Nuisances sonores : décision du 31 août 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 23/00802

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Nuisances sonores : décision du 31 août 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 23/00802
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N° RG 23/00802 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JJZU

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 31 AOÛT 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00373

Ordonnance du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Havre du 10 janvier 2023

APPELANTE :

Madame [C] [B] [Z] épouse [P]

née le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 16] (75)

[Adresse 7]

[Localité 10]

représentée par Me Ghislaine VIRELIZIER de la SELARL KREIZEL VIRELIZIER, avocat au barreau du HAVRE assistée par Me Estelle LANGLOIS, avocat au barreau du HAVRE

INTIMES :

Monsieur [N] [G]

né le [Date naissance 9] 1990 à [Localité 14] (76)

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par Me Mathilde THEUBET de la SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE

(demande d’aide juridictionnelle en cours)

Madame [W] [T]

née le [Date naissance 6] 1997 à [Localité 17] (76)

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée par Me Mathilde THEUBET de la SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du HAVRE

(demande d’aide juridictionnelle en cours)

Monsieur [V] [A]

né le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 14] (76)

[Adresse 4]

[Localité 13]

n’a pas constitué avocat bien qu’ assigné par acte de commissaire de justice en date du 23 mars 2023

Madame [H] [F]

née le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 15] (76)

[Adresse 8]

[Localité 12]

n’a pas constitué avocat bien qu’assignée par acte de commissaire de justice en date du 23 mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 29 juin 2023 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame GOUARIN, présidente

Madame TILLIEZ, conseillère

Madame GERMAIN, conseillère

DEBATS :

Madame DUPONT greffière

Á l’audience publique du 29 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 août 2023

ARRET :

Défaut

Prononcé publiquement le 31 août 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, présidente et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Suivant acte sous seing privé du 26 janvier 2021, Mme [C] [B] [Z] a donné à bail à M. [N] [G] et à Mme [W] [T] un bien à usage d’habitation situé à [Adresse 1], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 530 euros outre un forfait charges d’un montant de 30 euros par mois.

Par actes séparés du même jour, M. [V] [A] et Mme [H] [F] se sont portés cautions solidaires des engagements des locataires.

Par acte d’huissier du 4 juillet 2022, le bailleur a fait délivrer aux locataires un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme de 1 946,12 euros au titre des loyers et charges impayés ainsi qu’une sommation d’avoir à respecter les clauses du bail, de démonter l’abri de jardin construit sans autorisation, de cesser d’exercer dans les lieux une activité professionnelle, de respecter le voisinage et de ne pas empiéter sur les propriétés voisines.

Par acte d’huissier du 28 septembre 2022, le bailleur a fait assigner en référé les locataires et les cautions en constat de la résiliation du bail et paiement des arriérés.

Par ordonnance de référé du 10 janvier 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Havre a :

– déclaré Mme [B] [Z] recevable en sa demande de résiliation du bail ;

– dit n’y avoir lieu à référé du fait de la contestation sérieuse relevée ;

– condamné Mme [B] [Z] aux dépens ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 2 mars 2023, Mme [B] [Z] a relevé appel de cette décision.

M. [A] et Mme [F] n’ont pas constitué avocat. La déclaration d’appel leur a été signifiée par acte de commissaire de justice remis le 23 mars 2023 à l’étude pour M. [A] et à personne pour Mme [F].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2023.

Exposé des prétentions des parties

Par dernières conclusions reçues le 16 juin 2023, Mme [B] [Z] demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance ;

– constater la résiliation du bail au 4 septembre 2022 ;

– ordonner l’expulsion des occupants sans délai ;

– condamner solidairement les intimés à lui verser la somme de

1 997,02 euros au titre des arriérés dus au 12 juin 2023 outre la somme de 240 euros au titre des charges locatives ;

– les condamner solidairement au paiement d’une indemnité d’occupation à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération des lieux ;

– condamner solidairement M. [G] et Mme [T] à remettre en état le jardin loué, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours suivant la notification de la décision ;

– condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de

5 250 euros pour la perte financière résultant du départ des autres locataires lié au comportement de M. [G] et de Mme [T] ;

– condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de

2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

– débouter M. [G] et Mme [T] de leurs demandes.

Par dernières conclusions reçues le 20 juin 2023, M. [G] et Mme [T] demandent à la cour de :

– confirmer l’ordonnance ;

A titre subsidiaire, si la cour estimait la clause résolutoire acquise,

– ordonner la suspension de la clause et constater qu’ils se sont acquittés du solde des arriérés avant même la délivrance de l’assignation ;

A titre encore plus subsidiaire,

– leur accorder des délais de paiement et ordonner la suspension de la clause sous réserve des mesures qui seront prises par la commission de surendettement ;

– débouter Mme [B] [Z] de sa demande de résiliation et d’expulsion ;

En tout état de cause,

– débouter Mme [B] [Z] de ses demandes ;

– la condamner aux dépens d’appel et à payer à la SARL Rique-Serezat Theubet la somme de 2 400 euros en application de l’article 37 de la loi n°01-647 du 10 juillet 1991.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l’exposé des moyens développés par celles-ci.

MOTIFS DE LA DECISION

Les dispositions de l’ordonnance ayant déclaré recevable l’action en résiliation du bail exercée par Mme [B] [Z] ne sont pas dévolues à la cour qui statuera dans les limites de l’appel.

Sur la demande de résiliation du bail

L’appelante fait grief au juge des référés d’avoir estimé que la somme réclamée au titre des loyers et des charges faisait l’objet d’une contestation sérieuse en raison notamment de la contestation élevée au titre des charges réclamées alors que la clause résolutoire est acquise faute de règlement de l’intégralité des sommes visées par le commandement, que, à supposer que les sommes réclamées au titre des charges soient retranchées du décompte annexé au commandement, une partie des loyers est demeurée impayée et que la contestation des charges n’est pas sérieuse. Elle fonde également sa demande de résiliation du bail sur le fondement du manquement des locataires à leur obligation d’occuper les lieux paisiblement et fait valoir que ces derniers ont édifié des cabanes contrevenant aux règles de l’urbanisme

qui n’ont été retirées qu’au mois d’octobre 2022, installé plusieurs piscines dans le jardin, engendrant une consommation d’eau exorbitante et occasionné divers troubles de voisinage consistant notamment en des nuisances sonores nocturnes.

En réplique, les locataires soutiennent que le montant qui leur est réclamé au titre des loyers et des charges fait l’objet d’une contestation sérieuse, qu’ils ont réglé intégralement les causes du commandement à la date du 9 septembre 2022, qu’ils seront à jour de leurs loyers lorsque l’allocation logement sera débloquée et qu’ils ont rencontré des problèmes financiers qui les ont conduit à déposer un dossier de surendettement déclaré recevable au mois de mars 2023. Par ailleurs, ils contestent les troubles du voisinage qui leur sont reprochés et font état du comportement intrusif et agressif de la bailleresse.

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge des contentieux de la protection peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Sur la demande de résiliation du bail pour défaut de paiement

Selon l’article 7-a de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

Le contrat de location versé aux débats prévoit en page 4 que le bail sera résilié de plein droit deux mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux à défaut de paiement aux termes convenus de tout ou partie du loyer et des charges ou en cas de non-versement du dépôt de garantie prévu au contrat.

En application des dispositions de l’article 834 du code de procédure civile, s’il entre dans les pouvoirs du juge des référés de constater l’acquisition d’une clause résolutoire de plein droit, l’existence d’une contestation sérieuse du montant réclamé fait obstacle à la constatation de la résiliation.

En l’espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 4 juillet 2022 portait sur la somme de 1 946,12 euros réclamée au titre des loyers et charges impayés à cette date.

Il résulte des pièces versées aux débats que des versements d’un montant total de 1 256,63 euros ont été effectués entre le 4 juillet et le 9 septembre 2022.

Or les locataires contestent le montant des charges qui leur est réclamé et font valoir à juste titre que le contrat de bail ne pouvait valablement prévoir un forfait mensuel de charges de 30 euros.

En effet, les dispositions d’ordre public de l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989, qui prévoit que les charges récupérables sont exigibles sur justification, prohibent toute évaluation forfaitaire des charges nonobstant toute clause contraire dans le bail.

Il en résulte que le forfait charges de 30 euros facturé chaque mois au titre de l’entretien des haies et de la pelouse, de l’entretien de la fosse septique et de l’eau froide constitue uniquement une provision sur charges et doit faire l’objet d’une régularisation annuelle dont il n’est pas justifié en l’espèce.

Compte-tenu du caractère sérieux des contestations élevées relatives tant à la surconsommation d’eau froide alléguée en l’absence de mise en place d’un compteur individuel avant le 7 octobre 2022 et à l’imputation aux locataires des frais d’entretien des haies dont il n’est pas établi qu’elles sont communes aux propriétés des locataires et de la bailleresse ni que les locataires sont défaillants dans l’obligation d’entretien qui leur incombe, c’est à juste titre que le premier juge a estimé que le constat de l’acquisition de la résiliation du bail se heurtait, en raison des paiements intervenus et des contestations élevées au titre des charges facturées depuis la date de conclusion du bail, à une contestation sérieuse justifiant de renvoyer les parties à se pourvoir au fond.

L’ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée dans ses dispositions ayant dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire formée sur le fondement des loyers et charges impayés.

Sur la demande de résiliation du bail sur le fondement des troubles du voisinage

En ce qu’elle suppose d’apprécier le manquement des locataires à leur obligation d’user paisiblement des locaux conformément à leur destination, la demande formée à ce titre par la bailleresse s’analyse non pas en une demande de constat de l’acquisition d’une clause résolutoire de plein droit mais en une demande de prononcé de la résiliation du bail, laquelle relève des pouvoirs du juge du fond et non de ceux du juge des référés.

Il convient en conséquence de réparer l’omission de statuer affectant l’ordonnance déférée sur ce point et de dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de résiliation du bail formée sur le fondement des troubles du voisinage.

Sur la demande de remise en état du jardin

Sans préciser le fondement juridique de la demande formée à ce titre en référé, l’appelante sollicite la condamnation des locataires sous astreinte à remettre en état le jardin en faisant valoir que M. [G] et Mme [T] y pratiquent la réparation automobile et y entreposent des motos et divers déchets.

Les intimés s’opposent à cette demande au motif qu’il n’existe ni dommage imminent ni trouble manifestement illicite justifiant une telle condamnation, que le jardin n’a subi aucune dégradation, que les cabanes ont été démontées au mois de juillet 2022, que la tonnelle installée pour l’anniversaire de M. [G] n’est restée que quelques jours et que la piscine est une petite piscine gonflable qui n’a occasionné aucune dégradation.

Le premier juge a omis de statuer sur cette demande.

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application de ces dispositions, constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d’une règle de droit résultant d’un fait matériel ou juridique.

En l’espèce, Mme [B] [Z] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d’un trouble manifestement illicite dès lors qu’il est établi que les cabanes édifiées en violation des règles de l’urbanisme ont été démontées, que la tonnelle installée au mois d’octobre ne l’a été que ponctuellement et que la piscine n’est pas installée de manière permanente.

En outre, la seule production de photographies démontrant la présence de nombreux objets et déchets, outre qu’elle est dépourvue de valeur probante en l’absence d’authentification possible du lieu qu’elles représentent et de la date à laquelle elles ont été prises et qu’elle suppose une intrusion non autorisée de la bailleresse au domicile des locataires, est également insuffisante à caractériser un dommage imminent au sens des dispositions de l’article 835.

Il convient en conséquence de dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de remise en état du jardin.

Sur la demande de dommages et intérêts

Mme [B] [Z] sollicite la condamnation des locataires au paiement de la somme de 5 200 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte financière résultant du départ des autres locataires en raison du comportement fautif de M. [G] de Mme [T].

Les intimés s’opposent à cette demande en contestant les troubles du voisinage qui leur sont imputés et la valeur probante des attestations produites et soulignent qu’ils subissent des troubles de jouissance ainsi qu’un harcèlement de leur bailleresse, laquelle se rend dans leur jardin en leur absence, bloque par son véhicule leur accès à la route et n’hésite à saisir le procureur de la République pour dénoncer des faits qui relèvent d’un litige civil.

Le premier juge a omis de statuer sur cette demande.

Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection peut accorder une provision au créancier.

En l’espèce, les troubles de voisinage allégués sont sérieusement contestés par M. [G] et Mme [T] et la bailleresse, dont le comportement intrusif est également dénoncé par les locataires, ne démontre pas, avec l’évidence requise en référé, l’existence d’un lien de causalité existant entre les troubles qu’elle dénonce et le départ des autres locataires de nature à justifier l’allocation d’une provision au titre de la perte financière invoquée.

Dès lors que l’appréciation tant des manquements des locataires à leurs obligations contractuelles que du lien de causalité existant avec le préjudice allégué relève de l’appréciation du juge du fond, il convient de dire n’y avoir lieu à référé sur la demande en paiement de dommages et intérêts provisionnels.

Sur les frais et dépens

Les dispositions de l’ordonnance déférée à ce titre seront confirmées.

Mme [B] [Z] devra supporter la charge des dépens d’appel et sera déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à verser à Me Theubet la somme de

2 000 euros en application des dispositions de l’article 700-2° du code de procédure et il sera fait application des alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de résiliation du bail formée sur le fondement des troubles du voisinage ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de remise en état du jardin ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts provisionnels ;

Renvoie les parties à se pourvoir au fond ;

Condamne Mme [C] [B] [Z] aux dépens d’appel ;

Condamne Mme [C] [B] [Z] à verser à Me Theubet, SELARL Rique-Serezat Theubet, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700-2° du code de procédure civile ;

Dit qu’il sera fait application des dispositions des alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Déboute Mme [B] [Z] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

La greffière La présidente

 


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