Nuisances sonores : décision du 27 juillet 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01262

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Nuisances sonores : décision du 27 juillet 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01262
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/01262 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FP7M

Minute n° 23/00140

S.A.R.L. GARAGE DE CHATEL

C/

S.C.I. FONCIERE PVS

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 21 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 18/03716

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 27 JUILLET 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. GARAGE DE CHATEL Représentée par son gérant

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.C.I. FONCIERE PVS prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 02 Février 2023 , l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 27 Juillet 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 16 mars 2006, M. [M] [E] a donné à bail commercial à la SARL Garage de Châtel des locaux commerciaux situés [Adresse 1] à [Localité 3], comprenant un rez-de-chaussée d’une surface de 400 m2, un système de chauffage au gaz, une installation électrique et une autorisation de stationnement sur le côté du parc.

Le bail a été conclu pour une durée de 9 ans à compter du 16 mars 2006 jusqu’au 16 mars 2015, pour un loyer annuel de 8 400 euros hors taxes et hors charges, payable mensuellement.

La SAS Plebiscites est venue aux droits de M. [E], puis par un courrier du 5 octobre 2009, la SCI Foncière PVS a informé la SARL Garage de Châtel qu’elle était propriétaire des locaux.

Le 27 février 2015, la SARL Garage de Châtel a signifié une demande de renouvellement de bail commercial à la SAS Plebiscites.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 septembre 2017, la SARL Garage de Châtel a notifié à la SCI Foncière PVS son intention d’exercer une autre activité consistant en la réparation de véhicules d’occasion et la vente de pièces détachées de véhicules à moteur.

Par courrier daté du 25 octobre 2017, la SCI Foncière PVS a notifié à la SARL Garage de Châtel le refus d’accéder à cette demande.

Un commandement visant la clause résolutoire du bail a été signifié au demandeur le 16 novembre 2018, la SCI Foncière PVS invoquant l’inexécution de l’article 4 du bail prévoyant l’obligation faite au preneur des locaux d’exercer une activité d’achat, vente, exposition de tout véhicule neuf et d’occasion à moteur.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail lui a été signifié le même jour, à hauteur de 17 255,66 euros en principal.

Par acte d’huissier du 10 décembre 2018, la SARL Garage de Châtel a fait assigner la SCI Foncière PVS devant le tribunal de grande instance de Metz en vue d’annuler les commandements visant la clause résolutoire.

Par conclusions du 2 octobre 2019, la SARL Garage de Châtel a demandé au tribunal de :

– débouter la SCI Foncière PVS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– allouer à la SARL Garage de Châtel le bénéfice des conclusions contenues dans son assignation,

En conséquence,

– annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail délivré par la SCI Foncière PVS à la SARL Garage de Châtel en date du 16 novembre 2018 pour violation de la clause « Destination » figurant à l’article 4 du bail,

– annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail délivré par la SCI Foncière PVS à la SARL Garage de Châtel en date du 16 novembre 2018 pour un impayé de 17 255,66 euros,

À titre subsidiaire,

– dire et juger que les sommes de 3 515,56 euros et 2 090,96 euros figurant en annexe de ce commandement au titre des intérêts de première part et du foncier de seconde part ne sont pas dues et cantonner en conséquence les effets du commandement à la somme de 11 649,14 euros,

En tout état de cause, reconventionnellement,

– condamner la SCI Foncière PVS à payer à la SARL Garage de Châtel la somme de 11 649,14 euros et compenser cette condamnation avec la créance de 11 649,14 euros correspondant à l’arriéré résultant de l’application de la clause d’échelle mobile calculé en une seule fois sur cinq années,

En tout état de cause,

– accorder des délais de paiement à la SARL Garage de Châtel à hauteur de 24 mois sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil et ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire,

– condamner la SCI Foncière PVS à payer à la SARL Garage de Châtel à payer une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SCI Foncière PVS en tous les frais et dépens de la procédure en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Par conclusions du 17 décembre 2019, la SCI Foncière PVS a demandé au tribunal, visa des articles L. 145-17 et L. 145-41 du code de commerce, de l’article 1134 ancien du code civil devenu les articles 1103 et 1104 du code civil et l’article 1345-5 du code civil, de :

– dire et juger la demande de la SARL Garage de Châtel irrecevable et mal fondée,

En conséquence,

– la débouter de l’ensemble de ses demandes,

– dire et juger que le commandement portant sur la violation de la clause destination du bail visant la clause résolutoire est valable et bien fondé,

– dire et juger que le commandement de payer visant la clause résolutoire est valable et bien fondé,

– constater la résolution judiciaire du contrat de bail intervenue de plein droit le 16 décembre 2018, soit un mois après la délivrance du commandement visant la clause résolutoire, et que la SARL Garage de Châtel occupe, depuis cette date, les lieux sans droit ni titre,

– ordonner l’expulsion de la SARL Garage de Châtel des lieux loués au [Adresse 1], ainsi que de tout occupant de son chef, dans les huit jours de la décision à intervenir, avec au besoin l’assistance de la force publique et d’un serrurier,

– débouter la SARL Garage de Châtel de ses prétentions, et singulièrement de ses demandes de suspension des effets de la clause résolutoire et de délais de paiement, celle-ci ayant déjà bénéficié de délais amiables,

Subsidiairement, et dans l’hypothèse où des délais seraient accordés,

– dire que les sommes qui seront versées par la SARL Garage de Châtel s’imputeront en priorité sur les loyers, charges et accessoires courants, puis sur les termes venus à échéance postérieurement à la délivrance de la mise en demeure, l’arriéré dû au titre de la mise en demeure n’étant apuré qu’en outre,

– dire que faute pour la SARL Garage de Châtel de respecter les délais accordés, et de régler, dans le même temps, les loyers, charges et accessoires courants, les termes échus postérieurement à la mise en demeure de l’arriéré, l’intégralité des sommes dues deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise, et la SCI Foncière PVS pourra dès lors poursuivre l’expulsion de la SARL Garage de Châtel ainsi que celle de tous occupants de son chef du local susvisé, avec au besoin le concours de la force publique et l’aide d’un serrurier,

En toute hypothèse,

– condamner la SARL Garage de Châtel à payer à la SCI Foncière PVS la somme de 25 741,80 euros TTC au titre des arriérés de loyer, des intérêts conventionnels et des quote-part de taxes foncières arrêtée au 16 décembre 2018, date de résiliation,

– condamner la SARL Garage de Châtel à payer à la SCI Foncière PVS la somme de 1 200 euros par mois au titre de l’indemnité d’occupation, taxes et charges en sus, et ce, jusqu’à la libération effective des locaux,

– dire et juger que le dépôt de garantie d’un montant de 1 400 euros reste acquis à la SCI Foncière PVS à titre d’indemnité de résiliation,

– condamner la SARL Garage de Châtel à payer à la SCI Foncière PVS la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SARL Garage de Châtel aux entiers dépens y compris les frais des commandements et de mise en demeure,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement du 21 avril 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

– déclaré la SARL Garage de Châtel, prise en la personne de son représentant légal, recevable en son action,

– constaté que la clause résolutoire du bail liant la SARL Garage de Châtel à la SCI Foncières PVS prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de M. [E] sur les locaux commerciaux situés [Adresse 2] à [Localité 3] est acquise au 16 décembre 2018,

– constaté par conséquent la résiliation du bail commercial signé le 16 mars 2006 liant la SARL Garage du Châtel à la SCI Foncières PVS prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de M. [M] [E] sur les locaux commerciaux situés [Adresse 2] à [Localité 3] à la date du 16 décembre 2018,

– ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente décision, l’expulsion de la SARL Garage de Châtel prise en la personne de son représentant légal des locaux commerciaux qu’elle occupe [Adresse 1] à [Localité 3] ainsi que de tous les occupants de son chef, au besoin, avec le concours de la force publique, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement,

– condamné la SARL Garage de Châtel, prise en la personne de son représentant légal à payer à la SCI Foncières PVS prise en la personne de son représentant légal les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2018 :

– la somme de 11 649,14 euros au titre des arriérés de loyer dus à la clause d’indexation pour la période du 1er septembre 2013 au 1er août 2018,

– la somme de 3 515,56 euros au titre des intérêts de retard conventionnellement prévu dans le bail,

– la somme de 2 090,96 euros au titre de la quote-part de taxe des ordures ménagères pour les années 2013 à 2016,

– condamné la SARL Garage du Châtel, prise en la personne de son représentant légal à payer à la SCI Foncières PVS, prise en la personne de son représentant légal, une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et des charges dus si le bail n’avait pas été résilié, tout mois commencé étant dû en totalité et chaque indemnité étant augmentée des intérêts au taux légal à compter de chaque terme impayé, ce à compter du 16 décembre 2018 jusqu’à la libération effective des locaux par remise des clés,

– rejeté la demande de délais de paiement,

– dit que le dépôt de garantie de 1 400 euros restera acquis à la SARL Garage de Châtel,

– débouté la SARL Garage de Châtel, prise en la personne de son représentant légal, de l’intégralité de ses demandes,

– condamné la SARL Garage de Châtel, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SCI Foncières PVS, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SARL Garage de Châtel, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL Garage de Châtel, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens en ce compris les frais de commandement,

– prononcé l’exécution provisoire du jugement.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a considéré, s’agissant du commandement portant sur la violation de la clause de destination du bail, que l’argumentation tirée de l’imprécision de la validité du commandement visant la clause résolutoire du bail ne peut prospérer au regard du contenu de cet acte qui vise expressément l’inexécution de l’article 4 du bail, soit l’obligation faite au preneur des locaux d’exercer une activité d’achat, vente exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur dont la défenderesse reconnaît avoir été parfaitement informée par la mise en demeure préalable dont elle a accusé réception le 16 novembre 2018.

Le tribunal a souligné qu’il n’est pas établi en l’espèce que le représentant légal de la SCI Foncière PVS ait été préalablement informé de la modification des statuts de la SARL Garage de Châtel, de sa nouvelle activité de réparation automobile et de la vente de pièces automobiles par celle-ci, de sorte que la SCI Foncière PVS n’a pas donné son accord exprès à ces nouvelles activités en connaissance de cause, d’autant plus que l’extension des activités de la SARL Garage de Châtel n’a fait l’objet d’une publication au BODACC que le 24 juin 2015.

S’agissant de la demande de déspécialisation partielle formée par lettre recommandée avec accusé de réception par la SARL Garage de Châtel, le tribunal a relevé que la SCI Foncière PVS a refusé cette demande dans le délai légal de deux mois par lettre recommandée datée du 25 octobre 2017. Il a ajouté que l’article 8 du bail commercial permet au preneur de sous-louer une quote-part de sa location, mais que l’activité exercée par la SAS Multi-pièces, dont la sous-location a été consentie par la SARL Garage de Châtel, peut difficilement être envisagée comme connexe ou complémentaire au commerce et à l’exposition de véhicules. De même, concernant la réparation de véhicules d’occasion, le tribunal a estimé qu’il ne s’agit pas d’activités pouvant être considérées comme connexes ou complémentaires à la vente de véhicules puisque l’activité initialement prévue au bail s’apparente à une activité à dominante commerciale et ne relevant pas du domaine de la mécanique, de sorte que la clause résolutoire du bail liant les parties est acquise au 16 décembre 2018.

S’agissant du commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire du bail, le premier juge a relevé que le montant réclamé au titre des loyers pour la période du 1er septembre 2013 au 1er août 2018 ne fait pas l’objet de contestations dans son quantum et a retenu que la réclamation du bailleur ne peut être qualifiée de fautive, qu’il appartenait au locataire d’ajuster chaque année le montant du loyer versé et le fait que le bailleur ne se soit pas prévalu de la clause d’indexation pendant plusieurs années ne vaut pas renonciation.

Il a également considéré que la somme réclamée à titre d’intérêts de retard sur les arriérés de loyers dus à la clause d’indexation n’est pas contestée, que la SCI Foncière PVS est bien fondée à solliciter les pénalités de retard dues au non-respect de la clause d’indexation des loyers.

S’agissant de la quote-part de taxe des ordures ménagères de la SARL Garage de Châtel pour les années 2013 à 2016, le tribunal a ajouté que le montant réclamé est justifié et n’est pas davantage contesté, la SCI Foncière PVS versant aux débats le décompte des ordures ménagères ainsi que les avis d’impôt pour cette période.

Sur l’octroi de délai de paiement, le tribunal a rappelé que l’octroi de délai de paiement suppose une appréciation de la situation du débiteur mais que seul le bilan et compte de résultat pour l’année 2017 est produit par la SARL Garage de Châtel, de sorte qu’aucun élément ne permet d’évaluer la situation actuelle des parties, notamment d’éventuelles difficultés d’exploitation commerciale du demandeur.

Sur l’indemnité de résiliation, le tribunal a considéré, dans les motifs du jugement, que la somme versée au titre du dépôt de garantie reste acquise à la bailleresse, la SCI Foncière PVS, en vertu de l’article 11 du bail. Il a estimé s’agissant de l’indemnité d’occupation qu’aucune clause du contrat ne prévoit la fixation de l’indemnité d’occupation en cas de résolution du contrat et qu’aucune circonstance ne justifie de porter le montant de cette indemnité à une somme supérieure à celle du loyer.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 12 mai 2021, la SARL Garage de Châtel, a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement infirmation du jugement rendu le 21 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Metz dans toutes ses dispositions.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 6 juillet 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SARL Garage de Châtel demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231-5 et 1343-5 du code civil, de :

– faire droit a’ l’appel.

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 21 avril 2021 en toutes ses dispositions,

– juger que le commandement de payer du 16 novembre 2018 visant la clause destination ne mentionne pas l’activité illicite reprochée,

– juger que l’activité de réparation de la SARL Garage de Châtel, prévue dans ses statuts initiaux, a été autorisée par les propriétaires successifs et en tous cas par l’attestation de mise à disposition signée par M. [R],

– juger que le commandement nul et de nul effet, avec toutes conséquences de droit,

– juger abusif et frauduleux le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, concernant la réclamation financière de 17 255,66 euros,

– le déclarer nul et de nul effet avec toutes conséquences de droit,

– débouter la SCI Foncière PVS de sa demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial et d’expulsion avec toutes conséquences de droit,

– condamner la SCI Foncière PVS à payer à la SARL Garage de Châtel, à titre de dommages et intérêts, la somme de 11 649,14 euros,

– prononcer la compensation judiciaire de cette condamnation avec la créance de 11 649,14 euros correspondant à l’arriéré résultant de l’application de la clause d’échelle mobile,

– accorder des délais de paiement pour les sommes non contestées par la SARL Garage de Châtel et ordonner, du fait de l’obtention de ces délais, la suspension des effets de la clause résolutoire,

– constater que la SARL Garage de Châtel a réglé la totalité des causes du commandement visant l’arriéré financier, en cours de procédure le 31 mai 2021,

– dire n’y avoir lieu à constater la résiliation du bail commercial et rejeter la demande de l’intimée,

– débouter la SCI Foncière PVS de l’ensemble de ses moyens, fins, conclusions et demandes,

Subsidiairement,

– réduire la demande,

Toujours subsidiairement,

– juger que l’activité de réparation de véhicules d’occasion et de vente de pièces détachées de véhicules à moteur, visée dans le courrier de l’intimée du 25 octobre 2017, est une activité complémentaire, subsidiairement connexe de l’activité autorisée par le bail à la SARL Garage de Châtel,

En tout état de cause,

– condamner la SCI Foncière PVS à payer à la SARL Garage de Châtel la somme de 6 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SCI Foncière PVS aux dépens de première instance et d’appel,

Subsidiairement,

– rejeter subsidiairement réduire les prétentions de la SCI Foncière PVS quant à la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL Garage de Châtel rappelle, à titre liminaire, qu’un litige est d’abord survenu entre les parties suite à un contrôle de l’inspection du travail, relevant que les normes électriques n’étaient pas conformes, que la SARL Garage de Châtel a répercuté le coût des travaux de mise aux normes au bailleur, qui a refusé de les financer, et qu’elle a adressé au bailleur, le 18 octobre 2018 une lettre recommandée avec accusé de réception pour obtenir le détail des arriérés de charges qui lui étaient facturés par le bailleur ainsi que les justificatifs de l’ensemble des charges. L’appelante estime que le bailleur a réagi à cette demande en adressant deux commandements visant la clause résolutoire, l’un concernant le non-respect de l’article 4 du bail commercial relatif à la destination alors que selon elle le bailleur avait autorisé expressément l’activité par une attestation de mise à disposition du 23 mars 2011.

Sur la nullité du commandement visant la clause résolutoire du 16 novembre 2018 quant à la clause de destination du bail, la SARL Garage de Châtel fait valoir que le commandement doit être précis et doit permettre au preneur de prendre la mesure exacte des injonctions et d’y apporter une réponse appropriée dans le délai requis et que à défaut, le commandement est nul. Il souligne que le commandement visant la clause de destination ne mentionne pas la nature de l’activité illicite ou contraire à la destination du bail reprochée par le bailleur au locataire et que, si le bailleur avait fait connaître préalablement sa position par une lettre du 25 octobre 2017 dans laquelle il reprochait à son locataire d’exercer une activité nouvelle consistant en la réparation des véhicules d’occasion et la vente de pièces détachées de véhicules à moteur, cette définition et cette nouvelle activité n’ont pas été reprises dans le commandement.

L’appelante ajoute que seul le commandement peut entraîner l’application de la clause résolutoire et non pas une lettre qui n’y est pas annexée. Elle souligne que la lettre de mise en demeure du 16 novembre 2018 n’est pas annexée au commandement visant la clause résolutoire et ne visant pas à l’obtention de la clause résolutoire. Elle soutient que cette mise en demeure est inopérante car se référant à des infractions prétendues au bail ne pouvant exister. Concernant le fait que la SARL Garage de Châtel aurait autorisé la SAS Multi pièces auto à fixer son siège social dans les locaux loués par la SCI Foncières PVS, l’appelante soutient que le local loué à cette société est situé sur la parcelle n°[Cadastre 5] appartenant à la SCI ABW et que, depuis avril 2019, la SAS Multi pièces auto a quitté les locaux dont la SARL Garage de Châtel a repris l’exploitation.

La SARL Garage de Châtel affirme avoir exploité licitement l’activité de réparation automobile expressément visée dans ses statuts initiaux du 14 novembre 2005 ainsi que dans les statuts mis à jour au 31 janvier 2011, et que l’activité de réparation était connue des bailleurs successifs qui n’ont jamais émis la moindre contestation sur le développement de cette activité. Elle soutient que l’article 3 des statuts initiaux et l’article 3 des statuts mis à jour au 31 janvier 2011 prévoient tous deux dans l’objet social la réparation automobile et toutes les activités connexes et complémentaires se rattachant à cet objet. Elle souligne que la modification des statuts du 31 janvier 2011 ne concerne que l’adresse du siège social, et qu’elle est parue dans un journal d’annonces légales le 27 février 2011, soit antérieurement à l’autorisation signée par M. [R] le 23 mars 2011.

Elle estime que la modification publiée au BODACC le 24 juin 2015 n’a aucune incidence sur le litige et la clause destination du bail, tout comme elle ne prive pas de son effet l’autorisation expresse et écrite du 23 mars 2011, puisque les statuts initiaux et les statuts modifiés contenaient la même définition quant à l’objet social qui visait expressément la réparation automobile.

L’appelante ajoute qu’elle a commis une erreur de droit avec son ancien conseil en demandant la déspécialisation alors qu’elle disposait de l’autorisation expresse du 23 mars 2011.

Elle affirme que l’activité de réparation exploitée dans les locaux loués est licite au regard du bail et de l’attestation de mise à disposition des locaux du 23 mars 2011 et rappelle qu’un totem implanté en bord de voie publique démontre qu’il s’agit d’un garage avec entretien mécanique, dépannage et réparation. Elle soutient que M. [R], gérant de la SCI Foncière PVS, ne pouvait ignorer la nature même de l’activité qu’elle exerçait. La SARL Garage de Châtel considère en outre que l’activité de réparation est connexe ou complémentaire à l’activité visée dans le bail commercial.

Elle estime que le commandement a été délivré de mauvaise foi et doit être annulé.

Sur la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire, la SARL Garage de Châtel soutient que la réclamation de sommes doit être formée de bonne foi par le bailleur, que la réclamation de manière déloyale et brutale de sommes constitue une faute du bailleur dans l’exécution du contrat qui engage sa responsabilité envers le locataire et que, en l’espèce, ce rappel d’indexation est réclamé de manière brutale et déloyale par le bailleur, de sorte que cette réclamation de mauvaise foi rend nul le commandement de payer visant la clause résolutoire.

S’agissant des intérêts, l’appelante considère que le tribunal a dénaturé le commandement visant la clause résolutoire du 16 novembre 2018 en incluant une somme de 3 515,56 expressément qualifiée par le bailleur d’intérêts alors qu’il s’agit d’une réclamation au titre d’une pénalité en application de l’article 9 du bail commercial qui la qualifie de pénalité de retard. Elle rappelle également que les pénalités de retard sont réductibles lorsqu’elles sont manifestement excessives, ce qui est le cas selon elle s’agissant d’un taux mensuel de 1 %, soit 12% sur une année.

S’agissant des loyers, la SARL Garage de Châtel soutient qu’il ne s’agit pas de loyers impayées mais d’une application de la clause d’échelle mobile, le bailleur réclamant en une seule fois cinq ans d’arriérés d’indexation, et considère que cette attitude du bailleur est fautive et engage sa responsabilité causant un préjudice équivalent au locataire.

S’agissant de l’impôt foncier, l’appelante considère que le bailleur ne produit pas les justificatifs des dépenses engagées au titre du foncier.

Elle souligne également avoir réglé les causes du commandement de payer dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement, de sorte qu’elle s’estime fondée à demander la suspension des effets de la clause résolutoire, des délais de grâce ainsi que la constatation que, du fait des règlements intervenus soldant la totalité de la réclamation et de l’exécution de bonne foi du bail en réglant ponctuellement ses loyers et ses charges pour leur totalité, il n’y a pas lieu de constater la résiliation du bail commercial. Concernant la situation des parties, elle précise que la confirmation du jugement aboutirait à une perte considérable pour le locataire qui perdrait son fonds de commerce ainsi que la valeur de ce fonds de commerce.

Par conclusions déposées le 31 mai 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SCI Foncière PVS demande à la cour de :

– dire et juger l’appel non fondé,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter la SARL Garage de Châtel de toutes ses demandes,

– condamner la SARL Garage de Châtel aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à payer à la SCI Foncière PVS une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le commandement portant sur la violation de la clause de destination du bail, la SCI Foncière PVS considère que l’appelante n’apporte aucun élément qui justifierait l’infirmation du jugement entrepris, qu’elle était parfaitement informée, avant la délivrance du commandement, de la contestation du bailleur pour l’adjonction de l’activité de réparation de véhicules d’occasion et la vente des pièces détachées de véhicules à moteur, sollicitée dans la lettre du 30 septembre 2017.

L’intimée soutient que l’appelante ne pouvait ni ignorer les manquements qui lui étaient reprochés, pour lesquels il devait être remédié, ni soutenir que le commandement délivré serait imprécis et n’exprimant pas le grief mobilisé d’autant plus qu’il lui a été signifié le commandement reposant sur la clause destination et une mise en demeure visant l’article L.145-17 du code de commerce et que la SCI Foncière PVS a clairement exprimé son refus de modifier la destination contractuelle du bail.

Elle ajoute que le locataire qui entend exercer une ou plusieurs activités connexes ou complémentaires doit notifier son intention d’entreprendre ces activités au bailleur par un acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec accusé de réception et que selon elle les activités de garage et de location de voitures indiquées sur l’extrait Kbis de la société ne sauraient constituer des activités connexes ou complémentaires à celles autorisées dans le bail qui sont des activités exclusivement commerciales ne nécessitant pas d’aménagements particuliers et n’entraînant aucun risque de pollution environnementale ou de nuisances sonores.

La SCI Foncière PVS précise que la SARL Garage de Châtel ne peut comparer cette situation à celle des concessionnaires automobiles puisqu’elle ne dispose d’aucune exclusivité commerciale et n’est pas soumise aux exigences imposées dans les contrats de concession.

Elle fait valoir que la prétendue autorisation de la SCI Foncière PVS ne manifeste pas clairement et de manière non équivoque une autorisation de la société bailleresse pour l’exercice dans les locaux loués des activités qu’elle a explicitement refusées dans sa lettre du 25 octobre 2017, que cette attestation n’indique pas que sont autorisées les activités de réparation de véhicules d’occasion et de vente de pièces détachées de véhicules à moteur, ne faisant que référence à l’objet social de l’appelante, sans le définir.

L’intimée souligne qu’il n’est pas établi que son représentant légal ait été préalablement informé de la modification des statuts de la société, de la nouvelle activité de réparation automobile et de la vente de pièces automobiles du locataire, et que l’extension des activités de l’appelante n’a fait l’objet d’une publication au BODACC que le 24 juin 2015. Elle ajoute que celle-ci a formulé une demande de déspécialisation à son bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 septembre 2017, manifestant l’absence d’accord préalable de l’intimée, dont le refus a été exprimé par le bailleur le 25 octobre 2017 et n’a fait l’objet d’aucune contestation devant le tribunal judiciaire.

Sur le commandement de payer visant la clause résolutoire, et plus particulièrement sur les indexations de loyer, la SCI Foncière PVS soutient n’avoir commis aucune faute, être parfaitement fondée à réclamer les arriérés de loyer dus au titre de la non-application totale de la clause d’indexation ainsi qu’à faire délivrer un commandement de payer de ce chef visant la clause résolutoire. Elle ajoute ne pas avoir renoncé au jeu de la clause d’indexation prévue au bail et avoir joint au commandement de payer un décompte détaillé des arriérés de loyer causés par la clause d’échelle mobile ainsi que des sommes dues en principal par la société locataire.

Sur les intérêts, l’intimée rappelle que les stipulations du bail commercial prévoient qu’il n’est pas nécessaire d’adresser une mise en demeure quelconque en ce qui concerne les pénalités de retard et que, compte tenu de celles-ci, la SCI Foncière PVS est bien fondée à solliciter les pénalités dues au non-respect de la clause d’indexation des loyers.

Sur l’impôt foncier, la SCI Foncière PVS soutient que la créance réclamée porte uniquement sur la quote-part de taxes des ordures ménagères pour les années 2013 à 2016, composant de la taxe foncière, et que la SARL Garage de Châtel en avait parfaitement connaissance.

S’agissant de la demande de délais, l’intimée oppose à l’appelante qu’elle ne justifie d’aucune raison valable pour obtenir de tels délais, que le règlement opéré par la SARL Garage de Châtel démontrant qu’elle aurait pu régler les sommes dues et qu’elle ne produit aucun élément justifiant de la suspension des effets de la clause résolutoire.

MOTIVATION

Observations concernant les moyens soulevés dans le dispositif des conclusions de l’appelante :

Selon l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel (‘.) doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée (…).

Les conclusions comprennent distinctement (‘) une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. (…).

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les mentions suivantes figurant dans le dispositif de l’appelante :

– juger que le commandement de payer du 16 novembre 2018 visant la clause destination ne mentionne pas l’activité illicite reprochée,

– juger que l’activité de réparation de la SARL Garage de Châtel, prévue dans ses statuts initiaux, a été autorisée par les propriétaires successifs et en tous cas par l’attestation de mise à disposition signée par M. [R],

constituent des moyens et non pas des prétentions.

Sur la résiliation de plein droit du bail suite à commandement visant la clause résolutoire et l’article 4 du bail :

Selon l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, et le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le bail conclu par les parties comporte à l’article 13 une clause résolutoire, à défaut de paiement d’un seul terme de loyer ou de charges, ou d’inexécution d’une seule des clauses du bail, et ce un mois après un commandement de payer ou une sommation d’exécuter.

Par ailleurs le bail comporte à l’article 4 – Destination une clause précisant que les locaux seront utilisés par le preneur à usage commercial et industriel, et qui ajoute « il pourra y exercer une activité d’achat, vente, exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur. Sous réserve de l’application des articles L 145-47 à L. 147-55 du code de commerce, tout changement même temporaire dans la destination des lieux ou la nature du commerce exploité, ainsi que toutes activités annexes ou complémentaires devront recevoir l’accord exprès préalable et écrit du bailleur sous peine de résiliation du présent bail.

Le preneur s’interdit toute activité bruyante susceptible d’apporter un trouble quelconque de voisinage dans l’immeuble (‘.)».

Le commandement visant la clause résolutoire du bail délivré le 16 novembre 2016 par acte d’huissier de justice à la SARL Garage le Châtel précise : « je vous fais commandement visant la clause résolutoire du bail, au motif : de l’inexécution d’une clause du bail (Article 4 ‘ Destination) reproduite ci-après, faisant obligation au preneur des locaux « d’y exercer une activité d’achat, vente, exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur ».

Le commandement reproduit en outre la clause « article 4 – Destination », ainsi que la clause résolutoire du bail figurant à l’article 13. Il mentionne également que le bailleur entend se prévaloir de la clause résolutoire, aux termes de lequel le bail sera résilié de plein droit un mois après le commandement s’il est demeuré infructueux. Il comporte in fine la reproduction de l’article L. 145-41 du code de commerce.

Le commandement visant la clause résolutoire n’a certes pas indiqué à la SARL Garage le Châtel quelle activité non conforme à la clause de l’article 4 il lui reprochait d’exercer.

En revanche, en précisant « je vous fais commandement visant la clause résolutoire du bail, au motif : de l’inexécution d’une clause du bail (Article 4 ‘ Destination) reproduite ci-après, faisant obligation au preneur des locaux « d’y exercer une activité d’achat, vente, exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur », le commandement mentionne avec précision la nature de l’infraction au bail qui est reprochée au preneur, consistant à ne pas exécuter l’obligation d’exercer une activité « d’achat, vente, exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur ».

Dès lors ce commandement de payer a permis à la SARL Garage de Châtel de comprendre le manquement au bail qui lui était reprochée, et de prendre la mesure de l’injonction qui lui était délivrée de faire cesser toute activité autre que celle « d’achat, vente, exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur » rappelée dans le commandement, dans le délai d’un mois.

Il n’était donc pas nécessaire pour le bailleur d’exposer à la SARL Garage de Châtel la ou les activités qu’elle exerçait en contradiction avec l’article 4 du bail, celle-ci en ayant parfaitement connaissance.

Par ailleurs, l’attestation de mise à disposition des locaux signée le 23 mars 2011 par M. [R], en qualité de gérant de la SCI foncière PVS, attestant que les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 3] sont mis à disposition de la société SARL Garage de Châtel « pour y établir le siège social de son exploitation et y exercer toutes activités conformément à son objet » ne constitue pas un avenant au bail, en ce qu’elle n’est pas signée par les deux parties, et en ce qu’elle ne fait aucune référence à une clause quelconque du bail et à sa modification éventuelle d’un commun accord entre les parties.

En outre la formulation de cette attestation est équivoque, en ce que les « activités conformément à son objet » ne sont pas précisées clairement. Il n’est pas non plus démontré que M. [R] avait eu connaissance du contenu des premiers statuts de la SARL Garage Châtel, ni des statuts modifiés relativement à l’adresse du siège social, ni qu’il avait conscience de la signification juridique de l’expression « son objet », ni encore de l’interprétation et de la portée que la locataire donnerait à la fin de cette phrase. Il ne ressort donc pas de cette attestation un accord clair et non équivoque de la bailleresse pour l’exercice des activités de réparation de véhicule et vente de pièces détachées.

Si la modification des statuts en date du 31 janvier 2011 et sa publication dans un journal d’annonce légal le 27 février 2011 a rendu les statuts opposables aux tiers, cela n’a en revanche pas d’incidence sur les activités autorisées dans le cadre du bail commercial. La modification de l’article 4 du bail devait intervenir d’un commun accord entre les parties au bail. Un éventuel accord clair et non équivoque de la bailleresse pour une telle modification n’est en conséquence pas démontré.

Par ailleurs, ainsi que l’ont justement observé les premiers juges, la demande de déspécialisation partielle du local commercial faite par la preneuse en date du 30 septembre 2017 en se prévalant de l’article L. 145-47 du code de commerce, contredit l’existence d’un accord antérieur de M. [R] quant à l’exercice d’une activité de réparation de véhicules et de vente de pièces détachées dans ces locaux.

Si l’appelante soutient avoir fait une erreur de droit pour avoir considéré, sur les conseils de son ancien avocat, qu’une demande de déspécialisation était nécessaire malgré l’attestation du 23 mars 2011, pour autant il lui incombait de rappeler des faits exacts dans la lettre signée par son gérant. Or les termes mêmes de cette lettre du 30 septembre 2017 contredisent les allégations formulées par la SARL Garage de Châtel dans le cadre de la présente procédure, puisqu’elle avait indiqué dans ce courrier qu’elle exerçait dans les locaux loués l’activité d’achat, vente, exposition de tous véhicules prévue par l’article 4, qu’elle informait la bailleresse de son « intention d’exercer une autre activité (…)  consistant dans la réparation de véhicules d’occasion et la vente de pièces détachées», et qu’il s’agissait d’une « nouvelle activité ».

De plus M. [R], gérant de la SCI Foncière PVS, qui n’était pas tenu de motiver sa contestation, a refusé de manière non équivoque l’exercice d’une activité nouvelle de réparation de véhicules d’occasion et vente de pièces détachées dans les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] par lettre recommandée du 25 octobre 2017, soit dans le délai de 2 mois prévu par l’article L. 145-47 du code de commerce.

Aucune des parties n’ayant saisi le tribunal pour que cette contestation soit tranchée ainsi que prévu par l’article L. 145-47 du code de commerce, la SARL Garage de Châtel n’était pas en droit d’exercer les activités contestées par la bailleresse, de sorte que la bailleresse pouvait se prévaloir d’une infraction à l’article 4 du bail non modifié.

En outre une déspécialisation partielle ne peut pas être accordée par une décision judiciaire rétroactive intervenant après la délivrance du commandement visant la clause résolutoire du bail.

Dans sa lettre du 19 décembre 2017 l’avocat précédent de la SARL Garage de Châtel a indiqué que l’activité de garage était ancienne et antérieure à l’achat par la SCI Foncière PVS, et connue des bailleurs antérieurs, mais il n’a pas fait référence à l’attestation du 23 mars 2011 ni à un éventuel accord pour la déspécialisation donné par M. [R] en qualité de gérant de la bailleresse.

Le fait que le bailleur ait eu connaissance des activités exercées par la locataire dans les lieux loués sans réagir durant plusieurs années ne caractérise pas non plus une renonciation claire et non équivoque à se prévaloir de l’article 4 des statuts.

Enfin la bonne foi est présumée et il incombe à celui qui invoque la mauvaise foi de la démontrer.

Dès lors que la SARL Garage de Châtel a formé la demande de déspécialisation partielle le 30 septembre 2017 dans les termes précités, et que la bailleresse l’a refusée par lettre recommandée du 25 octobre 2017, il n’est pas démontré qu’elle a fait délivrer de mauvaise foi le commandement visant la clause résolutoire en se prévalant de l’article 4 du bail.

La demande d’annulation du commandement visant la clause résolutoire et se prévalant de l’article 4 du bail est rejetée.

Pour le surplus il ressort des débats et courriers échangés que la locataire exerçait dans les locaux loués une activité de réparation de véhicules et de vente de pièces détachées dans ces locaux, ce qui constitue une autre activité que celle expressément autorisée par l’article 4 précité, et il n’est ni prétendu ni démontré qu’elle y a mis fin dans le délai d’un mois du commandement visant la clause résolutoire.

En conséquence, le commandement ne souffrant d’aucune irrégularité, il convient de confirmer le jugement ayant constaté la résiliation du bail au 16 décembre 2018 et ordonné l’expulsion.

Sur la demande subsidiaire tendant à juger que l’activité de réparation de véhicules d’occasion et de vente de pièces détachées de véhicules à moteur est une activité complémentaire ou connexe de l’activité autorisée par le bail :

La demande subsidiaire tendant à juger que l’activité de réparation de véhicules d’occasion et de vente de pièces détachées est complémentaire ou connexe doit être considérée sans objet, dans la mesure où comme déjà indiqué une déspécialisation partielle ne peut pas être accordée rétroactivement a posteriori après délivrance du commandement visant l’article 4 du bail.

A supposer que les activités de réparation de véhicule et la vente de pièces détachées soient à considérer comme connexes ou complémentaires à celle autorisée par l’article 4 du bail, il est observé que d’une part, elles n’ont pas reçu l’accord exprès préalable et écrit de la bailleresse, et que d’autre part, après contestation par la bailleresse dans le délai de deux mois prévu par l’article L. 145-47 du code de commerce, elles n’ont pas été autorisées par le tribunal avant qu’elles ne soient exercées par la preneuse.

Or il résulte de l’esprit de l’article L. 145-47 du code de commerce que l’information du bailleur doit être préalable à l’exploitation d’une activité nouvelle, et qu’en cas de contestation par celui-ci, le contrôle par le tribunal du caractère connexe ou complémentaire de l’activité doit également être effectué avant le début de l’exploitation de l’activité adjointe.

La demande est rejetée comme étant sans objet, le commandement visant la clause résolutoire ayant été délivré avant la saisine du tribunal.

Sur la demande d’annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire :

La résiliation du bail étant constatée en vertu du commandement visant l’article 4 et la clause résolutoire du bail, il n’y a pas lieu d’examiner la demande d’annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, devenue sans objet.

Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire, et en délais de grâce :

Selon l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le second alinéa de l’article L. 145-41 du code de commerce précise que les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En vertu de l’article 1343-5 du code civil, inséré dans des dispositions spécifiques aux obligations de payer des sommes d’argent, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Il en ressort que la demande de suspension des effets de la clause résolutoire en raison de l’octroi de délais de paiement ne peut concerner qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail.

En outre il n’est pas demandé expressément la suspension des effets de la clause résolutoire s’agissant de l’infraction à l’article « 4 – Destination », ni formulé de moyens à cet égard.

Le bail étant résilié suite à la délivrance du commandement visant la clause résolutoire et visant l’article 4 du bail, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en suspension des effets du commandement de payer qui est sans incidence sur la solution du litige. Pour les mêmes raisons, et dès lors que la créance est payée, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en délais de paiement.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il rejette la demande de délais de paiement. Y ajoutant, la demande de suspension des effets de la clause résolutoire suite à délivrance d’un commandement de payer est rejetée.

Sur la créance de la bailleresse fixée par le tribunal, et la demande en dommages-intérêts :

– concernant la créance de la bailleresse résultant de l’indexation des loyers et la demande en dommages-intérêts correspondante formée par la preneuse :

Le bail signé par les parties le 16 mars 2006 comporte à l’article 10 une clause prévoyant que le loyer serait ajusté automatiquement le 1er mai de chaque année en fonction de la variation de l’indice national du coût de la construction publié par l’Insee. Il y est ajouté qu’il s’agit d’une condition essentielle et déterminante du bail sans laquelle le bailleur n’aurait pas contracté.

La demande en paiement d’un arriéré de 5 ans correspondant au solde des loyers revalorisés est fondée sur l’application de l’article 10 du bail. La part impayée des loyers revalorisés par le jeu de cette indexation a donné lieu à une créance expressément prévue par le contrat conclu par les parties. Le montant total de cette créance contractuelle, telle que déterminée par le tribunal à hauteur de 11 649,14 euros et détaillé par la bailleresse, n’est pas expressément contesté dans le détail par la SARL Garage de Châtel. Le jugement est confirmé quant au montant de la créance.

Le paiement par la SARL Garage de Châtel de cette créance contractuelle ne constitue pas un préjudice. Les conditions de la responsabilité contractuelle de la SCI Foncière PVS ne sont pas réunies, et la demande en dommages-intérêts à ce titre n’est pas fondée.

– concernant les pénalités de retard :

Les motifs pertinents du jugement qui a constaté qu’une somme de 3 155,95 euros était due au titre des pénalités de retard prévues par l’article 9 du bail sont adoptés par la cour. Le caractère manifestement excessif de la pénalité stipulée au taux de 1 % par mois soit 12 % l’an n’est pas établi, et la demande en réduction des pénalités est rejetée. Le jugement est confirmé quant au montant des pénalités fixées.

– concernant la créance au titre de l’impôt foncier :

Le bail précise à l’article 5 ‘ Conditions générales que le preneur s’engage à rembourser au bailleur la quote-part de l’impôt foncier afférent aux lieux loués.

La SCI Foncière PVS indique qu’elle réclame au titre des impôts fonciers uniquement la quote-part des taxes sur les ordures ménagères pour les années 2013 à 2016.

Au vu de son mail du 1er décembre 2016 et du tableau joint d’une part (cf la pièce 13 de la SCI), ainsi que des avis d’imposition relatifs au local situé [Adresse 1] concernant les taxes foncières pour les années 2014 – indiquant notamment le taux de cotisation de 2013- à 2016 (produits en pièces 15 à 17 par la SCI) d’autre part, la demande en paiement d’une somme totale de 2090,96 euros au titre de la taxe foncière pour les années 2013 à 2016 est justifiée. Le jugement est confirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande.

Sur la demande de constatation du paiement de la totalité des causes du commandement de payer :

Il n’est pas contesté que la créance visée par le commandement de payer a été intégralement payée ainsi que la SARL Garage de Châtel le soutient. La SCI foncière PVS reconnaît expressément le paiement des sommes dues en vertu du commandement de payer en pages 20 et 22 de ses dernières conclusions. Il ressort de la pièce 26 de la SARL Garage de Châtel qu’une somme de 17 255,66 euros a été payée par chèque daté du 10 mai 2021 à l’ordre de la CARPA qui a été transmis par l’avocat de la SARL Garage Châtel à celui de la SCI Foncière PVS par lettre en date du 31 mai 2021. Il ressort de l’annexe 27 que l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile de 3 000 euros a été payée par chèque du 14 juin 2021 transmis par lettre du 28 juin 2021.

En conséquence il y a lieu d’ajouter au jugement en constatant que, postérieurement à celui-ci, la somme de 17 255,66 euros a été payée par la SARL Garage de Châtel par chèque daté du 10 mai 2021, et que l’indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été payée par elle par chèque du 14 juin 2021.

Sur les indemnités d’occupation :

La résiliation du bail étant acquise, les indemnités d’occupation sont dues par la SARL Garage de Châtel, à compter du 16 décembre 2018.

Celle-ci ne formule aucun moyen de nature à critiquer le jugement sur ce point, dont les motifs pertinents sont adoptés par la cour. Le jugement est confirmé s’agissant des indemnités d’occupation qu’il détermine.

Sur les autres chefs de dispositif du jugement :

La bailleresse demande confirmation du jugement, et la SARL Garage de Châtel ne soulève aucun moyen de nature à critiquer les autres chefs de dispositif du jugement, ni la motivation des premiers juges. Le jugement est confirmé en ses autres dispositions.

Sur les dépens et l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance sont confirmées.

Succombant en ses prétentions, la SARL Garage de Châtel est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la SCI Foncière PVS la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la SARL Garage de Châtel tendant à l’annulation du commandement visant la clause résolutoire du bail et en infraction à l’article 4 du bail ;

Rejette comme sans objet la demande d’annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail ;

Rejette comme sans objet la demande de suspension des effets de la clause résolutoire suite à délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire ;

Rejette comme sans objet la demande subsidiaire tendant à juger que l’activité de réparation de véhicules d’occasion et de vente de pièces détachées de véhicules à moteur est une activité complémentaire ou connexe de l’activité autorisée par le bail ;

Constate que, postérieurement au jugement, la somme de 17 255,66 euros a été payée par la SARL Garage de Châtel par chèque daté du 10 mai 2021, et que l’indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été payée par chèque du 14 juin 2021 ;

Condamne la SARL Garage de Châtel aux dépens de la procédure d’appel ;

Condamne la SARL Garage de Châtel à payer à la SCI Foncière PVS la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Rejette toute autre demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens pour la procédure d’appel.

Le Greffier La Présidente de Chambre

 


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