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En l’absence d’accord avec les héritiers nus-propriétaires, le conjoint survivant de l’artiste doit s’abstenir de tout nouveau tirage, sous peine d‘être déchu de son usufruit. Dans l’affaire soumise, les descendants d’un artiste défunt, titulaires du droit moral sur l’oeuvre (et donc du droit de divulgation) ont poursuivi avec succès la conjointe de leur père qui a procédé à de nombreux tirage d’œuvres, sans autorisation.
Pour condamner le conjoint survivant et le priver partiellement de son droit à usufruit, la juridiction a conclu à une incompatibilité entre l’usufruit du droit d’exploitation intégrant un droit de tirage d’oeuvres numérotées (concédé au conjoint survivant en nombre limité) et l’intangibilité de la substance de l’oeuvre due aux nus-propriétaires (enfants héritiers de l’artiste).
Ces reproductions non autorisées caractérisent un abus de l’usufruit du droit d’exploitation dont la gravité, au-delà de l’importance des droits utilisés et des ventes et dons réalisés, résulte aussi de l’absence totale d’informations données aux nus propriétaires.
La conjointe de l’artiste avait dissimulé aux héritiers, pendant plusieurs années, les modalités pratiques d’exercice de son usufruit, qui ont porté directement atteinte à la substance des oeuvres, en réduisant les droits de tirages des sculptures restant disponibles et en permettant la disparition (par cession) d’un certain nombre d’oeuvres originales numérotées, sans que les nus propriétaires puissent faire valoir leurs droits, puisqu’ils n’étaient pas informés de ces opérations.
Pour rappel, le tirage d‘épreuves en bronze numérotées relève du droit moral sur l’oeuvre, dont fait partie le droit de divulgation prévu par l’article L 121-2 du code de la propriété intellectuelle. Cette situation ne prive pas l’usufruit du conjoint survivant de toute portée, mais en restreint l’étendue à la définition stricte du droit d’exploitation, qui ne confère qu’un droit de représentation et de reproduction selon l’article L122-1 du code de la propriété intellectuelle, ce qui exclut la possibilité pour l’usufruitier de tirer et disposer des oeuvres originales, car de telles actions affectent l’oeuvre elle-même, c’est à dire sa substance, et le droit moral sur l’oeuvre.
Selon l’article L 123-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit exclusif d’exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice des ayants droit pendant l’année civile en cours et pendant les 70 années suivantes. L’article L 122-1 du même code précise que le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. L’article L 123-6 dispose que le conjoint survivant bénéficie de l’usufruit du droit d’exploitation, dont l’auteur n’a pas disposé sauf réduction en présence d’héritiers réservataires.
Selon l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur a un droit moral sur son oeuvre qui est transmissible à cause de mort à ses héritiers. Ce droit moral est notamment constitué par le droit au respect de l’oeuvre ainsi que par le droit de divulgation de l’oeuvre. Après la mort de l’auteur, l’exercice du droit de divulgation relève en premier lieu des descendants, puis du conjoint survivant (non remarié) puis des autres héritiers et légataires. En l’absence de testament, les titulaires du droit de divulgation sont donc les descendants.
Par application de l’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle, pendant la période prévue à l’article L 123-1, le conjoint survivant bénéficie quelque soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé. Toutefois, si l’auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par les articles 913 et 914 du code civil.
Il se déduit de ces dispositions, qu’en sus de sa vocation successorale à un quart en pleine propriété des biens du défunt en vertu de l’article 757 du code civil, la conjointe est usufruitière du droit d’exploitation de l’oeuvre de son époux défunt, qui constitue un droit de nature patrimoniale. En l’absence de dispositions testamentaires, les droits moraux (intégrant le droit de divulgation) sur l’oeuvre ne peuvent être exercés que par les enfants de l’artiste, issus d’une union précédente.
Conformément au droit commun de l’usufruit, le fait que la conjointe soit usufruitière du droit d’exploitation de l’oeuvre de son époux défunt ne lui permet pas de porter atteinte à la substance de l’oeuvre, concept qui touche à la notion d’original de l’oeuvre, laquelle notion est soumise à des règles spécifiques, résultant notamment de l’article R 122-3b du code de la propriété intellectuelle, pour les épreuves en bronze qui sont tirées du moule réalisé à partir du modèle en plâtre ou terre cuite du sculpteur : en effet, ces épreuves en bronze ont vocation à constituer des originaux, dès lors qu’elles sont numérotées dans la limite de douze exemplaires.
En sa qualité d’usufruitière du droit d’exploitation – droit patrimonial – la conjoint ne dispose pas du droit de faire des tirages numérotés, car cette faculté relève du droit de divulgation (la création posthume étant liée au droit de divulgation), qui n’appartient, en l’espèce, qu’aux descendants de l’artiste.
Il n’y a pas de contradiction avec les dispositions de l’article L 122-3 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que ‘la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’oeuvre par tous procédés qui permettent de communiquer au public d’une manière indirecte’, dès lors que les dispositions spécifiques applicables aux épreuves en bronze permettent la création de plusieurs originaux d’une même oeuvre, ce qui exclut la notion de reproduction pour ces épreuves numérotées.
Le droit de divulgation d’une oeuvre numérotée ne peut, d’autre part, être épuisé que lorsque le nombre maximum d’originaux a été à la fois tiré et divulgué, cette divulgation se faisant pour chaque exemplaire original.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRET DU 30 JUIN 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/14469 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CALMB
Décisions déférées à la Cour : Arrêt du 22 Mai 2019 – Cour de Cassation – n° C17-28314 ;
Arrêt du 27 Septembre 2017 – Cour d’appel de PARIS – RG n°16/07225 ; Jugement du 25 Février 2016 – Tribunal de grande instance de PARIS – RG n°14/11519
DEMANDEURS A LA SAISINE
Monsieur A X
né le […] à […]
[…]
Monsieur C X
né le […] à […]
[…]
Madame D X
née le […] à […]
[…]
Monsieur E X
né le […] à […]
[…]
représentés par Me Elodie MULON de la SELARL MULON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R177
ayant pour avocat plaidant Me FATHI et Me LEMAITRE de la SELARL MULON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R177
DEFENDEUR A LA SAISINE
Madame H K Y veuve X
née le […] à […]
[…]
représentée par Me Emmanuelle FARTHOUAT – FALEK, avocat au barreau de PARIS, toque : E0040
ayant pour avocat plaidant Me K LAKITS, avocat au barreau de PARIS, toque : C765
PARTIE INTERVENANTE
Madame F G veuve X, assignée à étude de l’huissier par acte du 24.09.2019
[…]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller
Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
— rendu par défaut
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
PRETENTIONS DES PARTIES ET PROCEDURE
I J X, né le […] à […], est décédé le […] à […]. Il n’a pas laissé de dispositions testamentaires.
Viennent à sa succession :
— Madame H Y, son épouse en secondes noces, avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté légale depuis le 23 janvier 1999;
et ses trois enfants nés de son premier mariage :
— Z X,
— A X,
— et C X.
Selon un acte de notoriété dressé le 17 février 2003, Madame Y veuve X est héritière du quart en pleine propriété des biens dépendant de la succession, les trois enfants du défunt ayant vocation au surplus, par tiers pour chacun.
Madame Y est également titulaire de l’usufruit spécial attribué au conjoint survivant d’un artiste prévu par l’article 123-6 du code de la propriété intellectuelle : elle est donc usufruitière des droits d’exploitation de l’oeuvre de I J.
I J X a laissé en héritage un ensemble d’oeuvres graphiques et d’oeuvres plastiques (plâtres et bronzes). Tout au long de sa vie, il a en outre tenu un journal intime rassemblant 61 carnets et publié une quinzaine de livres (essais, poèmes, catalogues d’exposition).
Le 16 juin 2003, à la requête des héritiers, un inventaire des biens dépendant de la succession ‘estimation des biens de la communauté et des biens propres du défunt’ a été établi par un notaire avec l’assistance d’un commissaire priseur pour procéder à la prisée. L’inventaire a eu lieu à ARMAINVILLIERS (77) au domicile de Madame Y qui a été désignée gardienne des objets prisés. L’ensemble de la production artistique a été provisoirement évalué à la somme de 61000€.
En 2005, 2007, 2008 et 2012, les héritiers se sont partagés les dessins, tableaux, calligraphies et encres de Chine que chacun a emporté chez lui.
L’oeuvre de I J n’a pas été entièrement divulguée de son vivant et, en particulier, le droit de tirage des sculptures n’a pas été épuisé. Madame Y détient les plâtres à partir desquels les fontes peuvent être réalisées. En 2003, les fils de l’artiste ont autorisé Madame Y à procéder au tirage de bronzes. Ce tirage a été réalisé par le fondeur B aux frais de la succession. Les bronzes existant dans l’inventaire établi en 2003 et le bronzes réalisés après le décès par le fondeur B ont été partagés selon un accord convenu le 1er décembre 2007 entre les héritiers.
En 2007, une liste des tirages encore à faire a été élaborée par Madame Y révélant que 142 exemplaires numérotés en bronze pourraient encore être fondus par les héritiers.
Aucun accord n’a pu être convenu entre les héritiers quant à la répartition des tirages restants de bronzes non encore fondus et des dissensions sont survenues qui ont empêché la poursuite du partage de la succession. Les enfants de I J ont indiqué à leur belle mère qu’elle n’avait pas le droit de décider seule des tirages posthumes des numéros restants ni de donner ou vendre des bronzes posthumes des numéros restants sans leur autorisation. Ils lui ont en outre reproché d’avoir fait des surmoulages des oeuvres et des tirages sans leur accord.
C’est dans ces circonstances que par acte en date du 30 juillet 2014, Messieurs Z, A et C X ont assigné Madame Y en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de PARIS aux fins de la voir déchue de ses droits d’usufruitière et de se voir déclarer pleinement co-titulaires du droit d’exploitation de l’oeuvre de leur père comprenant la nue propriété et l’usufruit.
Dans son jugement rendu le 25 février 2016, le tribunal de grande instance de PARIS a statué en ces termes :
– Dit que Madame H K née Y veuve X ne peut sans l’accord préalable de Messieurs Z, A et C X aliéner les tirages numérotés en bronze qu’elle a fait réaliser;
– Déboute Messieurs Z, A et C X de leur demande en contrefaçon;
– Reçoit Messieurs Z, A et C X en leur action fondée sur un exercice abusif du droit d’exploitation de Madame H K née Y veuve X;
– Déboute Messieurs Z, A et C X de leur demande en déchéance des droits d’usufruitière de Madame H K née Y veuve X sur le droit d’exploitation de l’oeuvre de I J;
– Fait injonction à Madame H K née Y veuve X de communiquer aux consorts X la liste des tirages qu’elle a fait tirer ou qu’elle a le projet de faire tirer dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision sous peine d’une astreinte provisoire de 50€ par jour pendant 100 jours,
La liste doit contenir les informations suivantes : nombre, modèle, date de fonte, dimensions, nom du fondeur, numéro de tirage, matériau, indication des mentions, précisions si le bronze a été effectué à partir d’un plâtre ou d’un bronze existant, leur localisation actuelle et le cas échéant, le prix de vente et les coordonnées du nouveau propriétaire dans l’hypothèse où les tirages ont été vendus ou donnés;
La liste devra être accompagnée des pièces justificatives suivantes : bon de commande de tirages, bon de livraison, factures du fondeur, photographies des tirages, échange de correspondance avec le fondeur, facture de vente des tirages;
– Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte;
– Fait injonction à Madame H K née Y veuve X de solliciter l’accord des nu-propriétaires pour toute aliénation des tirages numérotés réalisés depuis le décès de I J X;
– Ordonne à Madame H K née Y veuve X d’exécuter son devoir d’information et de représentation de l’usufruit à l’égard des consorts X en rendant des comptes sur sa gestion du droit d’exploitation;
– Dit que Madame H K née Y veuve X doit permettre à Messieurs Z, A et C X de faire la copie du journal intime de leur père;
– Déboute Messieurs Z, A et C X de leurs autres demandes;
– Déboute Madame H K née Y veuve X de ses demandes reconventionnelles;
– Condamne Madame H K née Y veuve X à verser à Messieurs Z, A et C X la somme globale de 6000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;
– Ordonne l’exécution provisoire de la décision;
– Condamne Madame H K née Y veuve X aux entiers dépens avec distraction.
Madame H K née Y veuve X a interjeté appel de ce jugement aux fins notamment de voir reconnaître, qu’en sa qualité d’usufruitière, elle peut procéder seule à tout tirage et vente.
Dans son arrêt rendu le 27 septembre 2017, la cour d’appel de PARIS a statué en ces termes :
– Constate l’intervention volontaire de Monsieur E X et de Madame D X (les deux enfants de Z X suite au décès de celui-ci en cours de procédure);
– Confirme le jugement sauf en ce qu’il a dit que Madame Y veuve X ne peut sans l’accord préalable de Messieurs Z, A et C X aliéner les tirages numérotés en bronze qu’elle a fait réaliser, fait injonction à Madame H K X de solliciter l’accord des nu-propriétaires pour toute aliénation des tirages numérotés réalisés depuis le décès de I J X, dit que Madame H K X doit permettre à Messieurs Z, A et C X de faire la copie du journal intime de leur père;
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
– Dit que Madame X est en droit d’aliéner les tirages en bronze sans l’accord des nus propriétaires du droit d’exploitation en ce qui concerne l’oeuvre divulguée;
– Rejette la demande des consorts X de copie du journal intime de leur père, de désignation de Monsieur C X comme gardien et attributaire de ce journal et de condamnation au paiement de la somme de 30 000€ à titre de préjudice moral;
– Rejette toute autre demande;
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes;
– Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés;
– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur le pourvoi formé par Messieurs Z, A et C X, la Cour de cassation a rendu, le 22 mai 2019, un arrêt de cassation partielle dans les termes suivants :
‘CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu’il dit que Madame H K X est en droit d’aliéner les tirages en bronze sans l’accord des nus-propriétaires, en ce qui concerne l’oeuvre divulguée, en ce qu’il rejette les demandes subséquentes de Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X tendant notamment à la réalisation d’un inventaire ou à la déchéance des droits d’usufruitière de Madame H K X sur le droit d’exploitation de l’oeuvre de I J X et à la réparation de leur préjudice et en ce qu’il rejette la demande en contrefaçon formée par Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X au titre de la reproduction de modèles en plâtre non divulgués, l’arrêt rendu le 27 septembre 2017, entre les parties par la cour d’appel de PARIS…’
Par déclaration en date du 14 août 2019, Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X ont saisi la cour d’appel de PARIS en tant que cour de renvoi après cassation.
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Dans leurs conclusions régularisées le 10 février 2020 Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X formulent les prétentions suivantes :
— Les accueillir dans l’ensemble de leurs demandes;
— Débouter Madame Y de ses demandes plus amples ou contraires;
Ce faisant,
— Juger que Madame Y a interdiction de réaliser et d’aliéner les tirages posthumes numérotés;
— Juger que Madame Y porte atteinte au droit de divulgation dont les consorts X sont titulaires;
— Juger que Madame Y a exercé abusivement sont usufruit portant sur le droit d’exploitation des oeuvres de l’artiste décédé prévu par l’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle;
En conséquence,
— Ordonner la déchéance de son usufruit portant sur le droit d’exploitation des oeuvres de l’artiste décédé prévu par l’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle, sur le fondement de l’article L 122-9 du code de la propriété intellectuelle;
— Ordonner la désignation d’un professionnel qualifié, commissaire priseur, en vue de dresser un inventaire sur le fondement de l’article L 122-9 du code de la propriété intellectuelle et qui aura notamment pour mission de répertorier les biens suivants et de les évaluer :
. des modèles, des moules, des bronzes numérotés en possession de Madame Y,
. des tirages posthumes qu’elle a réalisés et les tirages restants,
. des oeuvres artistiques et littéraires, autre que les bronzes et notamment les dessins, peintures, calligraphies, collages, sculptures, manuscrits etc en possession de Madame Y;
— Condamner Madame Y au paiement de l’intégralité des frais d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article L 122-9 du code de la propriété intellectuelle;
— Ordonner la restitution des modèles, des moules, des bronzes posthumes numérotés en possession de Madame Y sur le fondement de l’article L 122-9 du code de la propriété intellectuelle;
— Ordonner la restitution des produits de vente des tirages posthumes numérotés ainsi que la valeur marchande des tirages posthumes numérotés donnés, soit une somme totale de 1952600€ sur le fondement de l’article L 122-9 du code de la propriété intellectuelle;
— Condamner Madame Y à verser la somme de 28 150 000€ au titre du préjudice économique résultant de la perte de chance subi par les consorts X sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
— Condamner Madame Y à verser la somme de 600 000€ au titre du préjudice moral subi par les consorts X sur le fondement de l’article 1240 du code civil;
— Condamner Madame Y à payer une somme de 50 000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;
— Condamner Madame Y aux dépens.
Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X font valoir que :
‘ pour la fabrication d’une sculpture en bronze, c’est le modèle qui constitue la forme originale de l’oeuvre. Il peut être fait en cire, terre ou plâtre. Le modèle est ensuite recouvert d’un mélange d’argile afin de créer le moule. Le bronze est ensuite coulé dans le moule, lequel peut être réutilisé pour d’autres tirages s’il n’est pas détruit. Selon la déontologie des fondeurs une oeuvre ne peut être tirée qu’en 12 exemplaires qui consistent en 4 épreuves d’artiste (numérotées en chiffres romains) et en 8 exemplaires (originaux) qui sont numérotés en chiffres arabes, sans ordre obligatoire (le chiffre n°7 pouvant être donné avant le chiffre n°3). Lorsqu’un modèle n’a donné lieu à aucun tirage, on dit qu’il n’a pas été divulgué.
Selon l’article L 123-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit exclusif d’exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice des ayants droit pendant l’année civile en cours et pendant les 70 années suivantes. L’article L 122-1 du même code précise que le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. L’article L 123-6 dispose que le conjoint survivant bénéficie de l’usufruit du droit d’exploitation, dont l’auteur n’a pas disposé sauf réduction en présence d’héritiers réservataires.
Selon l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur a un droit moral sur son oeuvre qui est transmissible à cause de mort à ses héritiers. Ce droit moral est notamment constitué par le droit au respect de l’oeuvre ainsi que par le droit de divulgation de l’oeuvre. Après la mort de l’auteur, l’exercice du droit de divulgation relève en premier lieu des descendants, puis du conjoint survivant (non remarié) puis des autres héritiers et légataires. En l’absence de testament, les titulaires du droit de divulgation sont donc les descendants.
‘ Madame Y a exercé abusivement son usufruit sur le droit d’exploitation de l’oeuvre de I J. En effet, elle a procédé, sans leur autorisation, au tirage d’au moins 58 bronzes originaux posthumes numérotés. En novembre et décembre 2019, elle a, au surplus, organisé une exposition d’au moins 205 oeuvres au musée national d’art de CHINE, sans qu’ils en aient été informés. A cette occasion, ils se sont aperçus qu’un grand nombre des oeuvres exposées n’avaient pas été réalisées du vivant de l’artiste, ce qui signifie qu’elle a réalisé de nouveaux tirages posthumes malgré l’arrêt rendu par la cour de cassation le lui ayant interdit. Il ne peut s’agir de reproductions, puisque la mention ‘reproduction’ ne figure pas sur les oeuvres litigieuses. Madame Y a également, sans leur accord, vendu ou donné au moins 31 bronzes originaux. Elle a pu être photographiée en 2019, avec le certificat de donation au profit du musée national d’art de CHINE, alors qu’elle n’était pas propriétaire des oeuvres. Elle a ainsi porté atteinte de façon substantielle au droit de divulgation des descendants de I J.
‘ c’est en connaissance de cause qu’elle a abusé de son usufruit spécial, puisqu’elle avait été informée par le notaire et les enfants du défunt de l’étendue de ses droits. Parfaitement consciente de l’illégalité de ses agissements, elle s’emploie à maintenir une opacité sur les oeuvres de l’artiste depuis son décès. C’est ainsi qu’elle prétend n’avoir fait qu’appliquer la proposition de partage établie en 2007 alors qu’elle n’a jamais signé cette proposition. Elle persiste à refuser de communiquer une liste complète des tirages posthumes qu’elle a réalisés. Les consorts X continuent donc d’ignorer ce que sont devenues les oeuvres que Madame Y a vendues sans leur accord.
‘ l’abus notoire par Madame Y de l’usufruit du droit d’exploitation justifie qu’elle en soit déchue, car il est démontré qu’elle n’est pas en capacité de l’exercer normalement. Il est également nécessaire de faire procéder à un inventaire complet par un commissaire priseur, car l’inventaire dressé le 16 juin 2003 ne valait qu’en tant que déclaration estimative provisoire. Dans ses conclusions, Madame Y a elle-même convenu que cet inventaire était approximatif et qu’aucun décompte précis n’avait été effectué. Il est, d’autre part, établi que plusieurs oeuvres qui étaient en possession de Madame Y à l’époque du décès n’y figurent pas. Si Madame Y a établi, le 26 avril 2016, une liste des tirages posthumes, elle a cependant omis d’y faire figurer de nombreux tirages posthumes, qui ont pourtant été recensés sur une liste établie en 2012 par Monsieur B, fondeur. Il importe, par ailleurs, d’ordonner la restitution à leur profit de l’intégralité des modèles et des moules pour éviter que Madame Y ne réalise des bronzes originaux sans les en avertir. Il faut également que les bronzes posthumes numérotés leur soient remis afin d’en empêcher l’aliénation.
‘ Madame Y doit restituer le produit des ventes des tirages posthumes, ainsi que la valeur marchande des tirages posthumes numérotés donnés. Elle a dilapidé le patrimoine de l’artiste en toute impunité et refuse de communiquer le prix de vente des 24 oeuvres vendues. Selon les données recueillies auprès de la maison de ventes SOTHEBY’S, la valeur globale des oeuvres vendues ou données peut être estimée à 1952 600€.
‘ l’attitude de Madame Y leur a causé un préjudice tant économique que moral. Ils ont perdu une chance d’aliéner les oeuvres de l’artiste à un meilleur prix et d’augmenter la côte de l’artiste. La possibilité de vendre les oeuvres à un prix supérieur est avérée pour les années à venir. Sur la base d’une vente programmée de deux oeuvres par an depuis l’année 2027, le préjudice matériel subi doit être évalué à la somme de 28 150 000€. En portant atteinte au droit de divulgation dont les consorts X sont les seuls titulaires, Madame Y a porté atteinte au droit moral de l’artiste. Le droit de divulgation permet, en effet, aux héritiers de contrôler que la volonté de l’artiste et l’intégrité de ses oeuvres sont respectées. Or, ils se sont retrouvés dans l’impossibilité de vérifier que les oeuvres tirées par Madame Y respectaient la volonté de l’artiste, alors qu’ils sont seuls à pouvoir apprécier cette volonté. C’est ainsi que certains tirages n’ont pas été réalisés de façon conforme a ce qui aurait été souhaité par I J, tandis que d’autres tirages ont été divulgués alors que l’artiste ne souhaitait pas les divulguer. Le préjudice moral subi peut ainsi être évalué à 600 000€ en prenant en compte le fait que Madame Y a procédé à de nouveaux tirages posthumes après l’interdiction prononcée par l’arrêt de la Cour de Cassation.
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Dans ses conclusions régularisées le 12 mars 2020, Madame H K née Y veuve X formule les prétentions suivantes :
— Infirmer le jugement rendu le 25 février 2016 par le tribunal de grande instance de PARIS en ce qu’il a :
. dit que Madame H K née Y veuve X ne peut sans l’accord préalable des consorts X aliéner les tirages numérotés en bronze qu’elle a fait réaliser;
. reçu les consorts X en leur action fondée sur un exercice abusif du droit d’exploitation de Madame Y,
. fait injonction à Madame Y de solliciter l’accord des nus propriétaires pour toutes aliénations des tirages numérotés réalisés après le décès de I J X;
. condamné Madame H K née Y veuve X à verser à Z, A et C X la somme globale de 6000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Statuant à nouveau sur ces points :
— Déclarer les consorts X irrecevables et en tout cas mal fondés en leurs demandes;
— Débouter Monsieur A X, Monsieur C X, Madame D X et Monsieur E X de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions;
— Confirmer pour le surplus le jugement;
— Déclarer les consorts X irrecevables et en tout cas mal fondés en leurs demandes;
— Débouter Monsieur A X, Monsieur C X, Madame D X et Monsieur E X de l’intégralité de leurs demandes fins et conclusions formées devant la cour de renvoi;
— Subsidiairement, dire et juger que le droit de divulgation a été épuisé et qu’en tout état de cause, Madame X a été expressément autorisée par les consorts X à réaliser des tirages en bronze numérotés respectant par là même la volonté du défunt;
En conséquence,
— Débouter Monsieur A X, Monsieur C X, Madame D X et Monsieur E X de toutes leurs demandes, fins et conclusions;
Très subsidiairement dans l’hypothèse où un commissaire priseur serait désigné pour procéder à un inventaire dire que le commissaire priseur aura également pour mission de décrire les biens suivants et de les évaluer :
— modèles, moules, bronzes numérotés en possession de A, C, D et E X;
— tirages posthumes qu’ils ont réalisés et les tirages restants,
— oeuvres artistiques et littéraires, autres que les bronzes et notamment les dessins, peintures, calligraphies, collages, sculptures, manuscrits etc en possession des consorts X,
— Dire qu’il appartiendra aux consorts X de faire l’avance des frais;
— Condamner in solidum Monsieur A X, Monsieur C X, Madame D X et Monsieur E X à lui payer une somme de 30 000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec distraction.
Madame H K née Y veuve X fait valoir que :
‘ les consorts X lui font subir un véritable harcèlement judiciaire depuis près de 6 ans, ce qui n’a pour objet que de l’affaiblir, alors qu’elle est âgée de 84 ans. Suite au décès de I J, elle est devenue propriétaire d’un quart des biens existants y compris les droits incorporels, ainsi que titulaire de l’usufruit spécial prévu par l’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle. Pendant plus de dix ans la succession s’est déroulée paisiblement et les héritiers se sont partagés un grand nombre d’oeuvres dans le cadre notamment de deux accords conclus les 7 janvier et 1er décembre 2007. Elle a communiqué les éléments dont elle disposait sur les tirages en bronze qui n’avaient pas été commandés par son mari avant son décès. Elle a tout fait pour faire connaître l’oeuvre de son mari en étant notamment à l’initiative d’expositions itinérantes, ce dont son époux lui a toujours su gré. Ainsi qu’il résulte d’un projet de testament, le défunt souhaitait lui attribuer la plus grande partie de son patrimoine artistique. Ce n’est que depuis l’année 2012 que les bronzes de I J ont commencé à se vendre en ASIE pour des prix relativement importants et c’est à partir de l’année 2014 que les fils du défunt ont engagé une procédure à son encontre, par appât du gain, pour la priver de ses droits d’usufruitière. Ils n’ont jamais rien fait de significatif pour faire connaître et valoriser l’oeuvre de leur père.
‘ en sa qualité d’usufruitier des droits d’auteur du défunt, le conjoint survivant bénéficie du droit d’exploiter l’oeuvre de l’auteur défunt et de disposer des fruits de cette exploitation. Il peut exploiter, selon sa volonté et sans avoir à obtenir une quelconque autorisation, toutes les oeuvres créées et divulguées par l’artiste avant sa mort. Pour les sculptures, il a le droit de faire des tirages en bronze ou autrement, à charge de financer les frais de tirage. Il peut ensuite les vendre et en conserver le produit des ventes. Invoquer le contraire équivaudrait à vider de sa substance l’usufruit portant sur les droits patrimoniaux de l’artiste défunt. L’arrêt de la Cour de cassation ne lui a aucunement dénié le droit d’effectuer des tirages en bronze y compris numérotés.
‘ divulguer une oeuvre signifie qu’on la porte à la connaissance du public et suppose un fait matériel. Celui qui est habilité à décider de la communication de l’oeuvre au public est également le seul habilité à décider du choix de l’éditeur et des conditions de l’édition. Il en résulte que le droit de divulgation s’épuise par le premier usage. Une fois l’oeuvre communiquée au public, l’auteur ou son héritier ne peut plus se prévaloir du droit moral de divulgation pour s’opposer à son exploitation. La réalisation de tirages en bronze numérotés ne relève donc pas de l’exercice du droit de divulgation.
Dans tous les cas, les consorts X n’ont jamais contesté qu’elle avait le droit de réaliser des bronzes numérotés et que ce droit faisait partie de son usufruit. Ces tirages faisaient partie de son droit de reproduction. C’est la Cour de cassation qui a soulevé un moyen d’office pour juger que la réalisation d’exemplaires originaux de bronzes dans la limite de 12 ne relevait pas du droit de reproduction appartenant à l’usufruitier. La jurisprudence expressément prise en compte par la Cour de cassation ne concernait pas l’usufruit spécial du conjoint survivant. Cette réduction de l’étendue de l’usufruit ne repose sur aucun texte et méconnaît la notion de reproduction telle qu’elle est prévue par l’article L 122-3 du code de la propriété intellectuelle. En vertu de ce texte, un tirage en bronze à partir d’un plâtre constitue un acte de reproduction par un procédé des arts plastiques, tel que le moulage. Le droit de tirage relève de l’exercice du droit de reproduction et il n’est pas limité à douze exemplaires. Il s’agit d’une limitation imposée à l’artiste qui est incompréhensible puisque l’artiste est libre d’éditer le nombre de bronzes qu’il veut et de les numéroter au delà de douze. Il est ainsi arrivé à I J de fixer le nombre de tirages d’une oeuvre (petit buffle) à trente exemplaires.
‘ à supposer que les tirages en bronze numérotés relèvent du droit de divulgation, ce droit a été épuisé puisque l’oeuvre en litige a été communiquée au public.
‘ en toute hypothèse, les titulaires du droit de divulgation (les descendants) ont expressément consenti à la réalisation de tirages en bronze numérotés, puisque des bronzes lui ont expressément été attribués selon l’accord conclu le 7 janvier 2007. Ce document comprend en annexe la liste des sculptures, le nombre de tirages et la répartition des tirages entre les quatre héritiers. Les tirages ont été partagés entre les héritiers selon la couleur qui a été attribuée à chacun. Cet accord a avantagé les enfants du défunt puisqu’elle a accepté de reverser une partie importante de son usufruit alors qu’elle pouvait le conserver en totalité. Les consorts X ne peuvent désormais dénoncer l’aliénation des bronzes alors qu’ils ont pleinement consenti à leur attribution à son profit.
‘ les fils du défunt ne peuvent solliciter la déchéance de son usufruit au motif qu’elle a tiré 58 bronzes numérotés et qu’elle en aurait aliénés ou donnés 31 sans leur accord. Ils ne rapportent pas la preuve d’un abus notoire dans l’exercice de l’usufruit. Les tirages numérotés ne constitue qu’une partie de l’oeuvre de I J et l’abus notoire doit s’apprécier par rapport à l’ensemble du patrimoine artistique du défunt. Au surplus, elle était confortée dans l’exercice de ses droits par la consultation qui avait été donnée le 10 avril 2006 par Maître M, notaire spécialisé dans les droits artistiques, par l’accord du 7 janvier 2007 et par l’absence de remise en cause de cet accord pendant plusieurs années. Cet accord ne peut être remis en cause parce qu’elle ne l’a pas signé dès lors qu’elle a émis une proposition qui a été acceptée par les trois fils du défunt. Elle a par ailleurs toujours fait preuve de transparence et a même dressé un état des bronzes existants le 5 mars 2013. En 2016, elle a en outre communiqué une liste des bronzes qui ont été vendus dans une galerie de TAIWAN.
‘ il n’y a pas lieu à l’établissement d’un inventaire puisqu’un inventaire notarié a déjà été établi le 16 juin 2003 qui a été signé par l’ensemble des parties.
‘ elle n’a pas à restituer 26 bronzes numérotés puisqu’ils lui ont été attribués et sont donc sa propriété.
‘ les consorts X ne peuvent à la fois réclamer la restitution du prix et la restitution en valeur
de bronzes qui ont été vendus en 2008, ce qui équivaudrait à réparer deux fois le même préjudice. Leurs prétentions indemnitaires ne sont pas fondées. Elle n’a commis aucune faute puisqu’elle a mis en oeuvre les accords qui avaient été conclus. Le préjudice invoqué est purement hypothétique et l’aléa n’a pas été chiffré pour évaluer la perte de chance prétendue. Rien ne permet de démontrer que les consorts X auraient pu vendre les 31 bronzes aliénés aux prix indiqués. Les valeurs mentionnées sont purement fantaisistes.
‘ il n’y a pas de préjudice moral puisque le droit de divulgation a été épuisé et qu’il n’est aucunement démontré qu’elle n’aurait pas respecté la volonté de l’artiste.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 4 mai 2021
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Sur la demande de déchéance de l’usufruit du conjoint survivant sur le droit d’exploitation
L’article L 123-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que ‘ l’auteur jouit, sa vie durant du droit exclusif d’exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante dix années qui suivent’.
Ce droit d’exploitation constitue un droit patrimonial, par opposition aux droits moraux que l’auteur détient sur son oeuvre.
Il résulte de l’article L 121-2 du code de la propriété intellectuelle que le droit de divulgation fait partie des droits moraux, dont l’auteur dispose de façon exclusive de son vivant. Au décès de l’auteur ou de l’artiste, ce droit de divulgation est exercé par des exécuteurs testamentaires et, à défaut, par les descendants et, à défaut, par le conjoint survivant.
Par application de l’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle (en vigueur à la date du décès de I J X) ‘pendant la période prévue à l’article L 123-1, le conjoint survivant… bénéficie quelque soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé. Toutefois, si l’auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par les articles 913 et 914 du code civil’.
Il se déduit de ces dispositions, qu’en sus de sa vocation successorale à un quart en pleine propriété des biens du défunt en vertu de l’article 757 du code civil, consacrée par l’acte de notoriété dressé le 17 février 2003 (pièce B2 consorts X), Madame Y est usufruitière du droit d’exploitation de l’oeuvre de son époux défunt, qui constitue un droit de nature patrimoniale. En l’absence de dispositions testamentaires, les droits moraux (intégrant le droit de divulgation) sur l’oeuvre de I J X ne peuvent être exercés que par les trois enfants de l’artiste, issus d’une union précédente.
Conformément au droit commun de l’usufruit, le fait que Madame Y soit usufruitière du droit d’exploitation de l’oeuvre de son époux défunt ne lui permet pas de porter atteinte à la substance de l’oeuvre, concept qui touche à la notion d’original de l’oeuvre, laquelle notion est soumise à des règles spécifiques, résultant notamment de l’article R 122-3b du code de la propriété intellectuelle, pour les épreuves en bronze qui sont tirées du moule réalisé à partir du modèle en plâtre ou terre cuite du sculpteur : en effet, ainsi qu’il a été très précisément rappelé par le jugement dont appel, ces
épreuves en bronze ont vocation à constituer des originaux, dès lors qu’elles sont numérotées dans la limite de douze exemplaires.
Il s’agit dès lors de déterminer si le droit du conjoint survivant de profiter des fruits de l’exploitation de l’oeuvre de I J X s’étend au droit de faire, à titre posthume, des tirages en bronze numérotés et à la faculté de les aliéner.
Si le droit pour Madame Y de tirer des bronzes originaux dans la limite de douze exemplaires n’a pas été directement contesté en première instance, il a cependant été retenu qu’elle ne pouvait pas les vendre sans l’accord préalable des descendants de I J X, parce que la substance de l’oeuvre en serait altérée par l’épuisement du droit de reproduire les 12 premiers numéros ayant vocation à être considérés comme des originaux.
Il existait ainsi une contradiction entre l’existence d’un droit de tirage d’épreuves en bronze numérotées et la possibilité de bénéficier des fruits de ce droit, puisque ce bénéfice était impossible sans l’accord des titulaires des droits moraux sur l’oeuvre.
Dans son arrêt infirmatif rendu le 27 septembre 2017, la cour d’appel a mis fin à cette contradiction en considérant que le droit de faire des tirages numérotés et de les vendre faisait partie de l’usufruit du droit d’exploitation, qui devait être appréhendé comme un bien incorporel et non matériel.
Cette appréciation a fait l’objet d’une cassation sur un moyen relevé d’office, aux termes duquel le droit de faire des tirages numérotés ne relève pas du droit d’exploitation, car ce droit n’a pas pour objet des reproductions mais des originaux fabriqués à partir de modèles réalisés par l’artiste, qui doivent être considérés comme ‘l’oeuvre elle-même, émanant de la main de l’artiste’. Il est expressément précisé que l’usufruit du conjoint survivant ne s’étend pas aux exemplaires originaux.
Il en résulte qu’en sa qualité d’usufruitière du droit d’exploitation – droit patrimonial – Madame Y ne dispose pas du droit de faire des tirages numérotés, car cette faculté relève du droit de divulgation (la création posthume étant liée au droit de divulgation), qui n’appartient, en l’espèce, qu’aux descendants de l’artiste. Il n’y a pas de contradiction avec les dispositions de l’article L 122-3 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que ‘la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’oeuvre par tous procédés qui permettent de communiquer au public d’une manière indirecte’, dès lors que les dispositions spécifiques applicables aux épreuves en bronze permettent la création de plusieurs originaux d’une même oeuvre, ce qui exclut la notion de reproduction pour ces épreuves numérotées. Le droit de divulgation d’une oeuvre numérotée ne peut, d’autre part, être épuisé que lorsque le nombre maximum d’originaux a été à la fois tiré et divulgué, cette divulgation se faisant pour chaque exemplaire original.
Le jugement rendu le 25 février 2016, dont appel, a fait injonction à Madame Y de communiquer aux consorts X la liste des tirages effectués par elle ou des tirages qu’elle avait le projet de faire effectuer. A la suite de ce jugement, par courrier officiel en date du 29 avril 2016, son conseil a communiqué à la partie adverse une liste des tirages numérotés, qui avaient été réalisés par Madame Y depuis la fin de l’année 2007(pièce 61 Mme Y). Il est ainsi établi que, sur la période de décembre 2007 à janvier 2014 , Madame Y a fait procéder à la fonte de 55 bronzes numérotés auprès des fondeurs LIFI ou B. Sur ces 55 oeuvres numérotées, considérées originales (toujours dans la limite de 12), Madame Y a précisé qu’elle en avait vendues 24 à une galerie d’art se trouvant à TAIWAN et donné 7 au musée national d’art de CHINE.
Il est ainsi établi que les prérogatives qui ont été exercées par Madame Y sur l’oeuvre de I J X, pendant cette période ont nettement dépassé le seul exercice de l’usufruit, dont elle est titulaire sur le droit d’exploitation de l’oeuvre de l’artiste, puisque cet usufruit, portant sur un droit patrimonial, ne s’étend pas au tirage des épreuves en bronze numérotées, qui relève du droit moral sur l’oeuvre, dont fait partie le droit de divulgation prévu par l’article L 121-2 du code de la propriété intellectuelle. Cette situation ne prive pas l’usufruit du conjoint survivant de toute portée, mais en restreint l’étendue à la définition stricte du droit d’exploitation, qui ne confère qu’un droit de représentation et de reproduction selon l’article L122-1 du code de la propriété intellectuelle, ce qui exclut la possibilité pour l’usufruitier de tirer et disposer des oeuvres originales, car de telles actions affectent l’oeuvre elle-même, c’est à dire sa substance, et le droit moral sur l’oeuvre.
Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X considèrent, en conséquence, que Madame Y a abusé de l’exercice de son usufruit sur le droit d’exploitation et qu’elle encourt la déchéance de cet usufruit sur le fondement de l’article L122-9 (2e phrase) du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que le tribunal de grande instance peut prendre toute mesure appropriée (ce qui intègre la déchéance de l’usufruit prévu par l’article 618 du code civil), notamment en cas de conflit entre les représentants du défunt visés par l’article L 121-2 du code de la propriété intellectuelle (en particulier les descendants et le conjoint survivant).
Il importe d’apprécier la gravité de l’abus imputé à Madame Y, qui n’a pas lieu d’être notoire dans le cadre conflictuel envisagé par l’article L 122-9 deuxième phrase du code de la propriété intellectuelle.
Pour ce qui concerne le droit de tirage d’oeuvres numérotées (équivalant à des oeuvres originales), il doit être souligné que Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X n’ont, eux-mêmes, pas directement contesté l’exercice de ce droit par Madame Y, depuis les débats devant le tribunal de grande instance de PARIS (jugement page 13) en 2015-2016 jusque devant la Cour de cassation. Ils ont même signé le 7 janvier 2007 un projet détaillé de répartition des droits de tirage restants entre eux mêmes et Madame Y (pièce 4 Y), qui a fait suite à un courrier de Maître L M, en date du 10 avril 2006 (pièce 3 Y) indiquant que ‘ les numéros non encore tirés font partie du droit d’exploitation qui appartient pour l’usufruit au conjoint survivant et pour la nue propriété aux héritiers…. la décision du tirage appartenant au conjoint survivant sauf s’il s’agit d’une oeuvre non divulguée….’.
Si un autre courrier du même notaire en date du 4 septembre 2003 (pièce B16 descendants) précisait à juste titre que le droit de divulgation après le décès appartient aux descendants et non au conjoint survivant, ce courrier ne permettait pas de lever l’ambiguïté sur la notion d’oeuvre déjà divulguée pour des oeuvres identiques numérotées. Tant Madame Y que les descendants de I J X ont donc pu croire, jusqu’à l’arrêt rendu le 22 mai 2019 par la Cour de cassation, que les droits de tirage restants sur une oeuvre qui avait déjà été fondue une fois, entraient dans l’usufruit du droit d’exploitation, même si le tirage d’une oeuvre numérotée, dans la limite de douze numéros, était assimilable à une oeuvre originale, ce qui touche nécessairement à la substance de l’oeuvre.
Contrairement aux actes de partages partiels amiables convenus les 22 mai 2005, 27 mai 2007, 1er décembre 2007, 2 décembre 2007 et 31 août 2008 entre Madame Y et les descendants de I J X (pièces 25 et 40 Y), le projet de partage établi le 7 janvier 2007, signé par les trois descendants de l’artiste, n’a pas été revêtu de la signature de Madame Y (pièce B7 descendants).
Madame Y ne peut pas soutenir que ce projet de partage caractériserait un partage parfait en l’absence de sa signature, dès lors qu’il résulte clairement de ses explications (conclusions pages 17 et 35) qu’elle pensait à l’époque que le projet du 7 janvier 2007 était favorable à ses beaux-fils, parce qu’elle considérait que son usufruit intégrait le droit de tirage d’oeuvres numérotées: la répartition projetée concrétisait donc, pour elle, un abandon partiel de ses droits de conjoint survivant au profit des descendants du défunt. Il s’en déduit que cet abandon unilatéral de ses droits (imaginé par Madame Y) ne pouvait être validé que par sa signature. Il sera noté, au surplus, que dans un courrier de son conseil en date du 18 avril 2016, faisant suite au jugement rendu le 25 février 2016, le projet du 7 janvier 2007 n’est évoqué que par référence à un accord de répartition et à ‘des discussions intervenues avec ses beaux-fils sur un éventuel (souligné par la cour) partage des tirages en 2007’ (pièce 62 Y).
En réalité, il y avait incompatibilité entre l’usufruit d’un droit d’exploitation intégrant un droit de tirage d’oeuvres numérotées et l’intangibilité de la substance de l’oeuvre due aux nus-propriétaires, ce qui explique que les descendants de l’artiste défunt, titulaires du droit moral sur l’oeuvre (et donc du droit de divulgation) aient souhaité connaître les droits de tirage utilisés par leur belle mère et subordonner la vente ou le don des oeuvres posthumes numérotées à leur autorisation. Dans un courrier en date du 16 décembre 2013 (pièce B17 descendants), le litige entre les parties s’est nettement précisé, en ce que les trois fils de l’artiste défunt ont indiqué à Madame Y qu’elle n’avait, ni le droit d’effectuer des tirages posthumes, ni le droit d’en disposer, sans leur autorisation. Ils ont, par ailleurs, déploré que la dernière proposition de partage énoncée par Madame Y ne reprenne pas les bases de la proposition de partage faite le 7 janvier 2007.
A cette date (fin 2013), Madame Y savait déjà que les descendants de I J X lui faisaient surtout grief d’exercer la jouissance du droit d’exploitation des oeuvres du défunt sans rendre aucun compte aux nus propriétaires des modalités de cette jouissance, qui pouvaient affecter leurs propres droits sur l’oeuvre.
Alors que le projet de partage des droits de tirage du 7 janvier 2007 n’avait pas été finalisé, et que les relations entre les parties demeuraient à un stade amiable, Madame Y n’a, toutefois, pas informé les trois fils de l’artiste de ce qu’elle utilisait des droits de tirage et, surtout, qu’elle cédait des oeuvres posthumes numérotées, donc originales, ce qui était de nature à affecter la substance de l’oeuvre, support de son droit d’exploitation. Dans un cadre amiable, les relations entre l’usufruitier et les nus propriétaires n’excluent pas des échanges d’informations sur l’exploitation du bien qui est sujet à l’usufruit, en particulier quand il s’agit d’une oeuvre d’art qui est susceptible d’avoir une vie ou une évolution propre tant sur le plan culturel que sur le plan économique.
Ce n’est qu’après le jugement rendu le 25 février 2016 que Madame Y a établi une liste des droits de tirage qu’elle avait utilisés et des ventes et dons auxquels elle avait procédé, sans avoir sollicité préalablement l’autorisation des descendants.
Ces faits caractérisent un abus de l’usufruit du droit d’exploitation dont la gravité, au delà de l’importance des droits utilisés et des ventes et dons réalisés, résulte surtout de l’absence totale d’informations données aux nus propriétaires entre 2008 et 2012, cette absence d’informations perdurant dorénavant en ce que les conditions des ventes réalisées restent inconnues. Si le fait pour Madame Y d’avoir organisé une exposition de l’oeuvre de I J X en CHINE à la fin de l’année 2019 (pièce B26 descendants) ne peut lui être reproché en tant que tel, elle ne démontre cependant pas qu’elle en aurait informé les descendants de l’artiste qui avaient un intérêt évident à en avoir connaissance au regard de leur droit moral sur l’oeuvre et de leur intérêt légitime à en apprécier au moins partiellement la substance à cette occasion. Sa contribution certaine à la valorisation de l’oeuvre (pièces 13, 13bis,33 et 65 Y), que personne ne remet en cause, ne saurait justifier l’absence de prise en compte des droits des nus propriétaires du droit d’exploitation.
L’attitude de Madame Y ayant consisté à dissimuler, pendant plusieurs années, les modalités pratiques d’exercice de l’usufruit du droit d’exploitation de l’oeuvre a porté directement atteinte à la substance de cette oeuvre, en réduisant les droits de tirages des sculptures restant disponibles et en permettant la disparition (par cession) d’un certain nombre d’oeuvres originales numérotées, sans que les nus propriétaires puissent faire valoir leurs droits, puisqu’ils n’étaient pas informés de ces opérations, alors même que les relations entre les parties se déroulaient sans conflit jusqu’en 2012 inclus. Il a fallu la mise en oeuvre d’une action judiciaire pour que Madame Y soit contrainte de rendre compte des modalités d’exercice de son usufruit, alors même qu’elle était la plus à même de tirer les fruits de l’exploitation de l’oeuvre et d’en faire part aux descendants de I J X, en raison de sa connaissance de l’oeuvre, grâce à sa relation avec l’artiste défunt.
La demande de déchéance de l’usufruit du droit d’exploitation est donc justifiée.
Ainsi qu’il a été souligné par Madame Y (conclusions page 7) et qu’il résulte du catalogue de l’exposition organisée en CHINE à la fin de l’année 2019 (pièce B26 descendants) l’oeuvre de I J X a été multiforme : elle n’est pas réductible à des sculptures, puisqu’elle a également consisté en peintures, dessins, gravures et encres de chine.
L’abus dans l’exercice du droit d’exploitation, dont Madame Y est usufruitière n’a été caractérisé que pour les sculptures en bronze. Si Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X ont soutenu, accessoirement, dans leurs conclusions (page 14) que des peintures à l’huile, un grand nombre d’esquisses et des calligraphies avaient été divulguées pour la première fois à l’occasion de l’exposition organisée en CHINE à la fin de l’année 2019 (soit postérieurement à l’arrêt rendu par la Cour de cassation), leur pièce B28 (constituée de photographies de cette exposition) vise 5 sculptures identifiées et 9 oeuvres graphiques dépourvues de noms. Compte tenu du très grand nombre des oeuvres graphiques de l’artiste et des partages partiels ayant permis de répartir plus de 325 oeuvres graphiques pour chaque ayant droit (pièce 40 Y), les faits dénoncés à ce titre sont à la fois trop limités et trop vagues pour qu’un abus puisse être imputé à Madame Y, même s’il est regrettable que celle-ci n’ait pas jugé utile d’informer les descendants de I J X de son projet d’exposition et surtout de la teneur de cette exposition.
La déchéance du droit d’usufruit sur le droit d’exploitation de l’oeuvre de l’artiste ne doit donc être prononcée que partiellement, pour la partie sculptures en bronze de cette oeuvre.
Le jugement doit donc être infirmé en ce que les trois fils de I J X ont été déboutés de leur demande de déchéance de l’usufruit bénéficiant à Madame Y en vertu de l’article L 123-6 du code de la propriété intellectuelle.
Sur les conséquences physiques de la déchéance de l’usufruit du droit d’exploitation
Il est demandé la réalisation d’un inventaire et la restitution des modèles, moules et bronzes posthumes numérotés en possession de Madame Y.
A l’appui de leur demande d’établissement d’un inventaire, presque vingt années après le décès de l’artiste, Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X font valoir que l’inventaire notarié dressé le 16 juin 2003 (pièce B3 descendants et pièce 1 Y) ne leur a pas permis de savoir quels biens étaient en possession de Madame Y, car cet inventaire était incomplet.
Plutôt qu’incomplet, l’acte d’inventaire est effectivement imprécis en ce qu’il a été indiqué que la liste des cartons à dessins était approximative et qu’aucun décompte précis n’avait été effectué, ce dont les parties se sont toutefois satisfaites. En l’absence de description littéraire des oeuvres photographiées annexées à l’inventaire, il ne peut être retenu que Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X rapporteraient la preuve des 25 objets manquants dont ils font état en page 19 de leurs conclusions.
Il n’est pas possible de ‘rétablir’ un inventaire plus de 18 ans après son établissement et, surtout, l’utilité de cet inventaire n’est pas démontrée puisque la déchéance partielle du droit d’usufruit emporte l’obligation pour Madame Y de restituer les supports de cet usufruit pour les sculptures en bronze. Or, ces supports sont identifiables en ce qu’ils ont permis avant ou après le décès de l’artiste de couler les bronzes qui ont été partagés le 1er décembre 2007 (pièce B4 descendants), en ce qu’ils ont permis à Madame Y de procéder à la fonte des sculptures numérotées figurant sur la liste du 29 avril 2016 (pièce 61 Y) et en ce qu’ils doivent être présumés avoir été pris en compte par l’ensemble des ayants droit de l’artiste dans le projet de répartition des numéros de tirage signé le 7 janvier 2007 par les trois fils de I J X. La possibilité d’éditer des sculptures numérotées, qui seront considérées comme des oeuvres originales, implique en effet l’existence d’un support réalisé par l’artiste (moule, plâtre..) qui va ainsi, même après son décès, laisser son empreinte sur l’oeuvre. Madame Y a, en outre, pris l’initiative de faire dresser le 12 mai 2014 (avant l’engagement de la procédure judiciaire) un procès verbal de constat des plâtres entreposés à son domicile qui est susceptible de compléter la liste du 29 avril 2016 et le projet de répartition du 7 janvier 2007 (pièce 21 Y).
Ces données sont en outre complétées par les listes ou factures établies par les fondeurs quant aux oeuvres qu’ils ont traitées (pièces B7 et B10 descendants) et par quelques oeuvres qui ont été photographiées à l’occasion de l’exposition en CHINE à la fin de l’année 2019 (pièce B28 descendants).
Il doit être souligné que la liste communiquée le 24 janvier 2018 par la SAS BLANCHET et Cie, en liquidation, permet à Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X de soutenir que la liste des droits de tirages utilisés par Madame Y en date du 29 avril 2016 est loin d’être complète, car 41 tirages au moins n’auraient pas été déclarés (pièce B7 descendants). Le rapprochement de cette liste avec les bronzes qui ont été partagés le 1er décembre 2007 entre les quatre ayants droit (pièce B4 descendants) permet, toutefois, de noter que les droits de tirage utilisés par Madame Y et non déclarés par elle à la suite du jugement rendu le 25 février 2016 ont trait, le plus souvent, à des droits de tirage qui ont déjà été utilisés pour éditer les sculptures en bronze qui ont été réparties le 1er décembre 2007 : c’est ainsi que l’exemplaire IV/IV de l’oeuvre ‘le cheval’ mentionnée comme non déclarée par Madame Y, lui a été attribuée sous ce même numéro le 1er décembre 2007, ce qui exclut qu’il puisse lui être reproché d’avoir utilisé clandestinement le droit de tirage IV/IV puisque ce droit a été validé, de fait, en 2007. Il en est de même pour la plupart des oeuvres, notamment ‘Buffle carré 4/8, Germaine I/8, 2/8,7,8, I/IV, II/IV, III/IV et IV/IV, cheval galopant 2/8, 3/8,4/8…’
Au total, les droits de tirages paraissant avoir été utilisés, sans être déclarés, sont inférieurs à 10 et concernent surtout des tirages effectués en 2012 : ‘chameau classique 6/8, cavalier 6/8, Y Xun I/IV’.
Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X sont, d’autre part, bien fondés à solliciter la restitution de tous les bronzes numérotés en possession de Madame Y, puisqu’il est établi qu’elle a procédé à des ventes de tels bronzes sans en rendre compte aux nus propriétaires. Cette obligation de restitution sera, toutefois, limitée aux bronzes numérotés en sa possession, qui ne lui ont pas été attribués dans le partage partiel convenu le 1er décembre 2007 par tous les ayants droit de l’artiste (pièce B4 descendants).
Les prétentions tendant à l’établissement d’un nouvel inventaire seront donc rejetées, le jugement étant confirmé de ce chef.
Madame Y sera condamnée à restituer à Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X l’ensemble des moules ou plâtres, qui sont les supports de création des 53 sculptures identifiées de I J X (pièces B4, B5, B7, B10, B28 descendants et pièce 61 Y) qui sont les suivantes :
Buffle à genou
Chameau petit
Buffle couché
Buffle carré
[…]
Buffle qui marche
Le chat
Femme enceinte
[…]
Jeune cheval
Buffle ventre creux
Chameau classique
[…]
Tête de la mère
Portrait de Do
Portrait Yang
Jeune fille
Buffle à l’oreille gauche collée
Cavalier
Chameau
Chameau aux montagnes
Femme à la robe chinoise
Femme nue bras au dos
Femme pudique
La tête du loup
La tête du père
Y-Xun
Masque de femme
Buffle tête retournée
Buffle debout
Buffle ventre aplati
Femme aux bras levés
[…]
Germaine
[…]
Tête de la mère sans no
Le cheval
Buffle à genoux
[…]
Buffle dans l’eau
Buffle aplati
Jeune fille sans no
Buffle tête retournée sans no
Aux bras levés (raté)
Portrait de Yang sans no
Portrait de Tan
Buffle à la tête basse
Y XUN qui marche
Père et Fils
[…]
[…]
Femme nue 3,
outre les supports des sculptures non identifiées pouvant figurer dans l’inventaire notarié du 16 juin 2003 (pièce 1 Y) et dans le constat dressé le 12 mai 2014 sur l’initiative de Madame Y (pièce 21 Y).
Elle sera également condamnée à restituer l’ensemble des bronzes numérotés en sa possession qui ne lui ont pas été attribués dans l’acte de partage partiel du 1er décembre 2007, étant relevé qu’elle n’a pas contesté être en possession (à son domicile) des oeuvres suivantes figurant en page 21 des conclusions des consorts X :
[…] (7/30, 10/30,11/30),
Chat (II/IV, III/IV, IV/IV),
Femme enceinte (5/8, II/IV, III/IV, IV/IV),
Femme nue bras au dos (grande germaine IV/IV)
Femme à la robe chinoise (1/8),
Chameau des montagnes (5/8, I/IV)
Tête de loup (5/8, I/IV),
Y Xun (1/8, 7/8),
Tête du père (5/8, I/IV),
Masque de femme (5/8, I/IV)
Femme pudique (1/8)
Sur la demande de réparation du préjudice induit par l’abus du droit d’usufruit
Madame Y ayant commis une faute dans l’exercice de l’usufruit du droit d’exploitation de l’oeuvre de I J X, Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X sont fondés à solliciter réparation pour le préjudice qui leur a été causé par l’abus de l’usufruit.
Le préjudice est caractérisé en ce qu’elle a vendu 24 oeuvres originales qu’elle a obtenues en utilisant des droits de tirages numérotés qui n’avaient pas fait l’objet d’un accord entre les ayants droits, étant rappelé que le droit d’éditer des oeuvres originales excédait les limites du droit d’exploitation, dont elle avait l’usufruit. Elle a par ailleurs donné 7 oeuvres originales à l’Institut de Recherche de l’Art en CHINE.
Le préjudice est égal à la valeur des oeuvres vendues et données.
Sur la base d’une valeur moyenne des sculptures vendues entre 2011 et 2016, résultant des informations fournies le 12 avril 2017 par la SOCIETE SOTHEBY’S (pièce B19 descendants), Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X sollicitent la condamnation de Madame Y à leur payer une somme de 1 952 600€ correspondant à l’addition suivante :
8 grandes sculptures (supérieures à 50 cm) vendues ou données = 94 800€ X 8 = 753 600€,
– 20 moyennes sculptures (30 à 50cm) vendues ou données = 20 X 56 500€ = 1 130 000€,
– 3 petites sculptures ( inférieures à 30 cm) vendues ou données = 23 000€ X 3 = 69 000€.
Si Madame Y fait valoir à juste titre que les bronzes ont été vendus en 2008, c’est à dire antérieurement à la forte croissance de valorisation des oeuvres de I J X, elle a refusé de communiquer les prix de vente et s’est donc elle-même mise dans l’impossibilité de démontrer aisément que les valorisations proposées sont excessives, parce qu’elles dépasseraient largement le prix du marché. La clause de confidentialité qu’elle allègue avec une galerie d’art de TAIWAN ne peut en elle-même justifier que le préjudice causé ne puisse pas être évalué en raison des conditions de réalisation de plusieurs ventes qui n’auraient pas dû avoir lieu.
Au regard de la période de vente et des seuls éléments communiqués pour évaluer les oeuvres vendues ou données, le préjudice sera calculé de la façon suivante :
1 952 600€ X 0,45 (décote en raison de la période de vente) = 878 670€
Madame Y doit donc être condamnée à payer la somme de 878 670€ à Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X en réparation du préjudice subi du fait de l’abus de son droit d’usufruit sur le droit d’exploitation de l’artiste.
Sur la demande de réparation des préjudices matériel et économique
Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X font valoir qu’outre leur privation des produits de la vente de quelques oeuvres de I J X, ils ont perdu une chance de pouvoir vendre ces oeuvres à un meilleur prix alors que la cote de l’artiste présente une croissance régulière annuelle de l’ordre de 13% et qu’ils prévoyaient de procéder à la vente d’une ou deux oeuvres par an à compter de l’année 2027.
Ils estiment leur préjudice à ce titre, toujours calculé sur les 31 oeuvres vendues et données figurant dans la liste du 29 avril 2016 (pièce 61 Y) à la somme de 28 150 000€. en utilisant des prix de base de 1 266 000€ pour les grandes sculptures, 887 000€ pour les moyennes sculptures et 94 000€ pour les petites sculptures.
Contrairement à ce qui est soutenu par Madame Y le préjudice immédiat représenté par la privation du prix de vente de quelques oeuvres n’exclut pas la possibilité de se prévaloir d’un second préjudice portant sur une perte de chance de réaliser des ventes à des conditions très favorables pour l’avenir.
Les consorts X rappellent à juste titre que la perte de chance consiste dans la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, ce qui implique donc d’évaluer la probabilité de perte de cette éventualité favorable (30%, 50% ou 80%), étant souligné que si la probabilité est de 100%, il n’y a plus de perte de chance puisque le préjudice est déjà tenu pour réalisé.
Or, leur calcul est effectué sur une base de 100%, ce qui signifie que le préjudice allégué est considéré comme étant aussi certain que la privation des prix de vente des oeuvres.
Leur évaluation de la croissance des prix (13 à 15% par an) est, d’autre part, fondée sur l’analyse de 8 ventes, qui ont eu lieu entre 1995 et avril 2014 (pièce B20 descendants), ce qui est peu sur 20 années. Monsieur N O, professionnel en la matière (CHRISTIE’S), ne manque pas d’indiquer qu’un tel taux de croissance ne peut être envisagé que dans le cadre d’une promotion faite correctement (pièce B21 descendants). Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X n’ont pas indiqué avoir par le passé assuré une quelconque promotion des oeuvres de leur père, ni avoir établi un programme de promotion pour l’avenir. De même, le préjudice invoqué est fondé sur un projet de vente d’une ou deux oeuvres à compter de 2027, mais un tel projet ne résulte que de l’affirmation des consorts X, sans aucun élément permettant d’en valider l’existence effective et concertée avant même l’arrêt rendu le 22 mai 2019 par la Cour de cassation.
Il s’en déduit que le préjudice de perte de chance invoqué n’est pas caractérisé en raison du caractère parfaitement éventuel du projet de ventes programmées (depuis l’année 2027), doublé de l’absence totale de démonstration par les consorts X d’une quelconque action de promotion ou même de gestion de l’oeuvre de I J X et des droits de tirage des sculptures depuis son décès à la fin de l’année 2002.
Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X doivent donc être déboutés de leurs prétentions à ce titre.
Sur la demande de réparation d’un préjudice moral
Cette prétention d’un montant de 600 000€ est fondée sur l’atteinte que Madame Y aurait portée à l’intégrité et à la postérité de la mémoire de l’artiste, c’est à dire aux droits moraux sur l’oeuvre, qui sont dévolus aux descendants de l’artiste.
Cette atteinte aux droits moraux a notamment consisté à exercer un droit de divulgation (tirage des oeuvres originales) alors que ce droit n’appartient, dans cette affaire, qu’aux descendants de l’artiste.
Pour justifier d’un préjudice moral, affectant le respect de la mémoire dû à l’artiste et à son oeuvre, les consorts X font valoir, à titre liminaire (conclusions page 25), que le défunt était très proche de ses trois enfants. Ils font grief à Madame Y de ne pas avoir respecté l’oeuvre de I J X, en ce qu’elle aurait :
‘ effectué 3 tirages en bronze posthumes numérotés de l’oeuvre ‘masque de femme’ en conservant une tige en fer planté dans l’oeuvre, alors qu’un tirage effectué par l’artiste ne comportait pas cette tige. Ils estiment qu’en procédant ainsi Madame Y ne s’est pas conformé à ce qu’aurait voulu le défunt.
‘ effectué 3 tirages en bronze posthumes de la tête de loup (non divulguée) alors que l’artiste aurait voulu ajouter un corps au loup.
‘ effectué un tirage en bronze posthume numéroté de l’oeuvre Nue bras dans le dos ou Grande Germaine (non divulguée) alors que leur père ne souhaitait pas que ce bronze soit divulgué.
‘ effectué 1 tirage en bronze posthume numéroté de l’oeuvre Femme Pudique (non divulguée) alors que le modèle réalisé depuis longtemps n’avait jamais été divulgué.
‘ effectué 1 tirage en bronze posthume numéroté de l’oeuvre Femme à la robe chinoise (non divulguée) alors qu’ils n’auraient pas désigné cette oeuvre de cette façon.
‘ effectué 1 tirage en bronze posthume numéroté de l’oeuvre Buffle à l’oreille gauche collée (non divulguée) alors qu’il n’est pas certain que l’artiste ait voulu divulguer cette oeuvre et alors qu’ils ne l’auraient pas nommée comme elle l’a été.
‘ effectué un tirage en bronze posthume numéroté de l’oeuvre Chameau aux montagnes (non divulguée) alors que cette oeuvre ancienne n’avait jamais été divulguée et qu’ils ne l’auraient pas nommée ainsi.
Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X ne produisent aucun élément établissant, d’une part, que les tirages effectués seraient effectivement contraires à la volonté de l’artiste et, d’autre part, qu’ils porteraient objectivement atteinte à l’intégrité de son oeuvre. En particulier, ils ne produisent aucun document (courriers, lettres, notes, carnets, journal), ni attestations, faisant état d’échanges avec leur père au sujet de son oeuvre artistique. Ils ne citent aucun livre, ni catalogue, ni revue artistique, ni commentaire professionnel, qui conforteraient leur appréciation des souhaits de l’artiste pour son oeuvre. Sans méconnaître le fait que Madame Y n’est pas titulaire des droits moraux sur l’oeuvre de son mari défunt, cette situation est parfaitement contraire à la situation personnelle présentée par Madame Y qui justifie que son mari défunt appréciait beaucoup et son attention et ses diligences pour mettre son oeuvre en valeur (pièces 13bis, 33, 34 et 65 Y).
Dans le projet de répartition des droits de tirage en date du 7 janvier 2007 (pièce B5 descendants), les trois fils de l’artiste ont validé le principe d’une répartition de ces droits à hauteur d’un quart pour chaque ayant droit, alors que ces droits de tirage relevaient de leurs droits moraux sur l’oeuvre. Cet accord de principe n’a pas été assorti de réserves formelles sur les modalités d’exercice de ces droits. Il en a été de même pour les partages partiels ayant porté sur de nombreux dessins (pièce 40 Y).
Au total, Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X ne démontrent pas que les tirages et divulgations effectués sans droit par Madame Y leur
auraient causé un préjudice moral, distinct du préjudice matériel indemnisé au titre des 31 oeuvres vendues ou données.
Ils doivent donc être déboutés de cette demande.
Sur les prétentions accessoires
Madame Y succombant dans l’analyse de l’étendue de ses droits, il est équitable de la condamner à payer aux consorts X une somme de 10 000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Vu le jugement rendu le 25 février 2016 par le tribunal de grande instance de PARIS,
Vu l’arrêt rendu le 27 septembre 2017 par la cour d’appel de PARIS,
Vu l’arrêt de cassation partielle de la Cour de cassation rendu le 22 mai 2019,
DIT qu’en sa qualité de conjoint survivant, usufruitière du droit d’exploitation de l’oeuvre de I J X, Madame H K Y veuve X ne dispose pas du droit de réaliser des tirages posthumes numérotés, ni d’en disposer à titre onéreux ou gratuit;
INFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de déchéance de l’usufruit de Madame H K Y veuve X portant sur le droit d’exploitation de l’oeuvre de I J X;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
PRONONCE la déchéance partielle de l’usufruit du droit d’exploitation de l’oeuvre de I J X dévolu à Madame H K Y veuve X en vertu de l’article L123-6 du code de la propriété intellectuelle;
DIT que cette déchéance est limitée aux sculptures en bronze qui font partie de l’oeuvre de I J X à l’exclusion du reste de l’oeuvre consistant notamment en dessins, gravures, tableaux, calligraphies…;
DEBOUTE Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X de leur demande d’établissement par un professionnel qualifié d’un nouvel inventaire des oeuvres de I J X décédé le […];
ORDONNE la restitution par Madame H K Y veuve X au profit de Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X des modèles, des moules et de tous supports nécessaires à la réalisation des oeuvres suivantes identifiées :
Buffle à genou
Chameau petit
Buffle couché
Buffle carré
[…]
Buffle qui marche
Le chat
Femme enceinte
[…]
Jeune cheval
Buffle ventre creux
Chameau classique
[…]
Tête de la mère
Portrait de Do
Portrait Yang
Jeune fille
Buffle à l’oreille gauche collée
Cavalier
Chameau
Chameau aux montagnes
Femme à la robe chinoise
Femme nue bras au dos
Femme pudique
La tête du loup
La tête du père
Y-Xun
Masque de femme
Buffle tête retournée
Buffle debout
Buffle ventre aplati
Femme aux bras levés
[…]
Germaine
[…]
Tête de la mère sans no
Le cheval
Buffle à genoux
[…]
Buffle dans l’eau
Buffle aplati
Femme aux bras levés
[…]
Germaine
[…]
Tête de la mère sans no
Le cheval
Buffle à genoux
[…]
Buffle dans l’eau
Buffle aplati
Jeune fille sans no
Buffle tête retournée sans no
Aux bras levés (raté)
Portrait de Yang sans no
Portrait de Tan
Buffle à la tête basse
Y XUN qui marche
Père et Fils
[…]
[…]
Femme nue 3,
outre les supports des sculptures non identifiées pouvant figurer dans l’inventaire notarié du 16 juin 2003 (pièce 1 Y) et dans le constat dressé le 12 mai 2014 sur l’initiative de Madame Y (pièce 21 Y);
ORDONNE également la restitution par Madame H K Y veuve X au profit de Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X de l’ensemble des bronzes numérotés en sa possession, qui ne lui ont pas été attribués dans l’acte de partage partiel du 1er décembre 2007, cette restitution intégrant entre autres les oeuvres suivantes:
[…] (7/30, 10/30,11/30),
Chat (II/IV, III/IV, IV/IV),
Femme enceinte (5/8, II/IV, III/IV, IV/IV),
Femme nue bras au dos (grande germaine IV/IV)
Femme à la robe chinoise (1/8),
Chameau des montagnes (5/8, I/IV)
Tête de loup (5/8, I/IV),
Y Xun (1/8, 7/8),
Tête du père (5/8, I/IV),
Masque de femme (5/8, I/IV)
Femme pudique (1/8)
CONDAMNE Madame H K Y veuve X à payer à Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X une somme de 878 670€ en réparation du préjudice matériel résultant de l’abus d’exercice de son usufruit du droit d’exploitation de l’oeuvre de I J X concrétisé, pour l’essentiel, par la vente ou le don de 31 oeuvres numérotées énumérées dans la liste établie le 29 avril 2016 par l’intéressée;
DEBOUTE Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X de leurs prétentions en réparation d’un préjudice matériel et économique induit par une perte de chance;
DEBOUTE Messieurs A et C X, Monsieur E X et Madame D X de leurs prétentions en réparation d’un préjudice moral par atteinte à leurs droits moraux afférents à l’oeuvre de I J X;
CONDAMNE Madame H K Y veuve X à payer à Messieurs A et C
X, Monsieur E X et Madame D X une somme de
10 000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE Madame H K Y veuve X aux dépens.
Le Greffier, Le Président,