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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 2
ARRET DU 25 OCTOBRE 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11631 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CACVT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/11333
APPELANTES
SCI [Adresse 3]
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 513 953 893
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2306
SCI ESMERALDA
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 520 770 645
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2306
INTIMEE
Madame [E] [J]
née le 13 mars 1962 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jacqueline AUSSANT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1638
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Muriel PAGE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Mme Muriel PAGE, Conseillère
Mme Nathalie BRET, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lord de la mise à disposition .
* * * * * * * * * *
FAITS & PROCÉDURE
Depuis l’acte de donation du 23 octobre 2013, Mme [E] [J] est propriétaire de l’intégralité des parts sociales de la société civile immobilière, propriétaire des lots 1, 2 et 3 correspondant à une cave, une boutique au rez de chaussée et un appartement de 2 pièces au 1er étage dans l’immeuble, soumis au régime juridique de la copropriété, situé [Adresse 3] à [Localité 4].
Dans cette copropriété de 7 lots, la société civile immobilière Esmeralda est propriétaire des lots 4 et 5 aux 2ème et 3ème étages et la société civile immobilière [Adresse 3] des lots 6 et 7 aux 4ème et 5ème étages.
Le 24 octobre 2013 l’assemblée générale a désigné M. [Z] [K], associé dans les sociétés Esmeralda et [Adresse 3], en qualité de syndic bénévole.
Le 25 juin 2015 l’assemblée générale a voté l’approbation des comptes 2013 et 2014 et la désignation de M. [Z] [K] en qualité de syndic bénévole.
Par assignation du 20 juin 2016, Mme [E] [J] a sollicité la nullité des assemblées générales du 25 juin 2015 et à titre subsidiaire des résolutions d’approbation des comptes.
Aux termes de ses dernières conclusions du 27 juin 2018, Mme [E] [J] a demandé au tribunal de :
– prononcer l’annulation de l’ensemble des résolutions adoptées lors des assemblées générales du 25 juin 2015 de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4],
– condamner chacune des sociétés à cesser ou à faire cesser leur exploitation de leurs lots offerts à la location touristique de courte durée sur les sites et plateformes de location de logements de particuliers dans les 15 jours de la signification du jugement à intervenir,
– assortir cette interdiction d’exploiter d’une astreinte de 1.000 € par jour et par infraction constatée aussi bien sur place que sur site à la charge de la (des) société(s) contrevenante(s), astreinte qui courra passé un délai de 15jours à compter de la signification du jugement ;
– juger que M. [K], en sa qualité de syndic bénévole, a engagé sa responsabilité personnelle,
– le condamner à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,
– débouter les sociétés [Adresse 3] et Esmeralda, de leur demande de dommages et intérêts et plus généralement de leurs demandes, fins et conclusions,
– déclarer le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4] comme M. [K] pris tant en sa qualité de syndic bénévole qu’à titre personnel, irrecevables en leurs demandes reconventionnelles, fins et conclusions et les en débouter,
à titre subsidiaire,
– prononcer l’annulation de la résolution 4 de l’assemblée générale du 25 juin 2015 (approbation des comptes 2013) de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4],
– prononcer l’annulation des résolutions n°3, 4, 6 et 7 de l’assemblée générale du 25 juin 2015 (approbation des comptes 2014) de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4],
en tout état de cause,
– condamner in solidum la société Esmeralda, la société [Adresse 3], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4] et M. [Z] [K] personnellement en sa qualité de syndic bénévole à lui payer une indemnité de 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, compte tenu des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager dans le cadre de la présente procédure ;
– condamner in solidum la société Esmeralda, la société [Adresse 3], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4] et M. [Z] [K] personnellement en sa qualité de syndic bénévole aux entiers dépens et admettre pour ce faire, Maître Jacqueline Aussant, avocat au barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Selon ses dernières conclusions du 22 mars 2018, le syndicat des copropriétaires et M. [Z] [K] ont demandé au tribunal de :
– débouter Mme [E] [J] de ses entières demandes,
– condamner Mme [E] [J] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 18.330, 29 € arrêtée à mars 2018 (sauf à parfaire) au titre des charges courantes de copropriété,
– condamner Mme [E] [J] à leur payer à chacun d’eux la somme de 4.000 € chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées du 4 janvier 2018, les sociétés [Adresse 3] et Esmeralda ont demandé au tribunal de :
– débouter Mme [E] [J] de ses entières demandes,
– condamner Mme [E] [J] à leur payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,
– condamner Mme [E] [J] à leur payer la somme de 4.000 € chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens ;
Par jugement du 16 avril 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :
– déclaré recevable la défense de M. [Z] [K],
– prononcé la nullité des assemblées générales du 25 juin 2015 de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4],
– condamné les sociétés Esmeralda et [Adresse 3] à cesser ou faire cesser l’exploitation des lots 4 et 5 aux 2ème et 3ème étages et 6 et 7 aux 4ème et 5ème étages en location touristique meublée de courte durée sur les sites et plateformes de location de logements de particuliers, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et passé ce délai, sous peine d’une astreinte de 2.000 € par jour et par infraction constatée par huissier de justice,
– condamné Mme [E] [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4] la somme de 18.330,29 € au titre des charges de copropriété arrêtées au 23 mars 2018 comprenant le 1er appel trimestriel de l’année 2018,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– laissé à chacune des parties la charge de ses dépens,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Les sociétés [Adresse 3] et Esmeralda ont relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe le 5 juin 2019 à l’encontre de Mme [E] [J] seulement.
La procédure devant la cour a été clôturée le 29 mars 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions notifiées le 4 septembre 2019 par lesquelles les sociétés [Adresse 3] et Esmeralda, appelantes, invitent la cour, au visa de la loi du 10 juillet 1965, de son article 9 et de son décret d’application du 17 mars 1967, à :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la cessation sous astreinte de l’exploitation des lots des concluantes sur les sites de location de courte durée sous astreinte de 2.000 € par jour et par infraction,
et statuant de nouveau de ce chef,
– débouter Mme [E] [J] de ses entières demandes,
– condamner Mme [E] [J] à leur payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,
– condamner Mme [E] [J] à leur payer la somme de 4.000 € chacune au titre des frais irrépétibles de première instance outre 4.000 € chacune au titre des frais irrépétibles d’appel,
– la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Attias Antoine, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions notifiées le 2 décembre 2019 par lesquelles Mme [E] [J], intimée, invite la cour au visa des articles 8, 21, 22, 42 de la loi du 10 juillet 1965, 7, 18, 29, 45-1, 47 du décret du 17 mars 1967, L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, L.324-1-1 du code du tourisme, L.210-1 du code du commerce, 544, 1240 et 1242 du code civil, à :
– juger particulièrement mal fondées la société Esmeralda et la société [Adresse 3] en leur appel,
– les en débouter,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Paris et notamment en sa condamnation des sociétés Esmeralda et [Adresse 3] à cesser ou faire cesser l’exploitation des lots 4 et 5 aux 2ème et 3ème étages et 6 et 7 aux 4ème et 5ème étages en location touristique meublée de courte durée sur les sites et plateformes de location de logements de particuliers, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous peine d’une astreinte de 2.000 € par jour et par infraction constatée par huissier de justice,
– condamner in solidum la société Esmeralda et la société [Adresse 3] à lui payer une indemnité de 12.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager tant en 1ère instance qu’en appel ;
– condamner in solidum la société Esmeralda et la société [Adresse 3] aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel et admettre Maître Jacqueline Aussant, avocat au barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Sur la location de courte durée des lots appartenant aux sociétés [Adresse 3] et Esmeralda
Les sociétés [Adresse 3] et Esmeralda contestent le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la cessation sous astreinte de l’exploitation de leurs lots sur les sites de location de courte durée sous astreinte de 2.000 € par jour et par infraction ;
Aux termes de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, ‘le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation’ ;
L’article 9 de la même loi dispose que ‘chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot, il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble’ ;
Le règlement de copropriété du 29 décembre 1972, modifié les 25 octobre 1994 et 19 février 2007, stipule que ‘les appartements ne pourront être occupés que bourgeoisement ou affectés à l’exercice d’une profession libérale.
La location ou meublé d’appartements entiers est autorisée.
En revanche, la transformation des appartements en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite.
(…)
Le lot numéro deux (boutique du rez-de-chaussée) pourra être utilisé à usage commercial pour l’exercice de tous commerces à l’exception de commerces bruyants ou malodorants ou dangereux, ce qui exclut notamment tous commerces de bar – café – restaurant – ‘dancing – boîte de nuit – restauration rapide tels que sandwicherie et épicerie.’ ;
Il résulte du règlement de copropriété que la destination commerciale est réservée au seul lot 2 (boutique du rez-de-chaussée) et que les appartements composant le reste de l’immeuble sont destinés soit à l’habitation, soit à l’exercice d’une profession libérale ;
Il doit être rappelé que Mme [E] [J] est propriétaire de l’appartement de 2 pièces au 1er étage dans l’immeuble, tandis que la société civile immobilière Esmeralda est propriétaire des lots 4 et 5 (appartements) aux 2ème et 3ème étages et la société civile immobilière [Adresse 3] des lots 6 et 7 (appartements) aux 4ème et 5ème étages ;
Il résulte des pièces produites aux débats que les appartements, propriétés des sociétés Esmeralda et [Adresse 3], sont donnés en location de courte durée sur des sites de location touristique de type Airbnb ;
S’il est exact que le règlement de copropriété permet la location des appartements de l’immeuble en meublé, il ne permet pas la location touristique de courte durée telle qu’elle est pratiquée par les sociétés appelantes ;
Ce type de location est contraire à la destination bourgeoise de l’immeuble prévue au règlement de copropriété en ce qu’elle occasionne des nuisances qui troublent la tranquillité de ses occupants ainsi qu’en témoigne la locataire du seul appartement non destiné à cette location touristique de courte durée ;
Mme [M] [C], locataire depuis 2011, a délivré à son bailleur, Mme [E] [J] deux attestations, la première du 2 février 2017 et la seconde du 15 janvier 2019, par lesquelles elle relate les nuisances sonores importantes en provenance des appartements loués aux touristes, celles créées par le va et vient permanent de personnes étrangères à l’immeuble et l’insécurité qui en découle ;
Contrairement aux affirmations des sociétés Esmeralda et [Adresse 3], ces nuisances ne peuvent être assimilées à celles occasionnées par l’exercice d’une profession libérale dès lors qu’elles se poursuivent la nuit et les fins de semaine ;
Egalement, il n’est pas contesté que la boutique du rez-de-chaussée, appartenant à Mme [E] [J] possède une entrée sur la rue de sorte qu’aucun client ne passe par l’immeuble pour y accéder ;
Les sociétés Esmeralda et [Adresse 3] ne peuvent davantage tirer argument de la résolution n° 9 votée lors de l’assemblée générale du 6 juillet 2019 et autorisant les locations touristiques meublées de courte durée dès lors que cette assemblée générale est contestée par Mme [E] [J] qui n’y a pas participé ;
Enfin, les sociétés Esmeralda et [Adresse 3] ne peuvent valablement soutenir qu’elles n’exercent pas une activité commerciale de location touristique meublée de courte durée, alors qu’elles ont sollicité et obtenu de la mairie une autorisation provisoire de changement d’affectation de leurs lots à usage d’habitation à un autre usage, à savoir celui de meublés de tourisme ;
Cette activité est bien une activité commerciale, comme l’a retenu le premier juge ;
Cette activité commerciale contrevient directement aux clauses du règlement de copropriété précitées relatives à l’usage que les copropriétaires doivent faire de leur lot et à la destination bourgeoise de l’immeuble impliquant une occupation pérenne et paisible ;
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a, en application des stipulations du règlement de copropriété, condamné les sociétés Esmeralda et [Adresse 3] à cesser ou faire cesser l’exploitation des lots 4 et 5 aux 2ème et 3ème étages et 6 et 7 aux 4ème et 5ème étages en location touristique meublée de courte durée sur les sites et plate-formes de location de logements de particuliers dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et passé ce délai, sous peine d’une astreinte de 2.000 € par jour et par infraction constatée par huissier de justice ;
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été équitablement faite de l’article 700 du code de procédure civile ;
Les sociétés Esmeralda et [Adresse 3], parties perdantes, doivent être condamnées aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à Mme [E] [J] la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l’article 700 du code de procédure civile formulée par les sociétés Esmeralda et [Adresse 3] ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Dans la limite de sa saisine :
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne les sociétés Esmeralda et [Adresse 3] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à Mme [E] [J] la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du même code en cause d’appel ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT