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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 25 AOÛT 2023
(n° , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/16515 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CELE6
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du tribunal d’Instance de Paris du 12 avril 2016 sous le numéro RG 14/13051 infirmé partiellement par un arrêt de la cour d’appel de Paris – Pôle 4 chambre 2 sous le numéro RG 16/12461 du 05 juin 2019 lui même cassé partiellement par un arrêt de la Cour de cassation de PARIS – RG n° P – 19-22.743 et E 19-23.655 (jonction) du 17 juin 2021.
DEMANDERESSE À LA SAISINE APRÈS RENVOI :
S.A. ALBINGIA, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 429 369 309, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domiciliè en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 11]
représentée et assistée de Me William FUMEY de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0002
DÉFENDEURS À LA SAISINE APRÈS RENVOI :
Madame [V] [W] née le 05 juin 1983 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée et assistée de Me Erwann COIGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0230 substitué par Me Sarah ROUMANE, avocat au barreau de PARIS
Madame [L] [D] épouse [W] née le 11 novembre 1947 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 9]
représentée et assistée de Me Erwann COIGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0230 substitué par Me Sarah ROUMANE, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [R] [W] né le 19 février 1985 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté et assisté de Me Erwann COIGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0230 substitué par Me Sarah ROUMANE, avocat au barreau de PARIS
Madame [X] [T] épouse [F] née le 29 Avril 1938 à [Localité 15] (Pologne)
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Madame [J] [F] née le 25 juillet 1975 à [Localité 14] , agissant en qualité d’ayant droit de feu [N] [F]
[Adresse 7]
[Localité 8]
représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Monsieur [C] [F] né le 02 mai 1977 à [Localité 8] agissant en qualité d’ayant droit de feu [N] [F]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Syndicat des Copropriétaires [Adresse 3] représenté par son syndic en exercice, la SARL CABINET MINARD, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 672 031 218,
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté et assisté de Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 substituée par Me Laurence SOULEAU-MOUGIN de la SELEURL LGL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0185
S.A.R.L. BATI POL
[Adresse 6]
[Localité 12]
assignation devant la cour d’appel en date du 19 janvier 2022 conformément à l’article 659 du CPC
S.A. MAAF en qualité d’assureur de la SARL BATI POL
[Adresse 13]
[Localité 10]
représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Claude CRETON, président de chambre
Corinne JACQUEMIN, conseillère
Catherine GIRARD-ALEXANDRE, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Marylène BOGAERS, lors des débats
ARRÊT :
– rendu par défaut,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère faisant fonction de président , et par Madame Marylène BOGAERS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte d’huissier en date du 24 juillet 2014, et après dépôt d’un rapport d’expertise judiciaire depose par Monsieur [A] le 13 mai 2013, désigné en qualité d’expert par ordonnance du 22 janvier 2008, Madame [X] [T] et son époux, Monsieur [N] [F], propriétaires d’un appartement situé au 5ème étage de l’immeuble en copropriété situé [Adresse 3] à[Localité 8]V, qui a été le siège de plusieurs dégâts des eaux entre 2005 et 2007, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, Madame [L] [W], Madame [V] [W] et Monsieur [R] [W] ( les consorts [W]), propriétaires de l’appartement situé au-dessus, la société Bati-Pol, qui a réalisé des travaux dans l’appartement des consorts [W], ainsi que son assureur, la MAAF, le syndicat des copropriétaires, ainsi que son assureur, la SA Albingia, en indemnisation des préjudices résultant notamment d’infiltrations et de nuisances phoniques.
Par jugement du 12 avril 2016 le tribunal de grande instance de Paris a :
– déclaré irrecevable les demandes contre la société Bati-Pol et les demandes des consorts [W] au titre du préjudice subi contre le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3],
– jugé les consorts [W] responsables des dommages subis dans la chambre n°1 et des nuisances phoniques dans la salle à manger de l’appartement de Monsieur et Mme [F],
– jugé responsable pour moitié le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] des dommages subis dans la cuisine de l’appartement de Monsieur et Madame [F],
– condamné in solidum les consorts [W] à procéder à des travaux pour améliorer l’isolation phonique de leurs cuisine et WC dans un délai de six mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant deux mois,
– condamné in solidum les consorts [W] et la MAAF à payer aux époux [F], la somme de 1.965,27 euros HT au titre du préjudice matériel, 3.360 euros en réparation du préjudice de jouissance dans la chambre n°1, 32 euros par mois jusqu’ à l’achèvement des travaux de réfection des installations sanitaires préconisés par l’expert,
– condamné in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] et la SA Albingia à payer aux époux [F], la somme de 198,03 euros HT au titre du préjudice matériel, 320 euros au titre du préjudice de jouissance dans la cuisine,
– condamné la SA Albingia à garantir le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] de ces condamnations,
– condamné la MAAF à payer aux consorts [W] la somme de 1.800 euros au titre du préjudice de jouissance pendant les travaux de réfection de leurs installations sanitaires,
– condamné la MAAF à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] la somme de 2.938,70 euros au titre des frais de recherche et d’essais pendant les opérations d’expertise.
Par arrêt du 5 juin 2019, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement, sauf en ce qu’il a :
– déclaré irrecevable la demande des époux [W] contre le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
– exclu l’application des franchises contractuelles prévues par les polices d’assurance de MAAF (assureur de la société Bati-Pol) et de la SA Albingia (assureur du syndicat des copropriétaires)
Statuant à nouveau, elle a :
– déclaré irrecevable les demandes en appel dirigées contre la société Bati-Pol,
– condamné la SA Albingia à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] des condamnations prononcées à son encontre dans la limite de la franchise contractuelle prévue par la police d’assurance,
– condamné la MAAF et la SA Albingia aux dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer par application de l’article 700 du code de procédure civile les sommes de 4.000 euros pour les consorts [F], 3.000 euros pour les consorts [W].
Par arrêt du 17 juin 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu’il condamne la société Albingia à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 8] des condamnations prononcées à son encontre dans la limite de la franchise contractuelle prévue par la police d’assurance, et rejette la demande des consorts [F], en indemnisation du préjudice lié aux nuisances phoniques résultant des travaux des consorts [W], et a renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
Sur le premier point, la cour d’appel avait dit que la société Albingia serait tenue de garantir les dommages survenus, aux motifs que « la recevabilité de la demande des consorts [F] contre la société Albingia entraîne la recevabilité de la demande en garantie du syndicat contre son assureur par application de l’article L. 114-1, alinéa 2, du code des assurances aux termes duquel, quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier. »
La Cour de cassation a cassé l’arrêt sur ce point au motif que « en se déterminant ainsi, sans s’expliquer sur les événements ayant affecté le cours de la prescription biennale postérieurement à l’assignation en référé du syndicat en vue de la désignation d’un expert, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Sur le second point concernant le préjudice de jouissance lié aux nuisances phoniques des consorts [F], la cour d’appel avait rejeté leur demande en retenant que ceux-ci n’apportaient aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges et ne justifiaient pas avoir subi un préjudice de jouissance lié aux nuisances phoniques dans leur salle-à-manger à concurrence de 69 600 euros.
La Cour de cassation a décidé qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que les consorts [W] étaient responsables de l’aggravation des nuisances sonores dans la salle à manger de leurs voisins du dessous à 73,5 décibels, soit à un niveau supérieur à 70,2 décibels dans l’appartement témoin du même immeuble, du fait des travaux réalisés dans ces deux pièces, la cour d’appel, qui a refusé d’évaluer le montant d’un dommage dont elle a constaté l’existence en son principe, a violé l’article 4 du code civil, duquel il résulte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l’existence en son principe, motif pris de l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
La Cour de cassation a également :
– condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] ainsi que les consorts [W] aux dépens,
– rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], des consorts [W], de la SA Albingia contre les consorts [F] et les consorts [W], de la MAAF et des consorts [F] contre la SA Albingia, la MAAF, et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
– condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer à la SA Albingia une somme de 3.000 euros et les consorts [W] à payer aux consorts [F] la somme globale de 3.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 10 septembre 2021, la SA Albingia a saisi la cour d’appel de Paris.
Cette instance a été enrôlée sous le n° de RG 21 /16515.
La SA Albingia, par conclusions du 5 novembre 2021 demande, au visa de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, l’article 2244 applicable avant ladite loi, et l’article L.114-1 du code des assurances, l’infirmation du jugement du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il l’a condamnée à garantir le syndicat des copropriétaires des condamnations prononcées à son encontre, et statuant de nouveau, de déclarer irrecevable car prescrite l’action en garantie du syndicat des copropriétaires à son encontre et le débouter de toutes ses réclamations à son encontre.
Elle demande en outre de condamner toute partie succombante, ou l’une à défaut de l’autre, à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au bénéfice de la SELARL ROINE & ASSOCIES, représentée par Maître [Y] [H].
A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir que les consorts [F] ayant assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 8], en référé-expertise le 24 décembre 2007, et que l’expert judiciaire ayant été désigné par ordonnance du 22 janvier 2008, la loi relative à la prescription de l’action était donc à l’époque celle antérieure à la réforme du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, et ce en application des dispositions transitoires prévues à l’article 26-III de ladite loi qui prévoient notamment que « lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. »
Elle en déduit que l’article 2239 du code civil, introduit par la loi précitée, instaurant une suspension de la prescription jusqu’au jour où la mesure d’instruction ordonnée par le juge a été exécutée, n’est pas applicable à la présente instance.
Elle soutient en outre qu’en application de l’article L.114-1 du code des assurances, le point de départ du délai de prescription biennale se situe au jour où les consorts [F] ont assigné le syndicat des copropriétaires en référé expertise le 24 décembre 2007, et non la date du dépôt du rapport d’expertise, et que ce délai a été interrompu par l’assignation en ordonnance commune que lui a fait délivrer le syndicat des copropriétaires le 18 juin 2008, de sorte qu’en l’absence de toute cause d’interruption ou de suspension de la prescription biennale, postérieurement à cette assignation, l’action du syndicat des copropriétaires était prescrite lorsque pour la première fois, il a sollicité la garantie de la SA Albingia par conclusion du 2 mars 2015, soit depuis le 18 juin 2010.
Par conclusions du 29 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] à [Localité 8], demande à la cour, au visa des articles L.114-1 et L.114-2 du code des assurances, 2239 du code civil et 26-1 de la loi du 17 juin 2008, confirmer le jugement du 12 avril 2016 qui a fait droit en ce qu’il a condamné la société Albingia à le garantir des condamnations prononcées à son encontre, de débouter cette dernière de toutes ses demandes, et de condamner in solidum tous succombants à lui payer la somme de 5.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Il fait valoir qu’en application de l’article L.114-2 du code des assurances, l’ordonnance du 3 juillet 2008 par laquelle le juge des référés a rendu les opérations d’expertise communes à l’assureur, la SA Albingia, étant postérieure à l’entrée en vigueur de la réforme du 17 juin 2008, et donc de l’article 2239 du code civil, la prescription a été suspendue jusqu’au dépôt du rapport d’expertise le 13 mai 2013.
Dans ces conditions, la prescription a, en toute hypothèse, été interrompue par l’assignation délivrée par le syndicat des copropriétaires le 18 juin 2008 et suspendue jusqu’au 13 mai 2013, date à partir de laquelle un nouveau délai biennal recommençait à courir de sorte que l’action en garantie par lui intentée à l’encontre de son assureur par conclusions du 2 mars 2015 était recevable.
Par ses dernières conclusions signifiées le 1er décembre 2021, la MAAF ASSURANCES, faisant valoir qu’aucune demande n’était formulée à son encontre en suite de l’arrêt de la Cour de Cassation et qu’elle avait donc été attraite inutilement devant la cour de renvoi, demande la condamnation de la société ALIBINGIA à lui payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 30 mai 2023, Madame [X] [T] veuve [F], Madame [J] [F] et Monsieur [C] [F], tous deux en qualité d’ayant droit de feu leur père Monsieur [N] [F] demandent de les recevoir en leurs demandes, d’ordonner la jonction entre les procédures enregistrées sous les numéros RG 21/13307, 21/16515 et 21/1789, de dire et juger que les condamnations in solidum de la société ALBINGIA à leur bénéfice sont devenues définitives, et de débouter la société ALBINGIA de toute demande à leur encontre.
Les consorts [W] n’ont pas conclu dans l’instance n°21/16515.
Par déclaration du 11 octobre 2021, Madame [X] [T] veuve [F], Madame [J] [F] et Monsieur [C] [F], tous deux en qualité d’ayant droit de feu leur père Monsieur [N] [F] ont également saisi la présente cour d’appel, cette instance étant enrôlée sous le n° de RG 21/17891.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 30 mai 2023, les consorts [F], demandent de les recevoir en leurs demandes, d’ordonner la jonction entre les procédures enregistrées sous les numéros RG 21/13307, 21/16515 et 21/1789, d'(infirmer le jugement entrepris du chef du principe et du montant de leur indemnisation au titre du trouble de jouissance subi et résultant des troubles phoniques, et statuant de nouveau, de condamner in solidum Madame [L] [W] épouse [W], Monsieur [R] [W], et Madame [V] [W] à leur payer la somme de 94.080 euros en réparation dudit trouble, augmentée d’une indemnité mensuelle de 480 euros jusqu’à justification par ces derniers de la complète réalisation des travaux de suppression des nuisances, de rejeter toute demande formée à leur encontre, et de les condamner à leur payer la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de leurs prétentions, les consorts [F] font valoir essentiellement qu’en suite de l’ensemble des décisions rendues, et notamment de l’arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 2021, la réalité de l’existence d’un préjudice de jouissance résultant de nuisances phoniques en provenance de l’appartement des consorts [W] n’est pas contestable, de sorte qu’ils doivent être indemnisés nonobstant les nouveaux moyens invoqués par les consorts [W] qui sont manifestement inopérants.
Rappelant que la cour d’appel, en son arrêt du 5 juin 2019, avait confirmé la condamnation des consorts [W] à procéder à des travaux pour améliorer l’isolation phonique de leur cuisine et WC dans un délai de six mois à compter de la signification de la décision puis sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant deux mois, ils en déduisent que comme le relève la Cour de cassation dans son arrêt du 17 juin 2021, la Cour d’appel a « constaté l’existence et [le] principe » d’un dommage résultant de «l’aggravation des nuisances sonores dans la salle à manger » des consorts [F], lesquels ne sont pas remis en cause par la cassation.
Concernant l’évaluation de l’indemnisation de leur préjudice, ils soutiennent que les travaux prétendument réalisés par consorts [W] en juin 2016 dans la pièce principale, la cuisine et les WC ne sont pas conformes à ceux préconisés par l’expert en son rapport d’expertise et visés par la condamnation à réaliser des travaux d’isolation phonique par le jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 12 avril 2016, de sorte que les troubles phoniques qu’ils subissent perdurent depuis 17 ans, soit depuis le mois de novembre 2016, date de la déclaration de sinistre et ne cessera que le jour où l’indivision [W] justifiera avoir exécuté les travaux conformément au jugement rendu.
Ils ajoutent qu’il est de jurisprudence constante que les troubles de jouissance s’évaluent selon un pourcentage de perte de la valeur locative du logement affecté par le trouble, par référence à la nature des nuisances phoniques et des conséquences desdites nuisances sur la situation, notamment de santé, des demandeurs.
Ils soulignent, à titre indicatif, que selon l’arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits de voisinage du ministère de la santé et des solidarités paru au JO le 20 décembre 2006, 73,5dB, soit le volume sonore constaté dans leur salle à manger lorsque la cuisine ou les sanitaires sont en usage, correspond à celui engendré par un aspirateur.
Ils ajoutent que Monsieur [F], décédé à l’âge de 96 ans en 2017, et son épouse, âgée de 84 ans, toujours occupante des lieux, ont été quotidiennement présents à leur domicile depuis 2006, et donc particulièrement sujets aux troubles acoustiques, et ce que les consorts [W] aient eu ou non des activités diurnes et nocturnes actives ou non, la cuisine et les sanitaires étant des lieux bruyants quotidiennement utilisés.
Ils estiment donc leur préjudice, arrêté au mois de février 2023, à la somme de 94.080 € correspond à 15% de la valeur locative, soit 3.200 € x 196 mois.
Les consorts [W] par conclusions notifiées le 19 décembre 2022 demandent à la cour de :
– les recevoir en leurs demandes ;
– infirmer l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 5 juin 2019 en ce qu’il a confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 12 avril 2016 lorsqu’il a jugé Madame [L] [D] épouse [W], Madame [V] [W] et Monsieur [R] [W] responsables des nuisances phoniques dans la salle à manger de l’appartement de [X] [T] et son époux Monsieur [N] [F] situé [Adresse 3] à [Localité 8] et condamné in solidum Madame [L] [D] épouse [W], Madame [V] [W] et Monsieur [R] [W] à procéder à des travaux pour améliorer l’isolation phonique de leurs cuisine et WC dans un délai de six mois à compter de la signification de la décision puis sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant deux mois ;
– et statuant à nouveau
‘ à titre principal, de débouter les consorts [F] de toutes leurs demandes formées à leur encontre ;
‘ à titre subsidiaire, de condamner in solidum Madame [L] [D] épouse [W], Monsieur [R] [W] et Madame [V] [W] à verser aux consorts [F] la somme de 1 euro au titre du préjudice de jouissance ;
‘ En tout état de cause, de condamner les consorts [F] à leur payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir en premier lieu que, nonobstant l’absence de norme régissant les décibels dans cet immeuble construit au début du 20ème siècle et l’absence de texte de référence encadrant la prise de mesure des bruits de choc, le bruit de choc le plus élevé dans l’appartement « témoin » est de 70,2 décibels tandis qu’il est de 73,5 décibels dans l’appartement des concluants soit une différence de 3,3 décibels, soit une différence ridicule, réalisée dans des conditions défavorables, comme le souligne l’expert judiciaire.
Ils ajoutent qu’il n’existe aucune mesure des niveaux de bruit avant la réalisation desdits travaux dans l’appartement [W], de sorte que toute « constatation » d’une aggravation des niveaux de bruit après les travaux est donc purement fictive, et que la comparaison avec un appartement « témoin » est pour le moins surprenante dès lors que ce ne sont ni les mêmes pièces qui sont comparées, ni les mêmes revêtements, puisque c’est le carrelage de la cuisine des consorts [W]
De plus, ils font état d’un avis du Conseil National des Experts Judiciaires en Acoustique du 22 mars 2002 duquel il résulte que, « Dans le cas d’une modification de sol, la qualité acoustique d’un logement voisin est notablement dégradée dès lors que le niveau de bruit de choc standardisé a augmenté, par rapport à la situation antérieure ou initiale, de 5 dB ou plus dans une ou plusieurs des bandes d’octaves principalement celles centrées sur 250, 500, 1 000 et 2 000 Hz. »
Par ailleurs, l’avis du Collège National des Experts Judiciaires en Acoustique en date du 27 janvier 1993 versé aux débats par les consorts [F] est très intéressant en ce qu’il précise que « Selon sa durée, la gêne sonore est considérée comme excessive lorsqu’une émergence globale dépassera 3 dB (1) de nuit ou 5 dB(1) de jour, sous réserve que le bruit incriminé constitue soit une anomalie soit une incongruité soit une intrusion ou encore soit étranger au site. , de sorte qu’il résulte de cet avis que pour qu’une gêne sonore soit considérée comme excessive, il faut une nécessaire prise en compte de la durée de la gêne sonore et que le bruit dépasse 3dB de nuit ou 5dB de jour.
D’autre part, ils font valoir que, dans les suites du jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 12 avril 2016, ils ont immédiatement procédé aux travaux préconisés par l’Expert, concernant les prétendus troubles sonores, à savoir la mise en place de bandes résilientes en dessous du parquet tel qu’en témoigne la facture n°2016-27 de la société R.D.I du 21 juin 2016 17 et la photographie versée aux débats, la pose d’un revêtement en lino sur le carrelage au sol de la cuisine et des WC tel que cela résulte de la facture n°F10V618967 de la société DECORASOL en date du 16 juin 2016 et des photographies
En outre, ils observent que le présent litige trouvait initialement son origine dans les différents dégâts des eaux et, que par conséquent, rien ne permet de considérer que le prétendu trouble de jouissance court depuis novembre 2006, date de la déclaration de sinistre, et ce d’autant que les consorts [F] ne s’étaient jamais plaints de troubles phoniques, et qu’en outre, depuis juin 2016, date de réalisation des travaux d’amélioration phonique, les consorts [F] ne prouvent pas davantage les nuisances sonores et le trouble de jouissance allégués.
Enfin, ils ajoutent que de 2009 à 2016, ils étaient dans l’impossibilité d’effectuer des travaux en raison des expertises et de la procédure, et que comme le soulignait Monsieur [S], expert structure désignée dans le cadre de cette procédure, les consorts [F] n’ont cessé de retarder la réfection du parquet de l’appartement [W] du fait de leurs constantes relances et demande d’études portant notamment sur la structure, qui s’est avérée en réalité parfaitement saine.
Dans l’hypothèse où la cour retiendrait l’existence d’un trouble de jouissance résultant de nuisances phoniques excessives, ils demandent qu’il soit tenu compte de l’ensemble de ces éléments pour fixer le montant de l’indemnisation à la somme de 1 €.
Par ses dernières conclusions signifiées le 17 février 2022, la MAAF ASSURANCES, faisant valoir qu’aucune demande n’était formulée à son encontre en suite de l’arrêt de la Cour de Cassation et qu’elle avait donc été attraite inutilement devant la cour de renvoi, demande la condamnation des consorts [F] à lui payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction des deux instances portant les n° de RG 21/16515 et 21/17891, et ce sous le premier numéro, afin de les juger ensemble.
I- sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA ALBINGIA
Il résulte des dispositions de l’article L.114-1, alinéa 1er et 3 du code des assurances, que toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ; quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
L’assignation en référé en vue de la désignation d’un expert constituant une action en justice, l’assuré doit mettre son assureur en cause dans les deux ans suivant la date de celle-ci.
Il est jugé que la prescription interrompue par une assignation en référé expertise reprend son cours dès le prononcé de l’ordonnance désignant l’expert (3e Cive., 19 décembre 2001, pourvoi n°00-14.425 ; 3e Civ., 9 juin 2009, n°07-16.047 ; 2e Civ., 25 juin 2009, n° 08-14.243 ; 3e Civ., 5 septembre 2012, n° 11-19.200).
L’article 2239 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, dispose désormais que « la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès ; le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. »
Contrairement à ce que soutient la société ALBINGIA, les dispositions transitoires figurant à l’article 26 de la loi du 17 juin 2008 ne s’appliquent pas aux dispositions de cette loi qui instituent de nouvelles causes d’interruption ou de suspension de la prescription, comme celle créée par l’article 2239 précité, mais uniquement à celles qui allongent ou réduisent la durée de la prescription. (Com. 28 mars 2018, n°16-27.268).
Il est jugé qu’une assignation en référé aux fins de rendre communes les opérations d’expertise précédemment ordonnées interrompt la prescription à l’égard de ce tiers, et que cette solution doit être étendue à l’effet suspensif prévu par l’article 2239 du code civil.(Com., 30 juin 2004, n°03-10.751), de sorte qu’une ordonnance de référé qui fait droit à une demande tendant à rendre communes à un tiers les opérations d’expertise ordonnées avant tout procès suspend donc la prescription à l’égard de ce tiers.
De plus, la Cour de cassation a décidé que les dispositions de l’article 2239 du code civil, issues de la loi du 17 juin 2008, ne s’appliquaient qu’aux décisions rendues après l’entrée en vigueur de cette loi (2e Civ., 3 octobre 2013, n° 12-25.759, 12-22.908, 12-24.473 ; 3eCiv., 6 juillet 2017, n° 16-17.151, Bull. n°89).
Dès lors, une ordonnance, postérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui rend communes à un tiers les opérations d’expertise précédemment ordonnées avant tout procès, suspend donc la prescription à l’égard de ce tiers par application de l’article 2239 du code civil, la mesure d’expertise initiale aurait-elle été ordonnée avant l’entrée en vigueur de cette loi. (3e Civ., 13 février 2020, n° 18-23.723).
Enfin, il est jugé que les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 114-3 du code des assurances ne font pas obstacle à l’application de l’article 2239 du code civil, de sorte que la suspension de la prescription prévue par l’article 2239 du code civil est applicable aux actions dérivant d’un contrat d’assurance (2e Civ., 19 mai 2016, n° 15-19.792).
En l’espèce, les consorts [F] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] à [Localité 8] en référé en vue de la désignation d’un expert, par acte du 24 décembre 2017.
Cette assignation en référé-expertise constituant le point de départ du délai de la prescription biennale, cette dernière a commencé à courir le 24 décembre 2017.
Sur assignation du syndicat des copropriétaires du 18 juin 2008, une ordonnance de référé du 3 juillet 2008, soit postérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, a déclaré les opérations d’expertise communes à la société ALBINGIA, assureur de responsabilité civile du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] à [Localité 8].
Le délai de prescription biennale, interrompu par l’assignation du 18 juin 2008 jusqu’au prononcé de l’ordonnance du 3 juillet 2008, s’est trouvé suspendu par application de l’article 2239 du code civil jusqu’au 13 mars 2013, date du dépôt du rapport d’expertise, et a recommencé à courir à compter de cette date.
En conséquence, le délai de prescription biennale expirant en principe le 13 mars 2015, l’action en garantie intentée par le syndicat des copropriétaires à l’encontre de son assureur par conclusions du 2 mars 2015 l’a été avant l’expiration dudit délai, de sorte qu’elle doit être déclarée recevable.
Par ces motifs substitués à ceux du tribunal en son jugement du 12 avril 2016, il convient de confirmer ce dernier en ce qu’il a condamné la société ALBINGIA à garantir le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] à [Localité 8] des condamnations prononcées à son encontre.
II- sur l’indemnisation du préjudice de jouissance lié aux troubles phoniques des consorts [F]
L’article 638 du code de procédure civile dispose que, devant la juridiction de renvoi après cassation, l’affaire est de nouveau jugée en fait et en droit à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.
Il convient de rappeler que la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de céans du 5 juin 2019, aux motifs que pour rejeter la demande des consorts [F] au titre du préjudice de jouissance lié aux nuisances phoniques, l’arrêt retient que ceux-ci n’apportent en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges et ne justifient pas avoir subi un préjudice de jouissance lié aux nuisances phoniques dans leur salle-à-manger à concurrence de 69 600 euros, et qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que les consorts [W] étaient responsables de l’aggravation des nuisances sonores dans la salle à manger de leurs voisins du dessous à 73,5 décibels, soit à un niveau supérieur à 70,2 décibels dans l’appartement témoin du même immeuble, du fait des travaux réalisés dans ces deux pièces, la cour d’appel, qui a refusé d’évaluer le montant d’un dommage dont elle a constaté l’existence en son principe, a violé l’article 4 du code civil, duquel il résulte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l’existence en son principe, motif pris de l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
Au regard des dispositifs des jugement du 12 avril 2016, de l’arrêt de la cour d’appel de céans du 5 juin 2019 en ses dispositions non atteintes par la cassation, et des termes de l’arrêt de la Cour de cassation, il est certain que ne peuvent être remises en cause devant la cour de renvoi d’une part, la condamnation des consorts [W] à effectuer des travaux pour améliorer l’isolation phonique de leur cuisine et WC, et d’autre part la reconnaissance de l’existence d’un trouble de jouissance résultant des nuisances phoniques dans la chambre des époux [F] et de l’imputabilité de la responsabilité de ce dommage aux consorts [W].
En conséquence, le jugement ne pourra qu’être confirmé sur de ces deux chefs de dispositif, seule demeurant en débat le montant de l’indemnisation à allouer aux consorts [F] au titre du préjudice de jouissance susvisé.
A cet égard, il convient en premier lieu de déterminer la durée de la période à prendre en considération pour l’indemnisation des nuisances phoniques constatées par l’expert judiciaire et le sapiteur, et subies par les consorts [F].
Etant observé que le présent litige trouvait initialement son origine dans différents dégâts des eaux dont un survenu en 2006, et constaté par procès-verbaux de constat des 22 mai et 5 juin 2007 et que les consorts [F] ne s’étaient jamais plaints de troubles auparavant, il y a lieu de considérer que le trouble de jouissance a pris naissance à la date de la constatation du dégât des eaux, soit à compter du 22 mai 2007.
Par ailleurs, les consorts [W] justifient avoir réalisé, en juin 2016, un certain nombre de travaux d’isolation phonique dans leurs cuisines et sanitaires, seules pièces concernées par les troubles phoniques, soit la pose d’un revêtement en lino sur le carrelage au sol de la cuisine et des WC, tel que cela résulte de la facture n°F10V618967 de la société DECORASOL en date du 16 juin 2016 et des photographies.
A cet égard, il convient de souligner que, contrairement à ce que soutiennent consorts [F], le jugement, définitif sur ce point, n’a pas condamné les consorts [W] à procéder aux travaux préconisés par l’expert en son rapport, mais seulement à des travaux, sans plus de précision, ni référence à ceux préconisés par l’expert, pour améliorer l’isolation phonique de leur cuisine et WC.
Il s’ensuit que les consorts [F] ne sont pas fondés à soutenir que les travaux effectués par les consorts [W] n’étant pas exactement ceux préconisés par l’expert, les nuisances phoniques persistent malgré lesdits travaux en leur intensité, et ce d’autant qu’ils ne produisent sur ce point aucune pièce justificative de nature à établir la persistance et l’intensité des bruits de choc postérieurement à la réalisation desdits travaux par les consorts [W].
En conséquence, la période indemnisable retenue doit être fixée du 22 mai 2007 au 16 juin 2016
En second lieu, il convient de déterminer les critères et éléments à retenir pour évaluer l’indemnité à allouer en réparation du préjudice de jouissance subi.
Sur ce point, les consorts [F] font état d’un pourcentage de la valeur locative de l’appartement qu’ils fixent à 3.200 mensuels, sans toutefois produire le moindre justificatif permettant à la juridiction de connaître la valeur locative réelle, de sorte que cette somme ne peut être retenue comme base d’évaluation.
Par ailleurs, il importe de tenir compte de l’absence de norme régissant les décibels dans cet immeuble construit au début du 20ème siècle et l’absence de texte de référence encadrant la prise de mesure des bruits de choc, le bruit de choc le plus élevé dans l’appartement « témoin » étant de 70,2 décibels, alors qu’il est de 73,5 décibels dans l’appartement des concluants, ce qui représente un différentiel 3,3 dB, soit une différence minime.
A cet égard, il y a lieu de prendre en considération l’avis du Collège National des Experts Judiciaires en Acoustique du 22 mars 2002, lequel fait état de ce que, dans le cas d’une modification de sol, la qualité acoustique d’un logement voisin est notablement dégradée dès lors que le niveau de bruit de choc standardisé a augmenté, par rapport à la situation
antérieure ou initiale, de 5 dB ou plus dans une ou plusieurs des bandes d’octaves principalement celles centrées sur 250, 500, 1 000 et 2 000 Hz, ainsi que de l’avis du même Collège en date du 27 janvier 1993 versé aux débats par les consorts [F] qui précise en substance que, selon sa durée, la gêne sonore est considérée comme excessive lorsqu’une émergence globale dépassera 3 dB(1) de nuit ou 5 dB(1) de jour, sous réserve que le bruit incriminé constitue soit une anomalie, soit une incongruité soit une intrusion ou encore soit étranger au site.
Comme le rappellent les consorts [W], les opérations d’expertise ont été effectuées en pleine journée et laissaient apparaître un faible différentiel de 3,3 dB(A), soit nettement inférieur au 5dB indiqués par le CNEJAC.
Au caractère minime de ce différentiel, doit s’ajouter la circonstance, relevée par l’expert judiciaire en son rapport page 66, que les mesures acoustiques ont été effectuées dans des conditions défavorables pour les consorts [W], en ce que le parquet de l’appartement [W] était constitué partiellement de planches en bois provisoires posées suite aux dégâts des eaux du 7/12/2006 et de restes de parquet en chêne neuf mais détériorés et déformés par le même dégât des eaux.
Au regard de ces éléments, qui sont les seuls dont dispose la cour, il convient d’évaluer l’indemnité à allouer aux consorts [F] à la somme de 8.720 € (80 € /mois x 109 mois).
Le jugement sera donc infirmé de ce chef, et les consorts [W] condamnés à payer aux consorts [F] la somme de 8.720 € en réparation du préjudice de jouissance résultant des nuisances phoniques occasionnés par les bruits de choc dans la cuisine et les sanitaires de l’appartement des consorts [W].
III- sur les dépens et les frais non taxables
Par application de l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Au regard des motifs et du dispositif du jugement du 12 avril 2016, il convient de confirmer ce dernier en ce qu’il a condamné in solidum la société MAAF ASSURANCES et la SA ALBINGIA aux dépens de première instance qui comprendront le coût de l’expertise ordonnée en référé et les dépens des référés des 22 janvier 2008 et 19 décembre 2008.
La MAAF ASSURANCES et la SA ALBINGIA seront également condamnées aux dépens de l’instance d’appel afférents à l’arrêt de la cour d’appel de Paris, cassé, du 5 juin 2019
En revanche, les dépens de l’instance d’appel sur renvoi après cassation seront mis à la seule charge de la SA ALBINGIA, dont la demande formulée sur le fondement de 700 du code de procédure civile sera nécessairement rejetée.
De même, la MAAF ASSURANCES doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, dès lors qu’elle n’avait aucunement l’obligation de constituer avocat suite à la saisine de la juridiction de renvoi dès lors qu’aucune demande n’était formulée à son encontre.
Par ailleurs, il n’apparait pas inéquitable en l’espèce de laisser à la charge des consorts [F] et des consorts [W] l’intégralité des frais non compris dans les dépens, auxquels ils ne sont pas condamnés, ce qui commande le rejet de leurs demandes respectives à ce titre.
En revanche, l’équité commande de condamner la SA ALBINGIA à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] à [Localité 8], la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Ordonne la jonction des instances portant les numéros de RG 21/16515 et 21/17891, et ce sous le numéro 21/15516 ;
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 12 avril 2016 en ce qu’il a condamné la SA ALBINGIA à garantir le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] à [Localité 8] des condamnations prononcées à son encontre par ledit jugement ;
L’infirme en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de Madame [X] [T] épouse [F] et feu Monsieur [N] [F], aux droits duquel viennent Madame [J] [F] et Monsieur [C] [F] au titre du préjudice de jouissance lié aux nuisances phoniques dont Madame [L] [D] épouse [W], Madame [V] [W] et Monsieur [R] [W] ont été déclarés responsables aux termes du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 12 avril 2016, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 juin 2019 définitif de ce chef;
Statuant de nouveau,
Condamne in solidum Madame [L] [D] épouse [W], Madame [V] [W] et Monsieur [R] [W] à payer à Madame [X] [T] veuve [F], Madame [J] [F] et Monsieur [C] [F], tous deux en qualité d’ayant droit de feu leur père Monsieur [N] [F] la somme de 8.720 € (HUIT MILLE SEPT CENT VINGT EUROS) en réparation de leur préjudice de jouissance ;
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il a condamné in solidum la société MAAF ASSURANCES et la SA ALBINGIA aux dépens de première instance qui comprendront le coût de l’expertise ordonnée en référé et les dépens des référés des 22 janvier 2008 et 19 décembre 2008 ;
Condamne la MAAF ASSURANCES et la SA ALBINGIA aux dépens de l’instance d’appel afférents à l’arrêt de la cour d’appel de Paris, cassé, du 5 juin 2019 ;
Condamne la SA ALBINGIA aux dépens de l’instance d’appel devant la présente juridiction de renvoi après cassation ;
Condamne la SA ALBINGIA à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] à [Localité 8], la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SA ALBINGIA, la MAAF ASSURANCES, Madame [X] [T] veuve [F], Madame [J] [F] et Monsieur [C] [F], tous deux en qualité d’ayant droit de feu leur père Monsieur [N] [F], et Madame [L] [D] épouse [W], Madame [V] [W] et Monsieur [R] [W] de leurs demandes respectives fondées par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La conseillère faisant fonction de Présidente