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N° 337
MF B
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Copie exécutoire
délivrée à :
– Me Bambridge-Babin,
le 18.09.2023.
Copie authentique
délivrée à :
– Me Lau,
le 18.09.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 14 septembre 2023
RG 22/00010 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/486, rg n° 19/00412 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 22 octobre 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 7 janvier 2022 ;
Appelant :
M. [R] [K] [H], demeurant à [Adresse 6] ;
Ayant pour avocat la Selarl Cabinet Lau et Nougaro, représentée par Me James LAU, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [N] [G], né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 7], de nationalité française, et
Mme [L] [X] épouse [G], née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 7],
de nationalité française, demeurant à [Adresse 6] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Temanava BAMBRIDGE-BABIN, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 12 août 202 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 8 juin 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Par requête déposée au greffe le 9 septembre 2019, M. [N] [G] et son épouse [L] [X] demeurant à Moorea (Polynésie française) ont fait citer M.[R] [K] [H] devant le tribunal civil de première instance de Papeete, en exposant que le défendeur qui est leur voisin, leur occasionne dans le cadre de son activité professionelle, un trouble anormal de voisinage dont ils demandent la cessation.
M.[K] [H] conteste occasionner un trouble anormal de voisinage.
***
Suivant jugement n° 21/436 rendu contradictoirement le 22 octobre 2022 (RG 19/00412), le tribunal, statuant au visa de l’article 1382 du Code civil dans sa version applicable en Polynésie française,
‘ a ordonné à M.[K] [H] de cesser toute activité de découpage de métal sur la parcelle qu’il occupe, sous astreinte de 50’000 XPF par infraction constatée par tout moyen,
‘ a condamné M. [K] [H] à verser aux époux [G] [X] la somme de 750’000 XPF en réparation du préjudice subi, outre une somme de 200’000 XPF au titre des frais irrépétibles en plus des dépens,
‘ a débouté les époux [G] [X] de leurs autres demandes.
Suivant requête reçue au greffe le 7 janvier 2022, M. [K] [H] a relevé appel de la décision dont il sollicite l’infirmation .
Par arrêt du 9 mars 2023, la cour a rouvert les débats en invitant l’appelant à mettre ses conclusions en conformité avec les dispositions de l’article 21-2 du code de procédure civile de Polynésie française.
Suivant conclusions du 20 mars 2023, M. [K] [H] demande à la cour, statuant après infirmation du jugement, de débouter les époux [G] [X] de leurs prétentions et de les condamner au paiement d’une indemnité de procédure d’appel de 300 000 XPF sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie française outre les dépens.
En leurs conclusions du 10 mars 2022, les époux [G] [X] entendent voir la cour,
-confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à M. [K] [H] de cesser toute activité de découpage de métal sur la parcelle qu’il occupe,
-l’infirmant pour le surplus,
‘ fixer le montant de l’astreinte à la somme de 100’000 XPF par infraction constatée par tout moyen,
‘ condamner M. [K] [H] à payer aux époux [G] [X] la somme de 3 millions XPF à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice,
‘ condamner M.[K] [H] à leur verser également une somme de 350’000 XPF en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure, des prétentions des parties, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. Se conformant aux dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.
MOTIFS DE LA DECISION :
En sa décision querellée, le tribunal a retenu que,
– selon les pièces produites aux débats, [R] [K] [H] exerce de manière habituelle son activité de ‘bricolage ‘ qui cause des nuisances notamment sonores à ses voisins,
– il n’est pas démontré que l’abri dont il est demandé la démolition, cause des nuisances au voisinage,
– rien ne permet de retenir que les matériaux et déchets entreposés sur la parcelle KB[Cadastre 3] sont la cause d’une prolifération de rats et moustiques.
[R] [K] [H] expose qu’il est occupant d’une maison située sur la parcelle KB[Cadastre 3] au [Adresse 8] à Moorea, le terrain appartenant à son frère [Y] [K] [H], et que les époux [N] [G] habitent sur la parcelle voisine cadastrée KB[Cadastre 4]. Il soutient avoir supporté pendant deux années, les nuisances causées par les travaux réalisés par ses voisins qui, aujourd’hui, se plaignent d’un trouble de voisinage alors que s’il cause lui-même des nuisances, c’est occasionnel et en cours de journée. Il se prévaut de témoignages écrits de personnes attestant de ce que les travaux qu’il effectue sur son terrain sont occasionnels et non liés à son activité professionnelle qu’il exerce à [Localité 7].
Les époux [G] répliquent que leur voisin a pour métier, la découpe de ferraille qu’il effectue bien sur son terrain à Moorea et qui constitue une activité très bruyante. D’ailleurs ils ont dû déménager pour s’installer à Tahiti tant le bruit était insupportable.
Ceci étant, les époux [G] ont obtenu gain de cause sur le fondement de la responsabilité de droit commun régie comme le rappelle le tribunal par les dispositions de l’article 1382 du code civil et au titre de la théorie des troubles ‘anormaux’ du voisinage qui excèdent donc ses inconvénients ‘normaux’. Il en résulte que le juge doit pouvoir déterminer ce que sont des inconvénients normaux du voisinage au regard de la situation des propriétés voisines.
La cour observe que, selon la plainte recueillie par les gendarmes le 2 avril 2019, la police municipale sont venus plusieurs fois chez les époux [G] à leur demande pour constater les nuisances sonores provenant du fonds de M. [K] [H]. Ils ont ainsi établi un rapport le 30 décembre 2020 déclarant constater le bruit d’une scie électrique provenant du terrain de celui-ci et demandant à l’intéressé de déplacer son matériel de travail à l’arrière de sa maison, puis l’informant qu’il doit respecter le voisinage sous peine d’amende. Pour autant, il n’a pas été dressé de contravention à l’égard de M. [K] [H].
L’huissier de justice qui a diligenté un constat du bruit le 29 mai 2019 déclare avoir visionné une vidéo faite par Mme [G] sur son téléphone portable montrant ‘un individu’, dont l’identité n’est pas communiquée, qui s’active au moyen d’une meuleuse électrique et qui cause un bruit strident et assourdissant de crissements de ferraille. Ainsi l’huissier ne rapporte pas des constatations qu’il aurait lui-même effectuées.
En revanche, 5 personnes qui sont nécessairement des proches des époux [G] pour avoir été invitées chez ceux ci – mais qui pour autant, ont déposé des attestations régulières -, ont déclaré en 2020 avoir assisté au bruit insupportable provoqué par le découpage et le travail du métal sur la parcelle de M. [K] [H].
D’après les photographies produites, sur les terrains des parties sont édifiées des maisons d’habitation, et non des bâtiments d’activité artisanale, ce qui induit que M. [K] [H] n’est pas supposé occasionner à ses voisins, des nuisances sonores en rapport avec une exploitation commerciale de sa propriété. D’ailleurs, M. [K] [H] est immatriculé au répertoire des entreprises comme exerçant son activité de travaux de charpente à [Localité 7] (Ile de Tahiti) et non à Moorea.
Dès lors, il n’y a pas lieu de rechercher si, comme il le prétend, les nuisances sont occasionnelles puisqu’il n’est pas autorisé à effectuer des travaux de découpe de métal dans une zone d’habitation et hors de Tahiti.
En conséquence, il y a lieu, statuant tant par motifs propres que ceux adoptés du tribunal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné à [R] [K] [H] de cesser toute activité de découpage de métal sur la parcelle cadastrée section KB[Cadastre 3] à [Localité 5], Moorea.
Les intimés demandent que l’astreinte soit portée de 50 000 XPF à 100 000 XPF par infraction constatée mais sans produire de pièce récente permettant de faire droit à leur prétention de ce chef.
Au surplus, la cour qui statue en septembre 2023 rappelle que tout préjudice, pour être indemnisé, doit être prouvé par des éléments concrets. Le tribunal a condamné à [R] [K] [H] à payer aux époux [G] une somme de 750 000 XPF au titre du dommage subi. En appel, les intimés réclament la somme de 3 millions de XPF.
Cependant, si les époux [G] affirment avoir quitté Moorea pour s’installer à Tahiti à cause de ces nuisances, ils ne produisent pour seule preuve qu’une attestation établie le 23 juin 2020 par M. [W] [O] qui rapporte des propos selon lesquels ses amis ne supporteraient plus de vivre au voisinage de [R] [K] [H], ce qui est totalement insuffisant à établir un lien de causalité entre leur déménagement pour Tahiti et le bruit causé par leur voisin. Quant au certificat médical daté du 19 mai 2020, il indique que Mme [G] a été alitée au mois de juin 2019 pour stress intense alors qu’elle était enceinte mais il n’existe aucun élément permettant d’établir qu’il y a un rapport entre l’état d’anxiété de la patiente et les nuisances sonores dont [R] [K] [H] est l’auteur.
Enfin, il ne peut être pris en considération l’attestation dressée le 2 septembre 2014 (sans copie de sa pièce d’identité) par Mme [E] (ou [I]) car les faits rapportés ne sont manifestement pas la cause de la requête introductive d’instance déposée le 6 août 2019 soit 5 ans plus tard.
En conséquence, les époux [G] n’ayant pas rapporté la preuve d’un préjudice certain et déterminé en lien avec les faits reprochés à leur voisin, la cour doit infirmer partiellement le jugement entrepris et rejeter la demande de dommages intérêts qu’ils ont présentée à l’égard de [R] [K] [H].
[R] [K] [H] qui succombe sur l’une des causes de son appel, sera condamné aux entiers dépens d’appel et au paiement d’une indemnité de procédure aux époux [G].
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Vu l’appel de M. [R] [K] [H],
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné à M. [K] [H] de cesser toute activité de découpage de métal sur la parcelle qu’il occupe, sous astreinte de 50’000 XPF par infraction constatée par tout moyen,
L’infirmant pour le surplus et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déboute M. [N] [G] et son épouse [L] [X] de leur demande de dommages intérêts ainsi que de leur demande d’augmentation de l’astreinte,
Vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,
Condamne [R] [K] [H] succombant principal à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être distraits au profit de Maître Bambridge-Babin, avocat de la SELARL JURISPOL qui en a fait la demande,
Le condamne également à payer aux intimés une indemnité de procédure de 350 000 XPF au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Prononcé à Papeete, le 14 septembre 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD