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1ère Chambre
ARRÊT N°220
N° RG 21/00765 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RKGV
Mme [T] [M]
C/
Mme [L] [G] [J] [A] épouse [X]
M. [N] [Z] [X]
S.C.I. DIAM
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 AOÛT 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 avril 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 29 août 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 20 juin 2023 à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [T] [M]
née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 9] (55)
[Adresse 5]
[Localité 6]
exerçant sous l’enseigne commerciale ‘LE BO’BAR’, entrepreneur individuel immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lorient sous le n°484.977.525, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bruno NOINSKI de la SARL A2C, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉS :
Madame [L] [G] [J] [A] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 7] (36)
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Gaëlle YHUEL-LE GARREC de la SELARL YHUEL-LE GARREC, avocat au barreau de LORIENT
Monsieur [N] [Z] [X]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 8] (56)
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me Gaëlle YHUEL-LE GARREC de la SELARL YHUEL-LE GARREC, avocat au barreau de LORIENT
La SCI DIAM, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lorient sous le n°423.707.041, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Alain LE MAGUER de la SELARL LE MAGUER RINCAZAUX EISENECKER BOHELAY EHRET GUENNEC, avocat au barreau de LORIENT
FAITS ET PROCÉDURE
Le 28 juillet 2011, les époux [N] [X] et [L] [A] ont acquis un immeuble à usage d’habitation situé au [Adresse 4], à [Localité 6] (56), au prix de 255 000 euros.
Le 30 octobre 2012, Mme [T] [M] a acquis un fonds de commerce de «’bar-débit de tabac-salle de jeux-restauration rapide-bimbeloterie-journaux’», exploité sous l’enseigne « Le Bo’bar » à [Localité 6], dans l’immeuble mitoyen, au [Adresse 5].
La SCI DIAM a acquis l’immeuble le 11 mars 2014. Les murs avaient été donnés en location à l’exploitant de l’établissement commercial suivant bail du 1er septembre 2004, renouvelé le 30 octobre 2012.
Le 7 juillet 2017, se plaignant de nuisances sonores depuis plusieurs années en provenance du fonds de commerce voisin, les époux [X] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Lorient, qui, par ordonnance du 27 septembre 2017, a désigné M. [P] [V], comme expert, pour vérifier l’existence des nuisances sonores, indiquer les solutions appropriées pour y remédier et donner son avis sur les préjudices subis.
Par ordonnance du’12 octobre 2017 du juge chargé du contrôle des expertises M. [E] [I] a été désigné comme expert, en remplacement de M. [V].
L’expert a déposé son rapport le 26 juin 2018.
Le 7 mai 2019, les époux [X] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Lorient Mme [M] et la SCI DIAM en réalisation de travaux d’insonorisation et en réparation de leurs préjudices.
Le 2 septembre 2019, les époux [X] ont assigné Mme [M] et la SCI DIAM devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lorient aux fins de cessation de l’activité musicale du bar et de fermeture à 21 h, et à titre subsidiaire, en réalisation des travaux préconisés par l’expert. Par ordonnance du 19 novembre 2019 le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé, le juge de la mise en état étant compétent.
Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Lorient a’:
-mis la SCI DIAM hors de cause,
-condamné Mme [M] à réaliser les travaux préconisés par l’expert, soit
*pour la musique amplifiée : l’amélioration acoustique au niveau du plafond par pose d’une couche d’isolant dans le plénum, le plafond étant désolidarisé du reste de l’enveloppe de sorte à former une
« boîte dans la boîte »’; la correction de l’installation de sonorisation, à savoir l’installation d’un dispositif supplémentaire ou complémentaire au limiteur de pression acoustique existant dans la salle de billard, couplé avec un équaliseur permettant de limiter les basses fréquences dans les deux salles,
*pour les bruits d’impact et de maniement de meubles : une isolation complète du sol par désolidarisation, dont la nature pourra être quelconque mais plutôt souple, par une chape sèche phonique et des joints périphériques soignés,
-dit que les travaux devront être réalisés dans un délai de 4 mois à compter de la signification de la décision, et à défaut sous astreinte provisoire de 200 euros qui courra pendant 30 jours, passés lesquels il sera à nouveau fait droit,
-condamné Mme [M] à payer à chacun des époux [X] la somme de 2000 euros au titre de l’impact sanitaire,
-condamné Mme [M] à payer aux époux [X] la somme de 25 500 euros à titre de préjudice de jouissance,
-débouté les époux [X] au titre de la perte de valeur et du préjudice moral personnel,
-déclaré irrecevables leurs demandes au titre du préjudice moral de leurs 3 enfants,
-débouté les époux [X] de leur demande au titre de dommages et intérêts pour défense abusive,
-condamné Mme [M] aux dépens comprenant les frais d’expertise et à payer aux époux [X] la somme de 4000 euros et à la SCI DIAM celle de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Le 3 février 2021 Mme [M] a fait appel des chefs du jugement’:
-mettant hors de cause la SCI DIAM,
-la condamnant à réaliser les travaux tels que préconisés par l’expert judiciaire dans son rapport, sous astreinte,
-la condamnant à payer des indemnités au titre de l’impact sanitaire, du préjudice de jouissance, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-la déboutant de ses demandes reconventionnelle de dommages et intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-la condamnant à payer à la SCI DIAM une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-la condamnant aux dépens, y compris les frais d’expertise, et ordonnant l’exécution provisoire.
Par ordonnance de référé du 25 mai 2021 le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a, notamment’:
-débouté Mme [M] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire,
-l’a autorisée à consigner entre les mains de la caisse des dépôts et consignations la somme de 40’516 euros dans les deux mois de la présente décision.
Le 28 février 2023 les époux [X] ont vendu leur maison à la SCI du Magnolia, au prix de 289 000 euros. L’acte vise la procédure en cours.
Mme [M] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 17 mars 2023, auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de’:
-infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté les époux [X] de leurs demandes d’indemnisation au titre d’un préjudice moral, d’une perte de valeur de leur maison et pour défense abusive,
-statuant à nouveau,
-juger qu’aucun trouble anormal du voisinage ne lui est imputable,
-débouter les époux [X] de toutes leurs demandes à son encontre.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de’:
-juger que les époux [X] ne démontrent pas l’existence de préjudices qui lui seraient imputables,
-les débouter de toutes leurs demandes à son encontre.
En toutes hypothèses,
-débouter la SCI DIAM de toute demande formée à son encontre,
-juger que l’acharnement des époux [X] a des conséquences néfastes sur l’état de santé de Mme [M] et lui occasionne un préjudice moral,
-condamner les époux [X] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
-débouter les époux [X] de leur demande de travaux sous astreinte,
-les condamner aux entiers dépens et à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile.
Les époux [X] exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 16 mars 2023, auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de’:
-confirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’existence d’un trouble anormal de voisinage, a condamné Mme [M] à réaliser sous astreinte les travaux préconisés par l’expert pour y remédier, et à les indemniser au titre de leurs préjudices sanitaire, de jouissance, au titre des frais irrépétibles et des dépens,
-débouter Mme [M] de sa demande d’indemnisation et de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Ils demandent à la cour, sur appel incident, de’:
-réformer le jugement en ce qu’il a évalué le préjudice sanitaire à 2000 euros pour chacun d’eux, a évalué leur préjudice de jouissance à 25 500 euros, les a déboutés de leur prétention à indemnisation de la perte de valeur de leur bien immobilier et les a déboutés de leur prétention à indemnisation de leur préjudice moral,
-statuant à nouveau,
-condamner Mme [M] à leur payer, chacun la somme de 15 000 euros en indemnisation de leur préjudice sanitaire, celle de 700 euros par mois, du juin 2014 au 28 février 2023, date de vente du bien, au titre de leur préjudice de jouissance, celle de 86 000 euros au titre de la perte de valeur du bien et celle de 10 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral,
-réformer le jugement en ce qu’il a mis la SCI DIAM hors de cause,
-statuant à nouveau, condamner la SCI DIAM, solidairement avec Mme [M] à les indemniser.
En toutes hypothèses ils demandent à la cour de’;
-condamner Mme [M] aux dépens et à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI DIAM expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 23 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de’:
-confirmer le jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause et lui a alloué une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,
-infirmer le jugement pour le surplus,
-dire qu’il n’existe aucun trouble anormal du voisinage,
-débouter les époux [X] de toutes leurs demandes,
-à titre subsidiaire, condamner Mme [M] à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
-en tout état de cause, condamner les époux [X] ou à défaut Mme [M] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner les époux [X] aux entiers dépens.
MOTIFS DE L’ARRÊT
1) Sur le trouble anormal du voisinage
Mme [M] conteste que son établissement est à l’origine d’un trouble anormal du voisinage.
Les éléments suivants ressortent de l’expertise, les constatations de l’expert ayant été réalisées le 22 février 2018.
-Sur la musique amplifiée
Contrairement à ce que soutient Mme [M], son exploitation relève également de la réglementation sur la musique amplifiée, dès lors que ponctuellement, des concerts, des fêtes avec animation musicale ont été organisés dans ses locaux, outre une activité de karaoké. Elle dispose ainsi d’une mini chaîne HIFI et de 6 enceintes acoustiques.
Seul le bureau à l’étage de la maison voisine d’étage est concerné par une nuisance sonore en très basse fréquence, 9 dB(A) contre 7 dB(A) autorisés. Ce dépassement est faible et perceptible, selon l’expert, et peut occasionner une gêne lors de l’occupation calme du bureau.
Les causes sont la contiguïté par le mur séparatif de pierres et par la liaison du plancher bas de l’étage en béton, alors que le plafond du bar n’est pas isolé acoustiquement.
Dans la chambre parentale à l’étage, côté cour, et dans le séjour au rez-de-chaussée il n’existe pas de nuisances sonores au sens du décret n°2006-1099 du 31 août 2006. Mais l’expert ajoute qu’on peut ressentir la basse fréquence lors des mesures.
Les autres pièces de vie, côté rue, ne sont pas affectées par des nuisances sonores au sens réglementaire, à défaut de dépassement des seuils limites, en raison entre autres du bruit résiduel relativement important venant de la rue.
Les causes des nuisances sonores liées à la musique amplifiée sont multiples’: la propagation des ondes sonores par le plancher bas en béton de l’étage, alors que l’isolation acoustique des murs semble correcte et soignée selon l’expert’; l’absence d’un micro de mesure acoustique dans la salle de billard permettant la limitation de la pression acoustique dans cette pièce (limitation existante dans la salle de bar seulement, à 77 dB(A)’; l’absence de configuration du limiteur acoustique pour atténuer les basses fréquences.
-Sur les bruits d’impact
Ils ont deux origines, les chocs par les queues et boules de billard et le maniement des meubles lors du nettoyage.
Mme [M] a installé une estrade pour le billard, mais cette isolation n’est pas efficace à basse fréquence. L’expert a constaté un dépassement d’émergence globale en basse fréquence, de 2 dB(A), dans le séjour.
Quant au bruit résultant du déplacement des tables et chaises du bar, l’expert rappelle qu’ils sont équipés de patins. Les nuisances sonores, liées aux basses fréquences, sont sensibles dans la chambre du rez-de-chaussée, côté rue, et dans le bureau de l’étage, soit un dépassement d’émergence globale de 6 dB(A)dans la chambre et de 4,5 dB(A) dans le bureau.
Les causes des nuisances sont un défaut d’isolation du sol carrelé et une isolation insuffisante de l’estrade.
En page 24 de son rapport, l’expert a réalisé un tableau des nuisances subies, selon les pièces de la maison des époux [X] et selon la source du bruit. La gêne ressentie par les occupants de la maison ressort par ailleurs de nombreuses attestations versées à la procédure, dont il sera tenu compte en ce qu’elles complètent le constat objectif réalisé par l’expert. Il ressort en outre de plusieurs attestations que les nuisances causées par l’activité du bar ont pu perdurer ponctuellement au delà de l’heure de fermeture habituelle du bar, soit 21 heures et 1 heure en fin de semaine.
Le fait que les plaintes déposées par les époux [X] auprès des services de la gendarmerie ont été classées sans suite ne démontre pas l’inexistence de nuisances, alors que les’époux [X] ont été renvoyés par le parquet à saisir le cas échéant la juridiction civile (réponse du 11 mai 2017).
Les époux [X] contestent les mesures de l’expert, qui aurait sous-estimé les nuisances sonores, et critiquent la méthodologie appliquée et le défaut d’application du décret n° 2017-1244 du 7 août 2017. Mais l’expert a adapté ses investigations à l’activité du bar et aux locaux, afin de rechercher les dépassements de niveau de bruit, ce qu’il a expliqué et justifié en pages 18, 27 et 28 de son rapport. Quant aux normes appliquées, en raison de la date des mesures, l’expert a appliqué le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006, applicable au cas d’espèce et à la date de ses mesures, alors même que les époux [X] n’ont pas évoqué devant lui l’application du décret du 7 août 2017.
Au regard des constatations et des conclusions de l’expert, c’est à juste titre que le tribunal a retenu, dans son jugement du 16 décembre 2020, l’existence d’un trouble anormal du voisinage résultant du dépassement régulier des limites autorisées en matière d’émergences sonores liées à la musique amplifiée et aux bruits d’impact.
Le jugement sera confirmé pour avoir retenu l’existence d’un trouble anormal du voisinage.
2) Sur les travaux réalisés par Mme [M]
Mme [M] avait réalisé des travaux courant 2016, constatés par l’expert, mais insuffisants, soit le doublage phonique des murs et installation d’un limiteur acoustique à 77 db(A).
L’expert, dans son rapport définitif du 26 juin 2018, a préconisé la réalisation des travaux suivants, repris dans le jugement du 16 décembre 2020′:
-s’agissant de la sonorisation, la pose d’un isolant dans le plénum du plafond des salles de bar et de billard, avec désolidarisation du plafond, ou bien modifier le limiteur de pression acoustique dans la salle de billard et coupler un équaliseur permettant de limiter les basses fréquences dans les deux salles,
-s’agissant des bruits d’impact, isolation du sol de la salle de billard (permettant la dépose de l’estrade qui n’occupe que la moitié de la salle) par désolidarisation et pose de joints périphériques efficaces, et pour la salle de bar, même solution, outre une manipulation plus douce des tables et des chaises.
Mme [M] justifie avoir réalisé des travaux en mai 2019, après le dépôt du rapport d’expertise :
-montage d’un nouveau limiteur acoustique par la société Aloes, entreprise spécialisée,
-enlèvement de l’estrade dans la salle de billard et modification de l’agencement du mobilier, pose de patins sous tous les meubles,
-pose d’un isolant fibreux phonique dans le plénum, au-dessus du faux-plafond de l’établissement,
-pose d’un revêtement de sol souple dans les deux pièces, atténuant le bruit.
Mme [M] produit une étude d’impact acoustique établie le 10 juin 2021 par la société JLBI acoustique (bureau d’étude technique) qu’elle a mandatée et qui a pu faire des mesures dans la maison des époux [X]. La cour en tiendra compte, le tribunal n’ayant prescrit aucune vérification contradictoire des travaux ordonnés.
Il ressort de cette étude, qui est complète et objective, que les travaux préconisés sur le plafond, les murs et le sol ont été réalisés, que ce soient les travaux préconisés dans un premier rapport de la société JLBI acoustique du 9 décembre 2015, dans un second rapport du 18 février 2016 et dans le rapport d’expertise de M. [I] du 26 juin 2018 (repris dans le jugement).
Au 10 juin 2021, seuls les travaux d’isolation du plafond, tels que préconisés par l’expert (principe de la boîte dans la boîte) n’avaient pas encore été réalisés.
Dans son rapport la société JLBI indique que, s’agissant de la musique, malgré les travaux d’isolation acoustique du mur mitoyen, il reste des émergences excédentaires en basse fréquence et que la cause probable est une transmission latérale du bruit via le plafond ou la devanture. Quant à l’activité de billard et le déplacement de meubles le technicien conclut qu’il existe des dépassements des seuils réglementaires. Il préconise une fixation anti-vibratile des hauts parleurs, l’installation de patins sur l’ensemble du mobilier, la suppression du billard, la mise en place d’un plafond acoustique et le renforcement de l’isolation de la devanture.
Mme [M] justifie par la production des devis, d’une facture du 13 novembre 2021 et d’un procès-verbal de constat d’huissier du 8 novembre 2021 que les derniers travaux préconisés ont été réalisés. Ainsi il a été posé sur l’ensemble du plafond de l’établissement un plafond sur une suspente acoustique intégrale avec deux couches de BA 13 phonique, et laine de verre. Le billard lui-même a été en outre supprimé.
Les travaux préconisés par l’expert et ordonnés par le tribunal ayant été entièrement réalisés, il n’y pas lieu d’exiger de Mme [M] qu’elle saisisse à nouveau la société JLBI acoustique pour vérifier l’efficacité des travaux, alors que les époux [X] ne versent à la procédure aucune pièce démontrant qu’ils ont continué à subi des nuisances sonores jusqu’à la vente de leur maison le 28 février 2023.
Les pièces versées à la procédure et notamment le rapport d’expertise concluant à la réalisation de travaux pour mettre fin aux nuisances sonores, le jugement sera confirmé pour avoir ordonné ces travaux et il sera constaté qu’ils ont été réalisés, l’astreinte étant supprimée.
3) Sur la réparation du préjudice subi par les époux [X]
3-1) Sur le préjudice sanitaire
Les époux [X] réclament l’indemnisation de leur préjudice résultant de l’atteinte à leur santé.
Il ne ressort d’aucun des constats des techniciens versés à la procédure, y compris l’expert judiciaire, que la chambre à coucher des époux [X] était impactée par les nuisances sonores. Cependant compte-tenu de la réalité des nuisances sonores dans d’autres pièces, et notamment dans le séjour, il peut être retenu que cette situation a altéré la santé mentale des époux [X], notamment quant à la qualité de leur sommeil.
Ceci étant, comme le tribunal l’a rappelé, Mme [X] est suivie médicalement depuis de nombreuses années, avant juin 2014, pour des pathologies liées à un stress multifactoriel, et présente un état antérieur de fragilité psychologique et physique. Mais il est certain que la situation subie n’a pu qu’exacerber ces pathologies, ainsi qu’il ressort de plusieurs certificats médiaux.
Quant à M. [X], il ne justifie pas d’arrêt de travail liés aux nuisance sonores, le certificat médical du 6 février 2017 ne prescrivant en effet aucun arrêt de travail.
En conséquence, au regard de la durée de résidence des époux [X] dans leur maison, entre juin 2014 et février 2023, et alors que les nuisances sonores ont été décroissantes, au fur et à mesure des travaux réalisés par Mme [M], les derniers étant achevés en novembre 2021, le jugement sera confirmé pour leur avoir alloué la somme de 2000 euros chacun en réparation du préjudice constitué par la dégradation de leur état de santé.
3-2) Sur le préjudice de jouissance
Les époux [X] se sont installés dans leur maison en juin 2014. Ils l’ont quittée en février 2023, après l’avoir vendue.
Entre-temps, ils ont été gênés, de façon ponctuelle et régulière, par les nuisances sonores en provenance du bar, ainsi qu’elles sont décrites ci-dessus. Ils ne démontrent cependant pas, comme ils l’affirment qu’ils ont été gênés toutes les soirées et tous les week-ends par le bruit important émanant du bar, et ce pendant 9 années.
Il doit être relevé que dès l’année 2016, puis en 2019 et en 2021 Mme [M] a réalisé, progressivement des travaux d’insonorisation, décrits ci-dessus, et que les nuisances, dont l’intensité a peu à peu diminué, ont pris fin en novembre 2021.
Du reste, s’agissant de leur préjudice, imputable à Mme [M], les dernières pièces produites par les époux [X] sont datées du 17 octobre 2019′(certificat médical du docteur [O] mentionnant que M. [X] est sous traitement anti-dépresseur depuis 2014 pour des problèmes de voisinage) et du 29 septembre 2019 (certificat médical du docteur [W] mentionnant que Mme [X] est suivie médicalement pour un trouble anxieux chronique dû à des stress successifs et d’un syndrome myofacial étagé avec trouble de posture réactionnel à une nuisance chronique depuis 5 ans.
S’agissant des nuisances générées par les clients du bar, quand ils en sortent, il n’y a pas lieu à indemnisation, les époux [X] ayant acquis leur maison en toute connaissance de cause de l’existence du bar et alors qu’il n’est pas démontré que Mme [M] est elle-même responsable du comportement bruyant éventuel des clients à l’extérieur.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, après infirmation du jugement, il sera alloué aux époux [X] la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.
3-3) Sur le préjudice au titre de la perte de valeur de la maison
Les époux [X] ont acquis leur maison au prix de 255 000 euros le 28 juillet 2011 et l’ont revendue au prix de 289 000 euros le 28 février 2023. A cette date, les travaux d’insonorisation du bar étaient réalisés.
Les époux [X], qui réclament une indemnité de 86 000 euros, s’appuient sur l’étude de marché d’une agence immobilière affirmant, le 9 juillet 2020, que la maison a une valeur moyenne de 375 707 euros. Cette seule attestation, établie dans le cadre de la présente procédure, plus de deux ans avant la vente, et qui ne mentionne pas la présence du bar voisin, ne peut être retenue. En effet, la présence du bar, indépendamment du litige qui a opposé les parties, est un élément qui permet à un acquéreur de négocier à la baisse le prix d’achat, chaque acquéreur étant plus ou moins sensible à un tel voisinage.
Ainsi que le tribunal l’a retenu, il n’est pas démontré que le trouble anormal du voisinage causé par la présence du bar, trouble qui avait cessé en 2023, a empêché la vente de la maison à un prix plus élevé.
Le jugement sera confirmé pour avoir rejeté la demande au titre de la perte de valeur du bien immobilier.
3-4) Sur le préjudice moral
Les époux [X] justifient bien d’un préjudice moral distinct de celui de l’atteinte à leur santé et de leur préjudice de jouissance.
Ce préjudice résulte de la nécessité d’entreprendre des démarches et d’engager une procédure, source de soucis et tracas, ayant des conséquences sur leur vie quotidienne et professionnelle, ainsi que sur leur vie sociale et familiale, pour mettre fin aux nuisances subies L’impact global du trouble anormal du voisinage subi ressort des nombreuses attestations qu’ils versent à la procédure.
Après infirmation du jugement, il leur sera alloué chacun la somme de 2000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.’
4) Sur la responsabilité de la SCI DIAM
Quand le trouble du voisinage émane d’un immeuble donné en location, la victime de ce trouble peut en demander la réparation au propriétaire, qui dispose d’un recours contre son locataire lorsque les nuisances résultent d’un abus de jouissance ou d’un manquement aux obligations nées du bail.
Les époux [X] soutiennent que Mme [M] a violé les dispositions du bail.
Le bail applicable (pièce 2 de la SCI DIAM) entre Mme [M] et la SCI DIAM met de façon classique à la charge du preneur (pages 6 et 7) une obligation de jouir des lieux loués en bon père de famille et de veiller à ce que la tranquillité du voisinage ne soit troublée en aucune manière du fait de l’activité du preneur.
Il ressort de ce qui est retenu que Mme [M] n’a pas respecté cette clause du bail en ce que son activité a eu un impact sur la tranquillité du voisinage.
En conséquence, contrairement à ce que le tribunal a retenu, la responsabilité de la SCI DIAM en sa qualité de propriétaire du fonds d’où provient le trouble anormal du voisinage et en sa qualité de bailleur est engagée envers les époux [X].
Après infirmation du jugement, la SCI DIAM sera condamnée, in solidum avec Mme [M], à indemniser les époux [X].
5) Sur le recours de la SCI DIAM à l’encontre de Mme [M]
Le bail commercial stipule, en pages 6 et 7′: « Le preneur fera son affaire personnelle, sans que le bailleur puisse être inquiété ou recherché, de toute réclamation ou contestation qui pourrait survenir du fait de son activité dans les lieux loués notamment avec les occupants de l’immeuble, les voisins ou les tiers pour bruit, odeur, chaleur ou trépidation causé par lui ou par les appareils lui appartenant.
Au cas ou néanmoins le bailleur aurait à payer certaines sommes du fait du locataire, celui-ci serait tenu de les lui rembourser’»
La demande en garantie de la SCI DIAM, en application de ces dispositions contractuelles, à l’encontre de Mme [M] est bien fondée et il y sera fait droit.
6) Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [M]
Mme [M] renouvelle devant la cour sa demande de dommages et intérêts à l’encontre des époux [X] en réparation de son préjudice moral causé par leur acharnement, leur intention de lui nuire et leur harcèlement moral.
Le tribunal, comme la cour, a retenu que Mme [M] est responsable d’un trouble anormal du voisinage subi par les époux [X]. Si Mme [M] a fait réaliser des travaux pour mettre fin aux nuisances sonores émanant de son établissement, ces travaux n’ont été achevés qu’en novembre 2021.
Il n’est pas démontré dans ces conditions que les époux [X], en agissant à son encontre et en sollicitant la réalisation de travaux d’insonorisation efficaces et la réparation de leur préjudice, ont agi dans l’intention de lui nuire.
Sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.
5) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement sera confirmé pour avoir condamné Mme [M] aux dépens, y compris les frais d’expertise.
Il sera également confirmé pour avoir condamné Mme [M] à payer aux époux [X] et à la SCI DIAM une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens exposés en appel seront laissés à la charge des parties qui les ont exposés et les demandes respectives des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel, seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 16 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lorient en ce qu’il a’:
-condamné Mme [M] à réaliser les travaux préconisés par l’expert,
-débouté les époux [N] et [L] [X] de leur demande au titre de la perte de valeur de leur maison,
-débouté les époux [N] et [L] [X] de leur demande de dommages et intérêts pour défense abusive,
-condamné Mme [T] [M] aux dépens comprenant les frais d’expertise, à payer aux époux [N] et [L] [X] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à payer la SCI DIAM la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Constate que les travaux ordonnés par le jugement du 16 décembre 2020 ont été réalisés par Mme [T] [M],
Infirme le jugement de ses autres chefs,
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum Mme [T] [M] et la SCI DIAM à payer aux époux [N] et [L] [X] les sommes suivantes’:
-la somme de 2000 euros de dommages et intérêts chacun au titre de l’impact sanitaire,
-la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,
-la somme de 2000 euros de dommages et intérêts chacun au titre de leur préjudice moral personnel,
Déboute Mme [T] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne Mme [T] [M] à garantir la SCI DIAM du paiement de l’ensemble des condamnations prononcées à l’encontre de celle-ci,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens d’appel à la charge des parties qui les ont exposés.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE