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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/04477 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OHBS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 MAI 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
N° RG 14/00269
APPELANTE :
Madame [N] [B] épouse [W] prise tant en son nom personnel qu’ès qualités d’héritière de Mme [I] [G] veuve [B]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Patrick DAHAN, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.S. CHAINE THERMALE DU SOLEIL représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Gilles ARGELLIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Christian TOURRET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 31 Mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 JUIN 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller et M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller faisant fonction de Président
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère désignée par ordonnance du Premier Président en date du 14 février 2023, en remplacement du magistrat empêché
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
– contradictoire;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller faisant fonction de Président, en remplacement du Président empêché et par Madame Sylvie SABATON, greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
[N] [B], épouse [W], et [I] [G], sa mère, veuve [B], sont respectivement nue-propriétaire et usufruitière d’une propriété située à [Localité 3], cadastrée section [Cadastre 4], qui a pour voisins un établissement thermal et ses locaux techniques, appartenant à la société Chaîne Thermale Du Soleil, et un établissement hôtelier, exploité par [P] [X], à l’enseigne Hôtel des Bains et des Gorges.
Le 6 mars 2013, une ordonnance a désigné [M] [R] en qualité d’expert, suite aux demandes de [N] [W] et [I] [B], se plaignant de nuisances sonores provenant des installations voisines et de la tourelle d’extraction de l’hôtel.
L’expert a déposé son rapport le 15 octobre 2013.
Le 10 janvier 2014, [N] [W] et [I] [B] ont assigné la société Chaîne Thermale Du Soleil et [P] [X] aux fins que la société soit condamnée sous astreinte à faire réaliser plusieurs travaux au motif que les installations ne répondaient pas aux normes et étaient à l’origine de nuisances sonores, que la société et [P] [X] soient condamnés in solidum à leur payer 12 000 euros au titre du préjudice économique subi et 15 000 euros au titre du préjudice d’agrément, que la société soit condamnée à leur payer 2 500 euros pour résistance abusive et qu’ils soient condamnés chacun à leur payer 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le 23 avril 2015, le juge de la mise en état a ordonné un complément d’expertise pour vérifier si les travaux préconisés dans l’expertise avaient été réalisés et étaient satisfaisants.
Le rapport complémentaire a été déposé le 27 octobre 2015.
Le 23 décembre 2018, [I] [B] est décédée.
Par acte de notoriété établi le 14 janvier 2019, [N] [W] apparaissait être l’unique héritière de [I] [B].
[N] [W] a sollicité l’homologation des rapports d’expertise, la condamnation de la société Chaîne Thermale Du Soleil à faire réaliser les travaux préconisés par l’expert, la condamnation in solidum des requis à lui payer 16 500 euros au titre du préjudice économique subi, 20 000 euros au titre du préjudice d’agrément résultant des troubles anormaux de voisinage consistant en des nuisances sonores, la condamnation de la société à lui payer la somme de 10 000 euros pour résistance abusive et la condamnation de chacun des requis au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
[N] [W] a fait notamment valoir que si, en cours d’expertise, [P] [X] avait fait procéder à un changement du boîtier électrique de commande de la tourelle permettant d’interdire son fonctionnement en vitesse n°2, sa responsabilité était acquise puisque les nuisances dégagées par son installation avaient été constatées par l’expert Vinci le 6 juillet 2012, que les six mesures préconisées par l’expert [R] dans son rapport, puis son rapport complémentaire, démontraient que la société n’avait pas fait réaliser les travaux, que son préjudice économique était lié à une perte dans la gestion des gîtes ruraux pour la période 2010 à 2016, outre un préjudice d’agrément pour elle qui vivait sur place.
[P] [X] a fait valoir que le trouble évoqué à son encontre du fait de la tourelle ne présentait pas un caractère anormal et n’engageait donc pas sa responsabilité. Subsidiairement, au vu du caractère limité et ponctuel de la nuisance alléguée, il a sollicité que la responsabilité ne soit recherchée que sur une éventuelle participation a minima (5 %) au préjudice d’agrément sur la seule période d’août 2012, date de la mise en demeure, à juin 2013, date de la neutralisation de la position n° 2. En effet, les demanderesses, dans leurs courriers adressés au maire de la commune à partir de juin 2010, n’avaient mis en cause que les nuisances provoquées par les thermes et non par son activité, avant août 2012.
La société Chaîne Thermale Du Soleil a soutenu qu’elle avait réalisé les travaux préconisés par l’expert et a contesté l’existence d’un préjudice économique ainsi que du préjudice d’agrément, dont l’indemnisation devrait être réduite selon elle, puisque les nuisances sonores n’étaient constituées à l’intérieur des gîtes que fenêtres ouvertes. Elle a contesté avoir opposé une résistance abusive puisqu’elle avait réalisé les travaux.
Le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan énonce dans son dispositif :
Condamne la société Chaîne Thermale Du Soleil à procéder sur la source sonore S10, sous le contrôle d’un bureau d’étude acoustique qualifié, aux travaux préconisés par l’expert dans son rapport du 10 octobre 2013 ;
Déboute [N] [W] de sa demande en réparation de son préjudice économique ;
Condamne la société Chaîne Thermale Du Soleil à payer à [N] [W] la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice d’agrément ;
Condamne [P] [X] à payer à [N] [W] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice d’agrément ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
Dit n’y avoir lieu à indemnité au sens de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute [N] [W] de sa demande d’exécution provisoire.
Le jugement expose que les installations présentes sur les sites exploités par la société Chaîne Thermale Du Soleil ne répondaient pas aux normes en vigueur et causaient des nuisances sonores à [N] [W], selon le premier rapport d’expertise. Il constate que l’expertise complémentaire révèle que la société Chaîne Thermale Du Soleil a réalisé une partie des travaux sans que la nuisance sonore ne soit supprimée puisque l’expert décrit toujours un bruit d’écoulement d’eau pouvant durer plusieurs heures et audible sans effort depuis la terrasse des gîtes et à l’intérieur, fenêtres ouvertes, et préconise des travaux nécessaires. Le jugement relève que les devis produits par la société Chaîne Thermale Du Soleil ne permettent pas d’attester de la réalisation effective des travaux, ni de leur conformité avec les préconisations de l’expert, outre le fait que le procès-verbal d’huissier du 19 décembre 2016 constate que le sifflement provenant de la chaufferie est toujours audible depuis la propriété de la requérante.
Le jugement ne retient pas de préjudice économique pour [N] [W]. Il constate que les courriers de locataires se plaignant des nuisances sonores, certains déclarant ne plus souhaiter louer, datent de 2010, 2011, ou ne sont pas datés. En outre, la requérante ne produit aucun élément permettant d’attester d’une baisse de revenus locatifs ni d’une diminution effective du nombre de clients à partir de 2010 puisqu’elle produit uniquement les revenus locatifs à compter de 2012, date à laquelle les nuisances étaient déjà présentes. Le lien de causalité entre la baisse de revenus entre 2012, 2013 et 2014 n’est donc pas démontré, outre le fait que les revenus locatifs ont augmenté en 2015. S’agissant du studio qui aurait été retiré de la location en raison des nuisances, le jugement constate que la requérante délivre des informations contradictoires quant à la date du retrait du studio, le jugement retenant la date du 8 janvier 2015, date des courriers adressés à la mairie et à l’administration fiscale à cette fin. Elle ne peut donc se prévaloir de la baisse des revenus avant 2015. Le jugement constate que les revenus locatifs ont par la suite augmenté.
Le jugement constate l’existence d’un préjudice d’agrément depuis 2010 causé par les nuisances sonores déjà évoquées et par le bruit sourd venant des thermes, constaté par le procès-verbal du 1er août 2015.
Le jugement relève que la majeure partie des troubles de voisinage est imputable à la société Chaîne Thermale Du Soleil, de 2010 à 2013, certaines nuisances ayant perduré postérieurement. Il constate que l’expert a relevé que la tourelle d’extraction en vitesse n° 2, installée par [P] [X] en 2005, était également génératrice de nuisances sonores, jusqu’à la réunion avec l’expert du 22 avril 2013, [P] [X] ayant dans un premier temps désactivé la vitesse n° 2 avant de détruire la tourelle.
Le jugement relève que la société Chaîne Thermale Du Soleil a procédé à la plupart des travaux préconisés par l’expert et qu’il ne peut lui être reproché une résistance abusive.
[N] [W] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 27 juin 2019.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 31 mai 2023.
Les dernières écritures pour [N] [W] ont été déposées le 29 décembre 2022.
Les dernières écritures pour la société Chaîne Thermale Du Soleil ont été déposées le 16 mars 2023.
Le dispositif des écritures pour [N] [W] énonce :
Infirmer partiellement le jugement ;
Homologuer les rapports d’expertise de [M] [R] ;
Condamner la société Chaîne Thermale Du Soleil à faire réaliser sous contrôle du bureau d’études acoustiques qualifié de son choix, les travaux préconisés par l’expert judiciaire dans son rapport d’expertise complémentaire et à justifier d’un constat de bonne fin établi par le bureau d’études, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Condamner la société Chaîne Thermale Du Soleil à payer à [N] [W] une provision de 20 000 euros au titre du préjudice d’agrément résultant des troubles anormaux de voisinages résultant des nuisances sonores ;
Condamner la société Chaîne Thermale Du Soleil à payer à [N] [W] une somme de 10 000 euros pour résistance abusive ;
Débouter la société Chaîne Thermale Du Soleil de ses conclusions d’appel incidentes ;
Condamner la société Chaîne Thermale Du Soleil au paiement d’une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Chaîne Thermale Du Soleil aux dépens.
[N] [W] soutient que le rapport d’expertise complémentaire démontre que les travaux réalisés par la société Chaîne Thermale Du Soleil n’ont pas totalement mis fin aux nuisances. Elle précise que les travaux réalisés l’ont été sous la pression des procédures judiciaires, la société Chaîne Thermale Du Soleil ne réagissant que très tardivement. Selon l’appelante, l’expert relève que tous les travaux préconisés dans le rapport initial n’ont pas été réalisés. Les devis versés aux débats par la société Chaîne Thermale Du Soleil ne permettent pas de vérifier la matérialité des travaux et comprennent des dépenses qui ne correspondent pas aux préconisations de l’expert, outre l’absence de constat de bonne fin émanent d’un BET. Elle sollicite donc la condamnation de la société Chaîne Thermale Du Soleil à la réalisation des travaux préconisés par l’expert, sous astreinte, et d’avoir à justifier de la réalisation de ces travaux. [N] [W] souligne que la société Chaîne Thermale Du Soleil a refusé de faire venir un expert dans sa propriété pour constater la disparition, ou non, des nuisances. La société Chaîne Thermale Du Soleil n’aurait jamais contracté avec un bureau d’étude acoustique pour la conduite et le contrôle des travaux nécessaires. [N] [W] estime que ce n’est pas à elle de solliciter un complément d’expertise mais bien à la société Chaîne Thermale Du Soleil de justifier de la réalisation des travaux et d’un constat de bonne fin par un BET.
[N] [W] conteste l’argument selon lequel le dépassement de la norme légale tolérée par la source sonore S10 serait la conséquence de la disparition des autres sources alors même que l’expert a mesuré le bruit lorsque les autres installations étaient arrêtées. Elle critique également l’affirmation selon laquelle la société Chaîne Thermale Du Soleil ne fait pas effectuer de mesures acoustiques après les travaux puisqu’elle les contesterait systématiquement. Elle fait valoir qu’il s’agit pourtant d’une préconisation de l’expert. L’absence de respect de cette préconisation l’a contrainte à réclamer un complément d’expertise. Il appartient à la société Chaîne Thermale Du Soleil de démontrer qu’elle a fait le nécessaire et ce d’autant plus que le procès-verbal du 19 décembre 2016 versé aux débats fait état des sifflements des cheminées de la chaufferie du centre thermal et qu’un autre procès-verbal, du 15 juin 2017, témoigne d’un bruit de moteur constant.
L’appelante souligne que les documents produits par la société Chaîne Thermale Du Soleil ne sont pas des factures. La réalisation de travaux après 2016 est donc discutable. [N] [W] ajoute que les courriers envoyés à la mairie démontrent qu’elle souffre encore d’importantes nuisances sonores.
[N] [W] soutient qu’elle subit, tout comme son époux, ses voisins et ses clients, un trouble anormal de voisinage. Elle avance prendre des antidépresseurs et des somnifères et ne plus vouloir résider dans les lieux. Elle conteste donc le montant retenu par le premier juge pour l’indemniser. [N] [W] affirme subir également un préjudice économique puisque les gîtes qu’elle propose à la location sont sur sa propriété et que plusieurs locataires se sont plaints des nuisances. Elle a mis un terme à ses locations et ne sollicite plus rien au terme du préjudice économique pour démontrer que sa seule motivation est la disparition des nuisances.
Elle affirme que les nuisances dont la société Chaîne Thermale Du Soleil est responsable sont plus élevées que celles dont [P] [X] était responsable, contrairement à ce que cherche à faire croire l’intimée. En effet [P] [X] a immédiatement mis fin aux nuisances, de surcroît moins importantes, et la durée quotidienne des nuisances est plus importante dans les thermes, ouverts de façon nocturne également.
[N] [W] soutient que la société Chaîne Thermale Du Soleil a commis une résistance abusive.
Elle conteste la mise à sa charge des dépens en première instance, frais d’expert inclus, alors même que le jugement a reconnu la responsabilité de la société Chaîne Thermale Du Soleil et l’a condamnée à réaliser des travaux et à lui payer des dommages intérêts. Il en est de même pour la somme due au titre de l’article 700 du code de procédure civile alors même que ses prétentions ont été admises.
Le dispositif des écritures pour la société Chaîne Thermale Du Soleil énonce :
Réformer le jugement en ce qu’il condamne la société Chaîne Thermale Du Soleil à procéder sur la source sonore S10, sous le contrôle d’un bureau d’étude acoustique qualifié aux travaux préconisés par l’expert dans son rapport du 10 octobre 2013 ;
Réduire de manière substantielle la demande de [N] [W] en réparation du préjudice d’agrément ;
Débouter [N] [W] de leur demande dommages et intérêts en réparation d’une résistance abusive ;
Condamner [N] [W] à payer à la société Chaîne Thermale Du Soleil la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuer ce que de droit sur les dépens.
La société Chaîne Thermale Du Soleil souligne que dans son premier rapport, l’expert constate que sur les neuf sources sonores répertoriées, seules quatre ont un impact acoustique positif dans la propriété [B]. Le second rapport constate que tous les travaux préconisés ont été réalisés, à l’exception du traitement acoustique de la surverse d’EMN à l’exécutoire, ce que la société Chaîne Thermale Du Soleil justifie par des raisons techniques. Selon l’intimée, les mesures inopinées réalisées par l’expert, les 8 et 9 juillet 2015, ont permis de constater que les travaux qu’elle avait réalisés étaient satisfaisants et avaient supprimé les nuisances sonores de plusieurs des installations. Il n’y a donc aucune résistance abusive de sa part. Une seule persistance de nuisance sonore a été relevée, celle provenant du réseau de surverse des bassins. La société Chaîne Thermale Du Soleil soutient que le dépassement sonore de cette source S10 n’est que la conséquence de la baisse du bruit résiduel résultant des travaux qu’elle a réalisé. Elle souligne que dans son rapport, l’expert retient, en se fondant sur l’article R. 1334-44 du code de la santé publique, une durée d’apparition en période nocturne comprise entre 4 et 8 heures, soit une correction de 1 dB, sans le justifier.
La société Chaîne Thermale Du Soleil soutient que depuis le second rapport, elle a fait réaliser les nouveaux travaux préconisés et verse aux débats un devis et un bon de commande. Les travaux auraient été réalisés à l’intersaison 2015-2016, ce qui explique qu’aucune facture postérieure à 2016 n’est produite. La société Chaîne Thermale Du Soleil produit un document établi par la société embauchée pour les travaux et intitulé « décompte final », ce qui correspond selon elle à une facture. Elle avance qu’elle n’a pas fait effectuer les mesures acoustiques après ces travaux puisque, systématiquement, les consorts [B] en ont contesté les résultats. L’intimée fait valoir les courriers adressés à la mairie où les consorts [B] se plaignent des sifflements de la chaufferie, du bruit du moteur du local technique, sans mentionner les nuisances de la source sonore S10. Aucune mesure acoustique d’huissier n’a été effectuée à la date des courriers à la mairie. Selon la société Chaîne Thermale Du Soleil, dès que des travaux sont réalisés, elle découvre de nouvelles nuisances sonores. La société Chaîne Thermale Du Soleil ajoute qu’elle a fait réaliser à la fin de la saison thermale 2018 des travaux afin de canaliser les canalisations existantes après la chute d’eau et produit une facture.
La société Chaîne Thermale Du Soleil estime que l’appelante ne démontre pas son préjudice d’agrément puisque celui-ci serait constitué de l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, sans que [N] [W] ne précise la nature de l’activité concernée. En outre, il s’agit d’un préjudice personnel, [N] [W] ne peut donc faire référence aux occupants de ses gîtes. La société Chaîne Thermale Du Soleil conteste également la réalité du préjudice subi puisque les pièces versées aux débats par l’appelante démontre qu’elle était domiciliée au Boulou, soit à vingt kilomètres des nuisances alléguées. La société Chaîne Thermale Du Soleil avance que [N] [W] devrait justifier en quoi les nuisances de son installation seraient quarante fois supérieure à celle de [P] [X]. Elle ajoute que l’expert a relevé les nuisances fenêtres ouvertes, ce qui ne permet pas à [N] [W] de se prévaloir d’un manque de sommeil toute l’année. L’intimée souligne également que rien ne vient justifier de la poursuite des nuisances ni d’un préjudice personnel.
MOTIFS
1. Sur la demande d’assortir la condamnation du jugement dont appel d’une astreinte
Le tribunal a condamné la société Chaîne Thermale Du Soleil à procéder sur la source sonore S10 aux travaux préconisés par l’expert dans son rapport du 10 octobre 2013, et ce sous le contrôle d’un bureau d’étude acoustique qualifié.
En cause d’appel, la société Chaîne Thermale Du Soleil ne produit aucun rapport d’un bureau d’étude acoustique qualifié, qui devait pourtant justifier de la bonne réalisation des travaux, et ce conformément à la condamnation qui s’imposait à elle, se limitant à reprendre les mêmes arguments et pièces soumis à l’appréciation du premier juge, étant relevé que la pièce n° 16, annoncée comme consistant en une facture de la société Renard du 22 octobre 2018 porte également la mention « devis » et ne saurait en aucun pallier l’obligation de contrôle d’un bureau d’étude acoustique qualifié.
La société Chaîne Thermale Du Soleil n’apportant aucune critique utile des motifs du premier juge qui l’ont conduit à prononcer cette condamnation à son encontre et en l’absence d’un tel rapport, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée à procéder sur la source sonore S10 aux travaux préconisés par l’expert dans son rapport du 10 octobre 2013, et ce sous le contrôle d’un bureau d’étude acoustique qualifié.
Y ajoutant, compte tenu de l’ancienneté du litige et aux fins de bonne exécution de cette condamnation, conformément aux termes du dispositif du jugement, celle-ci sera assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.
2. Sur l’indemnisation du préjudice d’agrément
Ce poste de préjudice, invoqué par [N] [W], répare l’impossibilité, les limitations ou les difficultés pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non pas la perte de qualité de vie subie ou une perte économique.
Or, le préjudice qu’elle dit subir, du fait des nuisances sonores dont elle impute la responsabilité à la société Chaîne Thermale Du Soleil, doit en réalité s’analyser en un préjudice de jouissance du fait d’un trouble de voisinage.
En cause d’appel, [N] [W] ne justifie toutefois pas d’un préjudice de jouissance tel qu’il permettrait à la cour de revoir le montant alloué en première instance à la hausse, de même que la société Chaîne Thermale Du Soleil n’apporte aucune critique utile aux motifs du premier juge pouvant conduire à ce que ce même montant soit revu à la baisse, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice de jouissance.
3. Sur la résistance abusive
Le premier juge a rejeté les prétentions indemnitaires formées par [N] [W] sur ce fondement au motif que la société Chaîne Thermale Du Soleil avait procédé à la plupart des travaux préconisés par l’expert depuis 2013 et que si ceux-ci étaient demeurés imparfaits, il ne saurait lui être reproché une résistance abusive.
En cause d’appel, [N] [W] n’apporte aucune critique utile, se limitant à soutenir l’absence totale d’initiative de la société Chaîne Thermale Du Soleil, sans aucunement la démontrer.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
4. Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile mais infirmé en ce qui concerne les dépens.
La société Chaîne Thermale Du Soleil sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 1er août 2012 et des expertises judiciaires de 2013 et de 2015, avec recouvrement direct au bénéfice des avocats de la cause qui peuvent y prétendre.
La société Chaîne Thermale Du Soleil sera en outre condamnée à payer à [N] [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan, sauf en ce qui concerne les dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ASSORTI la condamnation de la société Chaîne Thermale Du Soleil, à procéder sur la source sonore S10, sous le contrôle d’un bureau d’étude acoustique qualifié, aux travaux préconisés par l’expert dans son rapport du 10 octobre 2013, d’une astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;
CONDAMNE la société Chaîne Thermale Du Soleil à payer à [N] [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés en appel ;
CONDAMNE la société Chaîne Thermale Du Soleil aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 1er août 2012 et des expertises judiciaires de 2013 et de 2015, et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président