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N° de minute : 246/2022
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 6 octobre 2022
Chambre civile
Numéro R.G. : N° RG 21/00232 – N° Portalis DBWF-V-B7F-SGH
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 30 juin 2021 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :21/07)
Saisine de la cour : 21 juillet 2021
APPELANT
S.C.I. ASTRON, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Fabien CHAMBARLHAC de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
Mme [P] [G]
née le 18 janvier 1954 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Stéphane LENTIGNAC de la SELARL SOCIETE D’AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 5 septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH,Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l’article R 123-14 du code de l’organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE
DE PREMIÈRE INSTANCE
Le litige dont la cour est saisie oppose la Sci Astrom et Mme [P] [G], seuls copropriétaires d’un immeuble, composé d’un rez-de-chaussée et d’un étage, au sujet de travaux réalisés par la Sci Astrom ou son locataire, la Sarl Le Paradis gourmand qui y exploite un fonds de commerce de boulangerie.
Le 3 janvier 1991, la Sci Astrom acquiert de la Sci G et B dans un ensemble immobilier, composé d’un rez-de-chaussée et d’un étage, situé [Adresse 2], soumis au statut de la copropriété, le lot n° 1 constitué de divers éléments : un local à usage de bureau ou boutique avec accès direct sur la route, un atelier de confection avec appentis et une pièce à usage de laboratoire, un dock au fond du terrain, ainsi qu’une pièce à usage de studio avec coin toilette et terrasse donnant sur la cour.
A la suite de modifications portées par la Sci G et B au lot n° 2, désormais divisé en deux appartements de type F2 et F3, une modification du règlement de copropriété et de l’état de division intervient suivant acte notarié du 6 janvier 1992 et ces deux logements deviennent les lots A 2 et B2 .
Ils sont acquis par Mme [G], par actes distincts du 7 janvier 1992 et du 1er mars 1993.
Diverses négociations vont intervenir entre les parties, et par acte sous seing privé du 5 décembre 1997, il est convenu que toutes les parties privatives du lot n° 1 anciennement destinées à usage de bureau, de laboratoire, de studio, d’atelier deviennent surfaces commerciales, que la surface anciennement destinée à usage de parking devienne passage commun, que la partie anciennement dédiée aux appentis et parties communes devienne aire de stockage, dock ou habitation, la surface intitulée dock devenant à vocation d’entrepôt ou d’habitation.
Cette convention prévoit également certaines modifications des lots 2A et 2B en ce sens que Mme [G] est autorisée à construire en terrasse toiture, de sorte que les terrasses construites deviennent des parties privatives.
La convention énumère par ailleurs les travaux devant être réalisés pour parvenir aux modifications ainsi autorisées en prévoyant une astreinte à hauteur de 50 000 FCFP par jour de retard à défaut d’exécution dans le délai convenu.
Le 3 avril 1998, les parties signent un nouvel acte notarié, reprenant les principaux éléments énoncés dans la convention sous seing privé du 5 décembre 1997, à savoir le remaniement des surfaces du rez-de-chaussée en ce qui concerne le lot n° 1 de la Sci Astrom destiné à l’exploitation commerciale d’une boulangerie et le droit de surélévation des deux lots du premier étage, appartenant à Mme [G].
Le 2 octobre 2009, la sci Astrom donnait le local à bail à usage commercial pour l’exercice exclusif de l’activité de boulangerie, à la société Labo concept évolution, laquelle cédait à son tour son droit au bail à la Sarl Le paradis gourmand le 3 mars 2010. Souhaitant entreprendre rapidement des travaux d’embellissement et de redistribution de l’espace , pour rendre le commerce plus attractif, elle faisait appel , avec son bailleur, au cabinet d’études Sece.
Celui-ci devait constater, dès le début du mois de février 2010, l’existence de certains désordres graves appelant des travaux de consolidation de la structure, dont la réalisation était urgente et préalable à la réalisation des travaux d’embellisemment et de redistribution envisagés par le preneur. Ces travaux dont le coût s’élevait à 2 190 400 FCFP ont été réalisés et pris en charge par la Sci Astrom.
Ils ont été ensuite autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires en sa séance du 1er juillet 2010, qui a également décidé à l’unanimité de la participation des deux copropriétaires au prorata de leurs droits immobiliers au paiement de la facture.
Cependant Mme [G], estimant que ces travaux avaient été menés avec célérité et au mépris des règles de la copropriété, a saisi le juge des référés, pour obtenir leur interruption, la réunion d’une nouvelle assemblée générale, et à titre subsidiaire, l’organisation d’une mesure d’expertise.
Par ordonnance en date du 6 octobre 2010, le juge des référés, tenant le désistement partiel de Mme [G] en ce qui concerne les travaux (qui avaient été achevés entre temps), a uniquement ordonné une mesure d’ expertise, aux fins de déterminer si les travaux effectués à la demande de la copropriété étaient bien nécessaire à la conservation de l’immeuble et de dire si les travaux effectués par le preneur dans les lieux locaux à destination commerciale, avaient ou non porté atteinte à la structure du bâtiment.
L ‘expert déposait son rapport le 30 juin 2011, concluait à la préexistence de désordres affectant l’immeuble avant la location du rez-de-chaussée à la société Paradis gourmand, au caractère conservatoire des travaux effectués par la société Techbat et C3m pour y remédier et estimait par ailleurs que leur prix était raisonnable et justifié. Il indiquait par ailleurs que les travaux d’aménagement et d’embellisemment effectués dans le lot n° 1 n’avaient porté aucune atteinte à la structure de l’immeuble.
Par courrier recommandé en date du 05 septembre 2018, le conseil de Mme [G] indiquait à la Sci Astrom que sa cliente n’avait jamais reçu paiement de l’astreinte prévue par l’acte sous seing privé du mois de décembre 1997, qu’elle subissait des travaux réalisés de manière illicite par la Sci Astrom, faute d’accord de la copropriété, mais encore que l’activité commerciale exercée dans le lot n° 1 était en contradiction avec le règlement de copropriété, que des parties communes avaient été abusivement affectées au lot n° 1, et que des travaux avaient été réalisés en façade de l’immeuble sans autorisation de la copropriété.
Le conseil de Mme [G] adressait le 8 mars 2019, par mail, copie de cette lettre à la Sci Astrom dans la mesure où elle n’avait donné aucune suite au courrier recommandé.
Le 28 octobre 2019, l’assemblée générale des copropriétaires était convoquée pour se prononcer sur les travaux suivants : création d’une ouverture dans un mur, apposition d’une enseigne en façade sur le pignon côté rue, reprise des peintures en façade sur le pignon côté rue, aménagement de travaux extérieurs à savoir modification des garde- corps, et aménagement de travaux extérieurs sur partie privative pour la pose d’une peinture anti dérrapante. Aucun de ces travaux n’a été autorisé par l’assemblée générale, aucune décision ne pouvant ête prise, Mme [G] s’y étant opposée.
C’est dans ce contexte, que Mme [P] [G] a assigné la Sci Astrom, devant le juge des référés pour entendre:
– constater que l’activité commerciale de la SARL Le Paradis Gourmand n’était pas conforme au règlement de copropriété,
– obtenir la condamnation de la SCI Astrom, sous astreinte, à faire cesser les nuisances olfactives et sonores émanant de la boulangerie exploitée par son locataire,
– faire procéder aux travaux de remise en état des parties communes,
– ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer si les parties communes et privatives sont occupées conformément aux titres de propriété, de décrire les travaux effectués, les désordres allégués et chiffrer le coût des réparations.
Par ordonnance en date du 30 juin 2021, le juge des référés de Nouméa a :
– rejeté la demande tendant à voir ordonner la cessation de l’activité,
– condamné la SCI Astrom à remettre les parties communes en l’état antérieur aux travaux effectués sans autorisation suivants :
création d’une ouverture dans le mur
apposition d’une enseigne en façade sur le pignon, côté rue
reprise des peintures extérieures en façade, sur le pignon côté rue
modification des garde-corps
pose de résine anti dérrapante au sol,
– accordé un délai de deux mois suivant la signification de la décision à la SCI Astrom pour s’acquitter de cette obligation, sous astreinte provisoire de 20 000 FCFP par jour de retard passé ce délai, l’astreinte courant pour une période de quatre mois,
– dit n’y avoir lieu à expertise,
– renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
– rappelé que l’ordonnance était exécutoire par provision,
– condamné la Sci Astrom à verser à Mme [G] la somme de 200 000 FCFP en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
PROCÉDURE D’APPEL
La Sci Astrom a relevé appel de cette décision par requête en date du 21 juillet 2021.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives, notifiées le 16 février 2022, la Sci Astrom demande à la cour de :
– dire son appel recevable et bien fondé,
– confirmer l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé du chef de la fermeture du commerce, ni à expertise du chef de l’état d’occupation des lots et parties communes ou de celui des réseaux collectifs,
– réformer l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a condamné la Sci Astrom , sous astreinte, à remettre les parties communes en l’état antérieur aux travaux exécutés sur le lot dont elle est copropriétaire,
– la réformer également en ce qu’elle a condamné la Sci Astrom à payer à Mme [G] la somme de 200000 FCFP à titre de frais irrépétibles,
et, statuant à nouveau,
– dire et juger que Mme [G] échoue à prouver l’existence d’atteintes réelles et non sérieusement contestables aux parties communes de l’immeuble ou à son aspect extérieur,
– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Mme [G],
– condamner Mme [G] aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à la Sci Astrom la somme de 500 000 FCFP en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées le 28 octobre 2021, Mme [G] demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a condamné la Sci Astrom à procéder ou faire procéder aux travaux de remise en état des parties communes de l’immeuble dont s’agit au regard des travaux réalisés sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires ou bien de sa propre initiative ou sous l’initiative de son locataire commercial et plus particulièrement :
la création d’une ouverture dans le mur
l’apposition d’une enseigne en façade sur le pignon, côté rue
la reprise des peintures extérieures en façade, sur le pignon côté rue
la modification des garde-corps
la pose de résine anti dérapante au sol
– réformer l’ordonnance en ses autres dispositions,
– constater que l’activité commerciale exercée dans le lot de la Sci Astrom n’est pas conforme aux dispositions du règlement de la copropriété,
– condamner la Sci Astrom à faire cesser l’activité litigieuse et en tout état de cause lui ordonner de faire cesser les nuisances olfactives et sonores liées à l’activité de son locataire commercial, et ce, sous astreinte de 25000 FCFP par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
– désigner tel expert judiciaire ayant pour mission de se rendre sur les lieux, d’examiner les titres de propriété, les règlements de copropriété et états descriptifs de division de la copropriété dont s’agit, de décrire les parties privatives et parties communes de ladite copropriété d’après les documents produits par les parties, de dresser un plan des parties privatives et communes de la copropriété en l’état de l’occupation actuelle des copropriétaires, de dire si les parties privatives et communes de la copropriété telles qu’elles sont actuellement occupées par les copropriétaires correspondent à celles définies dans les titres de propriété et règlement de copropriété et état de description et délimitations contenues dans les titres de propriété et règlement de copropriété et état descriptif de division, mais également de procéder à l’examen de l’ensemble des réseaux d’alimentation en eau et d’évacuation des eaux usées, de faire remettre tous documents relatifs aux travaux précédents ayant concernés lesdits réseaux, de vérifier les désordres allégués, de les décrire, d’en indiquer les causes, d’en chiffrer le coût des réparations, et de donner au juge tous les éléments permettant de déterminer les responsabilités,
– condamner la Sci Astrom à verser à Mme [G] la somme de 400 000 FCFP en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie, outre les dépens en ce compris le coût des constats d’huissier.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur l’appel principal de la sci Astrom
Le premier juge a condamné la sci Astrom à remettre sous astreinte les parties communes en l’état antérieur aux travaux effectués sans autorisation à savoir, la création d’une ouverture dans un mur, l’apposition d’une enseigne en façade sur le pignon côté rue, la reprise des peintures en façade sur le pignon côté rue, la modification des garde-corps et la pose de résine antidérapante. Il a considéré que ces travaux n’avaient pas été autorisés par la copropriété au regard du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires du 28 octobre 2019, et que leur existence était établie par la production des constats effectués par l’huissier et du courrier rédigé le 22 octobre 2019 par l’ancien conseil de la sci Astrom.
La Sci Astrom affirme d’une part que les preuves produites par Mme [G] sont insuffisantes pour démontrer la matérialité de certains travaux allégués comme l’ouverture dans le mur ou la modification du garde-corps. Elle prétend d’autre part, que d’autres travaux, comme la pose de résine antidérapante ou le changement de l’enseigne en façade, ne sont pas illicites, même s’ils n’ont pas été autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires, au regard de la jurisprudence, dès lors qu’il s’agit d’atteintes légères et superficielles qui n’affectent ni la consistance matérielle, ni l’usage des parties communes et qu’ils n’affectent pas non plus de manière significative l’aspect extérieur de l’immeuble.
Mme [G] soutient que la sci Astrom ou son locataire ont réalisé les travaux litigieux sans avoir préalablement sollicité l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires. Elle rappelle que si la Sci Astrom a, par la suite tenté sans succès de régulariser cette situation auprès de la copropriété, aucune autorisation n’a été finalement donnée par cette assemblée le 28 octobre 2019.
Il convient à titre liminaire de rappeler qu’en vertu de l’article 9 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il y a lieu également de relever qu’en application des dispositions des articles 808 et 809 du même code applicables en Nouvelle-Calédonie en vertu de la délibération n° 2 du 11 mars 2005 modifiée par la délibération n° 297 du 24 janvier 2018, le président du tribunal de première instance de Nouméa (…) peut d’une part, dans les cas d’urgence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend, et en toutes hypothèses, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Par ailleurs, l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 qui régit le statut de la copropriété des immeubles bâtis, applicable en Nouvelle-Calédonie, prévoit que la décision portant autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à sa destination, doit être prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires.
Il découle de ces textes qu’il revient à la cour, statuant en référé d’apprécier la pertinence des preuves offertes par Mme [G] quant aux travaux allégués pour démontrer en premier lieu leur matérialité et en second lieu leur caractère manifestement illicite.
Or force est de constater que cette preuve n’est pas rapportée dès lors, que Mme [G] ne donne aucune précision sur la date à laquelle les travaux prétendument litigieux ont été réalisés, alors que les lieux et plus particulièrement le lot n°1, ont connu depuis 1997, de nombreuses et très importantes modifications. Elle n’énonce pas non plus de manière rigoureuse la date à laquelle elle situe « l’état antérieur » qu’elle souhaite voir restaurer, (1997, 2010 ou 2017) et entretient volontairement une grande confusion sur ce point puisqu’elle excipe dans ses écritures des constats d’huissier datant du 27 janvier 2010, du 9 juillet 2010, mais également le rapport du cabinet SECE rédigé en 2010 pour faire état de modifications plus récentes sans rapport avec celles dont elle se plaint aujourd’hui. La cour observe par exemple que Mme [G] entend prouver la création d’une ouverture dans un mur en produisant des photos extraites de ces constats qui montrent un chantier de démolition de murs intérieurs. De la même manière, elle prétend démontrer la création de garde-corps, l’apposition d’une enseigne commerciale, en produisant des photographies de la devanture de la boutique, remontant à l’année 2010.
Or, il convient de rappeler, s’agissant de l’apposition d’une enseigne commerciale sur la façade de l’immeuble, que celle-ci était expressément autorisée par le règlement de copropriété du 3 janvier 1991, pourvu qu’elle ne nuise pas à l’harmonie générale de l’immeuble.
Par ailleurs, au terme de l’acte notarié du 3 avril 1998, Mme [G] avait accepté les travaux nécessaires au réaménagement du rez-de-chaussée aux fins d’exploitation commerciale, raison probable pour laquelle elle s’était désistée des prétentions dont elle avait saisi le juge des référés en juillet 2010, tendant à leur interruption.
Enfin s’agissant du ravalement des façades et de la pose d’une peinture anti dérapante sur la rampe d’accès à la boutique, ou encore de la modification de l’enseigne commerciale, dont la matérialité n’est pas contestée par la Sci Astrom, la cour retient que leur caractère manifestement illicite tiré de l’absence d’autorisation par l’assemblée générale des copropriétaires du 28 octobre 2019, n’est pas avéré dès lors qu’il ressort de l’examen des photographies produites par Mme [G] que les changements opérés n’apportent aucune nuisance à l’harmonie générale de l’immeuble, les couleurs choisies restant dans les mêmes tons.
En définitive, les travaux réalisés ne présentent pas un caractère manifestement illicite.
En conséquence, il convient d’infirmer la décision rendue de ce chef par le juge des référés.
II. Sur l’appel incident
a) Sur la demande tendant à la cessation de l’activité commerciale
Le premier juge a rejeté les prétentions de Mme [G] tendant à la condamnation de la sci Astrom à faire cesser l’activité du fonds de commerce de boulangerie, en raison des nuisances olfactives et sonores qu’elle génère, considérant que l’existence d’un trouble manifestement illicite n’était pas démontrée ni au regard des dispositions du règlement de copropriété, trop générales pour affirmer qu’elles interdisent l’exploitation d’une boulangerie, ni au regard des preuves offertes sur la nature et la portée des nuisances invoquées.
Mme [G] soutient que l’activité du commerce de boulangerie est interdite par le règlement de copropriété parce qu’elle induit une activité nocturne et entraîne des nuisances sonores et olfactives qui troublent la tranquilité du voisinage .
La sci Astrom demande à la cour de confirmer la décision du premier juge.
Le règlement de copropriété établi par acte notarié du 3 avril 1998 prévoit en page 4, au sujet de la jouissance des parties privatives « que pour l’activité commerciale ou autre, il ne pourra y être exercée aucune activité nocturne (restaurant, bar, billard, salle de jeux, boîte de nuit) et que sont autorisés tous commerces ayant une activité aux heures normales ouvrables diurnes. »
La cour retient comme le premier juge que ce règlement ne prohibe pas expressément l’exploitation d’un commerce de boulangerie dans les lieux et que seule une interprétation de la clause litigieuse sur la notion d’ « activité commerciale nocturne », qui incombe au seul juge du fond, pourra déterminer la portée de la prohibition et son applicabilité au commerce exploité par le locataire de la sci Astrom.
C’est aussi à juste titre que le premier juge a considéré par ailleurs qu’aucune preuve matérielle des nuisances sonores et olfactives invoquées n’était apportée.
b) Sur la demande d’expertise
Le premier juge a rejeté la demande d’expertise formée par Mme [G] en considérant que les documents, titres de propriété, règlement de copropriété et état d’occupation des lots, plan de division et autres, détenus par les parties étaient suffisants pour apprécier les droits de chacune, et que le dysfonctionnement allégué quant au réseau d’alimentation en eau et d’évacuation des eaux usées n’était pas suffisamment démontré pour justifier le recours à une expertise.
Mme [G] renouvelle cette demande devant la cour en rappelant que la sci Astrom a indiscutablement fait procéder au début des années 1990 à d’importants travaux pour aménager son lot et permettre l’exploitation d’une boulangerie. Elle rappelle que ces travaux, dont certains portaient sur des parties communes, n’ont fait l’objet d’aucune autorisation préalable et que, pour tenter de régulariser cette situation, elle s’était rapprochée de la sci Astrom pour signer un acte sous seing privé en date du 5 décembre 1997 (pièce n° 6 de Mme [G]), au terme duquel elle acceptait l’ensemble des modifications réalisées sous réserve que la sci Astrom s’engage de son côté à réaliser certains travaux et certaines démarches précisément définis. Mme [G] fait valoir que la Sci Astrom n’a jamais tenu ses engagements. Dans ces conditions, elle considère que ces travaux qui ont modifié la répartition des parties privatives et communes, sans autorisation préalable sont un motif suffisant pour justifier l’expertise.
Elle expose encore souffrir d’un dysfonctionnement du réseau d’évacuation des eaux usées et d’alimentation en eau de son propre lot, depuis la réalisation de ces travaux, en raison d’une rupture de la canalisation sous la dalle, dysfonctionnement qui persiste selon elle, en dépit de la réparation effectuée.
La sci Astrom demande à la cour de confirmer la décision de rejet du premier juge. Elle fait valoir, s’agissant de la répartition des parties privatives et communes, qu’une seconde modification est intervenue par acte notarié du 3 avril 1998, signé des deux parties qui limite les parties communes au hall d’entrée et à l’escalier permettant l’accès au second lot. Elle expose s’agissant du trouble de jouissance prétendument subi par Mme [G] en raison du dysfonctionnement sur le réseau d’alimentation et d’évacuation des eaux usées, qu’il n’a jamais été porté à la connaissance du syndic de la copropriété, ni à la sienne. Elle ajoute que l’intervention sur le réseau, datant du 12 avril 2019 était motivée par l’engorgement des canalisations, que la canalisation avait été réparée à cette occasion et que rien n’établissait l’existence d’un trouble actuel.
Selon l’article 145 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées s’il existe un motif légitime de conserver avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
La cour observe en premier lieu que Mme [G] a déjà obtenu du juge des référés, par ordonnance du 6 octobre 2010 la mesure d’expertise qu’elle sollicite de nouveau dans le cadre de la présente instance, laquelle a abouti au dépôt d’un rapport le 30 juin 2011 ainsi que l’écrivait d’ailleurs son conseil dans le courrier adressé à la Sci Astrom le 5 septembre 2018.
Ainsi, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a rejeté les demandes formées par Mme [G] tant en ce qui concerne les remaniements effectués sur les parties communes et privatives à la suite des travaux réalisés par les parties, qui peuvent être aisément retracés et exploités à l’aide des documents détenus par elles, qu’en ce qui concerne le trouble de jouissance allégué mais nullement démontré par Mme [G] au sujet du réseau collectif d’alimentation et d’évacuation de l’eau.
La cour observe qu’il appartient à Mme [G], si elle l’estime utile, d’engager une procédure au fond, si elle entend rechercher la responsabilité de la sci Astrom, au titre de l’inexécution des travaux promis au terme de l’acte sous seing privé du 5 décembre 1997.
III. Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Sci Astrom l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour assurer la représentation de ses intérêts devant la cour. Une indemnité de 500 000 FCFP lui sera allouée de ce chef.
IV. Sur les dépens
Mme [G] qui succombe sera condamnée aux dépens.