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MARS/SH
Numéro 23/02884
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 12/09/2023
Dossier : N° RG 21/01909 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H4RH
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par d’autres faits personnels
Affaire :
[V] [S] [I] [G] [U] épouse [L] [D]
[S] [E]
[X] [E] [V] [E] [K], [W] [E]
C/
SAS CEMEX GRANULATS SUD OUEST
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 12 Septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Juin 2023, devant :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l’article 785 du Code de procédure civile
Madame DE FRAMOND, Conseillère
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l’appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTS :
Madame [V] [S] [I] [G] [U] épouse [L] [D] veuve de Monsieur [B] [L] [D] décédé le [Date décès 13] 2020
née le [Date naissance 10] 1946 à [Localité 23]
de nationalité Espagnole
[Adresse 7]
[Localité 12] (ESPAGNE)
Madame [S] [E] ès qualités d’héritière de M. [B] [E], décédé le [Date décès 13] 2020
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 12] (Espagne)
de nationalité Espagnole
[Adresse 21]
[Localité 12] (ESPAGNE)
Madame [X] [E] ès qualités d’héritière de M. [B] [E], décédé le [Date décès 13] 2020
née le [Date naissance 8] 1973 à [Localité 12] (Espagne)
de nationalité Espagnole
[Adresse 20]
[Localité 12] (ESPAGNE)
Madame [V] [E] ès qualités d’héritière de M. [B] [E] décédé le [Date décès 13] 2020
née le [Date naissance 9] 1975 à [Localité 12] (Espagne)
de nationalité Espagnole
[Adresse 19]
[Localité 12] (ESPAGNE)
Monsieur [K], [W] [E] ès qualités d’héritier de M. [B] [E] décédé le [Date décès 13] 2020
né le [Date naissance 11] 1977 à [Localité 12] (Espagne)
de nationalité Espagnole
[Adresse 18]
[Localité 12] (ESPAGNE)
Représentés par Maître IRIART, avocat au barreau de PAU
assistés de Maître CACHELOU, de la SARL DE TASSIGNY CACHELOU AVOCATS, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
SAS CEMEX GRANULATS SUD OUEST représentée par son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 17]
Représentée par Maître DEL ALAMO de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître LAURENT, de la TGLD Associés, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 04 MAI 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 19/00945
Par actes des 27 décembre 1989 et 21 décembre 1994, M. [B] [L] [D] et son épouse Mme [V] [I] [G] [U] ont acquis une propriété à [Localité 22] (64) comprenant une maison d’habitation, des dépendances et divers terrains le tout cadastré section A [Cadastre 3] à [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], pour une contenance totale de 8ha 88a 54ca.
La société Cemex granulats sud ouest (ci-après ” Cemex”) exploitait une carrière sur le territoire de la même commune depuis le 13 mars 1992 et pour une durée de 30 ans, sur une superficie de ll ha 58a.
Les propriétés sont mitoyennes.
Monsieur et Madame [L] [D] qui se plaignaient d’un empiétement et de troubles de voisinage en raison des tirs de mines ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Pau qui par ordonnance du 24 juillet 2007 a dit n’y avoir lieu à référé sur la suspension de l’exploitation et la remise en l’état des lieux et a ordonné une expertise.
L’expert désigné, M. [O], a par la suite été remplacé par M. [M].
M. [M] a déposé son rapport le 7 janvier 2009.
Par acte du 29 juillet 2009, Monsieur et Madame [L] [D] ont assigné au fond la société Cemex devant le tribunal de grande instance de Pau.
Par jugement du 28 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Pau a :
– débouté les époux [L] [D] de leur demande en indemnisation des troubles anormaux de voisinage,
– condamné la société Cemex à procéder à la suppression de l’empiétement, réalisé par le front de carrière qu’elle exploite, sur les parcelles A[Cadastre 15] et A[Cadastre 16] appartenant aux époux [L] [D],
– avant dire droit, ordonné une expertise technique afin notamment, de déterminer les solutions techniques propres à remédier à l’empiétement réalisé par le front de carrière sur les parcelles A [Cadastre 15] et A [Cadastre 16] et a à cette fin désigné M. [Z].
Il a été procédé à un changement d’expert par ordonnance du 10 février 2012. M. [C] a été désigné à la place de M. [Z].
Par arrêt du 1er octobre 2013, la cour d’appel de Pau a réformé le jugement ayant condamné la société Cemex à procéder à la suppression de l’empiétement réalisé par le front de carrière sur les parcelles A [Cadastre 15] et A [Cadastre 16] et a condamné la société Cemex à procéder à la suppression de l’empiétement sur le front de carrière de la parcelle A [Cadastre 15], a débouté les époux [L] [D] de leur demande en suppression de l’empiétement sur la parcelle A [Cadastre 16] et débouté la société Cemex de sa demande de nouvelle expertise destinée à vérifier les nuisances sonores. Le jugement a été confirmé pour le surplus, notamment en ce qu’il a ordonné avant-dire droit une expertise confiée à Monsieur [Z] pour déterminer les solutions techniques propres à remédier à l’empiétement réalisé.
Par arrêt du 11 février 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Cemex formé à l’encontre des arrêts du 22 avril et 1er octobre 2013.
M. [C] a déposé son rapport le 23 mai 2017.
Le dossier a ensuite été radié le 27 mars 2018, puis réinscrit par les conclusions de Monsieur et Madame [L] [D] du 29 avril 2019 dans lesquelles ils demandaient notamment l’organisation d’une nouvelle expertise judiciaire s’agissant de l’empiétement réalisé par le front de carrière sur la parcelle A [Cadastre 15].
M. [B] [L] [D] est décédé le [Date décès 13] 2020.
Ses enfants issus de son union avec Mme [V] [I] [G] [U], Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] sont intervenus volontairement à l’instance.
Par jugement du 4 mai 2021, le tribunal, devenu tribunal judiciaire de Pau a :
– reçu Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] en leur intervention volontaire,
– homologué le rapport de M. [P] [C] daté du 23 mai 2017,
– débouté Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] de leurs demandes,
– donné acte à la société Cemex granulats sud ouest de ce qu’elle assumera les frais d’expertise de M. [C],
– condamné les consorts [L] à payer à la société Cemex granulats sud ouest la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens postérieurs à la réinscription de l’affaire au rôle.
Mme [V] [I] [G] [U], Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] ont relevé appel par déclaration du 9 juin 2021 critiquant le jugement dans l’ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu’il reçoit Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] en leur intervention volontaire et en ce qu’il donne acte à la société Cemex granulats sud ouest de ce qu’elle assumera les frais d’expertise de M. [C].
Par conclusions n°3 du 21 février 2023, Mme [V] [I] [G] [U], Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E], demandent, au visa des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile d’infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pau du 4 mai 2021 en ce qu’il a homologué le rapport de M. [P] [C] daté du 23 mai 2017, en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés à payer à la société Cemex granulats sud ouest la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens postérieurs à la réinscription de l’affaire au rôle.
Statuant à nouveau, ils demandent à la cour, vu l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 1er octobre 2013 en ce qu’il a condamné la SAS Cemex granulats sud ouest à procéder à la suppression de l’empiétement réalisé par le front de carrière qu’elle exploite sur la parcelle A[Cadastre 15] appartenant aux consorts [L] située sur la commune de [Localité 22], d’ordonner une nouvelle expertise confiée à tel géotechnicien inscrit sur la liste de la cour d’appel de Pau avec mission notamment de :
– décrire les lieux et déterminer les solutions techniques propres à remédier à l’empiétement réalisé par le front de carrière sur la parcelle A[Cadastre 15],
– préciser les dispositifs à mettre en place pour assurer le respect des dispositions réglementaires et notamment pour la mise en sécurité des lieux,
– chiffrer de manière détaillée le coût des travaux réparatoires,
– donner les éléments permettant d’évaluer les préjudices éventuellement subis du fait de l’empiétement,
– faire toutes observations utiles à la solution du litige
– statuer ce que de droit sur la provision à valoir sur la rémunération de l’expert judiciaire,
– réserver les dépens pour être joints au fond.
Par conclusions n°2 déposées du 18 janvier 2023, la société Cemex granulats sud ouest demande, au visa de l’article 1355 du code civil, de dire tant irrecevables que mal fondés, les consorts [L] [D] en tous leurs moyens fins et conclusions et en conséquence, de confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions.
Elle demande de lui donner acte qu’à raison de la décision de principe devenue définitive, elle assume la charge définitive des frais d’expertise de M. [C] dont elle a fait l’avance et de condamner les consorts [L] [D] à lui payer une somme de 8 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles au titre de l’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2023. L’ affaire, fixée au 7 mars 2023 a été renvoyée à l’audience du 6 juin 2023 en raison d’un mouvement de grève.
SUR CE :
Le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a reçu Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] en leur intervention volontaire et donné acte à la société Cemex granulats sud ouest de ce qu’elle assumera les frais d’expertise de M. [C].
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Aux termes de l’article 1355 du Code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles dans la même qualité.
Les consorts [I] [G] [U]-[E] se prévalent de l’arrêt de la cour d’appel de Pau du 1er octobre 2013, décision définitive, pour solliciter une nouvelle expertise.
Il résulte notamment de cet arrêt que la société Cemex a été condamnée à procéder à la suppression de l’empiétement sur le front de carrière de la parcelle A [Cadastre 15] et la confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné avant-dire droit une expertise confiée à Monsieur [Z] pour déterminer les solutions techniques propres à remédier à l’empiétement réalisé.
À la lecture du dispositif de cet arrêt, la question de la détermination de l’empiétement n’a pas été tranchée, pas plus qu’elle ne l’avait été dans le jugement du 28 décembre 2011 dont appel, qui avait ordonné une expertise technique en donnant notamment à l’expert, Monsieur [Z], la mission de se rendre sur les lieux, de les décrire, de déterminer les solutions techniques propres à remédier à l’empiétement réalisé par le front de carrière, de préciser les dispositifs à mettre éventuellement en place pour assurer le respect des dispositions réglementaires et notamment pour la mise en sécurité des lieux, de chiffrer de manière détaillée le coût des travaux réparatoires, de donner les éléments permettant d’évaluer les préjudices éventuellement subis du fait de l’empiétement, de faire toutes observations utiles à la solution du litige.
Les appelants, qui critiquent le rapport de Monsieur [C] en ce qu’il ne constate pas la matérialité de l’empiétement et ne peut en conséquence déterminer les travaux réparatoires, lui font grief de ne pas avoir eu les compétences nécessaires pour se prononcer sur le litige et pour discuter la pertinence des conclusions de son sapiteur géomètre expert, dans la mesure où Monsieur [C] est architecte DPLG.
Ils contestent par ailleurs l’utilisation d’un drône pour réaliser le relevé topographique dès lors que le site est recouvert de végétation ce qui ne permettait pas de distinguer le front de taille de manière précise et la détermination de la limite de propriété en rappelant qu’elle a été modifiée par le front de taille.
La société Cemex granulats sud ouest qui sollicite la confirmation du jugement fait valoir que l’expertise de Monsieur [C] révèle que la remise en état en nature précédemment ordonnée est impossible en fait et quand bien même l’expertise ne serait pas un fait nouveau, il résulte de celle-ci qu’ il n’y a pas lieu à la réalisation de travaux de remise en état.
Concernant les reproches faits à l’expert, Monsieur [C], elle fait observer qu’il s’était assisté de sapiteurs, un géomètre expert et un géo technicien et qu’en raison de sa profession d’architecte, il est tout à fait à même d’interpréter les résultats de leurs analyses.
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Il résulte de la lecture de l’ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises en date du 11 août 2015 que les parties avaient expressément admis que l’expert devrait rechercher un sapiteur pour poursuivre sa mission d’expertise.
Monsieur [C] s’est ainsi adjoint en qualité de sapiteur, Monsieur [N], ingénieur du bureau d’études de la société alpine de géotechnique (SAGE) et a demandé l’avis de Monsieur [J] [F], géomètre expert, pour effectuer un relevé topographique de la zone, à l’aide d’un drône.
Quant à la critique de la qualification de l’expert Monsieur [C], par les consorts [I] [G] [U] – [E], elle n’est aucunement étayée et n’a jamais été élevée devant le juge chargé du contrôle des expertises.
Dans son pré-rapport du 26 octobre 2016, l’expert avait relevé que la végétation dense présente sur le talus ne permettait pas d’observer d’éventuels indices de terrassement. Une photo était jointe, en page 6 de cet avant-projet.
Il était également précisé qu’aucune information sur l’état d’origine de la limite de propriété entre la parcelle A [Cadastre 15] et la carrière n’avait été fournie. Par ailleurs, sur le site, aucun indice ne suggérait la réalisation de terrassement important au droit du talus situé entre la crête de la colline et le premier front de taille de l’exploitation.
Monsieur [C] notait que la comparaison des plans de masse de la société Cemex et du cabinet [F] lui suggérait que le talus présent dans la parcelle A [Cadastre 15] correspondait en réalité à un talus naturel situé sous la ligne de crête de la colline mais pas à un front de taille. Il ajoutait, que cela n’excluait pas que des terrassements aient pu être réalisés sur le talus et que si de tels terrassements avaient eu lieu, ils n’avaient pu être que de faible ampleur.
Il concluait que les terrassements de masse opérés par la carrière n’empiétaient pas sur la parcelle A [Cadastre 15] mais qu’une mise en sécurité du talus aurait pu être réalisée par la carrière, par des travaux qui auraient consisté en un remodelage du talus (terrassements superficiels) afin de sécuriser l’entrée en terre de l’exploitation située à plusieurs mètres en aval de la limite de propriété. Il ajoutait qu’il n’avait cependant aucun indice sur site, ni aucun document lui permettant de valider cette hypothèse.
Selon lui l’aspect du talus semblait confirmer une origine naturelle.
Monsieur [F], géomètre expert, explique que le recours au drône permet de s’affranchir des difficultés liées à la topographie tout en offrant une précision de quelques centimètres (2 à 3 cm en planimétrie, 5 à 10 cm en altimétrie). Cette technique permet en outre de disposer de clichés de la zone depuis un point de vue impossible à atteindre par voie terrestre.
Dans le résumé de ses analyses, en date du 4 mai 2017, il explique que ses travaux ne permettaient pas de quantifier précisément les empiétements éventuels de la Cemex sur la propriété [L] [D] faute de données anciennes précises et faute d’un positionnement indiscutable de la limite de propriété. Il faisait néanmoins les constats suivants :
– la topographie générale est en adéquation avec le modelé du terrain situé au-delà de la limite de propriété ce qui suggère que la topographie de la propriété [L] [D] n’a pas été affectée par les activités de la carrière Cemex,
– la topographie locale ne fait apparaître aucune exploitation au-delà de cette limite, ni front de taille, ni excavation,
– l’état des lieux (présence de boules rocheuses et couvert végétal) confirme le point ci-dessus, l’exploitation de ces zones étant incompatible avec les éléments relevés,
– l’historique des images aériennes semble indiquer un défrichement de la végétation sur de petites zones (quelques mètres carrés à quelques dizaines de mètres carrés au maximum au-delà de la limite, mais aucunement une exploitation ou des mouvements de terre conséquents).
La société SAGE parvenait pour sa part à la conclusion que le talus localisé dans la parcelle A[Cadastre 15] sur le plan de la Cemex n’était pas un front de taille mais correspondrait à un talus naturel situé immédiatement sous la crête naturelle de la colline et qu’une mise en sécurité du talus a pu être réalisée par la carrière par des travaux de remodelage du talus (terrassements superficiels), afin de sécuriser l’entrée en terre de l’exploitation située à plusieurs mètres en aval de la limite de propriété. Néanmoins, aucun indice sur site ne lui permettait de valider cette hypothèse, l’aspect de ce talus semble plutôt confirmer une origine naturelle.
Elle a ajouté qu’en l’absence de la connaissance de l’état initial de la parcelle A [Cadastre 15] et au vu des documents fournis, aucuns travaux de remise en état ne pouvaient être préconisés.
Dans son rapport définitif, Monsieur [C] a conclu qu’il n’avait pu mettre en évidence une quelconque trace d’exploitation de la carrière dans l’emprise de la parcelle A [Cadastre 15] . Il note :
– la présence d’une clôture grillagée suivant la crête de la colline.
– l’examen des seules orthophotographies complétées par la superposition du plan du cadastre semble mettre en évidence une possible intervention humaine dans la parcelle A [Cadastre 15] à partir de l’année 2000 et dont l’aspect pourrait évoquer des travaux de déboisement très localisés mais dont pourtant, nous ne pouvons déterminer la cause, ni l’étendue.
Il ne peut être question de mouvements de terrain importants, le renouvellement rapide du talus végétal que l’on constate à partir de l’évolution chronologique comparée entre ces documents suggère que le substrat fertile (terre végétale) dans la majeure partie de cette zone a été maintenu.
– Dès lors, nous ne pouvons proposer de solutions techniques permettant de réparer la zone examinée qui possède selon nous, l’aspect d’un terrain naturel.
Il conclut à l’impossibilité de déterminer une solution technique en vue de remédier à l’empiétement et qu’il ne peut en conséquence décrire le coût pas plus que les éléments d’un éventuel préjudice.
– S’agissant des dispositifs à mettre en place éventuellement pour assurer le respect des dispositions réglementaires et notamment la mise en sécurité des lieux, il conclut que l’exploitation de la carrière semble avoir été réalisée dans un périmètre situé à l’intérieur de la propriété de la Cemex et note la présence d’une clôture grillagée qui suit la crête de la colline.
Par la suite, les consorts [I] [G] [U]-[E], qui contestent les conclusions du rapport de l’expert judiciaire, ont fait intervenir Monsieur [Y], du cabinet expertises et conseils, selon lequel la méthodologie retenue dans le cadre de l’expertise [C] n’était pas adaptée pour déterminer de manière précise si la société Cemex a empiété sur la propriété des époux [L] [D].
Selon lui, afin de déterminer la nature et l’importance de l’empiétement supposé, il aurait fallu :
– procéder à un bornage contradictoire sur site nécessitant un débroussaillage et déboisement à l’avancement pour implanter la limite de propriété,
– un débroussaillage déboisement d’une bande de 4 m de part et d’autres de la limite de propriété (bornage) et de bandes verticales de la crête au pied de talus,
– un relevé scanner de haute précision de la zone de limite de propriété,
– un relevé scanner avec photogrammétrie de la zone,
– un rapport contenant diverses vues 3D, vue en plan et coupes permettant de vérifier la présence ou non de front de taille et de l’empiétement au-delà de la limite de propriété.
Cependant, à la lecture de ces conclusions, la cour rappelle qu’il est établi et non contesté par les parties que la zone litigieuse est très difficilement accessible et est couverte depuis plusieurs années d’une importante végétation qui n’a jamais été nettoyée par les consorts [I] [G] [U]-[E] pour faciliter les opérations d’expertise, comme rappelé dans l’ordonnance susvisée du juge chargé du contrôle des expertises.
La société Cemex a, quant à elle, demandé à Monsieur [A], expert géomètre foncier, de vérifier la cohérence entre les relevés effectués à l’origine par le cabinet de géomètre expert [R] et les relevés effectués avec le drône de Monsieur [F].
Il est parvenu à la conclusion que la limite qu’il a retenue est très proche de celle figurant sur le plan du sapiteur joint à l’expertise et que les traces de prélèvements visibles (front de carrière) sur le terrain semblent bien en deçà de la limite [L] [D] indiquée sur l’ensemble des documents.
Il est ainsi démontré :
– qu’il n’existe aucun document permettant d’établir l’état d’origine de la parcelle A [Cadastre 15],
– qu’il n’existe aucun document permettant d’établir la limite de propriété précise entre cette parcelle A [Cadastre 15] et la carrière de la société Cemex,
– que le talus litigieux est au moins depuis l’année 2013 en l’état de terrain naturel couvert d’une intense végétation.
Il n’est par ailleurs pas contesté qu’il n’existe plus d’exploitation dans cette zone depuis de nombreuses années.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que :
– les circonstances de fait résultant de l’évolution naturelle du terrain et de l’utilisation d’une technique nouvelle qui n’existait pas lors de l’expertise initiale dont le rapport a été déposé au mois de janvier 2009, sont des faits nouveaux venus modifier la situation antérieurement reconnue.
– qu’il est impossible de déterminer des solutions techniques pour remédier à un empiétement impossible à identifier et par conséquent de préciser les dispositifs à mettre éventuellement en place pour assurer la mise en sécurité des lieux dont il n’est pas contesté qu’ils sont depuis de nombreuses années inaccessibles, et de chiffrer tous travaux réparatoires, aucun préjudice éventuellement subi du fait de l’empiétement n’étant avéré, ni d’ailleurs explicité par les consorts [I] [G] [U] – [E].
Il s’ensuit que les consorts [I] [G] [U] – [E] ne peuvent pas opposer l’autorité de la chose jugée par l’arrêt du 1er octobre 2013, compte tenu de ces événements postérieurs qui sont venus modifier la situation antérieurement reconnue.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les consorts [I] [G] [U] – [E] de leurs demandes sauf à préciser qu’ il entérine le rapport de Monsieur [P] [C] daté du 23 mai 2017, au lieu de l’homologuer, comme mentionné par erreur par le premier juge.
Sur les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Mme [V] [I] [G] [U], Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] qui succombent en leur recours seront condamnés aux dépens de l’appel, déboutés de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamnés à payer à la société Cemex granulats sud ouest la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris dans la limite de sa saisine, sauf à le rectifier en ce qu’il entérine le rapport de Monsieur [P] [C] daté du 23 mai 2017 ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [V] [I] [G] [U], Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] à payer à Cemex granulats sud ouest la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Déboute Mme [V] [I] [G] [U], Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [V] [I] [G] [U], Mme [S] [E], Mme [X] [E], Mme [V] [E] et M. [K] [E] aux dépens de l’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE