Nullité d’un contrat d’assurance : enjeux de la déclaration de santé et conséquences sur la prise en charge des risques.

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Nullité d’un contrat d’assurance : enjeux de la déclaration de santé et conséquences sur la prise en charge des risques.
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Aux termes de l’article L 113-8 du code des assurances, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.

Au titre des obligations de l’assuré, l’article L. 113-2 2° du code des assurances, inséré dans le chapitre 3 dudit code, dispose que l’assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge étant précisé que l’exactitude des déclarations faites par le souscripteur doit s’apprécier en fonction des questions posées par l’assureur.

Pour solliciter la nullité du contrat d’assurance pour réticence ou fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, l’assureur doit rapporter la preuve de ce que l’assuré a omis de déclarer ou a fait une fausse déclaration intentionnelle susceptible de modifier l’opinion que l’assureur peut avoir du risque, en réponse à une question précise posée par ce dernier dans un questionnaire circonstancié et précis qui constitue la proposition d’assurance.

Résumé de l’affaire : Monsieur [M] [B] [U] a souscrit en 2017 un contrat d’assurance groupe auprès de la CNP Assurances dans le cadre d’un prêt immobilier, incluant des garanties pour décès, perte d’autonomie et incapacité de travail. En arrêt de travail depuis le 18 octobre 2019, il a demandé la prise en charge de son prêt pour incapacité totale de travail. La CNP Assurances a contesté cette demande, invoquant une nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle, en raison de l’omission d’un antécédent de glaucome chronique dans le questionnaire de santé. Une tentative de conciliation a échoué, et Monsieur [U] a saisi le Tribunal judiciaire de Poitiers pour obtenir des dommages et intérêts. À l’audience, il a été représenté par son épouse, affirmant avoir déclaré ses antécédents, tandis que la CNP a demandé le rejet de ses demandes, arguant que la fausse déclaration avait altéré le risque assuré. Le tribunal a finalement débouté Monsieur [U] de toutes ses demandes et l’a condamné aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Poitiers
RG n°
23/02366
MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 04 Octobre 2024
DOSSIER : N° RG 23/02366 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GD6B

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Selon la procédure orale, sans représentation obligatoire

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT :
Madame BILLAULT Caroline, Magistrat à titre temporaire

GREFFIER :
Madame PALEZIS Marie,

PARTIES :

DEMANDEUR

M. [M] [B] [U]
demeurant [Adresse 2]

Représenté par Mme [X] [J], épouse munie d’un pouvoir

DEFENDERESSE

Copie certifiée conforme
délivrée le
à Me BROTTIER
à M. [U]

S.A. CNP ASSURANCES
dont le siège social est sis [Adresse 1]

Représentée par Me Philippe BROTTIER, avocat au barreau de POITIERS

DÉBATS TENUS À L’AUDIENCE DU : 06 SEPTEMBRE 2024

JUGEMENT RENDU PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE LE QUATRE OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

DOSSIER N° : N° RG 23/02366 – N° Portalis DB3J-W-B7H-GD6B Page

EXPOSE DU LITIGE :

A l’occasion de la souscription d’un prêt immobilier auprès de la Caisse d’Epargne, Monsieur [M] [B] [U] a adhéré en 2017 au contrat d’assurance groupe souscrit par la MGEN auprès de la CNP Assurances en vue de bénéficier des garanties décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité temporaire de travail.

Monsieur [U] a été placé en arrêt de travail à compter du 18 octobre 2019 et a sollicité la prise en charge de son prêt au titre de la garantie incapacité totale de travail.

La CNP Assurances lui a opposé la nullité de son adhésion au contrat pour fausse déclaration intentionnelle pour avoir omis d’indiquer dans ses réponses au questionnaire de santé un antécédent de glaucome chronique traité depuis 2016.

La tentative de conciliation initiée par Monsieur [U] a abouti à un constat de carence en date du 3 juillet 2023, la CNP n’ayant pas souhaité se présenter à la réunion proposée.

Par requête enregistrée au greffe le 19 septembre 2023, Monsieur [M] [B] [U] a saisi le Tribunal judiciaire de Poitiers aux fins d’obtenir la condamnation de la CNP à lui verser la somme de 3 255,60 euros outre une somme non chiffrée au titre de l’article 700.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 6 septembre 2024.

A l’audience, Monsieur [U], empêché, est représenté par son épouse Madame [X] [J] selon pouvoir. Il maintient ses demandes et fait valoir qu’il a déclaré ses antécédents de glaucome et d’épicondylite lors de la souscription, que le conseiller qui a rempli le questionnaire de santé électroniquement n’a pas jugé opportun de les reporter sur le document et qu’il a signé en toute confiance. Il fait valoir sa bonne foi.

La CNP représentée par son conseil conclut, à titre principal, au débouté des demandes et, à titre subsidiaire, à une prise en charge dans les termes et limites du contrat et demande que l’exécution provisoire soit écartée.
A titre infiniment subsidiaire, elle demande qu’il soit ordonné la consignation des sommes dues sur un compte séquestre jusqu’à la fin de la procédure et l’épuisement des voies de recours et mis à la charge de Monsieur [U] la constitution d’une garantie réelle ou personnelle suffisante.
En toutes hypothèses, elle sollicite la condamnation de Monsieur [U] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle indique que la pathologie de glaucome dont souffre Monsieur [U] est établie, qu’il a omis de la déclarer et qu’en signant le questionnaire de santé il a attesté personnellement et expressément de la sincérité des informations mentionnées.
Elle soutient que cette fausse déclaration intentionnelle est de nature à changer l’objet du risque ou a en diminuer l’opinion pour l’assureur alors même que ce risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre de sorte que le contrat souscrit est nul.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 4 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle :
Aux termes de l’article L 113-8 du code des assurances, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.

Au titre des obligations de l’assuré, l’article L. 113-2 2° du code des assurances, inséré dans le chapitre 3 dudit code, dispose que l’assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge étant précisé que l’exactitude des déclarations faites par le souscripteur doit s’apprécier en fonction des questions posées par l’assureur.

Pour solliciter la nullité du contrat d’assurance pour réticence ou fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, l’assureur doit rapporter la preuve de ce que l’assuré a omis de déclarer ou a fait une fausse déclaration intentionnelle susceptible de modifier l’opinion que l’assureur peut avoir du risque, en réponse à une question précise posée par ce dernier dans un questionnaire circonstancié et précis qui constitue la proposition d’assurance.

En l’espèce, Monsieur [U] a été amené à compléter et signer un questionnaire de santé lors de sa demande d’adhésion au contrat d’assurance groupe, à l’occasion de la souscription d’un prêt immobilier d’un montant de 60 688 euros.

Aux termes de ce questionnaire, ont été posées à l’intéressé les questions suivantes : « Etes-vous atteint ou avez-vous été atteint d’une maladie chronique, d’affections récidivantes ou de séquelles ? Actuellement êtes-vous sous surveillance médicale ? Suivez-vous un traitement médial ? » auxquelles celui-ci a répondu par la négative.

Lors de sa demande de prise en charge, Monsieur [U] a pourtant transmis à son assureur une attestation médicale d’incapacité-invalidité remplie par ses soins sur laquelle il précise notamment avoir un traitement à vie pour un glaucome depuis 2016.

Il est donc établi que Monsieur [U] est suivi pour un glaucome et dispose d’un traitement. Il aurait donc dû répondre « oui » aux trois questions précédentes dont l’une mentionne expressément un traitement médical étant observé que la question posée à cet égard par la CNP ASSURANCES aux termes du questionnaire était formulée de manière claire et dépourvue d’ambiguïté.

Il convient par ailleurs d’observer qu’a été expressément rappelé, en bas du questionnaire au-dessus de la signature de Monsieur [U], le fait que toute omission, déclaration inexacte, fausse déclaration qui pourrait changer l’appréciation du risque à garantir entraînerait, le cas échéant, la nullité du contrat ou la réduction des garanties.

Dans ces conditions, le fait pour l’intéressé d’avoir répondu par la négative à la question concernant le suivi d’un traitement qu’il reconnait être à vie, révèle nécessairement une dissimulation intentionnelle de la part de l’intéressé, qui n’a pu se méprendre de bonne foi quant à la portée de cette question.

Le fait que, comme l’affirme Monsieur [U], les réponses ne soient pas portées de sa main n’emporte aucune conséquence dans la mesure où il les a approuvées en apposant sa signature au bas du document.

Aux termes d’une attestation en date du 11 juin 2024 Madame [P] [G] responsable du service Tarification Individuelle et Réexamens de la CNP ASSURANCES, indique : « Nous certifions que si Monsieur [U] avait déclaré avoir été traité pour un glaucome chronique depuis 2016, CNP Assurances lui aurait proposé une assurance aux conditions suivantes lors de ses demandes au titre de son contrat : – tarification : standard, – garanties couvertes sans restriction : décès, perte totale et irréversible d’autonomie, – garantie couverte avec restriction : incapacité temporaire totale sauf lorsqu’elle résulte de troubles visuels, la garantie invalidité AERAS est accordée ».

Il est constant que l’intéressé a, en l’espèce, été admis sans restriction au bénéfice des garanties décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité totale de travail, il apparaît, peu important à cet égard le fait que l’affection ayant entraîné l’incapacité totale de travail soit sans lien avec le risque que la CNP ASSURANCES lui reproche d’avoir omis de déclarer, que cette abstention a bien modifié l’opinion que l’assureur se faisait du risque lors de la souscription des contrats.

La CNP Assurances est dans ces conditions bien fondée à conclure à la nullité du contrat d’assurance souscrit par Monsieur [U] en couverture de son prêt immobilier consenti par la Caisse d’Epargne.

Monsieur [U] ne pourra qu’être débouté de sa demande de garantie.

Sur les frais irrépétibles
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens
Monsieur [M] [B] [U] qui succombe à la présente instance sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant par mise à disposition au greffe par jugement contradictoire rendu en dernier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [M] [B] [U] de l’intégralité de ses demandes.

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [M] [B] [U] aux entiers dépens.

Le Greffier, La Présidente,


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