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N° de minute : 13/2023
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 16 février 2023
Chambre commerciale
Numéro R.G. : N° RG 21/00066 – N° Portalis DBWF-V-B7F-SFM
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Juin 2021 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG n° :20/55)
Saisine de la cour : 16 Juillet 2021
APPELANT
M. [B] [X]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D’AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
S.A. BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE – B.N.C.,
Siège social : [Adresse 3]
Représenté par Me Emmanuelle LEVASSEUR, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, président,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 16 février 2023 après prorogation, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par Mme Marie-Claude XIVECAS, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l’article R 123-14 du code de l’organisation judiciaire auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
*********************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Suivant acte sous seing privé du 22 août 2012, la SARL JM INVEST, représentée par son gérant M. [B] [X], a contracté auprès de la BANQUE DE NOUVELLE-CALÉDONIE (BNC) un emprunt de 26’500’000 francs CFP remboursable en 84 mensualités de 407’366 francs CFP au taux nominal fixe de 6,5 % hors TOF et assurance, destiné à participer au financement du rachat des parts sociales détenues parl’un des associés des sociétés ENTREPRISE 2 RENOVATION et ENTREPRISE 2 RENOVATION CLOTURES.
Aux termes de cet acte, M. [B] [X] se portait caution personnelle et solidaire avec renonciation expresse au bénéfice de discussion et de division à hauteur de 13’250’000 francs CFP à majorer des intérêts, frais, commissions et accessoires.
Se prévalant d’échéances impayées à compter du mois de décembre 2017 et de mises en demeure infructueuses des 25 mai 2018 et 7 juin 2018, la BNC a prononcé la déchéance du terme suivant courrier avec accusé de réception le 2 juillet 2018 et mettait la société débitrice en demeure de lui régler la somme de 8’884’653 francs CFP, outre intérêts au taux contractuel.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du même jour, M. [B] [X], en sa qualité de caution, était informé par la BNC de la déchéance du terme.
Suivant deux courriers recommandés avec accusé de réception du 31 juillet 2018, la BNC mettait en demeure M. [B] [X], en sa qualité de caution, de lui payer la somme de 8’884’653 francs CFP. Ce même courrier était délivré le 18 octobre 2018 suivant procès-verbal contenant sommation interpellative, M. [B] [X] reconnaissant devoir la somme réclamée en sa qualité de caution tout en indiquant que ‘ cette caution (était) suspendue suite à la mise en redressement judiciaire de la SARL IM INVEST”.
De fait, par jugement du 15 octobre 2018, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a placé la société JM Invest en redressement judiciaire. La BNC a déclaré sa créance de la procédure le 31 octobre 2018. Par jugement du 22 juin 2019, le tribunal a arrêté un plan de redressement. Par arrêt du 1er mars 2021, la cour d’appel de Nouméa a infirmé le jugement 19 octobre 2020 par lequel le tribunal de commerce avait résolu le plan de redressement et ordonné la liquidation judiciaire de la société JM Invest.
Par ordonnance du 11 décembre 2019 suivant requête du 12 novembre 2019, le président du tribunal mixte de commerce, vice président au tribunal de première instance de Nouméa, a fait injonction à M. [B] [X] de payer à la BNC, en sa qualité de caution, la somme de 8’239’271 francs CFP au titre du solde impayé du prêt, outre intérêts au taux contractuel de 7,29 % l’an à compter du 16 octobre 2018 sur la somme due en principal de 8’025’870 francs CFP ainsi que la somme de 22’525 francs CFP au titre du coût de la sommation interpellative du 18 octobre 2018, rejetant le surplus des demandes formées au titre des indemnités ou pénalités non incluses expressément à l’acte de caution.
M. [B] [X] a formé opposition à cette ordonnance portant injonction de payer le 7 février 2020.
Par jugement du 4 juin 2021 signifié à M. [B] [X] le 16 juin 2021, le tribunal mixte de commerce a :
‘ débouté M. [B] [X] de sa demande tendant à la condamnation de la BNC à lui payer des dommages et intérêts et/ou à être déchargé de son cautionnement envers elle ;
‘ condamné M. [B] [X], ès qualités de caution solidaire de la société JM INVEST, à payer à la BNC au titre du prêt déchu du terme du 22 août 2012 la somme de 8’239’271 francs CFP avec intérêts au taux de 7,29 % sur la seule somme de 8’025’870 à compter du 16 octobre 2018 ;
‘ dit que ces intérêts pourront produire intérêts au même taux s’ils sont dus pour une année entière à compter du jugement dans les conditions de l’article 1154 du Code civil ;
‘ débouté la banque du surplus de ses demandes ;
‘ débouté M. [B] [X] de sa demande de délais de paiement ;
‘ ordonné l’exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions, hors celles ayant trait aux dépens ;
‘ condamné M. [B] [X] aux entiers dépens, en ce compris les frais de sommation de 22’500 francs CFP, dont distraction au profit du conseil de la BNC.
PROCÉDURE D’APPEL
Suivant requête déposée au greffe de la cour le 16 juillet 2021, M. [B] [X] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ces dernières écritures du 18 novembre 2021 dont il se prévaut à l’audience, il sollicite la réformation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour :
– de recevoir son opposition à injonction de payer ;
– à titre principal, de débouter la BNC en toutes ses demandes de condamnation formées à son encontre en sa qualité de caution ;
– eu égard aux fautes commises par la BNC, de la condamner à lui payer la somme de 10 millions de francs CFP titre de dommages-intérêts ;
– à titre subsidiaire, de lui allouer des délais de paiement sur 24 mois ;
– de condamner la BNC à lui payer la somme de 350’000 francs CFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil.
Il soutient en substance que la banque lui a fait souscrire un engagement manifestement disproportionné au regard de ses revenus de son patrimoine, manquant ce faisant à l’obligation de mise en garde dont elle était débitrice à son égard en sa qualité de caution non-avertie. Il ajoute que la banque n’a pas sollicité d’informations et de justificatifs quant à ses revenus ou à sa situation patrimoniale, qu’elle lui a d’ailleurs accordé de nombreux concours bancaires au titre de différentes sociétés sans vérifier son assise financière de sorte qu’elle a manqué à ses obligations de conseil, de renseignements et de prudence ; qu’elle a en outre manqué à son obligation d’information dès lors que la durée du prêt n’est pas indiquée aux termes des mentions manuscrites de l’acte de cautionnement ; que la banque a enfin commis une faute en le privant de la possibilité de se substituer au débiteur principal avant la déchéance du terme.
En réplique, au terme de ses écritures du 24 février 2022 dont elle se prévaut à l’audience, la BNC demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner M. [B] [X] au paiement d’une somme de 350’000 francs CFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile Nouvelle-Calédonie ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de son conseil.
Elle soutient que M. [B] [X] doit être regardé comme une caution avertie et conteste tout manquement à ses obligations de mise en garde, de conseil, d’information ou de prudence. Elle soutient en toute hypothèse à l’absence de disproportion de l’engagement contracté au regard des revenus et du patrimoine de M. [B] [X]. Elle estime enfin avoir mis en mesure M. [B] [X] de se substituer au débiteur principal.
Pour un exposé détaillé des moyens et arguments développés par les parties, la cour renvoie expressément à leurs écritures respectives, aux notes de l’audience et aux développements ci-dessous.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les articles 1134, 1147 et 2288 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable en Nouvelle Calédonie ;
Il n’est pas contesté que l’opposition à injonction de payer, formée dans les conditions et délais légaux, est recevable.
M. [B] [X] ne conteste en cause d’appel ni la validité de son engagement de caution, ni celle de la déchéance du terme prononcée par courrier du 2 juillet 2018, ni enfin le détail des sommes qui lui sont réclamées à ce titre.
Il soutient en revanche qu’il doit être regardé comme une caution non avertie, de sorte qu’il était, au jour de son engagement, créancier à l’égard de la banque d’une obligation de mise en garde.
Il résulte toutefois des pièces produites par la BNC que M. [B] [X], qui ne conteste pas avoir été gérant de la société ORGABURO entre 1982 1996, a été gérant entre 2000 et 2005 de la SARL AAC IMMOBILIER (agence immobilière en franchise, puis marchand de biens immobiliers et promoteurs immobiliers), puis de 2006 à 2012 ; qu’il a été président de la SAS ATELIER DÉCORATION BORDELAIS du 22 juin 2010 au 6 février 2013 ; qu’il est gérant depuis le 29 mars 1996 de la SCI AZURETI et depuis 2008 de la SCI [Adresse 4] ; qu’il est en outre gérant de la SARL CLÔTURE NC et de la SARL JM Invest, holding détenant les parts sociales de diverses sociétés en Nouvelle-Calédonie et dont il est à l’origine.
Il indique lui-même, au terme de ses écritures, avoir obtenu de nombreux concours financiers au bénéfice des entreprises dont il est le gérant.
Le tribunal a par ailleurs relevé à juste titre que M. [B] [X] avait procédé à un montage financier complexe – celui d’une ‘holding de tête’ lui permettant un règlement du prêt sans recourir au versement de dividendes fiscalisés – ce qui témoigne d’une maîtrise approfondie des règles régissant le monde des affaires et des pratiques bancaires.
Au regard de ces éléments, c’est à juste titre que le tribunal a estimé que M. [B] [X] devait être regardé comme une caution avertie et que la banque n’était pas tenue à son égard d’un devoir de mise en garde et de vérification de la proportionnalité de son engagement en qualité de caution au regard de ses revenus et patrimoine, ce dont il se déduit que la banque n’était pas tenue, comme il le soutient, de solliciter des informations et justificatifs préalablement à la souscription de la garantie ligieuse.
M. [B] [X] soutient en second lieu que la BNC a multiplié les concours bancaires au bénéfice de ses sociétés sans vérifier son assise financière et sans constater une augmentation de ses revenus.
Toutefois, M. [B] [X] est actionné en l’espèce en qualité de caution, de sorte qu’il ne saurait faire grief à la BNC d’avoir fautivement accordé des concours bancaires aux sociétés dont il était associé ou gérant, étant au surplus relevé qu’il ne produit aucune pièce à l’appui de cette affirmation et ne justifie pas du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait.
M. [B] [X] soutient également que l’absence l’indication de la durée du prêt au terme de la mention manuscrite de l’acte de cautionnement caractérise un manquement de la banque à son devoir d’information.
Toutefois, il résulte de l’acte du 22 août 2012 ratifié par M. [B] [X] en sa double qualité de caution et de gérant de la société emprunteuse, qu’il avait connaissance de la durée de 7 ans du contrat de prêt souscrit par la société JM INVEST, de sorte qu’il ne peut se prévaloir en l’espèce d’aucune faute imputable à la banque ni d’aucun préjudice tiré d’une méconnaissance de la portée de son engagement.
M. [B] [X] soutient enfin que la BNC a commis une faute en omettant de lui indiquer explicitement qu’il avait la faculté de se substituer au débiteur principal pour poursuivre l’exécution du contrat de prêt.
Toutefois, la BNC n’était pas tenue d’indiquer explicitement à M. [B] [X], prise en sa qualité de caution, qu’il avait la possibilité de se substituer au débiteur principal avant la déchéance du terme.
La cour relève en toute hypothèse que la BNC justifie avoir, suivant courriers recommandés avec accusé de réception 31 mai 2018 et 7 juin 2018 revenus avec la mention ‘non réclamée’, informé M. [B] [X] en sa qualité de caution des défaillances de l’emprunteur principal en lui adressant copies des courriers de mise en demeure adressés à la société JM INVEST dont il était par ailleurs le gérant, de sorte qu’aucune faute ni aucun préjudice ne sont établis à ce titre
Au regard de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] [X] de sa demande sera déchargé de son obligation à paiement en qualité de caution et de sa demande de condamnation de la BNC à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de délai de paiement :
Vu les dispositions de l’article 1244-1 du code civil dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie ;
Le tribunal a relevé, pour rejeter la demande formée à ce titre, que M. [B] [X] ne produisait aucune pièce tendant à établir l’existence de difficultés financières susceptibles de justifier l’octroi de délais de paiement.
M. [B] [X] réitère sa demande en cause d’appel sans pourtant produire davantage de pièces justificatives et sans préciser les modalités selon lesquelles il entend se libérer de sa dette.
Le jugement sera dès lors également confirmé en ce qu’il a débouté M. [B] [X] de sa demande formée à ce titre.
Sur les demandes annexes :
M. [B] [X], qui échoue à faire la démonstration de son bon droit en cause d’appel, sera condamné à payer à la BNC la somme de 350’000 francs CFP au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile Nouvelle-Calédonie et à assumer la charge des dépens d’appel, dont distraction au profit de Me LEVASSEUR.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DECLARE l’appel recevable ;
Au fond ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [B] [X] à payer à la BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE la somme de 350’000 francs CFP sur le fondement de l’article 700 du code procédure civil Nouvelle-Calédonie ;
CONDAMNE M. [B] [X] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me LEVASSEUR.
Le greffier, Le président.