Nuisances sonores : décision du 19 septembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 23/00442

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Nuisances sonores : décision du 19 septembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 23/00442
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N° RG 23/00442 – N° Portalis DBVX-V-B7H-OXML

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond

du 15 décembre 2022

RG : 22/08639

ch n°3 cab 03 D

Syndic. de copro. DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 1]

C/

S.C.I. PROVIDENCE HUGO

S.A.S.U. GRUMO JF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 19 Septembre 2023

APPELANTE :

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, la société C2L, SARL à associé unique

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, avocat postulant

ayant pour avocat plaidant Me Colette CHAZELLE de la SCP CHAZELLE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 875

INTIMEES :

SCI PROVIDENCE HUGO

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Christelle BEULAIGNE de l’AARPI B&C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 796

Société GRUMO JF

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Christelle BEULAIGNE de l’AARPI B&C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 796

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 30 Mai 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Juin 2023

Date de mise à disposition : 19 Septembre 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Olivier GOURSAUD, président

– Stéphanie LEMOINE, conseiller

– Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE

La SCI Providence Hugo (la SCI) est propriétaire de locaux commerciaux correspondant aux lots n° 174, 175 et 176 situés au rez-de-chaussée de l’ensemble immobilier du [Adresse 1] à [Localité 8].

Par une décision d’assemblée générale du 22 septembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble (le syndicat des copropriétaires) a refusé l’autorisation demandée par la SCI de créer à ses frais des ventelles, c’est-à-dire des grilles d’aération, à l’arrière de ses locaux commerciaux en vue de l’exercice d’une activité de restauration dans le cadre d’un bail commercial accordé à la société Grumo JF.

Saisi par la SCI, le tribunal judiciaire de Lyon a, par jugement du 15 décembre 2022 :

– reçu l’intervention volontaire de la société Grumo JF en son action et ses conclusions,

– reçu la demande d’autorisation judiciaire de travaux de la SCI,

– autorisé la SCI à faire réaliser les travaux de création de ventellles en façade sur cour intérieure des locaux commerciaux dont elle est propriétaire,

– rejeté toutes autres demandes,

– condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l’instance.

Ce dernier a relevé appel du jugement par déclaration du 18 janvier 2023.

Par conclusions notifiées le 20 mai 2023, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

reçu l’intervention volontaire de la société Grumo JF en son action et ses conclusions,

reçu la demande d’autorisation judiciaire de travaux de la SCI,

autorisé la SCI à faire réaliser les travaux de création de ventellles en façade sur cour intérieure des locaux commerciaux dont elle est propriétaire,

rejeté toutes autres demandes du syndicat des copropriétaires,

condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l’instance,

– le confirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau :

– juger irrecevable la demande d’autorisation judiciaire de travaux en raison de l’absence d’un refus valide de la résolution n°4 de l’assemblée générale ayant refusé lesdits travaux, en raison du cumul des demandes formées par la SCI, y compris dans le cas d’une demande formulée à titre subsidiaire, mais également du fait que la SCI a fait réaliser les travaux litigieux, privant le juge de son pouvoir de fixer les conditions de son autorisation,

– juger irrecevable la demande d’autorisation judiciaire de travaux en raison de l’absence d’un refus valide de la résolution n°4 de l’assemblée générale ayant refusé lesdits travaux, formée par la société Grumo JF en seule qualité de locataire,

En conséquence,

A titre principal,

– débouter la SCI et la société Grumo JF comme irrecevables en leurs demandes,

A titre subsidiaire,

– juger que la demande d’autorisation judiciaire de travaux n’est pas conforme à la destination de l’immeuble, aux clauses du règlement de copropriété et porte atteinte gravement aux droits des copropriétaires, ainsi qu’aux modalités de jouissance de leurs parties privatives,

En conséquence,

– débouter purement et simplement la SCI de sa demande d’autorisation judiciaire de travaux,

– juger que la demande d’annulation de la résolution n°4 de l’assemblée générale du 22 septembre 2022 n’est pas justifiée par la démonstration d’une intention de nuire caractérisant un abus de majorité et doit par conséquent être rejetée, le juge n’ayant pas le pouvoir d’opérer un contrôle d’opportunité des décisions de l’assemblée générale des copropriétaires qui garde sa pleine souveraineté,

En conséquence,

– débouter la SCI et la société Grumo JF de l’intégralité de leurs demandes comme infondées,

En tout état de cause,

– débouter la SCI et la société Grumo JF de leur appel incident comme infondé ainsi que de l’intégralité de leurs demandes comme irrecevables et sinon injustifiées,

– enjoindre à la SCI de procéder sans délai à la remise en état des murs de refend séparant les lots 174, 175 et 176 sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, à charge d’en justifier au syndic en exercice, ainsi qu’à la remise en état des ouvertures pratiquées sur la façade de l’immeuble côté cour, pour installer des ventelles, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

– condamner la SCI et la société Grumo JF aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, avec recouvrement direct au profit de la SCP Chazelle avocats,

– condamner la SCI et la société Grumo JF au paiement chacune de la somme de 5 000 euros à son profit conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 26 mai 2023, la SCI et la la société Grumo JF demandent à la cour de :

– les déclarer recevables et bien fondées en leur appel incident,

– déclarer mal fondé l’appel du syndicat des copropriétaires,

Par conséquent,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

reçu l’intervention volontaire de la société Grumo JF en son action et ses conclusions,

reçu la demande d’autorisation judiciaire de travaux de la SCI,

autorisé la SCI à faire réaliser les travaux de création de ventellles en façade sur cour intérieure des locaux commerciaux dont elle est propriétaire,

rejeté toutes autres demandes du syndicat des copropriétaires,

condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l’instance,

– réformer le jugement sus énoncé et daté en ce qu’il a :

rejeté la demande de la SCI de voir condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer :

la somme de 59 088,80 euros TTC au titre de la perte des revenus locatifs en vertu du bail arrêtée au 31 décembre 2022 (à parfaire au jour du rendu de la décision à intervenir),

la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

rejeté la demande de la société Grumo JF de voir condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser :

la somme de 54 806,20 euros TTC correspondant au frais engagés pour la réalisation du projet (à parfaire au jour du rendu de la décision à intervenir),

la somme de 29 147 euros au titre de sa perte d’exploitation (à parfaire au jour du rendu de la décision à intervenir),

la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

– les juger bien fondées en leurs demandes, fins et conclusions,

– débouter le syndicat des copropriétaires de l’intégralité de ses demandes (dont notamment sa demande de remise en état sous astreinte de 300 euros par jour de retard, des murs de refend séparant les lots 174, 175 et 176), fins et conclusions, comme étant infondées,

– débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de remise en état sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, des ouvertures pratiquées sur la façade de l’immeuble côté cour, pour installer des ventelles,

– juger recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la société Grumo JF,

– juger recevable la demande d’autorisation judiciaire des travaux,

– autoriser la SCI à faire réaliser les travaux de mise aux normes de ses locaux commerciaux par la création de ventelles en façade dans la cour intérieure,

– condamner le syndicat des copropriétaires à verser à la SCI :

la somme de 155 428,26 euros TTC au titre de la perte des revenus locatifs arrêtée au 30 juin 2023,

la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat des copropriétaires à verser à la société Grumo JF :

la somme de 81 638,20 euros TTC correspondant au frais engagés pour la réalisation du projet et arrêté au 30 juin 2023(à parfaire au jour du rendu de la décision à intervenir),

la somme de 73 225,00 euros au titre de sa perte d’exploitation (à parfaire au jour du rendu de la décision à intervenir),

la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens,

Subsidiairement,

– juger bien fondées la SCI et la société Grumo JF en leurs demandes, fins et conclusions,

– débouter le syndicat des copropriétaires de l’intégralité de ses demandes (dont notamment sa demande de remise en état sous astreinte de 300 euros par jour de retard, des murs de refend séparant les lots 174, 175 et 176), fins et conclusions, comme étant infondées,

– débouter le syndicat des copropriétaires de sa nouvelle demande de remise en état sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, des ouvertures pratiquées sur la façade de l’immeuble côté cour, pour installer des ventelles,

– juger recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la société Grumo JF,

– juger recevable la demande d’autorisation judiciaire des travaux,

– prononcer la nullité de la résolution n°4 votée lors de l’assemblée générale du 22 septembre 2022,

– condamner le syndicat des copropriétaires à verser à la SCI :

la somme de 155 428,26 euros TTC au titre de la perte des revenus locatifs arrêtée au 30 juin 2023,

la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat des copropriétaires à verser à la société Grumo JF :

la somme de 81 638,20 euros TTC correspondant au frais engagés pour la réalisation du projet et arrêté au 30 juin 2023(à parfaire au jour du rendu de la décision à intervenir),

la somme de 73 225 euros au titre de sa perte d’exploitation (à parfaire au jour du rendu de la décision à intervenir),

la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens,

Y ajoutant,

– condamner le syndicat des copropriétaires à verser à la SCI et à la société Grumo JF la somme de 5 000 euros à chacune d’elles, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens d’appel distraits au profit de Me Beulaigne, avocat, sur son affirmation de droit.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 mai 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité de la demande d’autorisation judiciaire de travaux

1.1 Sur le moyen tiré du non cumul des actions

Le syndicat des copropriétaires reproche au tribunal d’avoir déclaré la demande d’autorisation de travaux recevable, alors que la SCI sollicitait cumulativement une autorisation de travaux et l’annulation de la résolution n°4 de l’assemblée générale du 22 septembre 2022 ayant refusé lesdits travaux pour le seul motif de l’abus de majorité, ce qui rend irrecevable la demande, à défaut d’être en présence d’une décision valide de l’assemblée générale, critiquée dans son bien-fondé. Il soutient que ce principe a été énoncé par la Cour de cassation pour une demande d’annulation de l’assemblée générale faite à titre subsidiaire, dans un arrêt du 21 novembre 2000 (civ. 3ème, 21 nov. 2000, pourvoi n° 99-10.602).

La SCI et la société Grumo JF répliquent qu’aux termes de son acte introductif d’instance, la SCI sollicitait tout d’abord, l’autorisation judiciaire de réaliser les travaux, puis seulement après, l’annulation de la résolution litigieuse, de sorte que ses demandes étaient parfaitement recevables. Ils ajoutent qu’afin d’éviter une discussion parfaitement artificielle, la SCI a modifié ses demandes en première instance, présentant à titre principal sa demande d’autorisation judiciaire et conservant à titre subsidiaire sa demande d’annulation, de sorte qu’il n’existe aucune demande cumulative d’autorisation judiciaire et d’annulation.

Réponse de la cour

Selon l’article 30, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, lorsque l’assemblée générale refuse l’autorisation prévue à l’article 25 b, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal judiciaire à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d’amélioration visés à l’alinéa 1er.

En application de ce texte, la recevabilité de la demande d’autorisation judiciaire de travaux suppose un refus préalable, définitif et valide de l’assemblée générale.

S’il est exact qu’est irrecevable la demande d’autorisation judiciaire de travaux formée par un copropriétaire en l’absence de refus préalable d’une assemblée générale lorsque la décision qui lui a opposé ce refus a été annulée pour vice de forme, c’est en revanche à tort que le syndicat des copropriétaires interprète l’arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 21 novembre 2000 (civ. 3ème, 21 nov. 2000, pourvoi n° 99-10.602) en ce sens que toute demande d’annulation d’une résolution de l’assemblée générale refusant l’autorisation de travaux, y compris présentée à titre subsidiaire, rend nécessairement irrecevable la demande judiciaire d’autorisation de travaux.

En l’espèce, la demande d’annulation de la résolution de l’assemblée générale est formée à titre subsidiaire et ne repose pas sur un vice de forme, de sorte que le premier juge, qui a relevé que la SCI et la société Grumo JF ne sollicitaient pas le prononcé d’une autorisation postérieurement au prononcé de l’annulation de la décision de l’assemblée générale et qui n’a pas statué sur la demande d’annulation présentée à titre subsidiaire, a pu valablement retenir que la demande d’autorisation judiciaire de travaux était recevable, les demanderesses justifiant bien d’un refus préalable, définitif et valide de l’assemblée générale.

Le jugement est confirmé sur ce point.

1.2. Sur le moyen tiré de la réalisation des travaux avant que la cour ne statue

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que les parties intimées ont fait le choix de faire réaliser les travaux, profitant de l’exécution provisoire assortissant la décision première instance ; qu’il est de jurisprudence constante que toute demande d’autorisation judiciaire de travaux doit être rejetée dès lors qu’elle concerne des travaux déjà réalisés, le juge ne pouvant plus fixer les conditions de son autorisation, comme prévu par l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965.

La SCI et la société Grumo JF répliquent qu’il n’est pas sérieux de soutenir que l’exécution provisoire dont est assorti le jugement serait totalement privée d’effet par l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 ; que les travaux ont été réalisés sur le fondement d’une autorisation judiciaire ; que le syndicat des copropriétaires a omis ou choisi de s’abstenir de saisir le premier président de la cour d’appel afin de tenter d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire.

Réponse de la cour

S’il est de jurisprudence constante que le copropriétaire qui a, de sa propre autorité et sans autorisation de l’assemblée générale, procédé à des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, ne peut demander en justice l’autorisation prévue à l’article 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965, la réalisation des travaux autorisés par le juge de première instance en application de l’exécution provisoire de droit assortissant le jugement attaqué ne saurait avoir pour effet de rendre irrecevable la demande maintenue dans la cour d’appel.

Aussi convient-il de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires.

2. Sur la recevabilité des demandes formées par la société Grumo JF

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que l’action d’une société locataire sur le fondement de l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 est évidemment irrecevable.

La SCI et la société Grumo JF répliquent que cette dernière qui doit exploiter son activité dans les locaux commerciaux pour lesquels il est demandé une autorisation judiciaire de travaux, est recevable et bien fondée à intervenir volontairement à l’instance, en application des articles 328 et suivants du code de procédure civile.

Réponse de la cour

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé que la société Grumo JF justifie d’un intérêt à intervenir à la procédure en cours afin d’obtenir l’indemnisation des préjudices qu’elle soutient avoir subis du fait de la décision de l’assemblée générale des copropriétaires refusant la demande d’autorisation de travaux.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il l’a reçue en son intervention volontaire et en ses conclusions.

3. Sur le bien-fondé de la demande d’autorisation judiciaire de travaux

Le syndicat des copropriétaires soutient que les travaux envisagés ne sont pas des travaux d’amélioration (1), qu’ils portent atteinte aux clauses du règlement de copropriété et à la destination de l’immeuble (2), ainsi qu’aux droits des autres copropriétaires (3). Il fait valoir essentiellement :

– (1) que les travaux envisagés ne contiennent aucune amélioration pour l’immeuble et ses occupants, mais constituent au contraire une aggravation extrêmement sensible des conditions d’occupation ; qu’il n’a aucune obligation d’accepter des travaux de mise aux normes ; que d’ailleurs, il n’est pas démontré que le local actuel n’est pas conforme aux normes applicables aux établissements recevant du public, aucun texte n’exigeant la présence de ventelles, si ce n’est pour un restaurant ;

– (2) que les travaux envisagés portent atteinte à l’aspect esthétique de l’immeuble, sont contraires au règlement de copropriété et ne respectent pas la destination de l’immeuble, lequel est remarquable pour son architecture et son intégration dans le périmètre du classement « patrimoine mondial de l’Unesco » ; qu’ils contiennent intrinsèquement une réunion de lots et une intervention sur les parties communes déjà refusées par décision d’assemblée générale devenue définitive et qui s’impose à tous ; que dans son appréciation souveraine pour autoriser des travaux, le juge doit absolument vérifier si l’activité envisagée est conforme à la destination de l’immeuble et aux droits des autres copropriétaires ; qu’en l’espèce, l’interprétation des clauses du règlement de copropriété conduit à considérer que les lots du rez-de-chaussée sont des magasins, et non des commerces ou des locaux commerciaux, dans le sens où ils permettent la vente mais pas une activité de restauration ; que cette destination est confirmée par le standing élevé et bourgeois de l’immeuble ; qu’en l’espèce, le projet de la société Grumo JF est d’installer dans les trois lots réunis appartenant à la SCI un restaurant pouvant accueillir jusqu’à 200 personnes avec une vente à emporter, impliquant un ballet incessant de livreurs sur des véhicules motorisés à deux roues ;

– (3) qu’enfin, l’installation de quatre équipements rejetant de l’air chaud dans la cour est de nature à modifier de façon très sensible les modalités de jouissance des parties privatives.

La SCI et la société Grumo JF répliquent :

– que les travaux envisagés correspondent à des travaux d’amélioration au sens de l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu’ils sont indispensables à l’exploitation de tous commerces soumis au règlement ERP de 5ème catégorie, et notamment à un commerce de vente de crêpes et de vente à emporter qu’entend exercer la société Grumo JF, lequel n’est pas interdit par le règlement de copropriété ;

– que les travaux envisagés sont conformes à la destination de l’immeuble ; qu’en ne limitant pas son analyse aux travaux de ventelles pour lesquels il était saisi et en appréciant la conformité de l’activité de restauration à la destination de l’immeuble, le tribunal a excédé ses pouvoirs ; qu’au demeurant, aucune activité de restauration ne sera exercée dans les locaux, la cuisine ne devant servir qu’à assembler et réchauffer les éléments fabriqués dans un laboratoire extérieur ; qu’en tout état de cause, le règlement de copropriété ne stipule aucune restriction d’activité pour les locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée de l’immeuble ; que l’immeuble se trouve dans une rue particulièrement commerçante de [Localité 7] avec une mixité des activités commerciales ; qu’il existe un précédent d’activité de restauration rapide dans l’immeuble ;

– que les travaux envisagés ne portent pas atteinte aux droits des parties privatives des autres copropriétaires ; que la cour est davantage une zone de circulation qu’un îlot de fraîcheur comme se plaît à arguer le syndicat des copropriétaires ; qu’il n’existe pas de présomption de nuisances ou d’atteinte à la tranquillité, notamment en ce qui concerne des activités commerciales telles que des restaurants.

Réponse de la cour

Selon l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire use et jouit librement des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

Et selon l’article 25 b de la même loi, sont adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Enfin, selon l’article 30, alinéa 4, lorsque l’assemblée générale refuse l’autorisation prévue à l’article 25 b, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal judiciaire à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d’amélioration visés à l’alinéa 1er.

L’autorisation judiciaire de travaux prévue par l’article précité, dans la mesure où elle va à l’encontre de la volonté exprimée par l’assemblée générale des copropriétaires, est soumise à des conditions strictes, ainsi spécialement :

– les travaux doivent constituer des travaux d’amélioration, étant précisé qu’il n’est pas nécessaire que les travaux soient de nature à procurer une amélioration à l’immeuble et au profit de la collectivité des propriétaires, l’amélioration pouvant bénéficier à un seul copropriétaire,

– les travaux doivent être conformes à la destination de l’immeuble,

– ils ne doivent pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires.

À titre liminaire, la cour précise que le débat est limité à la demande d’autorisation judiciaire d’installation de ventelles sur la façade de la cour intérieure de l’immeuble et qu’il n’appartient pas au juge de se prononcer, dans le cadre du présent litige, sur la conformité à la destination de l’immeuble et aux droits des autres copropriétaires de l’activité envisagée dans les locaux commerciaux de la SCI.

S’agissant de la première condition, le tribunal a exactement retenu que la création de grilles de prise d’air et de rejet à l’arrière du local commercial constitue bien, sans considération de l’activité pratiquée et de la mise en conformité avec quelques normes que ce soit, une amélioration au sens de l’article 30, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, puisqu’il s’agit d’offrir à une partie de l’immeuble une possibilité de ventilation qui n’existait pas.

C’est encore à juste titre qu’il a considéré, s’agissant de la deuxième condition, que les travaux envisagés (et réalisés le 11 avril 2023 en exécution du jugement attaqué) ne sont contraires ni au règlement de copropriété ni à la destination de l’immeuble. En effet, aucune clause du règlement de copropriété n’interdit la pose de ventelles, la mention que « des stores ou tentes ne pourront être placés en saillie sur la cour qu’avec l’autorisation du syndic ou dans les conditions établies par lui » ne pouvant être assimilée à une telle interdiction, contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires. En outre, ainsi que l’a justement relevé le premier juge, les grilles ont été posées au niveau des ouvertures du rez-de-chaussée, dans la zone de service du local donnant sur la cour arrière de l’immeuble réservée aux occupants qui la fréquentent pour les besoins de circulation, sans intervention sur les étages à vocation bourgeoise. Il ressort du procès-verbal de constat d’huissier de justice du 11 avril 2023, que les ventelles ont été faites sur mesure pour s’intégrer au niveau d’anciennes ouvertures condamnées et qu’elles sont de la même teinte que les huisseries extérieures et les balcons, de sorte qu’elle s’intègrent parfaitement dans l’environnement de la cour et la façade de l’immeuble, sans porter atteinte à l’aspect esthétique de celui-ci, au caractère remarquable de son architecture ou à son standing élevé et bourgeois.

Enfin, le tribunal a exactement retenu qu’il n’est pas démontré que les ventelles portent atteinte aux droits de jouissance des copropriétaires dans leur fonctionnement, le projet présenté comportant un système d’isolation acoustique, un filtrage des odeurs, ainsi qu’une hotte à l’intérieur de l’établissement.

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a autorisé la SCI à faire réaliser les travaux de création de ventellles en façade sur cour intérieure des locaux commerciaux dont elle est propriétaire.

4. Sur la demande de remise en état des parties communes

Le syndicat des copropriétaires s’estime recevable et bien fondé à solliciter la remise en état des murs de refend séparant les lots 174, 175 et 176, aucune prescription ne pouvant lui être opposée et la réunion des lots n’étant pas régulière. Il demande encore d’enjoindre aux sociétés intimées de remettre en état les ouvertures pratiquées sans autorisation sur la façade de l’immeuble donnant sur la cour pour installer les ventelles.

La SCI et la société Grumo JF répliquent que les cloisons séparant les lots 174, 175 et 176 ne constituent pas des murs de refend et que les travaux de réunions des lots ont été réalisés il y a plus de 25 ans au vu et au su de tous les copropriétaires.

Réponse de la cour

Le jugement ayant été confirmé en ce qu’il a autorisé la SCI à faire réaliser les travaux de création de ventellles en façade sur cour, le syndicat des copropriétaires est nécessairement débouté de sa demande tendant à enjoindre aux sociétés intimées de remettre en état les ouvertures pratiquées sur la façade de l’immeuble donnant sur la cour pour installer les ventelles.

Il est encore débouté de sa demande de remise en état des murs de refend séparant les lots 174, 175 et 176, faute de rapporter la preuve d’une atteinte à ces derniers, aucune pièce versée aux débats par le syndicat des copropriétaires ne permettant de qualifier les cloisons abattues de murs de refend, les sociétés intimées produisant quant à elles un courrier de la société BEP maçonnerie du 3 mai 2023, attestant qu’après dépose des faux plafonds du local commercial, elle a observé « au droit des 2 poteaux centraux [‘] les traces d’anciennes cloisons séparatrices de 3 locaux commerciaux perpendiculaires à la façade. Ces cloisons étaient manifestement bâties en mâchefer. Leur constitution et leur positionnement nous permet d’affirmer qu’elles n’avaient aucun rôle structurel pour l’immeuble ».

Le jugement est confirmé sur ce point.

5. Sur les demandes d’indemnisation de la SCI et de la société Grumo JF

La SCI et la société Grumo JF sollicitent la condamnation du syndicat des copropriétaires à les indemniser de la perte de loyers et de la perte d’exploitation résultant de son refus abusif opposé à la demande de travaux.

Le syndicat des copropriétaires réplique qu’il n’y a aucun abus de droit, que les sociétés intimées ne font aucunement la démonstration d’une quelconque intention de nuire et que les préjudices allégués ne reposent sur aucune pièce justificative.

Réponse de la cour

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge, après avoir rappelé que la décision d’autorisation de travaux est une décision souveraine de l’assemblée générale des copropriétaires, quoique révisable par le juge, qui ne trouve sa limite qu’en cas d’abus de droit, a considéré que le syndicat des copropriétaires n’avait pas abusé de son droit de refus en estimant que la pose de ventelles allait nécessairement causer un trouble du fait des nuisances sonores ou olfactives créées, qu’il n’est allégué aucun motif de nature à asseoir une intention de nuire à leur endroit et qu’en l’absence de faute établie, les demandes d’indemnisation de la SCI et de la société Grumo JF, fondées sur le préjudice résultant de la décision de refus, ne peuvent qu’être rejetées.

Le jugement est confirmé sur ce point.

6. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est enfin confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

En cause d’appel, le syndicat des copropriétaires, partie perdante, est condamné aux dépens d’appel et à payer à la SCI et à la société Grumo JF la somme de 3 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles qu’elles ont dû engager.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 7] et tirée de la réalisation des travaux avant que la cour ne statue,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 7] à payer à la SCI Providence Hugo et à la société Grumo JF la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 7] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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