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Nonobstant son automie et la diversisté de ses compétences juridiques louées par sa direction, Mme [B] s’occupait dans des proportions importantes de la gestion sociale de l’entreprise, notamment en traitant des contentieux individuels et collectifs du travail, en rédigeant des accords collectifs de travail et documents internes à la société ayant trait à la vie sociale, et en contribuant à l’organisation des élections professionnelles. Elle n’exerçait donc pas à titre exclusif des fonctions répondant aux problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci.
Son expérience au sein de la SNJH ne pouvant être prise en considération nonobstant ses mérites professionnels, Mme [B] ne remplit pas la condition des huit années d’exercice requise et doit en conséquence être déboutée de sa demande d’inscription au tableau, en infirmation de l’arrêté.
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
ARRÊT DU 06 JUILLET 2023
AUDIENCE SOLENNELLE
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13420
Décision déférée à la Cour : Décision du 19 Avril 2022 – Conseil de l’ordre des avocats de PARIS
DEMANDEUR AU RECOURS
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Mme Sylvie SCHLANGER, Avocate Générale
DÉFENDEURS AU RECOURS
LE CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparant et représenté par Me Arnaud GRIS, avocat au barreau de Paris
LE BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 4] EN QUALITÉ DE REPRÉSENTANT DE L’ORDRE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparant et représenté par Me Arnaud GRIS, avocat au barreau de Paris
Madame [H] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparante en personne et assistée de Me Hervé TOURNIQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1883
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
– Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
– Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
– M. Philippe MICHEL, Président de chambre
– Mme Estelle MOREAU,Conseillère
– Mme Nicole COCHET, Magistrate honoraire juridictionnel
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Florence GREGORI
MINISTERE PUBLIC : représenté lors des débats par Mme Sylvie SCHLANGER, qui a fait connaître son avis oralement à l’audience.
DÉBATS : à l’audience tenue le 11 Mai 2023, ont été entendus :
– Mme [H] [B] a accepté que l’audience soit publique ;
– Mme Estelle MOREAU, Conseillère, en son rapport ;
– Mme Sylvie SCHLANGER, Avocate Générale, en ses observations ;
– Me Arnaud GRIS, avocat représentant le Conseil de l’Ordre des avocats au Barreau de PARIS et le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris en qualité de représentant de l’Ordre, en ses observations ;
– Me Hervé TOURNIQUET, représentant Mme [H] [B], en ses observations ;
– Mme [H] [B], ayant eu la parole en dernier.
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 06 juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
* * *
Par arrêté du 19 avril 2022, le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris a accueilli la demande de Mme [H] [B] d’inscription au tableau des avocats du barreau de Paris fondée sur les dispositions des article 98 3° et 98 5° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.
Le procureur général a formé un recours contre cette décision par déclaration au greffe du 25 mai 2022.
L’audience s’est tenue le 11 mai 2023, publiquement à la demande de Mme [B].
Par conclusions communiquées et déposées le 1er mars 2023 et développées oralement à l’audience, le procureur général demande à la cour de :
– déclarer le recours recevable,
– infirmer l’arrêté acceptant la demande d’inscription au tableau de Mme [B],
– rejeter en conséquence la demande d’inscription au tableau de Mme [B]
Par conclusions communiquées et déposées le 17 avril 2023, développées oralement à l’audience, Mme [H] [B] sollicite la confirmation de l’arrêté.
Le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris et le bâtonnier en sa qualité de représentant dudit conseil, qui n’ont pas déposé d’écritures, font valoir oralement s’en rapporter à justice.
Mme [B] a eu la parole en dernier.
SUR CE
La décision objet du recours a accueilli la demande d’inscription dérogatoire de Mme [B] au barreau de Paris fondée sur les dispositions des articles 98 3° et 98 5° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 aux motifs que la condition de diplôme requise était remplie et qu’il était justifié d’une pratique juridique d’au moins huit ans, pour partie en qualité de juriste d’entreprise et pour partie en qualité de juriste dans une organisation syndicale.
Il n’est pas en débat que Mme [B] justifie des diplômes requis et que les activités qu’elle a exercées dans différentes organisations syndicales, soit du 5 décembre 2011 au 22 juin 2012 (6 mois et 17 jours) en qualité de chargée de missions en droit social au sein de la Fédération nationale des cinémas français, et du 1er décembre 2015 au 27 octobre 2021 (5 ans 10 mois et 26 jours), en qualité de délégué juridique du Syndicat français des artistes interprètes, sont conformes aux conditions requises à l’article 98 5° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.
Le parquet général soutient cependant que cette durée d’exercice en qualité de juriste d’une organisation syndicale, inférieure à 8 ans, ne peut être cumulée avec la durée d’exercice de l’activité de juriste d’entreprise dont se prévaut également Mme [B] et qui ne correspond pas aux critères dégagés par la jurisprudence, selon laquelle de telles fonctions doivent être exclusivement exercées dans un service spécialisé chargé dans l’entreprise des problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci. Il relève en particulier que, s’agissant de ses fonctions de responsable juridique au sein de la Société Nouvelle Journal l’Humanité (ci-après, SNJH) pour la période du 6 mai 2013 à novembre 2015 (soit 2 ans et 6 mois), Mme [B] était hiérarchiquement rattachée au secrétariat général et non pas à un service juridique spécialisé appelé à répondre aux problèmes juridiques concrètement posés par l’activité de l’entreprise et qu’elle n’avait pas pour mission exclusive de traiter de tels problèmes puisqu’elle était principalement en charge de droit social, soit de questions internes à l’entreprise.
Mme [B], qui précise renoncer à se prévaloir de son expérience de juriste de droit social occupée au sein de la société Air France du 3 décembre 2012 au 30 avril 2013, réplique que les fonctions exercées au sein de la SNJH sont conformes aux critères posés par l’article 98 3°du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, en ce qu’elle relevait directement de la direction de la société, dont elle était l’unique juriste, peu important l’absence d’un service juridique composé de plusieurs juristes, sauf à s’ingérer dans la gestion de la société. Elle fait valoir la diversité des missions juridiques accomplies et exclusivement consacrées à régler les problèmes juridiques liés à l’activité de la société, dont la gestion sociale qui reflète les problématiques de la branche d’activité de l’entreprise.
Selon l’article 98 3° du décret du 27 novembre 1991, sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou plusieurs entreprises.
Les personnes mentionnées aux 3°(juristes d’entreprise), 4°, 5°(juristes rattachés à une organisation syndicale), 6° et 7° de l’article 98 peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au mois égale à huit ans.
Pour pouvoir bénéficier de l’accès dérogatoire à l’exercice de la profession d’avocat posé par cet article, le juriste d’entreprise doit justifier, outre les conditions de diplôme requises, avoir exercé à titre exclusif durant huit ans au moins ses fonctions dans un service spécialisé interne à l’entreprise appelé à répondre aux problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci.
Les fonctions discutées sont celles que Mme [B] a exercées du 6 mai 2013 à novembre 2015 (soit 2 ans et 6 mois) en qualité de juriste d’entreprise au sein de la SNJH, société de presse.
Il ressort des attestations de Mme [K] [W], directrice du personnel et des relations sociales de la SNJH, et de M. [U], président du directoire et directeur du journal, que Mme [B] a exercé ses missions dans le département direction, sous la responsabilité directe du secrétaire général, membre du directoire, son N+1, coordinateur des activités de l’entreprise, notamment juridiques, et directeur administratif, lequel traitait personnellement avec les avocats de l’entreprise de l’ensemble des questions juridiques avant la création du ‘secteur juridique’ par Mme [B], qu’elle a animé de mai 2013 à fin novembre 2015. La fiche de poste et les bulletins de salaire de Mme [B] confirment son rattachement à la direction de l’entreprise.
Il s’en déduit que Mme [B] exerçait au sein du service juridique de la SNJH rattaché à la direction de celle-ci, la circonstance qu’elle constituait à elle seule ce service n’étant pas de nature à exclure l’application de l’article 98 3° précité.
S’agissant du contenu de ses fonctions, son contrat de travail à durée déterminée du 6 mai 2013 précise qu’elle aura pour missions :
– une étude juridique pour état des lieux des accords d’entreprise et documents en vigueur dans la société,
– la prise en charge de dossiers contentieux (social, droit pénal de la presse), avec étude de risques, suivi des procédures, recherches en interne, validation des conclusions en étant l’interface avec les conseils de la SNJH,
– étude de l’existant et propositions de révisions et nouvelles rédactions des contrats entre la SNRJ et ses différents prestataires de services et des contrats ‘Fête de l’Humanité’ entre la SNRJ et les productions artistiques.
Son contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 2013 définit ses fonctions et missions comme consistant à assurer :
– un conseil juridique permanent auprès des divers services de l’entreprise et sur l’ensemble des activités de la SNJH, notamment dans le domaine du droit social, droit commercial, droit de la propriété intellectuelle, droit des assurances,
– le suivi de l’ensemble des dossiers contentieux et pré-contentieux de la SNJH, en interface avec ses avocats,
– le cas échéant, la rédaction de projets de conclusions et la représentation de la SNJH devant diverses juridictions,
– la rédaction d’actes juridiques ou de projets : contrats, accords d’entreprise, protocoles…,
– la participation aux groupes de travail et réunions (notamment pour les intances représentatives du personnel) relatifs à ses domaines de compétence.
Sa fiche de poste mentionne que les principaux objectifs et missions du poste sont de :
– préserver les intérêts juridiques de la SNJH, ses titres de presse, dont le journal L’humanité, et leur image,
– contribuer à préserver et développer la qualité du climat social,
– intervenir en support sur la gestion des relations collectives/individuelles en lien avec la direction du personnel/le secrétariat général, assurer une veille juridique,
– identifier les situations pré-contentieuses et risques de litiges en droit social, en droit pénal de la presse, droit des affaires, droit de la propriété intellectuelle, gérer les litiges et les dossiers contentieux en lien avec les services concernés et en interface avec les avocats,
– représenter la SNJH devant les juridictions aux côtés de ses avocats, avec le cas échéant participation aux audiences, médiations, plaidoiries,
– contribuer à sécuriser et développer les relations contractuelles avec les prestataires extérieurs et productions artistiques,
– intervenir en support ou en force de proposition sur les projets de développements de la SNJH et de sa visibilité.
Mme [K] [W], directrice du personnel et des relations sociales de la SNJH, atteste que, outre des missions importantes en droit social et en particulier en contentieux social, Mme [B] était en charge de missions de droit des affaires et propriété intellectuelle. Elle précise que Mme [B] a travaillé en fonction support en droit social en lien avec le service de la direction du personnel, dans des proportions importantes, tant sur les relations collectives que sur les relations individuelles de travail à la SNJH. Elle indique que Mme [B] a entre autres travaillé sur des dossiers prud’homaux (prise connaissance d’un contentieux complexe de 15 dossiers prud’hommaux et d’un dossier de relations collectives et élaboration d’une relation stratégique autour, projets de conclusions), rédigé un projet d’accord d’entreprise, réécrit le règlement intérieur et la charte informatique, travaillé sur les élections professionnelles de 2014, un projet d’accord collectif relatif à l’égalité professionnelle et la NAO 2014 et la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 5 mars 2014, notamment concernant les entretiens professionnels.
Il se déduit de ces éléments que nonobstant son automie et la diversisté de ses compétences juridiques louées par sa direction, Mme [B] s’occupait dans des proportions importantes de la gestion sociale de l’entreprise, notamment en traitant des contentieux individuels et collectifs du travail, en rédigeant des accords collectifs de travail et documents internes à la société ayant trait à la vie sociale, et en contribuant à l’organisation des élections professionnelles. Elle n’exerçait donc pas à titre exclusif des fonctions répondant aux problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci.
Son expérience au sein de la SNJH ne pouvant être prise en considération nonobstant ses mérites professionnels, Mme [B] ne remplit pas la condition des huit années d’exercice requise et doit en conséquence être déboutée de sa demande d’inscription au tableau, en infirmation de l’arrêté.
Les dépens de première instance et d’appel sont mis à sa charge.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme l’arrêté en toutes ses dispositions,
Déboute Mme [B] de sa demande d’inscription au tableau des avocats du barreau de Paris,
Met les dépens de première instance et d’appel à la charge de Mme [B].
LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE