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Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 13 SEPTEMBRE 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/06544 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNRB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2022 du TJ de PARIS – RG n° 18/14496
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Florence LAGEMI, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
S.A.R.L. L’IMPRIMERIE [Adresse 6]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Justin BOUCHER substituant Me Nicolas CHAIGNEAU de la SELARL CPNC Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230
à
DEFENDEURS
Madame [C] [R]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Monsieur [F] [U], agissant à titre personnel et en qualité d’ayant-droit de Monsieur [Y] [U], décédé
[Adresse 3]
[Localité 8]
Madame [D] [B] épouse [S]
[Adresse 1]
[Adresse 7]
LUXEMBOURG
Représentés par Me Suzanne SOARES de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0274
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 14 Juin 2023 :
Se plaignant de nuisances sonores provenant du fonds de commerce de bar, discothèque, restaurant exploité par la société L’imprimerie [Adresse 6], sous l’enseigne “Café de la Presse”, dans l’immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 8], Mmes [C] [R] et [D] [B] épouse [S] et MM. [F] et [Y] [U], propriétaires de la totalité des appartements dépendant de l’immeuble voisin du [Adresse 3], ont sollicité la désignation d’un expert judiciaire, demande qui a été accueillie suivant ordonnance de référé du 17 août 2017.
Par acte du 7 décembre 2018, ils ont fait assigner la société L’imprimerie [Adresse 6] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de reconnaissance des troubles anormaux subis du fait de l’activité de cette dernière et réparation des préjudices en résultant.
Par jugement du 14 juin 2022, ce tribunal a, notamment :
– condamné la société L’imprimerie [Adresse 6] à la cessation de son activité de discothèque, bar musical, piano bar au-delà de 22 heures tant que les travaux préconisés par l’expert et propres à réduire les nuisances sonores ne seront pas réalisés pour assurer une isolation phonique satisfaisante, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et ce, pendant une période de trois mois ;
– condamné la société L’imprimerie [Adresse 6] à payer :
. 35.304 euros à Mme [S] comprenant le préjudice de jouissance de juin 2017 au 2 février 2018 date de la vente et la moins-value subie à la vente de son bien ;
. 15.600 euros à Mme [R] en réparation du préjudice de jouissance subi de juin 2017 à juin 2022 ;
. 58.320 euros à M. [Y] [U] en réparation du préjudice de jouissance subi de juin 2017 à juin 2022 pour l’appartement qu’il occupe ;
. 42.780 euros “à Mme et M. [Y] [U] en réparation de leur préjudice de jouissance pour l’appartement qu’il occupe” ;
. 14.400 euros aux demandeurs suivant factures d’honoraires produites et à répartir entre eux en fonction de ces factures ;
– rejeté le surplus des demandes ;
– condamné la société L’imprimerie [Adresse 6] aux dépens comprenant les frais de l’expertise judiciaire ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration du 2 septembre 2022, la société L’imprimerie [Adresse 6] a relevé appel de cette décision.
Par actes des 13 et 25 avril 2023, elle a fait assigner en référé, devant le premier président de cette cour, Mmes [C] [R] et [D] [B] épouse [S] et M. [F] [U] tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de [Y] [U], décédé, afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement susvisé et la condamnation solidaire des défendeurs au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’audience, la société L’imprimerie [Adresse 6] a maintenu ses demandes en développant les moyens contenus dans l’assignation soutenant que l’exécution provisoire du jugement critiqué est de nature à lui occasionner des conséquences manifestement excessives puisqu’elle est dans l’incapacité de régler les condamnations pécuniaires et que la restriction des horaires d’ouverture compromet sa pérennité financière et la contraindra soit à supporter une masse salariale élevée soit à procéder à des licenciements qui représenteront un coût immédiat considérable.
Par conclusions déposées et développées à l’audience, Mmes [C] [R] et [D] [B] et M. [F] [U] s’opposent à ces prétentions en soutenant qu’il n’est pas justifié de conséquences manifestement excessives causées par l’exécution du jugement déféré. Ils sollicitent la somme de 1.600 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
L’article 524 2° du code de procédure civile, applicable en l’espèce, dispose que l’exécution provisoire ordonnée peut être arrêtée, en cas d’appel, si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Il sera rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du premier président statuant en application de ces dispositions de se prononcer sur la régularité et sur le bien fondé de la décision entreprise.
Le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire ordonnée doit être apprécié tant au regard de la situation de la partie condamnée, compte tenu de ses facultés de paiement que des capacités de remboursement du bénéficiaire des condamnations.
Au cas présent, la société L’imprimerie [Adresse 6] soutient ne pouvoir régler le montant des condamnations mises à sa charge, qui s’élève à la somme globale en principal de 166.404 euros, en faisant valoir que son activité a été durement affectée par la crise sanitaire, qui l’a contrainte à fermer son établissement en 2020 et 2021, et que sa situation financière ne s’est pas améliorée en 2022.
Cependant, sans méconnaître l’incidence de la crise sanitaire sur l’activité de la société demanderesse, il est relevé que les pièces qu’elle produit ne permettent pas de caractériser l’impossibilité dans laquelle elle se trouverait de régler les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre.
En effet, il ressort de l’extrait de la liasse fiscale 2021 versé aux débats que l’actif circulant comprenait, au 31 décembre 2021, des disponibilités à hauteur de 172.777 euros ainsi que des créances à hauteur de 113.906 euros, postes du bilan ne caractérisant pas une incapacité de régler les condamnations. En outre, les dettes figurant au passif ne peuvent suffire à établir les difficultés alléguées dès lors que celles-ci doivent être mises en parallèle avec les autres éléments du bilan.
Au surplus, la société L’imprimerie [Adresse 6] n’a produit ni le compte de résultat 2021 qui aurait permis de connaître le chiffre d’affaires réalisé, les charges d’exploitation et le résultat de l’exercice ni le bilan 2022 propre à appréhender sa situation financière au cours de l’exercice écoulé.
En effet, l’attestation de son expert comptable du 5 décembre 2022, qui affirme que “la situation de trésorerie disponible de la société ne permet pas de régler les condamnations visées à la décision du 14 juin 2022”, est insuffisante pour caractériser l’existence de conséquences manifestement excessives causées par l’exécution immédiate du jugement, qui ne peuvent encore être déduites du seul montant du solde de son compte courant qui, au 9 septembre 2022, s’élevait à la somme de 5.363,66 euros.
La société L’imprimerie [Adresse 6] fait encore valoir qu’en ayant ordonné “la cessation de son activité de discothèque bar musical piano bar au-delà de 22 heures” la décision critiquée “ne limite pas les horaires d’ouverture de son établissement mais interdit certaines activités sans toutefois les définir clairement”, “les notions de discothèque, bar musical, bar dansant ou bar de nuit” relevant, selon elle, “du langage populaire (sans avoir de) définition stricte qui en délimite clairement les contours”. Elle indique en outre que les défendeurs ne justifient pas de la persistance des troubles depuis le jugement et qu’ils poursuivent en réalité la fermeture pure et simple de l’établissement à 22 heures, laquelle lui causera des conséquences manifestement excessives.
Mais, il résulte du jugement entrepris, dont les motifs clairs et précis sont dépourvus de toute ambiguïté, que les premiers juges ont entendu limiter à 22 heures les activités de discothèque, bar musical, piano bar exercées par la demanderesse jusqu’à ce qu’elle réalise les travaux préconisés par l’expert judiciaire afin de réduire les nuisances sonores générées par ces activités et mettre ainsi fin au trouble anormal de voisinage retenu.
Ces travaux, décrits dans les motifs du jugement et repris dans le dispositif, consistent dans la réalisation “d’une structure d’isolation de type “boîte dans la boîte” avec une désolidarisation complète du sol et des murs et du plafond propre à permettre d’isoler l’activité de la boîte de nuit en ville et (l’utilisation) des caissons de basse cardoïdes diminuant le niveau sonore derrière les enceintes”.
La société L’imprimerie [Adresse 6] n’établit ni même n’invoque une quelconque impossibilité matérielle ou technique de procéder à ces travaux dont la réalisation lui permettra d’exercer ses activités au-delà de 22 heures.
Ainsi, au regard de ces éléments, la société L’imprimerie [Adresse 6] ne démontre pas que l’exécution provisoire de la décision entreprise est de nature à lui occasionner un préjudice irréparable et à la placer dans une situation irréversible en cas d’infirmation de la décision entreprise, étant observé, dans cette dernière hypothèse, que la solvabilité des défendeurs ne fait pas débat.
Il convient donc de rejeter sa demande.
Succombant en ses prétentions, la société L’imprimerie [Adresse 6] supportera les dépens du présent référé et sera tenue de verser aux défendeurs, contraints d’exposer des frais irrépétibles pour assurer leur défense, la somme globale de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande de la société L’imprimerie [Adresse 6] tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 14 juin 2022 ;
Condamnons la société L’imprimerie [Adresse 6] aux dépens et à payer à Mmes [C] [R] et [D] [B] épouse [S] et M. [F] [U] la somme globale de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
ORDONNANCE rendue par Mme Florence LAGEMI, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente