Nuisances sonores : décision du 18 septembre 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/00188

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Nuisances sonores : décision du 18 septembre 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/00188
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GB/LP

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N°157 DU DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

AFFAIRE N° RG 22/00188 – N° Portalis DBV7-V-B7G-DNDL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe-à-Pitre – section activités diverses – du 9 février 2022.

APPELANTE

Madame [D] [BK]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Maître Jules Teddy FRANCISOT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE

S.A.R.L. ALPHA CONSEIL & ASSOCIES

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Maître Pascale BERTÉ (SELARL BERTE & ASSOCIES), avocat au barreau de la MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 mai 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,

Mme Gaëlle Buseine, conseillère,

Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 septembre 2023.

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente et par Mme Lucile Pommier, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [BK] a été embauchée par la SARL Alpha Conseil et Associés par contrat de travail à durée déterminée pour surcroît d’activité, du 2 mai 2017 au 31 octobre 2017, en qualité de chargée de recherches.

La relation de travail s’est poursuivie suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 juillet 2017, Mme [BK] exerçant les fonctions de chargée de recherches/chargée de recrutement confirmée aux termes dudit contrat de travail.

Par avenant du 1er janvier 2019, l’intitulé du poste de Mme [BK] était modifié comme étant chargée de recrutement, statut ETAM, position 2.2, coefficient 310.

Mme [BK] saisissait le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre le 12 décembre 2019, sous le n° RG 19/00509 aux fins de voir :

– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur,

– condamner la SARL Alpha Conseil et Associés à lui payer les sommes suivantes :

* 2940,66 euros au titre de la requalification du CDD en CDI,

* 35287,92 euros au titre du harcèlement moral, sexuel et des souffrances au travail,

* 35287,92 euros au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,

* une indemnité de licenciement,

* 5881,32 euros au titre du préavis et 588,13 euros au titre des congés payés afférents,

* 17643,96 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

– 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Le 4 février 2020, le médecin du travail délivrait à Mme [BK] un avis d’inaptitude à l’issue d’une visite de reprise du travail, suite à un arrêt maladie d’origine non professionnelle, en précisant qu’elle ‘pourrait bénéficier d’une formation en communication événementielle’.

Par lettre du 6 mars 2020, l’employeur demandait à Mme [BK], dans le cadre d’une démarche de recherche de reclassement, si elle souhaitait recevoir des offres hors du département de la Guadeloupe et sur quel(s) département(s), ainsi que sur un poste de catégorie inférieure.

Par courrier du 10 mars 2020, l’employeur informait Mme [BK] de l’impossibilité de procéder à son reclassement.

Le 11 mars 2020, Mme [BK] adressait à la CGSS une déclaration de maladie professionnelle et était placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle/accident du travail jusqu’au 3 juin 2020.

Par lettre du 20 mars 2020, l’employeur, compte tenu du contexte sanitaire, proposait à Mme [BK] de réaliser un entretien préalable à son éventuel licenciement par téléphone ou par visioconférence et lui indiquait la possibilité de privilégier les échanges écrits avant le 26 mars 2020.

Par courriel du 26 mars 2020 l’employeur indiquait à la salariée lui avoir adressé une lettre de convocation à un entretien préalable, fixé le 25 mars 2020, et lui demandait, eu égard au contexte sanitaire, si elle avait des observations à lui faire parvenir.

Par lettre du 31 mars 2020, l’employeur notifiait à Mme [BK] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par courrier du 1er avril 2020, la CGSS informait Mme [BK] de la reconnaissance de sa maladie comme étant d’origine professionnelle.

Mme [BK] saisissait le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre le 20 mai 2020, sous le n° RG 20/00134 aux fins de voir :

– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur,

– condamner la SARL Alpha Conseil et Associés à lui payer les sommes suivantes :

* 2940,66 euros au titre de la requalification du CDD en CDI,

* 35287,92 euros au titre du harcèlement moral, sexuel et des souffrances au travail,

* 35287,92 euros au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,

* 1837,92 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 2940,66 euros au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement pour inaptitude,

* 2940,66 euros au titre de son salaire du mois de mars 2020 et 294,06 euros au titre des congés payés afférents,

* 17643,96 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 3675,84 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude professionnelle,

* 5881,32 euros au titre du préavis et 588,13 euros au titre des congés payés afférents,

* 17643,96 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner l’employeur à délivrer les documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir,

– condamner l’employeur à lui verser la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par jugement rendu contradictoirement le 9 février 2022, le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

– ordonné la jonction des procédures référencées sous les numéros RG 19/00509 et RG 20/00134 et dit que l’instance se poursuivra sous le RG 19/00509,

– jugé que l’action de Mme [BK] [D] n’était pas fondée,

– jugé que l’employeur n’avait pas manqué à ses obligations contractuelles,

– constaté le caractère infondé de la demande de résiliation judiciaire de la salariée,

– constaté le bien-fondé du licenciement pour inaptitude non professionnelle,

– jugé irrecevable l’intégralité des demandes de Mme [BK] [D],

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné Mme [BK] [D] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 23 février 2022, Mme [BK] formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 21 février 2022 en ces termes : ‘Appel général et notamment en ce que le CPH a statué en ces termes :

– juge que l’action de Mme [BK] [D] n’est pas fondée,

– juge que l’employeur n’a pas manqué à ses obligations contractuelles,

– constate le caractère infondé de la demande de résiliation judiciaire de la salariée,

– constate le bien-fondé du licenciement pour inaptitude non professionnelle,

– juge irrecevable l’intégralité des demandes de Mme [BK] [D],

– déboute les parties du surplus de leurs demandes,

– condamne Mme [BK] [D] aux entiers dépens de l’instance’.

Par ordonnance en date du 20 avril 2023, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et renvoyé la cause à l’audience du lundi 15 mai 2023 à 14h30.

Par avis adressé par voie électronique le 4 septembre 2023, les parties ont été invitées à faire valoir leurs observations, jusqu’au 12 septembre 2023 au plus tard, sur le moyen relevé d’office tiré du non cumul entre l’indemnité pour irrégularité de procédure et l’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Mme [BK] a transmis par voie électronique le 5 septembre 2023 ses observations relatives au cumul possible des indemnités pour irrégularité de la procédure et licenciement nul, en application du principe de réparation intégrale du préjudice.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 19 avril 2023 à la société Alpha Conseil et Associés, Mme [BK] demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré dans son intégralité,

Statuer à nouveau :

– fixer son salaire de référence à 2940,66 euros,

– condamner la SARL Alpha Conseil et Associés à lui verser les sommes suivantes :

* 2940,66 euros à titre de requalification du CDD en CDI,

* 35287,92 euros au titre du harcèlement moral, sexuel et des souffrances au travail,

* 17643,96 euros au titre du préjudice économique, moral et d’anxiété,

* 17643,96 euros au titre du manquement de l’employeur à la prévention et à la lutte contre les risques sanitaires et psycho-sociaux,

* 1837,92 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 2940,66 euros au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement pour inaptitude,

* 2940,66 euros au titre de son salaire du mois de mars 2020 et 294,06 euros au titre des congés payés afférents,

* 17643,96 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

* 3675,84 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude professionnelle,

* 5881,32 euros au titre du préavis et 588,13 euros au titre des congés payés afférents,

* 29406,60 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse (écarter le barème Macron par motivation spéciale),

– condamner la SARL Alpha Conseil et Associés à lui délivrer des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir,

– condamner la SARL Alpha Conseil et Associés à lui payer pour la première instance 3210,23 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SARL Alpha Conseil et Associés à lui payer, pour l’instance d’appel, 1250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens d’appel,

– prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– rejeter l’intégralité des demandes de la SARL Alpha Conseil et Associés.

Mme [BK] soutient que :

– son CDD a fait office de période d’essai,

– la maladie professionnelle dont elle est victime est la conséquence directe d’un harcèlement au travail, dont elle établit la réalité par les pièces qu’elle produit,

– l’employeur n’a pris aucune mesure pour réduire le risque de harcèlement ou pour procéder au règlement de la situation, l’enquête menée ayant été insincère,

– elle justifie des préjudices dont elle se prévaut,

– elle est fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, compte tenu des différents manquements dont elle rapporte la preuve,

– la procédure de licenciement est irrégulière,

– l’employeur ne justifie pas avoir accompli son obligation de reclassement,

– son inaptitude présente une cause professionnelle, justifiant les indemnités liées à la rupture de son contrat de travail qu’elle réclame.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 18 avril 2023 à Mme [BK], la SARL Conseil et Associés demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* jugé que l’action de Mme [BK] [D] était infondée,

* jugé que l’employeur n’a pas manqué à ses obligations contractuelles,

* constaté le caractère infondé de la demande de résiliation judiciaire de la salariée,

* constaté le bien-fondé du licenciement pour inaptitude non professionnelle,

* jugé irrecevable l’intégralité des demandes de Mme [BK] [D],

* débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* condamné Mme [BK] [D] aux entiers dépens de l’instance,

– condamner Mme [BK] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société expose que :

– le CDI de la salariée ne comportant pas de période d’essai, cette situation ne saurait entraîner la requalification du CDD initial dont le motif est régulier,

– la salariée ne présente pas de pièces laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral,

– il résulte des éléments versés aux débats par la société que la salariée a seulement fait l’objet de rappels de ses obligations contractuelles,

– elle n’a pas manqué à son obligation de sécurité, ayant réalisé une enquête dès l’alerte donnée par la salariée,

– la salariée ne justifie pas avoir été à la disposition de l’employeur durant ses congés payés,

– la procédure de licenciement est régulière et l’obligation de reclassement de la salariée a été respectée,

– les documents médicaux, qui relatent les dires de la salariée, ne peuvent servir à établir un lien entre l’inaptitude et l’origine professionnelle de celle-ci,

– les indemnités réclamées par la salariée ne sont pas justifiées.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes de Mme [BK] :

Si la société sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a dit que les demandes de la salariée étaient irrecevables, elle ne s’explique pas sur ce point, étant observé que les premiers juges n’ont pas explicité dans les motifs dudit jugement cette irrecevabilité.

Dans ces conditions, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que les demandes de Mme [BK] étaient irrecevables.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée :

Aux termes de l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Selon l’article L. 1242-2 du même code, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : 2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

Aux termes de l’article L. 1243-11 de ce code, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.

Le salarié conserve l’ancienneté qu’il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.

La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.

En l’espèce, le contrat de travail à durée déterminée de Mme [BK] en date du 2 mai 2017 a été conclu pour le motif d’un surcroît temporaire d’activité.

La relation de travail s’est ensuite prolongée à durée indéterminée à compter du 1er août 2017, suivant un contrat de travail signé le 21 juillet 2017, dont l’article 1er prévoyait ‘Le présent contrat ne contient pas de période d’essai, étant entendu que le CDD préalable à ce contrat a fait office de période d’essai sur le poste’.

Dès lors que l’employeur demeure libre de prévoir ou d’exclure une période d’essai dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée ayant succédé à un contrat à durée déterminée et que la durée de ce dernier est susceptible de s’imputer sur celle-ci, la mention reprise ci-dessus n’a d’autre but que de préciser la raison pour laquelle le contrat de travail à durée indéterminée de Mme [BK] du 21 juillet 2017 ne prévoit pas de période d’essai.

La salariée n’est pas fondée à se prévaloir d’un contrat à durée déterminée ayant pour vocation de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il convient de la débouter de sa demande de versement d’une indemnité de requalification du contrat à durée déterminée.

Sur le harcèlement au travail :

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, aux termes de l’article susvisé et de l’article L 1154-1 du code du travail lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’article L. 1153-1 du code du travail prohibe les faits de harcèlement sexuel ou assimilés à du harcèlement sexuel.

Il convient d’examiner les éléments allégués par Mme [BK] à l’appui du harcèlement au travail dont elle s’estime victime.

Mme [BK] se prévaut d’un harcèlement moral et sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, M. [G] [O], de ses conditions de travail indignes et de l’enquête interne menée par la société, qu’elle estime être bâclée et mensongère.

A l’appui de ses allégations, elle produit :

– une lettre qu’elle a adressée le 3 juin 2019 à M. [A] [W] et à la DIECCTE, dénonçant les faits suivants :

* le 12 septembre 2018, des propos de M. [G], son supérieur hiérarchique, à la suite du souhait de Mme [BK] d’échanger avec son conjoint préalablement à toute confirmation de déplacement à un salon sur [Localité 4] début octobre, en vue de faciliter l’organisation de séjour. Mme [BK] précise que M. [G] se serait énervé en indiquant : ‘Rien ne doit se mettre entre Alpha Conseil et toi. Préviens-le que c’est pas la dernière fois que cela arrive [le déplacement hors département]. Ton copain doit s’y habituer’.

* des propos déplacés de M. [G] lors du salon précité qui se déroulait les 4 et 5 octobre 2018, relatifs à sa tenue vestimentaire et son maquillage, l’ayant mise mal à l’aise.

* une obligation formulée par M. [G] de le tutoyer.

* le 25 octobre 2018, un ordre de M. [G] adressé à Mme [BK] d’interrompre la conversation téléphonique qu’elle avait en cours, la déstabilisant, et des propos tels que ‘Tu vois comment tu parles là ‘ Tu rigoles, tu es joyeuse, tu fais des blagues ‘ Et bien c’est comme ça que je veux que tu me parles. Je veux que tu rigoles aussi comme ça avec moi. Tu as compris ‘ Je te laisse y réfléchir. Ce n’est pas un ultimatum mais moi je veux que tu me parles comme ça et que tu rigoles avec moi comme ça’.

* le 5 décembre 2018, des propos de M. [G] lors d’une visio ‘Kick off’ : ‘tu auras la chance de profiter d’un mafé que je fais pour vendredi, tu pourras t’empiffrer, je l’ai fait avec amour’, la mettant mal à l’aise. Des propos similaires lors d’une autre réunion Kick Off en vue d’un déplacement en Martinique le 15 janvier 2019.

* une réponse désagréable à la suite d’un courriel consécutive à son message déclinant une participation à une réunion du 15 janvier 2019 prévue en Martinique.

* des propos agressifs tenus par M. [G] à la suite d’un courriel que Mme [BK] lui a adressé le 23 janvier 2019 au sujet de la commande de ventilateurs.

* des appels téléphoniques de M. [G] alors qu’elle se trouvait en congés le 7 février 2019, en vue de la faire venir en Martinique le 23 février 2019 pour l’anniversaire du groupe Créo.

* une difficulté à exprimer son malaise et la dégradation de ses conditions de travail, lors d’un rendez-vous le 4 mars 2019 avec Mme [SA] [I], responsable des ressources humaines, M. [G] se positionnant à proximité de la vitre de son bureau et Mme [BK] craignant qu’il entende la teneur de ses propos.

* à partir du 25 mars 2019, des pressions de M. [G] pour qu’elle accepte une rupture conventionnelle dont il souhaitait qu’elle prenne l’initiative.

* à compter du 13 mai 2019, le constat d’un défaut de réponse de la part des nouvelles consultantes de Martinique et d’une absence de placements à son niveau, alors que les deux autres chargées de recrutement en Martinique en réalisaient, impliquant un sentiment de mise à l’écart.

– des échanges de messages whatsapp du 25 octobre 2018 avec un collègue, M. [OF], au sujet de l’incident du même jour. Ces échanges, qui débutent à 16h15, mettent en évidence que ce collègue a été témoin de l’incident et qualifie M. [G] de ‘fou’.

– des échanges de messages whatsapp du 25 octobre 2018, avec Mme [E], l’interlocutrice qu’elle avait au téléphone lors de l’incident précité, lui précisant que M. [G] ‘ne parle à personne de la journée’.

– des échanges whatsapp des mois de février à avril 2019 avec M. [G] relatifs à la rupture conventionnelle.

– un courriel de Mme [BK] du 26 mars 2019 adressé à M. [G], la salariée lui demandant de lui faire parvenir par écrit sa demande de rupture conventionnelle.

– les attestations suivantes :

* de M. [OF] [DZ], ancien collègue, en date du 10 juillet 2019 indiquant : ‘J’ai été consultant au sein de l’agence Alpha Conseil Guadeloupe de juillet 2017 à mai 2019. J’ai pu assister pendant mes fonctions à des comportements anormaux de la part de M. [O] [G] envers Mme [BK]. En amont, je confirme les conditions de travail de Mme [BK] qui avait son bureau adjacent au mien. Début 2018, sa climatisation est tombée en panne, elle a réclamé une intervention à l’ancienne directrice Mme [IP] [J] puis à M. [O] [G] son successeur sans succès. Il est à noter que le bureau ne comporte aucune fenêtre sur l’extérieur et que la baie informatique pour l’intendance dégage une forte chaleur et du bruit est située dans le bureau de Mme [BK], j’entendais les bruits de mon bureau et la chaleur était difficilement supportable.

Pour en revenir au directeur, [D] m’avait déjà fait part de remarques diverses concernant l’attitude de [O] à son égard. Cela a commencé dès son arrivée, courant septembre 2018. Je dois avouer ne pas avoir pris au sérieux son attitude au début.

Cependant, les événements ont commencé à prendre une toute autre tournure fin septembre, quand [O] a demandé à [D] de l’accompagner à un salon à [Localité 4].

[P] [E] consultante en Martinique participait également à ce salon. [D] ne voulant pas partir pour ce voyage, s’est vu dans l’obligation d’accepter pour ne pas paraître ‘récalcitrante’. Mme [J] le lui avait déjà reproché lors de ses demandes pour la climatisation notamment. Lors de l’événement du salon de l’emploi à [Localité 4], [D] m’a rapporté des commentaires que [O] lui aurait fait sur sa tenue vestimentaire et son absence de maquillage qu’il aimait bien. Elle m’avait également confié se sentir extrêmement mal à l’aise face à ces propos.

En complément de ce voyage à [Localité 4], [O] a proposé à [D] le poste de Consultante sur la Guadeloupe alors que les chiffres ne le justifiaient pas. Elle a refusé cette promotion faute de visibilité et d’accompagnement sur le terrain.

Quelques semaines après le salon de [Localité 4], j’ai pu assister à une scène surprenante de mon bureau entre [O] et [D] ; alors qu’elle était au téléphone avec [P] [E], j’ai entendu [O] bondir précipitamment de sa chaise et accourir dans le bureau d'[D] afin de lui dire : ‘Pourquoi tu ne rigoles pas comme ça avec moi ‘ Pourquoi tu n’es pas comme ça avec moi ‘ J’aimerais que tu agisses avec moi comme avec elle…’ de mon bureau ce sont les phrases que j’ai entendues. J’ai trouvé cela si surprenant que je me suis précipité afin de lui envoyer un message Whatsapp pour dire à [D] qu’il était ‘fou’. Je me souviens que cet épisode avait fortement marqué [D] qui ne comprenait pas pourquoi il s’excitait autant. Un autre épisode l’a fortement marquée. Un jour, alors que j’échangeais avec [F] [M] (Consultante à l’agence de Guadeloupe), [D] est venue nous demander si l’on avait entendu sa conversation. C’est alors qu’elle nous a expliqué qu’elle venait de raccrocher le téléphone car M. [G] l’avait appelée. Elle était assez choquée car elle nous a raconté qu’il était furieux et qu’il lui avait raccroché dessus à cause d’une relance pour les ventilateurs. Désemparé par leur échange, je me souviens être sorti à l’extérieur avec elle pour parler et prendre l’air (…) Un jour, le lundi 25 mars, [O] est arrivé en Guadeloupe, on ne s’attendait pas à le voir, il nous a dit bonjour puis il est entré de force dans le bureau d'[D]. Puis il est ressorti quelques secondes pour y entrer une nouvelle fois quelques minutes après. Il s’est enfermé avec [D] dans son bureau. Je me souviens l’avoir vue complètement abattue à la suite de l’entrevue ne comprenant pas pourquoi il voulait se débarrasser d’elle (pour reprendre ses termes). Le lendemain après-midi, [D] n’ayant toujours pas donné de réponse et ayant été prendre conseil auprès de représentants juridiques, [O] est venu me voir dans mon bureau afin de me dire : ‘Je sais que tu es proche d'[D], on vient de lui faire une proposition pour partir du groupe, j’aimerais que tu puisses échanger avec elle, afin de la convaincre que c’est la meilleure solution pour elle’.

* de M. [LK] [R], compagnon de la salariée, en date du 10 juillet 2019 précisant : ‘Le lundi 25 mars, j’ai reçu un message Whatsapp de ma compagne m’indiquant que M. [G] était venu en Guadeloupe sans prévenir personne et qu’il avait fait intrusion dans son bureau alors qu’elle était en entretien. Elle m’a dit qu’il lui proposait une rupture conventionnelle et que si elle n’acceptait pas, on la licencierait. Vu l’urgence et devant son incompréhension et la mienne, je lui ai conseillé d’aller voir la permanence juridique de la CGTG. Je sentais bien à travers ses messages qu’elle paniquait à l’idée de perdre son travail aussi soudainement et semblerait-il, sans motifs valables. Elle était complètement perdue et angoissée par la situation. Le Mardi 26 mars à son retour au travail, elle m’a envoyé un message disant que M. [G] lui avait remis la pression pour qu’elle accepte cette rupture conventionnelle. Nous sommes allés à la permanence juridique le même jour à 15h et elle a exposé la situation. Ils lui ont répondu que ce n’était certainement pas comme cela que se passait une rupture conventionnelle et que ce n’était pas normal qu’il lui force la main de la sorte. Ils ont bien vu qu’elle ne se sentait pas bien. En effet, elle avait les larmes aux yeux. [D] a alors demandé si c’était possible qu’elle envoie un mail à M. [G] afin de lui demander de faire sa demande par écrit tout en précisant ‘je sais bien qu’il ne répondra pas au mail et tentera de m’appeler’. Effectivement, juste après l’envoi du mail, elle a reçu deux appels de sa part. Puis un message via whatsapp lui demandant de le rappeler. Puis un autre disant qu’il ne donnait pas suite. Aucun de nous quatre n’a compris ce que voulait dire son message. Elle a commencé à pleurer car elle avait l’impression que c’était une menace. Les conseillers lui ont dit d’ignorer son message mais cela la touchait beaucoup trop. Donc elle a demandé aux conseillers s’il était possible d’appeler le directeur en mettant l’appel en haut-parleur afin qu’ils puissent voir la manière avec laquelle il se comportait avec elle. La conversation était en haut-parleur avec [D], les deux conseillers juridiques et moi. M. [G] au téléphone était très énervé et agacé par la situation parce que cela ne se déroulait pas comme il le souhaitait. Dans le ton de sa voix, je sentais qu’il était menaçant et qu’il voulait imposer sa solution. Moi qui écoutais cette conversation étais très énervé par la façon dont M. [G] parlait à [D] et ai eu envie d’intervenir pour stopper tout cela. Parce que ce n’était absolument pas un échange ou une discussion professionnelle. J’ai vraiment eu l’impression que M. [G] l’a plus menacée en lui mettant la pression pour qu’elle prenne la décision qui l’arrangeait lui, plutôt que d’expliquer les raisons de la rupture et de comprendre son désarroi. Il n’a éprouvé aucune empathie par rapport à la situation et l’état dans lequel il a mis [D]. De plus, après les multiples questions que posait [D] pour savoir pourquoi lui imposait-on une rupture conventionnelle qu’elle n’avait jamais souhaitée, M. [G] a fortement haussé le ton et fait part de son agacement. Je me souviens qu’il a dit que le temps n’était plus aux discussions et cela sonnait vraiment comme une menace. Suite à cet appel, l’état d'[D] s’est aggravé à tel point que les conseillers juridiques nous ont dit qu’elle devait absolument se mettre en arrêt pour pouvoir prendre du temps et se reposer. A la fin de la journée elle était totalement vidée et angoissée par la possible perte totale de son travail mais surtout, à cause de l’attitude de son directeur’

* de Mme [N] [K], soeur de la salarié en date du 22 décembre 2019 indiquant : ‘Depuis un an maintenant, [D] [BK] m’a informée de certains échanges et comportements eus avec son responsable M. [O]. La première fois a été pour un salon à [Localité 4]. Suite à cet échange je lui ai dit que je ne comprenais pas son comportement, mais peut-être était-ce qu’il avait besoin qu’elle y vienne. Elle a quand même (illisible). Mais quelque temps (illisible), elle me téléphone pour me faire part d’une réaction virulente qu’il a eue à son égard, suite à un appel qu’elle avait eu de sa collègue. Il lui a intimé l’ordre d’échanger avec lui sur le même ton jovial qu’elle avait avec sa collègue. Mais en me racontant ça, sa voix tremblait. J’ai eu l’impression que l’échange qu’ils avaient l’avait perturbée. Plus le temps a passé, plus ma soeur m’a appelée pour échanger avec moi sur ce qu’il se passait, mais surtout j’avais vraiment l’impression que ça jouait sur son moral et son psychologique, jusqu’au mois de mars 2019 où un échange téléphonique avec son responsable de trop et j’ai eu ma soeur en larmes au téléphone, j’ai ressenti sa peur, son malaise et très perturbée. Les conditions de travail n’ont fait que se détériorer et à ce jour même après le départ de M. [O], [D] [BK] qui a été atteinte au plus profond d’elle n’est pas remise. Je ne reconnais plus la femme joyeuse qu’elle était avant tout cela’

*un document dactylographié de M. [H] [V] membre de la commission juridique de la CGTG, daté du 3 décembre 2019, dépourvu de pièce d’identité, attestant de la consultation du 25 mars 2019 de Mme [BK] au sujet de multiples problèmes au sein de l’entreprise où elle est salariée. Il précise qu’au cours de l’entretien, elle s’est plainte : des comportements déplacés du directeur à son égard, du dictat de ce dernier qui voulait l’obliger à tout prix à faire une demande de rupture conventionnelle, des mauvaises conditions de travail se traduisant par un climatiseur en panne depuis des mois et un bruit insupportable émanant de l’appareillage informatique, d’incessants appels téléphoniques durant ses congés maladie et congés payés. Il précise que Mme [BK] dit se sentir harcelée, ce qui a pour conséquence la détérioration de sa santé, d’où ses arrêts de travail

* une seconde attestation de M. [LK] [R], en date du 31 décembre 2021 relatant notamment la baisse d’énergie de Mme [BK], son manque de motivation et sa fatigue généralisée, caractérisée par de grandes difficultés à se lever de son lit alors qu’elle est réveillée depuis 2-3 heures, sa difficulté à se nourrir convenablement

* une attestation de Mme [BK] [MV], mère de la salariée, en date du 31 décembre 2019 précisant : ‘en début d’année, au mois de mars 2019, ma fille [D] [BK] me téléphone comme souvent. Je la sens mal à l’aise, déstabilisée, perturbée. Elle m’informe de certains problèmes qu’elle rencontre au sein de son entreprise ‘Alpha Conseil’ et surtout ceux en rapport avec son directeur Monsieur [G]. Le lendemain, étant en congé de deux jours, je décide d’aller la voir. Bateau à 6h du matin, location de voiture pour aller de [Localité 1] à [Localité 5].

Je passe la voir un petit moment à son bureau. C’était la première fois que j’y venais. De là, je suis interloquée : murs aveugles, lumières artificielles, pas de climatisation, juste son ventilateur personnel qui brasse un air chaud et confiné, la chaleur et le bruit de l’unité centrale qui se trouve juste dans son dos, et même pas la possibilité d’avoir une fenêtre pour aérer ; il n’y en a pas. Il faut beaucoup de courage et aimer son travail pour le faire dans de telles conditions. Pendant le court moment de ma visite, elle me parle du comportement vis à vis d’elle de son directeur. Voyant dans quel état psychologique elle se trouve, je reste le soir même en Guadeloupe et passe la soirée avec elle. Là, elle me parle de tout :

– le salon à [Localité 4], l’insistance avec laquelle il a obtenu sa venue. La façon dont elle était habillée qui lui plaisait, son manque de maquillage qu’il appréciait

– son attitude et sa réaction lors de l’appel téléphonique avec sa collègue de Martinique :

* je veux que tu raccroches, qu’importe la personne avec qui tu es. Tu vois comme tu parles là ‘ Tu rigoles, tu es joyeuse, tu fais des blagues. Eh bien c’est comme ça que je veux que tu me parles. Je veux que tu rigoles aussi comme ça avec moi. Tu as compris ‘ Ce ne sont pas les paroles d’un directeur à sa subordonnée

– l’insistance pour le voyage en Martinique

A chaque fois que la venue de M. [G] était annoncée, elle était à la limite de la terreur. Lorsqu’elle me raconte tous ces faits, sa voix tremble. Je la sens très perturbée et déstabilisée. Elle perd le sommeil et redoute chaque jour de travail que M. [G] n’arrive sans être annoncé.

Au fur et à mesure des semaines, [D] me parle des visites de M. [G], de ses paroles à double sens, de son ton virulent et impérieux, de ses démarches auprès de la direction, de la RRH, qui restent sans résultat.

Le 25 mars 2019, elle m’appelle catastrophée en me disant que Monsieur [G] s’est présenté dans son bureau en lui proposant une rupture conventionnelle. Elle tombe des nues et moi aussi, surtout que, malgré toutes les demandes de ma fille verbales ou écrites, aucune raison ne lui est donnée, et qu’en plus c’est elle qui doit en faire la demande.

D’après Monsieur [G], elle sait pourquoi.

J’ai beaucoup de mal à la rassurer et à lui faire entendre que cela ne se pose pas ainsi.

Elle est en panique, se demande ce qu’elle a fait, puisque aucune raison, ni motif ne lui sont donnés et surtout, elle se demande ce qui va se passer pour son emploi. Je vais la voir à plusieurs reprises en Guadeloupe. (…) d’enquête intérieure ne donne rien. [D] n’a aucune information à ce sujet.

Apparemment personne ne prend ce qu’elle dénonce au sérieux. Ni ses conditions de travail ni l’attitude et la façon de manager [D], de Monsieur [G]. [D] ne comprend pas et elle s’enfonce un peu plus dans la dépression ; perte de sommeil, peur d’aller travailler, perte de confiance en elle, larmes, son mal être est évident.

Arrêts de maladie, psychologue, généraliste, médecine du travail. Dans l’hypothèse de sa perte d’emploi, elle et son conjoint déménagent. Au lieu de 10 min de trajet, ils auront 1 heure. Je n’ai pas de diplôme de psychologie, mais dans le cadre de mon emploi c’est une matière que l’on nous enseigne. Le manque de réaction et le manque de prise au sérieux des problèmes rencontrés avec Monsieur [G] par [D] de la part de la direction ont joué un grand rôle dans son état psychologique actuel (…)’

– des pièces médicales, notamment :

* des attestations en date du 7 décembre 2019 et du 23 janvier 2021 de Mme [X] [YB], psychologue clinicienne, relatives à une prise en charge de soins thérapeutiques

* une attestation du Dr [GU] [U] du 5 juillet 2019 relative aux consultations de la salariée qui exprimait des éléments dépressifs importants

* une attestation du Dr [GU] [U] relative aux doléances de la salariée et un arrêt de travail du 25 au 27 novembre 2019, ainsi que des prescriptions médicales du même médecin

* une attestation médicale en date du 2 décembre 2019 du Dr [T] [Z], psychiatre, au sujet de l’état anxio-dépressif de la salariée

* des prescriptions médicales de médicaments du Dr [B] [C], psychiatre et un arrêt de travail du même médecin pour raison professionnelle à compter du 2 février 2022 et ceci pour une durée indéterminée

– des échanges de courriels du mois de septembre 2018 avec Mme [J] [IP] relatifs au changement du climatiseur

– un courriel de Mme [BK] du 26 décembre 2018 interrogeant M. [G] dans son objet sur la prévision d’un changement de climatiseur pour le mois de janvier

– un courriel de Mme [BK] du 23 janvier 2019 interrogeant M. [G] dans son objet sur la commande de ventilateurs

– des échanges de courriels du 23 et janvier 2019 entre Mme [BK] et Mme [S] sur l’absence de réponse au sujet des ventilateurs et des courriels du 14 février 2019 entre M. [G] et Mme [M] sur ce même sujet

– un CD Rom sur lequel est enregistré un bruit présenté par la salariée comme étant celui du poste de travail et une conversation comme étant celle entre la salariée et M. [G]

Il résulte des éléments repris ci-dessus que Mme [BK] établit la matérialité, par des déclarations précises, constantes et concordantes de témoins directs et personnes auxquelles elle s’est confiée de plusieurs tensions managériales avec son supérieur hiérarchique, M. [G] [O].

Toutefois, seront exclues les réponses désagréables attribuées à M. [G] à la suite de ses demandes relatives au climatiseur et au ventilateur, en l’absence d’éléments tangibles produits au sujet desdites réponses.

Elle ne produit pas davantage d’éléments relatifs à ses allégations d’une mise à l’écart par défaut de réponse à ses sollicitations, alléguée à compter du mois de mai 2019, ni concernant les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’enquête interne qu’elle qualifie de bâclée et mensongère, la seule circonstance que l’employeur l’ait informée par lettre du 16 septembre 2019 de l’absence de confirmation des faits à la suite de l’enquête interne, n’étant pas de nature à caractériser les insuffisances évoquées par Mme [BK].

S’agissant de ses conditions matérielles de travail, elle rapporte également la matérialité d’éléments précis et concordants relatifs à une insuffisance de moyens relatifs au confort de température au sein de son bureau et de nuisances sonores à son poste de travail.

Dans ces conditions, Mme [BK] produit des éléments, qui pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.

La société verse aux débats :

– les comptes rendus d’entretiens menés au mois de juin 2019 et datés du 5 juillet 2019 pour celui mené avec Mme [E] [P], le compte rendu d’entretien de M. [G] [O], celui de M. [OF] [DZ] signé le 3 juillet 2019, celui de Mme [M] [F] signé le 15 juillet 2019 et celui de Mme [BK] signé le 29 juillet 2019, à la suite de son alerte du 3 juin 2019, ainsi qu’un courriel du 1er juillet 2019 de la responsable des ressources humaines communiquant à Mme [BK] l’enquête retranscrite.

*Mme [E] [P] précise notamment qu’elle estime que, depuis le retour d’arrêt maladie de la salariée, le 1er juillet 2019, il est nécessaire de repasser derrière les comptes-rendus établis par Mme [BK], étant observé qu’il n’y a rien à lui reprocher. Pour avoir une idée, elle indique qu’elle a réalisé 2 placements avec la salariée contre une dizaine pour Mme [Y] [KA]. S’agissant du stand de [Localité 4] auquel elle se trouvait, elle indique que Mme [BK] a évoqué son ras le bol d’Alpha conseil. Elle ajoute que la salariée lui avait rapporté le commentaire que [O] avait fait sur sa tenue qu’il ne jugeait pas forcément adaptée à l’événement le premier jour, mais qu’il avait vu un effort le second jour. Mme [E] précise que Mme [BK] n’a pas fait plus de commentaire sur cet événement. Concernant la conversation signalée par Mme [BK] au cours de laquelle M. [G] lui aurait demandé de raccrocher, Mme [E] précise qu’elle n’a pas entendu [O] à l’autre bout du fil et que la salariée lui a rapporté que [O] n’avait pas été content qu’elle rigole au téléphone.

* M. [G], dans son entretien à la suite des dénonciations de Mme [BK], précise qu’à son arrivée, il avait constaté que la salariée était très démotivée et qu’il s’était efforcé de la valoriser, précisant qu’elle avait du potentiel mais qu’elle se trouvait en insuffisance de production. Il indiquait que, s’agissant de ses assertions au sujet de la conversation téléphonique du mois de septembre, il avait dit ‘l’activité et le business ne peut dépendre de ton copain’, ajoutant que le ton n’était pas virulent. S’agissant du salon de [Localité 4], il avait fait une remarque sur sa tenue sans qu’elle soit mal intentionnée. Concernant le kick off, la remarque au sujet du mafé réalisé avec amour est une tournure humoristique, qui n’était pas destinée à Mme [BK] personnellement, alors que la discussion était en public. Quant à la demande de tutoiement, elle concerne tous les collaborateurs et il n’avait pas le souvenir d’un agacement de sa part. Concernant l’interruption d’une conversation au téléphone, il explique que, juste avant, il se trouvait à l’accueil, qu’elle lui avait fait une remarque sur un ton sec et froid et qu’il avait ensuite demandé qu’elle emploie le même ton que celui de la conversation en cours, précisant que la discussion qu’il avait eue avec la salariée s’était déroulée de manière souriante. Il réfute avoir écouté la conversation de la salariée du 4 mars 2019, précisant avoir cassé la machine à café dans le local situé à proximité, ce qui expliquerait qu’il s’y trouvait. Il ajoute, au sujet de la rupture conventionnelle, avoir seulement indiqué à la salariée le fait qu’elle ne produisait pas assez, ce qui entraînait cette éventualité d’une telle rupture, précisant que Mme [BK] lui aurait ensuite indiqué que le directeur général, M. [L] [UV] la prenait pour cible. Il reconnaît avoir haussé le ton lors de la conversation téléphonique durant laquelle il était sur haut-parleur.

* M. [OF] [DZ], confirmant le ton virulent de M. [G] lors son interruption de la conversation en cours de Mme [BK] alors qu’elle était au téléphone. Il précise qu’il a vu M. [G] ‘bondir’ de son siège pour venir dans l’encart de la porte du bureau de Mme [BK] en lui disant ‘j’aimerais que tu agisses comme ça avec moi, avec moi, tu n’es pas pareil’. Il indique également que M. [G] est venu le voir pour lui demander qu’il suggère à Mme [BK] d’accepter la rupture conventionnelle, car cela serait plus compliqué par la suite, précisant qu’il a été insistant. Il ajoute que M. [G] souhaitait que Mme [BK] occupe le poste de consultante malgré les chiffres décevants de l’agence et le partage de portefeuille restreint de clients de la Guadeloupe. Il précise avoir le sentiment que M. [G] cherchait à créer un contact uniquement avec la salariée, pas avec les autres collaborateurs.

* Mme [M], qui s’est présentée à l’entretien comme n’étant pas proche de la salariée, indique que M. [G] avait déjà par le passé montré un agacement à son égard car elle faisait perdre de l’argent à Mme [BK] en ne travaillant pas avec elle. Elle avait eu le sentiment qu’il portait à Mme [BK] un intérêt ‘particulier’ et qui n’était pas professionnel, ajoutant qu’il avait des regards particuliers avec elle. Elle précise toutefois ne pas avoir été témoin d’échanges avec Mme [BK] manquant de professionnalisme.

* Mme [BK], lors de son entretien a été amenée à reprendre un par un les faits dénoncés. Elle indique que celui du 12 septembre 2018 avait été minimisé par sa collègue et ses proches et qu’elle avait été amenée à refuser le poste de consultante en l’absence de précisions sur les aspects financiers.

– un courriel de Mme [J] en date du 31 janvier 2020 relatif à son déplacement en présence du médecin du travail au sein du bureau de Mme [BK], ainsi que des photographies prises et adressées par courriel du 3 février 2020

– un avis d’aptitude médicale de la salariée du 30 mai 2017

– une attestation de suivi du médecin du travail du 18 septembre 2019 dans le cadre d’une visite de reprise, mentionnant ‘Peut occuper son poste de travail mais dans des conditions calmes et sereines et dans des conditions matérielles optimales (ex : climatisation fonctionnant)’

– un courriel de Mme [SA] du vendredi 16 août 2019 relatif à la climatisation et l’information de la salariée de la réalisation de la prestation le lundi 18 août 2019

– l’entretien professionnel de la salariée du 4 mars 2019

– une attestation de Mme [SA] [I], responsable RH, en date du 3 mai 2021, précisant : ‘Le 04 mars 2019, dans le cadre d’un entretien professionnel, j’ai reçu 3 salariés d’Alpha dont [D] [BK]. Durant une heure, nous avons déroulé le questionnaire et avons échangé longuement sur l’une des problématiques processionnelles qu'[D] rencontrait : son épanouissement professionnel.

J’ai alors demandé à [D] de m’expliquer son parcours afin de mieux comprendre d’où venait la problématique. Elle a fini par dire que le poste qu’elle occupait ne correspondait pas à ses aspirations professionnelles, qu’elle n’était pas rentrée en Guadeloupe pour occuper un poste de chargée de recherches. Elle envisageait alors une reconversion dans la communication.

J’ai ainsi évoqué la difficulté de changer de poste compte tenu de la taille de l’entreprise et qu'[D] devait sortir de cet état d’attentisme pour son bien et celui de l’entreprise. J’ai ainsi précisé qu’un salarié passe suffisamment de temps au bureau pour ne pas être épanouie et que pour fonctionner l’entreprise a besoin de collaborateurs investis et qui aiment leur métier. Elle a ainsi répondu qu’elle y réfléchirait. La seule tâche qu'[D] a dit aimer est celle de pouvoir contacter des candidats. Or cela représente seulement 1/3 de son poste.

Ne voyant pas de possibilité d’accompagnement sur un autre poste, j’ai demandé à [D] est-ce qu’elle avait envisagé de quitter Alpha, ce à quoi elle a répondu oui. Elle a complété en indiquant avoir eu des pistes mais qui n’ont pas abouti. En abordant le sujet de la sortie, j’ai précisé à [D] que la rupture conventionnelle n’était pas dans la politique du groupe, néanmoins, qu’il m’était possible, si et seulement si elle le désirait, de soumettre à l’étude une demande de sa part. Le sujet de la rupture conventionnelle n’est plus revenu.

Nous avons parlé succinctement du nouveau manager où [D] m’a informée qu’elle n’adhérait pas aux décisions managériales prises par Monsieur [G], qu’il y avait peu de communication avec les équipes (elle y compris) et qu’elle n’était pas confiante quant aux résultats d’Alpha. En synthèse, le courant ne passait pas. Elle n’a pas voulu aller plus loin dans l’échange lorsque je lui demandais des éléments factuels. Je lui ai ainsi proposé de me recontacter par téléphone ultérieurement si elle voulait à nouveau reprendre le sujet. [D] n’a jamais rappelé.

J’ai demandé à [D] si elle souhaitait que la teneur de nos échanges apparaisse sur le compte rendu, ce à quoi elle a répondu négativement. Seule ma mention ‘[D] doit faire le point sur ses besoins et attentes professionnels afin d’être en phase avec ses ambitions. L’entretien a permis à [D] d’exprimer ses besoins et de se poser les bonnes questions quant à son avenir professionnel’ apparaît. Le compte rendu a été envoyé par mail le 14 juin 2019. [D] m’a confirmé l’avoir bien reçu.

L’entretien était effectivement agréable et détendu. J’avais cependant ressenti une grande frustration de la part d'[D] de ne pas occuper une fonction qu’elle aurait souhaitée. Ayant eu une expérience à l’international, elle aurait voulu prétendre à un poste à plus forte valeur ajoutée, plus de responsabilité. Compte tenu de la taille du marché en Guadeloupe, elle s’est vue contrainte de prendre le poste dans l’attente de mieux’

– le questionnaire employeur CGSS

Au vu des éléments produits par l’employeur, s’il appert que Mme [BK] avait marqué son insatisfaction quant au poste qu’elle occupait et qu’elle avait des résultats d’activité discutables, il n’est pas apporté d’éléments objectifs relatifs aux incidents du 12 septembre 2018, la seule circonstance que Mme [BK] était tenue contractuellement à des déplacements professionnels ne pouvant expliquer ceux-ci, à l’incident du salon à [Localité 4] des 4 et 5 octobre 2018, à celui du 25 octobre 2018, ni aux pressions évoquées par la salariée au sujet de la rupture conventionnelle depuis le mois de mars 2019. Il résulte des entretiens de deux salariés dans le cadre de l’enquête menée par la société que M. [G] avait une attention particulière à l’égard de celle-ci, décrite comme étant peu professionnelle, point sur lequel la société se contente d’affirmer, sans le justifier que cette situation était imputable à la salariée qui avait une attitude distante, voire désagréable, à l’égard de M. [G].

S’agissant du malaise ressenti par la salariée lors de l’entretien du 4 mars 2019 avec la responsable des ressources humaines du fait de la présence à proximité de M. [G] et des difficultés à formuler son mal être au travail, l’explication fournie par celui-ci afférente à la machine à café n’est pas utilement contredite par Mme [BK], qui, au demeurant, n’a pas donné suite à la possibilité de s’entretenir ultérieurement avec son interlocutrice. Les propos tenus lors des réunions dites Kick off ne peuvent, ainsi que le souligne l’employeur, être considérés comme ayant été adressés personnellement à Mme [BK]. De même, la société explique de manière objective que les deux appels professionnels adressés à la salariée durant ses congés relevaient d’une démarche automatique s’inscrivant dans le cadre de l’anniversaire du groupe auquel appartient Alpha Conseil. Dans ces conditions, ces incidents ne sauraient être retenus.

Concernant les conditions matérielles d’exercice de ses fonctions, il ressort des pièces du dossier que Mme [BK] a sollicité dès le 26 décembre 2018 à M. [G] une intervention sur le climatiseur du bureau, que ses demandes relatives à la mise à disposition de ventilateurs sont demeurées sans suite et hgque la prestation relative aux climatiseurs n’a été programmée qu’au mois d’août 2019. La société ne s’explique pas sur le délai mis pour assurer cette intervention, alors que la salariée en avait fait la demande et avait signalé les difficultés pour travailler dans ces conditions, notamment dans son courrier de dénonciation adressé le 3 juin 2019. Il en est de même des désagréments sonores émanant de son ordinateur.

S’agissant de la luminosité insuffisante du bureau alléguée par la salariée, il résulte des photographies versées aux débats par l’employeur, que celui-ci comportait plusieurs fenêtres, certes en hauteur, mais qui permettaient de faciliter le passage de toute lumière

L’analyse de l’ensemble de ces éléments met en évidence l’existence de faits de harcèlement au travail dont la salariée a été victime, caractérisés par plusieurs incidents au cours desquels son responsable hiérarchique a fait montre d’une attitude agressive, de pression, voire de remarques déplacées à connotation sexiste, instaurant une situation intimidante et offensante chez la salariée.

Les différentes pièces médicales mettent en exergue la dégradation de son état de santé, caractérisée par un état anxio-dépressif majeur, des troubles du sommeil et des crises d’angoisse, en lien avec la détérioration de ses conditions de travail.

Par suite, Mme [BK] est fondée à solliciter la réparation du préjudice résultant de ce harcèlement, qui a duré du mois d’octobre 2018 à août 2019, étant observé que M. [G] a quitté la société le 23 juillet 2019. Il conviendra de lui allouer la somme de 10000 euros.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat :

Il résulte de l’article L. 421-1 du code du travail que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Selon l’article L. 1152-4 du même code, L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

L’article 1153-5 du même code prévoir que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.

Il résulte des pièces du dossier que, suite au signalement de faits de harcèlement par Mme [BK] le 3 juin 2019, l’employeur a diligenté une enquête ce même mois en entendant plusieurs collaborateurs individuellement, y compris la salariée et son supérieur hiérarchique en cause. Ces entretiens ont fait objet de comptes-rendus écrits et l’analyse de ceux-ci a été portée à la connaissance de Mme [BK] par courrier de la responsable RH du 16 septembre 2019.

L’employeur soutient également sans être utilement contredit que M. [G] a été éloigné à titre conservatoire dès le 1er juillet 2019.

Si Mme [BK] se prévaut d’une inertie de l’employeur ayant consisté à avoir laissé son état de santé s’aggraver de jour en jour et à ne pas avoir mis en place des mesures préventives ni visant à faire cesser la situation de harcèlement au travail, elle ne l’établit pas, alors, ainsi qu’il vient d’être souligné, la société a immédiatement diligenté une enquête interne.

Il ressort également des termes de la lettre en date du 16 septembre 2019 qu’il n’était pas envisagé une adaptation spécifique de son poste, eu égard au départ de M. [G] depuis le 23 juillet 2019, mais qu’un rendez-vous était pris au mois de septembre auprès de la médecine du travail, ce qui est corroboré par l’attestation de suivi délivrée par le médecin du travail le 18 septembre 2019.

Si Mme [BK] allègue le défaut de sanction ou de médiation, il appert que, d’une part, M. [G], supérieur hiérarchique en cause, avait quitté dès le 23 juillet 2019 l’entreprise et que la médiation demeure une faculté.

Enfin, il n’est pas établi, par le seul courriel de la mutuelle du 25 novembre 2019 précisant que l’employeur est toujours au contentieux, un manquement à son obligation de régler les cotisations.

Dans ces conditions, les éléments repris ci-dessus mettent en évidence que l’employeur a pris les mesures visant à prévenir et faire cesser les actes de harcèlement au travail subis par Mme [BK], dès qu’il en a eu connaissance, le 3 juin 2019.

Par suite, Mme [BK] ne peut se prévaloir d’un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat au soutien de sa demande d’indemnisation d’un préjudice économique, moral et d’anxiété.

Sur le manquement à la prévention et à la lutte contre les risques sanitaires et psycho-sociaux :

Dès lors que Mme [BK] invoque au soutien du manquement à la prévention et à la lutte contre les risques sanitaires et psycho-sociaux les mêmes moyens que ceux au soutien de la violation de l’obligation de sécurité de résultat, il convient, pour les mêmes motifs de les rejeter, ainsi que sa demande d’indemnisation de son préjudice.

Sur la rupture du contrat de travail :

En ce qui concerne la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Aux termes des 3ème et 4ème alinéas de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

Dans le dispositif de ses dernières écritures, Mme [BK] ne sollicite plus de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, alors qu’elle formulait une telle demande dans ses premières conclusions transmises par voie électronique le 23 mars 2022.

La résiliation judiciaire étant un mode autonome de rupture du contrat de travail, il convient, par application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile précitée, de considérer que Mme [BK] a abandonné cette prétention.

En ce qui concerne le licenciement :

Quant au bien fondé du licenciement :

Selon l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Ainsi qu’il vient d’être analysé, Mme [BK] est fondée à se prévaloir de faits de harcèlement moral.

Il résulte des pièces du dossier, en particulier médicales, que les arrêts maladie qui se sont succédé à compter du 17 juin 2019, sont en relation directe avec ces faits.

Dès lors, l’inaptitude de la salariée a pour origine un manquement de l’employeur à ses obligations, consistant en un harcèlement moral.

Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de l’intéressée étant la conséquence des agissements de harcèlement moral, le licenciement est, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de reclassement, nul.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Quant aux conséquences financières du licenciement :

. S’agissant du salaire de référence :

Il convient, conformément à la demande de Mme [BK], qui n’est pas utilement contestée, de fixer son salaire de référence à la somme de 2940,66 euros.

. S’agissant de l’indemnité de préavis :

En application des articles L.1234-1, L.1234-5 du code du travail et de la convention collective applicable, il convient d’accorder à Mme [BK], qui comptait une ancienneté de près de trois ans, une somme de 5881,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que celle de 588,13 euros pour les congés y afférents.

. S’agissant de l’indemnité spéciale de licenciement :

Aux termes de l’article L.1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail pour inaptitude d’origine professionnelle ouvre droit pour le salarié qui ne peut exécuter son préavis, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L.1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement.

Il n’est pas allégué de dispositions conventionnelles plus favorables.

Il ressort des pièces médicales versées aux débats que la dégradation de l’état de santé de l’intéressée ayant conduit à l’avis d’inaptitude du médecin du travail est la conséquence de la souffrance au travail dont Mme [BK] avait été victime, étant rappelé le manquement de l’employeur relatif au harcèlement moral.

Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de complément l’indemnité de licenciement formulée par Mme [BK], sur le fondement des dispositions précitées, pour un montant de 3675,84 euros, en deniers ou en quittances.

Le jugement est infirmé sur ce point.

. S’agissant de l’indemnité de licenciement :

Mme [BK], qui a obtenu une indemnité spéciale de licenciement, égale au double de l’indemnité légale de licenciement, n’est pas fondée à solliciter le cumul avec cette dernière.

Il convient de la débouter de sa demande de versement d’une indemnité de licenciement.

. S’agissant de l’indemnité au titre du licenciement nul

En application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, il convient d’accorder à Mme [BK], eu égard à son ancienneté de trois années, de son âge au moment de la rupture de son contrat de travail (31 ans), des circonstances de celle-ci et des éléments justifiant son inscription en tant que demandeur d’emploi jusqu’au 5 mai 2021, la somme de 18500 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

S’agissant du salaire du mois de mars 2020 et des congés payés y afférents :

Mme [BK] est fondée à solliciter le versement de son salaire du mois de mars 2020, dont elle a été privée, pour un montant de 2940,66 euros, ainsi que des congés payés correspondants pour un montant de 294,06 euros.

Quant à l’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement :

Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l’irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte soit par une somme comprise dans l’évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement.

Il n’est pas établi par les pièces du dossier, ainsi que le souligne la salariée, qu’elle ait bénéficié d’un entretien préalable à son licenciement.

S’agissant des autres moyens présentés au soutien de l’irrégularité de la procédure de licenciement, Mme [BK] se prévaut du défaut de consultation des institution représentatives du personnel. Toutefois, la société Alpha Conseil et associés précise, sans être utilement contredite, que l’effectif de l’entreprise, composée de six salariés, n’atteignait pas le seuil d’effectif justifiant la mise en place d’un tel comité.

De même, la circonstance que le salaire du mois de mars 2020 n’ait pas été versé dans son intégralité est sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement.

Il convient également de relever que le moyen afférent à l’impossibilité de reclassement est un moyen de fond et non relatif à une irrégularité de procédure.

Dans ces conditions, le défaut d’entretien préalable est de nature à justifie l’irrégularité de la procédure invoquée par Mme [BK], dont il sera fait une juste évaluation, en l’absence de précision sur l’étendue du préjudice subi, en lui allouant la somme de 1000 euros.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé et l’accomplissement de formalités de déclaration :

Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Si Mme [BK] sollicite le versement de la somme de 17643,96 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, elle n’en justifie pas et n’établit pas que les conditions relatives à l’existence d’un travail dissimulé seraient remplies.

Il convient de la débouter de sa demande formulée à ce titre.

Sur les autres demandes :

Il convient d’ordonner à la SARL Alpha Conseil et Associés la remise à Mme [BK] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.

Comme il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [BK] les frais irrépétibles qu’elle a exposés, il convient d’infirmer le jugement et de lui allouer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

La SARL Alpha Conseil et Associés sera déboutée de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la SARL Alpha Conseil et Associés.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre, entre Mme [BK] [D] et la SARL Alpha Conseil et Associés,

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL Alpha Conseil et Associés de sa demande d’irrecevabilité des demandes de Mme [BK] [D],

Dit que le licenciement de Mme [BK] [D] est nul,

Fixe le salaire de référence de Mme [BK] [D] à la somme de 2940,66 euros,

Condamne la SARL Alpha Conseil et Associés à verser à Mme [BK] [D] les sommes suivantes :

– 10000 euros à titre de dommages et intérêts au titre harcèlement moral, sexuel et des souffrances endurées,

– 2940,66 euros au titre du rappel de salaire du mois de mars 2020,

– 294,06 euros au titre des congés payés afférents au salaire du mois de mars 2020,

– 3675,84 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude professionnelle,

– 5881,32 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 588,13 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

– 18500 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– 1000 euros à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

– 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Ordonne à la SARL Alpha Conseil et Associés de délivrer à Mme [BK] [D] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt,

Déboute Mme [BK] [D] de ses demandes afférentes à l’indemnité de requalification de son contrat de travail, aux dommages et intérêts au titre du préjudice économique, moral et d’anxiété, aux dommages et intérêts au titre du manquement de l’employeur à la prévention et à la lutte contre les risques sanitaires et psycho-sociaux, à l’indemnité de licenciement, à l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Déboute la SARL Alpha Conseil et Associés de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne SARL Alpha Conseil et Associés aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente,

 


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