Nuisances sonores : décision du 30 août 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 23/00953

·

·

Nuisances sonores : décision du 30 août 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 23/00953
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/959

N° RG 23/00953 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PVOM

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 30 août à 17h40

Nous P. ROMANELLO, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 17 JUILLET 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 29 Août 2023 à 14H51 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien en zone d’attente de l’aéroport de [5] :

[K] [Y] SE DISANT [L] (MINEUR)

né le 02 Juillet 2006 à [Localité 1] – SYRIE

de nationalité Roumaine

[T] [C] – ADMINISTRATEUR AD HOC

Vu l’appel formé le 30/08/2023 à 10 h 33 par courriel, par Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 30 août 2023 à 15h00, assisté de P.GORDON, adjoint administratif faisant fonction de greffier, avons entendu :

[K] [Y] SE DISANT [L] (MINEUR),

En l’absence de M. [T] [C] – ADMINISTRATEUR AD HOC,

assisté de Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [P] [F], interprète, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

Le commissaire divisionnaire directeur interdépartemental de la police aux frontières de [Localité 4] régulièrement représenté à l’audience par le brigadier chef [G] ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu l’ordonnance du 24 novembre 2004 relative au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile abrogeant l’ordonnance du 2 novembre 1945,

Vu la requête de l’autorité administrative du département reçue le 28 août 2023 à 17h31,

Vu la décision de Monsieur le chef de service du contrôle aux frontières refusant l’entrée sur le territoire français de l’étranger et prononçant son maintien en zone d’attente,

Vu l’ordonnance de Monsieur le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse en date du 29 août 2023 à 14h51, ordonnant que Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] soit maintenu en zone d’attente de l’aéroport de [5] pour un délai de huit jours à compter de l’expiration du deuxième délai de 96 heures suivant le contrôle,

Vu l’appel interjeté par Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] accompagné d’un mémoire, reçu le 30 août 2023 à 10h33, par lequel il demande à la cour d’infirmer cette ordonnance aux motifs suivants :

Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été interpellé sans qu’il soit possible de déterminer dans quel cadre du code de procédure pénale l’agent de police judiciaire a agi ;

un délai de 10 minutes s’est écoulé entre le refus d’entrée opposée à Monsieur [D] [Y] et son placement en zone d’attente, c’est un délai anormalement long pour notifier le refus d’entrée ;

Monsieur [D] [Y] a formulé une demande d’asile le 26 août 2023 lors de la notification des informations sur l’asile alors qu’il était retenu depuis plus d’une heure 25, ce délai l’a privé de la possibilité de joindre des associations qui auraient pu l’aider ;

il n’est pas expliqué la nécessité du recours à l’interprétariat téléphonique et le procès-verbal de notification de la convocation OFPRA est insuffisamment précis quant aux conditions d’intervention de l’interprète ;

Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été privé de nourriture entre 22 heures et 5h55 ce qui porte atteinte à sa dignité humaine ;

Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été conduit le 29 août 2023 au centre de rétention de [Localité 3] pour un entretien avec l’OFPRA or, cet endroit ne relève pas de l’emprise de la zone d’attente, il est donc entré en France et ne peut plus faire l’objet d’un maintien en zone d’attente ;

Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a demandé l’asile dans le cadre de sa première audition, il bénéficie donc de la qualité de mineur non accompagné et sa situation ne remplit aucun des quatre cas de maintien en zone d’attente ;

Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été placé en zone d’attente sans aucun autre membre de sa famille, il est seul épuisé et anxieux ce qui porte atteinte aux droits et à l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de la Convention européenne des droits de l’homme ;

la requête en maintien dans la zone d’attente est irrecevable pour défaut de compétence du signataire ;

la requête en maintien dans la zone d’attente est irrecevable pour défaut de motivation en droit ;

la requête en maintien dans la zone d’attente est irrecevable pour défaut de motivation en fait ;

la requête en maintien dans la zone attente est irrecevable pour défaut de pièces utiles ;

les services de police ne démontrent pas avoir fait le nécessaire pour limiter au strict minimum la durée du maintien en zone d’attente ;

Vu les débats lors de l’audience du 30 août 2023 à 15 heures, au cours desquels le conseil de Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a repris ses arguments ;

Ouï Monsieur le commissaire divisionnaire qui a sollicité confirmation de l’ordonnance entreprise ;

Ouï les observations de Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] ;

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

A peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel doit être motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel.

L’ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d’appel dans les 24 heures de son prononcé ou si l’étranger n’a pas assisté à l’audience, de la notification de la décision qui lui a été faite.

En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur le contrôle de la procédure préalable au placement en zone d’attente

Comme en matière de rétention administrative, il appartient au juge judiciaire de s’assurer de la régularité des actes antérieurs au placement en zone d’attente.

Les moyens d’irrégularités soulevés par la défense sont les suivants :

Monsieur [D] [Y] SE DISANT [K] [L] a été interpellé sans qu’il soit possible de déterminer dans quel cadre du code de procédure pénale l’agent de police judiciaire a agi ;

un délai de 10 minutes s’est écoulé entre le refus d’entrée opposée à Monsieur [D] [Y] SE DISANT [K] [L] et son placement en zone d’attente, c’est un délai anormalement long pour notifier le refus d’entrée ;

Sur le premier moyen, il s’évince de la procédure versée aux débats que le 25 août 2023 à 21h55 le brigadier-chef de police [R] [X] en fonction à [Localité 2] de mission de contrôle transfrontalière, lors du contrôle du vol FR1513 en provenance de Corfou à contrôler une personne lui remettant une carte nationale d’identité délivrée par la Roumanie, le document se révélant très rapidement comme contrefait. Lors du passage au logiciel de contrôle il s’est avéré que le document faisait l’objet d’un signalement comme perdu ou volé.

L’individu contrôlé, Monsieur X se disant [D] [Y] se disant [K] [L], a été conduit au poste des arrivées pour un contrôle approfondi.

En conséquence, comme remarqué pour le premier juge, dès lors que le brigadier contrôleur a expressément évoqué la détention de documents falsifiés, le cadre procédural qui a permis le contrôle de Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] et les actes subséquents, est à cet égard parfaitement régulier.

Sur le second moyen, le délai de 10 minutes entre le refus d’entrée sur le territoire et le placement en zone d’attente ne peut pas être jugé excessif car il correspond au temps strictement nécessaire pour la préparation des documents et des notifications qui devaient être effectuées au bénéfice de Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L].

Sur la fin de non-recevoir

Il est soutenu que la requête en maintien serait irrecevable pour les quatre motifs qui suivent.

Le défaut de compétence du signataire : cet argument n’est pas fondé puisque le commandant divisionnaire [B] [H], du fait de ses fonctions d’adjoint à la DIPAF, a nécessairement qualité pour introduire la présente requête.

Le défaut de motivation en droit : cet argument n’est pas fondé puisque le requérant a correctement évoqué les dispositions des articles L341-1 et suivants du CESEDA.

Le défaut de motivation en fait n’est pas non plus un argument recevable puisque le même requérant a précisément détaillé les conditions dans lesquelles Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été trouvé détenteur de documents d’identité falsifiés ou contrefaits ainsi que sa situation administrative comme précédemment dit.

Enfin, tous les documents afférents au contrôle de Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] et à son placement zone d’attente ont été versé aux débats. Il n’est pas nécessaire de verser aux débats les actes de délégation de signature concernant le signataire de la requête comme déjà précédemment expliqué, ni le justificatif de la saisine initiale de l’OFPRA. Le document produit à titre de registre est suffisamment renseigné contrairement à ce qui est soutenu.

La fin de non-recevoir sera donc rejetée.

Sur le contrôle de la phase de placement en zone d’attente

Le conseil de Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] soulève 7 moyens, exposant ainsi que le placement en zone d’attente ne devrait pas être prolongé.

a) Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a formulé une demande d’asile le 26 août 2023, lors de la notification des informations sur l’asile alors qu’il était retenu depuis plus d’1heure 25. Ce délai l’a privé de la possibilité de joindre des associations qui auraient pu l’aider. Cependant, la cour relève que l’intéressé a initié une procédure de saisine de l’OFPRA et qu’il a été entendu par cet organisme le 29 août 2023 au matin. Il n’existe donc aucun grief dont il puisse exciper.

b) il n’est pas expliqué la nécessité du recours à l’interprétariat téléphonique et le procès-verbal de notification de la convocation OFPRA est insuffisamment précis quant aux conditions d’intervention de l’interprète.

Pour rappel, en cas de nécessité, l’assistance de l’interprète peut se faire par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication. Le nom et les coordonnées de l’interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l’étranger.

Il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par une disposition du code de procédure pénale, a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. Notamment, l’absence d’interprète pour une personne qui ne maîtrise pas la langue française fait nécessairement grief.

Toutefois, en l’espèce tel n’est pas le cas. En effet, il n’est pas reproché une absence interprète mais la non justification du recours à un moyen de télécommunication pour faire intervenir l’interprète.

En l’espèce, alors qu’il venait d’être contrôlé en possession de documents d’identité contrefaits, à 22 h03 le 25 août 2023, les policiers ont essayé de trouver un interprète en langue kurde et la recherche s’est avérée infructueuse. Afin de ne pas retarder la procédure et dans l’intérêt des droits de Monsieur [D] [Y] se disant [L], ils ont décidé de lui notifier les mesures prises à son encontre par téléphone en le mettant en relation avec Monsieur [A] [S], interprète assermenté en langue kurde. Donc, le respect des droits fondamentaux de Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été assuré puisqu’il est incontestable qu’un interprète est intervenu.

Pour autant, il est indéniable que la procédure ne donne pas les raisons pour lesquelles l’interprète s’est déclaré dans l’impossibilité de venir immédiatement.

Or, lorsque le recours à une disposition dérogatoire n’est pas suffisamment explicité, comme en l’espèce, l’usage du téléphone en lieu et place de la présence physique de l’interprète, encore faut-il que le demandeur à la nullité établisse lui-même l’existence du grief résultant de cette omission.

Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] soutient que l’absence d’explication quant à l’impossibilité de se déplacer pour l’interprète lui fait grief car il n’a exercé aucun des droits qui lui étaient reconnus.

Ce faisant, il confond possibilité d’exercer ou non les droits, avec l’exigence d’être parfaitement informé des mêmes droits.

Il ne fait la démonstration d’aucun grief puisqu’il a eu connaissance de l’ensemble de ses droits et a pu s’expliquer, qu’il a été régulièrement informé des conditions et des suites de la procédure, qu’il a été tenu informé de l’identité de l’interprète.

Il ne justifie donc d’aucun grief.

Il est encore soutenu que le procès-verbal de notification de la convocation à l’OFPRA ne comporte pas le nom ou le prénom ni la langue utilisée de l’interprète. Là encore, il ne peut en résulter aucun grief puisque Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a effectivement pu être entendu le 29 août au matin par l’OFPRA et que l’absence de mention de l’identité d’interprète dans la convocation n’a donc pas pu l’empêcher d’exercer correctement ses droits.

c) Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été privé de nourriture entre 22 heures et 5h55 ce qui porte atteinte à sa dignité humaine ; il n’a pas eu accès à l’air libre et à une source de lumière directe et il est soumis à des nuisances sonores permanentes. Comme remarqué par le premier juge, une frugalité d’une durée de huit heures nocturnes, n’apparaît pas constitutive d’un traitement inhumain. En effet, sauf à ce qu’il démontre être atteint de somnambulisme, Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] est censé s’alimenter en dehors des heures susvisées. Lorsque les droits d’un étranger placé en zone d’attente lui ont été notifiés par l’intermédiaire d’un interprète Monsieur [J] [O] [A], le 25 août 2023 à 22h15, il n’a signalé aucun problème à cet égard.

De plus, le fait que la zone d’attente ne possède pas un accès à l’air libre et soit soumise à des nuisances sonores est parfaitement logique, s’agissant d’un local fermé placé dans une zone aéroportuaire. Il n’est démontré en aucun cas que les dispositions de ces locaux, propres et entretenus, seraient attentatoires à la dignité humaine.

d) M.[D] [Y] se disant [K] [L] a été conduit le 29 août 2023 au centre de rétention de [Localité 3] pour un entretien avec l’OFPRA or, cet endroit ne relève pas de l’emprise de la zone d’attente, il est donc entré en France et ne peut plus faire l’objet d’un maintien en zone d’attente.

Comme l’a fait remarquer le premier juge, c’est précisément pour son plus grand bénéfice que l’intéressé a été conduit au centre de rétention administrative uniquement pour être entendu par l’OFPRA dans le cadre d’un entretien confidentiel. Il ne peut donc pas tirer grief de l’exercice d’un recours administratif dont il a pu bénéficier.

e) Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a demandé l’asile dans le cadre de sa première audition, il bénéficie donc de la qualité de mineur non accompagné et sa situation ne remplit aucun des quatre cas de maintien en zone d’attente. Pour autant, dès lors que Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] est supposé mineur non accompagné et qu’il a fourni de faux documents lors de son entrée sur le territoire les conditions légales sont remplies.

f) Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été placé en zone d’attente sans aucun autre membre de sa famille, il est seul, épuisé et anxieux, ce qui porte atteinte aux droits et à l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. Cependant, le seul fait d’être placé en zone d’attente ne porte pas atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant. Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] ne démontre pas en quoi ce placement serait nuisible à sa santé, ou remettrait en question l’éventualité future d’un rapprochement avec sa famille.

g) Les services de police ne démontrent pas avoir fait le nécessaire pour limiter au strict minimum la durée du maintien en zone d’attente. Néanmoins, la procédure produite démontre que l’intéressé a été placé en zone d’attente 10 minutes après avoir été contrôlé en possession de faux documents d’identité soit le 25 août 2023 à 22h15. Les avis au parquet et à la préfecture ont été effectué simultanément.

Le 26 août 2023, Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été entendu à 10h50 et un administrateur ad hoc a été nommé à son soutien dans la foulée.

L’OFPRA a été avisé le 27 août à 10h15. Le même jour à 12 heures Monsieur [D] [Y] SE DISANT [K] [L] a été entendu sur sa situation et la demande de prolongation a été émise le 28 août.

Enfin, Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] a été entendu sur sa demande d’asile le 29 août 2023 à 10 heures.

L’enchaînement des diligences effectuées par les services de police permet de considérer qu’ils ont agi pour limiter au strict minimum la durée du maintien en zone d’attente.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L] à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse en date du 29 août 2023,

Déclarons régulière la procédure préalable au placement en zone d’attente,

Écartons les fins de non-recevoir soulevées par Monsieur [D] [Y] se disant [K] [L],

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à Monsieur le commissaire divisionnaire de la DDPAF31, ainsi qu’au conseil de M. X se disant [D] [Y] se disant [K] [L] et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

P.GORDON Ph. ROMANELLO, conseiller.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x