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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUIN 2022
N° RG 21/00985 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UKCM
AFFAIRE :
S.A.S. LIGHT VISION
C/
SAS STERNE CAPITAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 3
N° RG : 2020F00269
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Stéphanie TERIITEHAU
Me Franck LAFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. LIGHT VISION
N° SIRET : B 537 598 781
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELARL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 619 – N° du dossier 20210061
Représentant : Me Alain TAMEGNON HAZOUME, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0060 substitué par Me DUCHESNE
APPELANTE
****************
S.A.S. STERNE CAPITAL
N° SIRET : 830 199 220
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20210080
Représentant : Me Jean-Marie JOB de la SELARL JTBB AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0254
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 31 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
La société Light Vision a mis au point un prototype de lunettes devant permettre à des personnes malvoyantes, atteinte de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) de pouvoir recouvrer partiellement la vue.
Au début de l’année 2017, la société Light Vision a recherché des financements et des investisseurs lui permettant de produire et commercialiser ces lunettes.
A partir de février 2017, M. [H] [K] a pris contact avec la société Light Vision sans que cela soit formalisé par un contrat.
En avril 2017, M. [H] [K] a créé la société Sterne Capital (ci-après société Sterne), celle-ci étant ensuite immatriculée au registre du commerce le 13 juin 2017.
Le 19 avril 2017, la société Sterne a soumis à la société Light Vision un contrat de prestation de conseil, qui n’a toutefois pas été signé.
Le 20 juillet 2017, la société Sterne a adressé à la société Light Vision quatre factures d’un montant total de 33.600 euros au titre de prestations qu’elle soutenait avoir réalisées.
Le 22 décembre 2017, la société Sterne a mis en demeure la société Light Vision de lui régler ladite somme.
Le 2 juillet 2019, la société Sterne a déposé une requête en injonction de payer auprès du tribunal de commerce de Nanterre.
Par ordonnance du 25 novembre 2019, le président du tribunal de commerce de Nanterre a enjoint à la société Light Vision de payer à la société Sterne la somme de 33.600 euros, outre intérêts au taux légal.
Le 9 janvier 2020, la société Light Vision a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– Reçu la société Light Vision en son opposition à injonction de payer, et la dit non-fondée;
– Condamné la société Light Vision à payer à la société Sterne la somme de 33.600 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 décembre 2017;
– Débouté la société Sterne de sa demande de dommages et intérêts ;
– Condamné la société Light Vision à payer à la société Sterne la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit que l’exécution provisoire est de droit ;
– Condamné la société Light Vision aux entiers dépens.
Par déclaration du 15 février 2021, la société Light Vision a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 28 juillet 2021, la société Light Vision demande à la cour de :
– Recevoir la société Light Vision en sa demande ;
– La déclarant bien fondée ;
– Prononcer l’irrecevabilité de la demande de radiation du rôle de la présente affaire formée par la société Sterne Capital ;
Par conséquent,
– L’en débouter ;
– Infirmer le jugement du 21 janvier 2021, sauf en ce qu’il a débouté la société Sterne Capital de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Statuant à nouveau,
– Déclarer l’opposition à injonction de payer formée par la société Light Vision fondée ;
– Débouter la société Sterne Capital de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner la société Sterne Capital au paiement d’une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Stéphanie Teriitehau, avocat associée de la société Minault-Teriitehau conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 30 juin 2021, la société Sterne Capital demande à la cour de :
A titre liminaire et incident,
– Dire et juger que la société Light Vision n’a pas exécuté le jugement ;
En conséquence,
– Ordonner la radiation du rôle de la présente affaire ;
En tout état de cause,
– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Light Vision à payer à la société Sterne Capital la somme de 33.600 euros sur le fondement des quatre factures demeurées impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017, date de réception de la mise en demeure ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Light Vision à payer à la société Sterne Capital la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés en première instance ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Light Vision aux entiers dépens de première instance ;
– Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Sterne Capital de sa demande visant à voir condamnée la société Light Vision à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la résistance abusive de la société Light Vision ;
En conséquence,
– Recevoir la société Sterne Capital en ses demandes et les déclarer bien-fondées ;
– Condamner la société Light Vision à payer à la société Sterne Capital la somme de 33.600 euros sur le fondement des quatre factures demeurées indûment impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017, date de réception de la mise en demeure ;
– Condamner la société Light Vision à payer à la société Sterne Capital la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la résistance abusive de la société Light Vision ;
– Condamner la société Light Vision à payer à la société Sterne Capital la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel ;
– Condamner la société Light Vision aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Franck Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 janvier 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 – Sur la demande de radiation du rôle
La société Sterne sollicite en premier lieu la radiation du rôle sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile au motif que la société Light Vision n’a pas exécuté les termes du jugement.
Ainsi que le relève la société Light Vision, cette demande est de la seule compétence du conseiller de la mise en état qui n’a pas été saisi, de sorte qu’elle sera déclarée irrecevable.
2 – sur l’existence d’un lien contractuel entre la société Light Vision et la société Sterne, et la demande en paiement des factures de la société Sterne
Pour s’opposer à la demande en paiement formée à son encontre, la société Light Vision fait valoir qu’elle n’a jamais eu le moindre lien contractuel avec la société Sterne, ses seuls échanges ayant eu lieu avec M. [K], ce dernier ayant toujours utilisé une adresse électronique personnelle, sans jamais indiquer qu’il agissait ‘pour le compte de la société Sterne’. Elle ajoute que les factures datées du 19 juin 2017 portent sur des prestations prétendûment réalisées entre février et juin 2017, alors même que la société Sterne n’avait aucune existence légale jusqu’au 13 juin 2017, date de son immatriculation au registre du commerce. Elle fait valoir que le contrat daté du 19 avril 2017, qui ne lui a été adressé que le 6 juillet 2017, ne peut en aucun cas constituer un engagement de sa part dès lors qu’elle ne l’a pas signé, et qu’il a été établi à une date à laquelle la société Sterne n’avait aucune existence légale. Elle soutient, dans les motifs de ses conclusions, que le contrat serait nul. Elle fait valoir que les prestations mentionnées dans les factures, à les supposer réelles, ne peuvent concerner que M. [K] et non pas la société Sterne qui ne justifie pour sa part d’aucune prestation réalisée. Elle ajoute qu’il n’est justifié d’aucune reprise, par la société Sterne, d’actes initialement engagés par M. [K]. Elle s’étonne enfin que les 4 factures de la société Sterne, chacune pour un montant de 8.400 euros, aient toutes été établies le même jour, soit le 19 juin 2017, ce qu’elle considère comme douteux.
La société Sterne rappelle les très nombreux échanges ayant eu lieu entre M. [K] et la société Light Vision et les réunions auxquelles ces derniers ont participé. Elle reproche à la société Light Vision de s’être abstenue de régulariser la relation contractuelle. Elle ajoute que celle-ci n’a pas répondu à son courrier du 6 juillet lui demandant de faire le point, mais qu’elle a malgré tout continué de solliciter l’intervention de M. [K]. Elle fait valoir que le lien contractuel entre elle-même, ‘agissant par M. [K]’ et la société Light Vision résulte de l’ensemble des courriers et courriels, certains émis par M. [K] avec une adresse électronique chez Light Vision, M. [K] disposant également d’une carte de visite faisant mention des fonctions de conseiller du président de la société Light Vision.
La société Sterne affirme en outre que ses prestations sont bien réelles, reprenant la liste des échanges entre M. [K] et la société Light Vision, et la satisfaction de cette dernière. Elle invoque dès lors la résistance abusive de la société Light Vision à régler les factures, outre sa mauvaise foi déconcertante.
*****
Il résulte de l’article L.210-6 du code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation, avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale, sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.
Une société n’acquiert la personnalité morale que par l’effet de son immatriculation au registre du commerce, et ne peut, faute d’existence, réaliser de prestations ni conclure de contrats antérieurement à l’accomplissement de cette formalité. La nullité affectant les actes conclus par une société dépourvue d’existence juridique a le caractère de nullité absolue.
En l’espèce, l’extrait K bis de la société par actions simplifiée Sterne Capital mentionne comme date de commencement d’activité le 19 avril 2017, et comme date d’immatriculation au registre du commerce le 13 juin 2017. Il est précisé que M. [H] [K] a la qualité de président.
Il n’est pas contesté que M. [K] était en lien avec la société Light Vision, mais il n’a jamais indiqué agir au nom de la société Sterne en formation, cette dernière n’invoquant pas avoir repris les actes ou engagements qu’il avait souscrits.
La société Sterne produit aux débats un projet de contrat de prestation de conseil en organisation, développement et recherche de financement, entre elle-même et la société Light Vision, daté du 19 avril 2017, soit le jour de son début d’activité, ce contrat n’étant toutefois pas signé par la société Light Vision. Ce contrat, signé par la société Sterne uniquement et avant son immatriculation, est dépourvu de toute valeur juridique.
La société Sterne produit également aux débats 4 factures, toutes datées du 19 juin 2017 (factures portant les numéros 01-2017 à 04-2017), portant sur des prestations de conseil pour un montant mensuel de 8.400 euros TTC.
Force est ici de constater que ces 4 factures émises par la société Sterne portent sur des prestations mensuelles, prétendûment réalisées sur la période du 20 février au 19 juin 2017.
La société Sterne n’ayant acquis la personnalité morale que le 13 juin 2017, elle ne pouvait réaliser aucune prestation avant cette date, de sorte qu’il ne pouvait exister aucun lien contractuel avec la société Light Vision avant le 13 juin 2017. La société Sterne sera ainsi déboutée de sa demande en paiement au titre des trois premières factures (prestations réalisées du 20 février au 19 mai 2017).
S’agissant de la 4ème facture pour les prestations réalisées entre le 20 mai et le 19 juin 2017, les seules prestations qui pourraient donner lieu à paiement sont celles réalisées entre le 13 juin 2017 (date de l’immatriculation) et le 19 juin 2017, soit une période de 6 jours, sous réserve que la société Sterne justifie de telles prestations qui sont contestées.
Sur cette période de 6 jours, la société Sterne justifie de deux échanges de courriels entre M. [K] et la banque BNP Paribas (les 16 et 19 juin 2017), avec l’objet suivant : ‘mise en relation’. Dans ces courriels, M. [K] exprime les besoins de trésorerie de la société Light Vision, et la banque BNP Paribas demande à M. [K] de lui adresser un dossier de présentation de la société Light Vision, puis des documents complémentaires, notamment une liasse fiscale. Il convient de noter que M. [K] signe ses courriels avec le logo Light Vision, puis la mention ‘[H] [K] – conseiller du Président’ suivie des coordonnées de la société Light Vision, notamment l’indication de son site internet. L’adresse électronique utilisée par M. [K] est une adresse personnelle ‘[Courriel 5]’.
Ainsi que le fait observer la société Light Vision, il ne peut être soutenu que M. [K] agissait alors pour le compte de la société Sterne, puisqu’il signe au contraire ses courriels en qualité de conseiller du président de la société Light Vision. Il n’est ainsi justifié d’aucune prestation réalisée par la société Sterne au profit de la société Light Vision sur la période du 13 au 19 juin 2017, de sorte que sa demande en paiement au titre de la 4ème facture doit également être rejetée.
La société Sterne sera ainsi déboutée de sa demande en paiement des factures, le jugement étant infirmé de ce chef.
3 – sur la demande indemnitaire formée par la société Sterne au titre de la résistance abusive
La société Sterne soutient que la volonté de la société Light Vision de se soustraire par tous moyens à son obligation de paiement des factures est faite en toute mauvaise foi de sorte qu’elle est fautive.
Dès lors qu’il est fait droit à l’argumentation de la société Light Vision, sa résistance au paiement ne peut être qualifiée d’abusive, de sorte que la demande indemnitaire formée à ce titre sera rejetée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Chacune des parties conservera à sa charge les dépens exposés en première instance et en appel.
Il est équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable la demande de radiation du rôle formée par la société Sterne Capital,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 janvier 2021 en ce qu’il a déclaré la société Light Vision recevable en son opposition à l’ordonnance d’injonction de payer du 25 novembre 2019,
L’infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Déboute la société Sterne Capital de ses demandes,
Rejette toutes autres demandes,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens et frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,