adverses et surtout à faire juger les questions nées de la survenance d’un fait, à savoir la résiliation du contrat objet du litige intervenue le 1er juillet 2019. Elle invoque encore l’article 565 du code de procédure civile et affirme que ses prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au tribunal de grande instance de Bordeaux. Enfin, elle se prévaut des articles 566 et 567 du même code en soutenant que ses prétentions pourraient également être considérées comme la conséquence ou le complément nécessaire aux demandes de première instance, ou encore comme des demandes reconventionnelles.
Dans sa note en réponse en date du 1er juin 2023, la société AMG La Couronne fait valoir que toutes les prétentions de l’appelante se rapportant directement ou indirectement à la résiliation du contrat ayant lié les parties sont irrecevables comme nouvelles en appel. Elle relève que la résiliation du contrat n’a jamais été demandée devant la juridiction de première instance, Mme [S] soutenant au contraire que son contrat avait pris fin le 1er mai 2007 et ne s’était pas poursuivi tacitement. Elle ajoute que ce n’est finalement que pour se plier à la décision du tribunal qui avait jugé que le contrat conclu entre les parties avait été tacitement reconduit après son terme initial, devenant ainsi un contrat à durée indéterminée résiliable à tout moment, que Mme [S] a notifié à la société AMG La Couronne la résiliation du contrat à effet du 1er juillet 2019 et a fait état de cette résiliation pour la première fois devant la cour d’appel. Elle souligne que le premier jeu de conclusions de l’appelante ne faisait nullement mention de la résiliation du contrat et que si la connaissance du litige dévolu à la cour peut s’étendre aux faits survenus depuis le jugement, c’est à la condition qu’ils ne modifient pas la demande originaire et qu’ils soient étrangers à la personne qui les invoque. Elle indique qu’il ne peut être davantage soutenu que les prétentions relatives à la résiliation du contrat auraient eu pour objectif de faire écarter les prétentions adverses. Enfin, elle estime que sa demande qui tend à voir la cour se prononcer sur les effets de la résiliation est sans rapport et ne tend pas aux mêmes fins que ses prétentions qui visaient, en première instance, à remettre en cause l’existence même du contrat, de même qu’elle ne peut être considérée comme étant l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles soumises aux premiers juges, ni comme constituant une demande reconventionnelle.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de report de l’ordonnance de clôture
Par message RPVA du 1er mai 2023, le conseil de Mme [S] a sollicité le report de l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries. Par message en réponse du 3 mai 2023, le conseil de la société AMG La Couronne a indiqué ne pas s’y opposer.
Dès lors, les deux parties sollicitant un report de la clôture, il y a lieu de révoquer l’ordonnance fixant la clôture de l’instruction au 2 mai 2023 et de prononcer une nouvelle clôture au jour de l’audience.
Sur la demande de rejet des écritures n°2 et de la pièce n°55 déposées le 24 avril 2023 par la société AMG La Couronne
L’article 15 du code de procédure civile impose aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent, et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.
L’article 16 du même code fait obligation au juge d’observer et de faire observer le principe de contradiction en toutes circonstances, sans pouvoir retenir dans sa décision des éléments dont les parties n’auraient pas été en mesure de discuter contradictoirement.
Ces textes imposent de caractériser les circonstances particulières ayant porté atteinte au principe de la contradiction.
Il résulte de ces textes que pour écarter des écritures et pièces communiquées tardivement, y compris le jour de l’ordonnance de clôture, il convient de rechercher si celles ci appelaient une réponse, notamment en soulevant des prétentions ou moyens nouveaux.
En l’espèce, Mme [S] sollicite le rejet des conclusions et de la pièce n°55 déposées le 24 avril 2023 par la société AMG La Couronne. Elle soutient que la tardiveté de cette communication, quatre jours ouvrés seulement avant l’ordonnance de clôture ainsi que la refonte substantielle de l’argumentation adverse, ne lui ont pas permis de conclure en réponse comme elle l’aurait souhaité, ajoutant que les nombreuses modifications apportées n’ont pas été mises en exergue.
Il sera toutefois relevé que :
Enfin, si l’appelante reproche à la société AMG La Couronne de n’avoir pas présenté de manière formellement distincte les modifications apportées à ses écritures, cette dernière fait valoir à bon droit que dans la mesure où les dernières conclusions de Mme [S] modifiaient substantiellement ses précédentes écritures, elle a recentré les débats sur les points restant en discussion en simplifiant et supprimant de nombreux paragraphes, passant ainsi de près de 80 pages à 40 pages, de sorte qu’il était impossible de faire ressortir les modifications apportées.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de rejeter des débats les conclusions et la pièce n°55 déposées le 24 avril 2023 par la société AMG La Couronne, étant relevé que compte tenu du prononcé d’une nouvelle clôture au jour de l’audience de plaidoiries du 16 mai 2023, les dernières conclusions de Mme [S] en date du 12 mai 2023 et celles déposées le 15 mai 2023 par la société AMG La Couronne en vue de répliquer à la demande adverse de rejet de ses conclusions, doivent être déclarées recevables.
Sur la recevabilité des demandes de Mme [S] fondées sur la résiliation du contrat du 9 janvier 2006 à effet du 1er juillet 2019
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
L’article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Selon l’article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
L’article 567 du code civil dispose : ‘Les demandes reconventonnelles sont également recevables en appel.’
Il est rappelé que l’interdiction des prétentions nouvelles en appel se justifie non seulement par la nécessité de maintenir la cohérence du litige afin de ne point en retarder l’issue, mais aussi en raison du principe du double degré de juridiction qui s’oppose à ce qu’une prétention soit examinée pour la première fois en appel.
En l’espèce, il est établi que le tribunal n’a été saisi d’aucune prétention relative à la résiliation du contrat liant les parties à effet du 1er juillet 2019, ainsi qu’il résulte du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 23 octobre 2018 et des conclusions de première instance de Mme [S]. Il ne pouvait d’ailleurs en être autrement puisque la résiliation unilatérale du contrat par Mme [S] à effet du 1er juillet 2019 est précisément survenue postérieurement au jugement dont appel.
Mme [S] ne saurait valablement soutenir que la résiliation du contrat constitue la survenance d’un fait nouveau rendant recevables de nouvelles demandes en appel dès lors que ce fait émane directement de l’appelante elle-même. En effet, il sera rappelé que devant les premiers juges, Mme [S] développait le moyen selon lequel le contrat avait pris fin le 1er mai 2017 et ne s’était pas poursuivi tacitement. Prenant acte de ce que le tribunal avait, dans sa décision entreprise du 23 octobre 2018, jugé que le contrat conclu entre les parties avait été reconduit tacitement après son terme initial, devenant ainsi un contrat à durée indéterminée résiliable à tout moment, Mme [S] a, de sa propre initiative, notifié le 26 décembre 2018 à la société AMG La Couronne la résiliation du contrat à effet du 1er juillet 2019. Il n’y a dès lors aucune survenance d’un fait indépendamment des parties et en particulier de l’appelante, l’autorisant à soumettre à la cour de nouvelles prétentions.
En outre, les demandes tendant à voir la cour se prononcer sur les effets de la résiliation du contrat par Mme [S] à effet du 1er juillet 2019 ne tendent pas aux mêmes fins que les prétentions formées par cette dernière devant les premiers juges visant à remettre en cause l’existence même du contrat liant les parties et à le priver de tout effet.
Enfin, contrairement à ce que prétend l’appelante, les prétentions relatives à la résiliation du contrat survenu postérieurement au jugement dont appel ne tendent pas à faire écarter les prétentions adverses, ni ne constituent l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge, de même qu’il ne s’agit pas d’une demande reconventionnelle.
Par conséquent, il convient de déclarer irrecevables les demandes fondées sur la résiliation unilatérale, à effet du 1er juillet 2019, du contrat liant les parties en date du 9 janvier 2006.
Sur les contrefaçons secondaires
Sur la violation du droit à la paternité de Mme [S] s’agissant de la médaille ‘Christ Miséricordieux’
Le tribunal a alloué à Mme [S] une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par l’absence d’indication du nom de l’auteur de l’oeuvre concernant la médaille ‘Christ miséricordieux’.
La société AMG La Couronne sollicite l’infirmation du jugement de ce chef. Si elle admet que son site internet a omis d’indiquer le nom de Mme [S] pour la médaille ‘Christ miséricordieux’, elle fait valoir que cette omission n’a été que très passagère, entre mars et avril 2016, le temps du reformatage et de la nouvelle mise en page de son site internet et que les initiales AK (pour [W] [S]) figurent bien sur la médaille elle-même.
De son côté, Mme [S] conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a dit que la société AMG La Couronne a porté atteinte à son droit paternité sur la médaille ‘Christ miséricordieux’ mais demande à ce que l’indemnité allouée soit portée à la somme de 5.000 euros.
Il n’est pas sérieusement contestable que la société AMG La Couronne a porté atteinte aux droits de paternité de Mme [S] en commercialisant la médaille ‘Christ miséricordieux’ sur son site sans faire mention du nom de l’auteur. Toutefois, compte tenu des captures d’écran de son site internet versées aux débats par la société AMG La Couronne, non démenties par l’appelante, il s’avère que la durée de cette absence d’indication du nom de l’auteur a effectivement été très limitée.
Eu égard à cet élément, l’indemnité allouée à Mme [S] en réparation de son préjudice moral sera réduite à 500 euros. Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les actes de contrefaçon du fait de la reproduction, représentation et utilisation des clichés photographiques de Mme [S] sans son consentement
Mme [S] reproche au tribunal d’avoir rejeté ses demandes liées à l’utilisation sur son site, par la société AMG La Couronne, et sans son autorisation, des photographies des médailles prises par elle. Elle réclame la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral résultant desdits actes de contrefaçon.
Toutefois, force est de constater qu’elle n’explicite pas plus qu’en première instance les caractéristiques des photographies leur conférant une originalité. En outre, le tribunal doit être approuvé lorsqu’il relève qu’il ressort du courrier adressé par Mme [S] le 27 octobre 2011 à la société AMG La Couronne que ces photographies ont été prises dans le cadre des relations de partenariat existant entre les parties et que Mme [S] autorisait la société AMG La Couronne à utiliser celles-ci. Dès lors que la société AMG La Couronne a utilisé des photographies avec l’autorisatoin de Mme [S], il ne peut lui être reproché des actes de contrefaçon.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre.
Sur la médaille ‘Notre-Dame du bel amour’
Mme [S] critiqué le jugement déféré en ce qu’il a rejeté ses demandes liées à la contrefaçon de la médaille ‘Notre-Dame du bel amour’ créée par Mme [R]. Elle expose que cette médaille, commercialisée depuis l’été 2013 par la société AMG La Couronne, révèle une double contrefaçon de ses droits puisqu’elle constitue la reprise à l’identique, d’une part, de la médaille ‘Etoile du matin V63″ pour le visage de la Vierge et, d’autre part, de celle d’une oeuvre représentée au sein du modèle 887 501 mais n’ayant pas donné lieu à une médaille, pour l’expression du visage et la position de la Vierge, ces deux oeuvres ayant été créées par elle.
Comme le souligne toutefois justement le tribunal, si la comparaison des trois oeuvres permet de trouver des éléments de ressemblance (Vierge de profil, main de la Vierge posée sur la tête de l’enfant), l’impression d’ensemble de la médaille arguée de contrefaçon se distingue de chacune des oeuvres créées par Mme [S], les caractéristiques de celles-ci étant des gestes ou des positions classiques dans l’art religieux, qui n’entraînent toutefois aucune confusion possible entre les oeuvres concernées.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [S] formées à ce titre.
Sur la publication de l’arrêt
Il n’y a pas lieu d’ordonner la publication du présent arrêt. La demande formée à ce titre par Mme [S] sur le fondement de l’article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle sera rejetée.
Sur les demandes reconventionnelles de la société AMG La Couronne
La société AMG La Couronne fait valoir qu’en créant une société ‘[W] K’ en août 2014 et en offrant à la vente sur son site internet la majeure partie des médailles dont elle lui avait cédé les droits de reproduction et d’exploitation, Mme [S] a commis des actes de concurrence déloyale dont elle demande réparation à hauteur de 30.000 euros.
A l’appui de ses prétentions, elle produit des copies de capture d’écran du site ‘https://www.[02].com’ (pièce n°50) sur lesquelles sont présentées les médailles suivantes créées par Mme [S] : Médaille Vierge Marie, Notre Dame de Petits Enfants, l’ange d’Ezéchiel, Coeur de Marie, Mon petit ange gardien, ces médailles étant offertes à la vente avec un choix pour le métal, une possibilité de gravage et d’achat de chaîne. Comme le retient justement le tribunal, ces médailles ne correspondent à aucune des médailles dont les droits d’exploitation ont été cédés par Mme [S] à la société AMG La Couronne.
En revanche, il ressort de la copie de capture d’écran du site ‘https://www.[02].fr/medailles’ (pièce n°45) que la médaille ‘Ange au Luth’ créée par Mme [S] est offerte à la vente en ligne sur le site internet de cette dernière depuis 2014. Or, il résulte du contrat de création et de cession de droits d’auteur du 9 janvier 2006 que Mme [S] a cédé à la société AMG La Couronne le droit d’exploiter ladite médaille dénommée ‘Ange au Luth’. Mme [S] a ainsi manqué à ses obligations contractuelles au préjudice de la société AMG La Couronne qui sera justement indemnisée par l’octroi d’une indemnité de 1.500 euros, étant observé que la société AMG La Couronne ne reprend pas dans le dispositif de ses écritures, qui seul lie la cour, sa demande tendant à ce qu’il soit fait interdiction à Mme [S] de reproduire sur son site les médailles dont elle a cédé les droits.
Enfin, si la société AMG La Couronne soutient que les 18 médailles reproduites sous la médaille ‘Ange au Luth’ sur la capture d’écran précitée, correspondent à celles dont l’appelante avait cédé les droits, elle n’en rapporte pas la preuve.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Mme [S] supportera la charge des dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, Mme [S] sera condamnée à payer la somme de 3.500 euros à la société AMG La Couronne.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant à nouveau dans cette limite,
Y ajoutant,
Le présent arrêt a été signé par Madame Bérengère VALLEE, conseiller, en remplacement de Monsieur Roland POTEE, président, légitimement empêché, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,