Nuisances sonores : décision du 11 octobre 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/00226

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Nuisances sonores : décision du 11 octobre 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/00226
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ARRÊT N°

DR/LZ

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2022

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 06 septembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00226 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EKW5

S/appel d’une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 4] en date du 10 décembre 2020 [RG N° 16/01211]

Code affaire : 72Z Autres demandes relatives à la copropriété

[R] [I], [Z] [U] épouse [I], [N] [J], [V] [C] dit [X], SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE [Adresse 3] C/ [M] [Y], S.A.S. CAPUT

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [R] [I]

né le 06 Juin 1978 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Vincent BESANCON de la SELARL AVOCATS DSOB, avocat au barreau de BELFORT

Madame [Z] [U] épouse [I]

née le 04 Août 1979 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Vincent BESANCON de la SELARL AVOCATS DSOB, avocat au barreau de BELFORT

Monsieur [N] [J]

né le 13 Juillet 1962 à [Localité 7] (Albanie), de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Vincent BESANCON de la SELARL AVOCATS DSOB, avocat au barreau de BELFORT

Madame [V] dit [Localité 6]

née le 18 Août 1961 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Vincent BESANCON de la SELARL AVOCATS DSOB, avocat au barreau de BELFORT

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE [Adresse 3] agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

sis [Adresse 3]

Représenté par Me Vincent BESANCON de la SELARL AVOCATS DSOB, avocat au barreau de BELFORT

APPELANT S

ET :

Madame [M] [Y]

née le 05 Novembre 1937 à CHALONVILLARS, de nationalité française, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Laurent HAENNIG de la SELARL SELARL AJURISS, avocat au barreau de BELFORT

S.A.S. CAPUT

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Pierre-etienne MAILLARD, avocat au barreau de BELFORT

INTIMÉES

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Dominique RUBEY, conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, conseiller, et Dominique RUBEY, magistrat rédacteur.

L’affaire, plaidée à l’audience du 06 septembre 2022 a été mise en délibéré au 11 octobre 2022. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

La SAS Caput exploite un commerce de boulangerie sis [Adresse 3] (90 000), au sein d’un local commercial, initialement donné à bail par feu [M] [Y] en 2008, décédée le 22 mai 2022.

Estimant l’exploitation de ce commerce bruyante, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice ABC immobilier a autorisé ce dernier, selon procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires, à ester en justice, aux fins d’obtenir la cessation des nuisances sonores provenant de la cellule commerciale exploitée par la SAS Caput.

En date du 2juillet 2015, le tribunal judiciaire de Belfort a rendu une ordonnance de référé ordonnant une expertise judiciaire, confiée à M. [O] [T], qui a déposé son rapport le 13 juillet 2016.

Par exploit d’huissier délivré le 25 novembre 2016, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] représenté par son syndic en exercice, M. [R] [I] et Mme [Z] [U] épouse [I] (les époux [I]), M. [N] [J], et Mme [V] [C] dit [X] ont assigné la SAS Caput et feu [M] [Y] devant le tribunal judiciaire de Belfort, aux fins de solliciter l’indemnisation de leur préjudice outre condamnation des défendeurs à faire réaliser des travaux, afin de réduire de manière significative les émissions sonores et ce, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard.

En date du 29 mai 2017, le syndicat des copropriétaires a désigné un nouveau syndic en la personne morale de la SARL Citya Le Lion [Localité 4].

Par décision du 10 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Belfort a :

– déclaré irrecevable l’action du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, la SARL Citya Le Lion [Localité 4],

– dit que les émissions sonores de la SAS Caput engagent sa responsabilité civile à l’égard des époux [I] sur la période de septembre 2014 au 2 juillet 2018,

– débouté M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamné la SAS Caput à verser à M. [R] [I] la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice, ainsi que 4 000 euros à Mme [Z] [U] épouse [I] au titre de son préjudice,

– débouté les époux [I] de leur demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive et de celle formée à l’égard de feu [M] [Y], propriétaire des lieux loués à la SAS Caput,

– rejeté les demandes formées par la SAS Caput à l’encontre de feu [M] [Y] au titre de la garantie pour les condamnations prononcées à son encontre et au titre du remboursement des travaux entrepris,

– condamné la SAS Caput à payer aux époux [I] une somme de 1 000 euros à chacun d’eux en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, la SAS Caput, les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] à payer à feu [M] [Y] la somme de 1 000 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS Caput à payer les entiers dépens, comprenant les frais d’expertise issus de la procédure de référé, outre l’exécution provisoire pour l’ensemble de la décision.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que :

– concernant la recevabilité de l’action du syndicat des copropriétaires, faute de démontrer un préjudice propre et partagé par l’ensemble des copropriétaires à parts égales, le syndicat des copropriétaires n’avait pas qualité à agir et devait être déclaré irrecevable ;

– concernant la responsabilité de la SAS Caput au regard des émissions sonores, il résultait de l’expertise que le niveau sonore lié à l’exploitation de la boulangerie Caput n’était pas conforme aux normes réglementaires et qu’en conséquence, la préexistence du commerce ne saurait empêcher les demandeurs de solliciter une indemnisation pour les troubles occasionnés, cette indemnisation devant être différenciée, au regard de la situation de chaque appartement. A l’égard de M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] les demandes d’indemnisation devaient être rejetées, les nuisances sonores ne dépassant pas les seuils réglementaires. A contrario, les époux [I] souffraient d’une émergence globale supérieure aux seuils autorisés en période nocturne et étaient recevables à solliciter une indemnisation de ce chef ;

– concernant la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la collaboration de la SAS Caput et les travaux réalisés, aux fins de réduction des bruits, commandaient de rejeter ladite demande ;

– concernant les demandes dirigées contre feu [M] [Y], en sa qualité de propriétaire des locaux, aucune faute ne pouvait lui être reprochée puisqu’il était de la responsabilité de l’exploitant du fonds de commerce de s’assurer du respect de la réglementation en vigueur et le cas échéant, d’effectuer les travaux nécessaires ;

– concernant l’appel en garantie de feu [M] [Y] par la SAS Caput, cette dernière ne pouvait solliciter la garantie du propriétaire des locaux dans la mesure où celle-ci restait étrangère au choix des machines utilisées et que la preuve n’était pas rapportée que la propagation du bruit aux étages supérieurs provenait de locaux inadaptés à la destination prévue au bail ;

Par déclaration parvenue au greffe le 6 février 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice la SARL Citya Le Lion [Localité 4], les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] ont régulièrement interjeté appel de cette décision et, selon leurs dernières conclusions transmises le 30 août 2022, ils concluent à son infirmation partielle et demandent à la cour, statuant à nouveau, de la réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce quelle a dit que les émissions sonores de la SAS Caput engageait la responsabilité civile de cette dernière à l’égard des époux [I] sur la période de septembre 2014 au 2 juillet 2018 et condamné la SAS Caput aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise issus de la procédure de référé et de :

– condamner solidairement la SAS Caput, Mme [P] [Y] et [W] [Y], es qualité d’ayants droit de feu [M] [Y] (les consorts [Y]) à payer aux époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] la somme de 15 000 euros chacun de dommages et intérêts au titre du préjudice subi,

– condamner solidairement la SAS Caput et les consorts [Y] à payer aux époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X], la somme de 2 000 euros chacun de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamner solidairement la SAS Caput et les consorts [Y] à payer aux époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X], la somme de 3 000 euros chacun, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les dépens de la procédure de référé et notamment la rémunération de l’expert désigné.

La SAS Caput a formé appel incident le 1er juillet 2021 en sollicitant la confirmation du jugement entrepris, en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action du Syndicat des copropriétaires et a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 1er septembre 2022 pour demander à la cour, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

– Débouter les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

– dire que les époux [I] s’ils justifient du principe de leur préjudice, ne justifient pas de son quantum, et ramener leur indemnisation à de plus justes proportions.

– dire que M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] ne justifient ni d’un préjudice indemnisable, ni d’un lien de causalité, et les débouter de leurs demandes.

– débouter les appelants de leur demande relative à une résistance abusive.

– condamner solidairement les consorts [Y] à rembourser à la SAS Caput le coût des travaux de mise en conformité des lieux loués, à hauteur de 5 814,68 euros, outre condamnation à relever et garantir la SAS Caput de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge.

– débouter les consorts [Y] de l’intégralité de leurs demandes, en ce qu’elles sont dirigées contre la SAS Caput.

– condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice la SARL Citya Le Lion [Localité 4], les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] à payer à la SAS Caput la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Les consorts [Y] par conclusions d’intervention volontaire, en date du 30 août 2022 demandent à la cour de constater qu’héritières venant aux droits de Mme [M] [Y], elles entendent reprendre l’instance en ses lieu et place et maintenir les demandes initiales et, dès lors, confirmer les termes du premier jugement en ce que le tribunal judiciaire de Belfort a :

– déclaré irrecevable l’action du syndicat des copropriétaires,

– rejeté toutes les demandes des copropriétaires, outre celles de la SAS Caput dirigées contre les consorts [Y].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 août 2022, puis reportée au 5 septembre 2022 et l’affaire, appelée à l’audience du 6 septembre 2022 suivant, a été mise en délibéré au 11 octobre 2022.

Pour l’exposé complet des moyens tant de l’appelant que des intimés, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs de la décision

– Sur la recevabilité du syndicat des copropriétaires représenté par son syndic,

Aux termes de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble.

Il est constant que dès lors qu’un dommage, bien que touchant principalement les locaux privatifs, ou qu’un trouble ressenti par l’ensemble des copropriétaires, présente un caractère collectif par son importance et son étendue, l’action syndicale est recevable.

Pour la SAS Caput et les consorts [Y], le syndicat des copropriétaires est dépourvu d’intérêt à agir au vu de l’absence de caractère général des nuisances, outre l’absence de demande.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires agît aux côtés de la majorité des copropriétaires de l’immeuble à l’encontre d’un autre copropriétaire. Au vu de la situation de l’immeuble et de la proximité de chacun des lots avec le rez-de-chaussée occupée par la SAS Caput et son activité de boulangerie, il y a lieu de considérer que les nuisances sonores ont un caractère collectif en raison de leur importance et de leur étendue, outre un caractère général ressenti par l’ensemble des copropriétaires, hormis le copropriétaire ou son occupant générateur des dites nuisances. Cette gêne collective constituant, le cas échéant, un trouble anormal de voisinage, rend recevable l’action du syndicat des copropriétaires.

En considération du caractère collectif des nuisances et de l’intérêt à agir du syndicat des copropriétaires, le jugement critiqué sera infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable en son action le syndicat des copropriétaires.

– Sur les demandes de dommages et intérêts au titre des nuisances sonores,

Sur les nuisances, le lien de causalité et la recevabilité des demandes eu égard à l’antériorité de l’activité,

Aux termes de l’article R 1334-30 du code de la santé publique, devenu R1336-4 en suite de l’entrée en vigueur du décret n°2017-1244 du 7 août 2017, les dispositions des articles R. 1336-5 à R. 1336-11 s’appliquent à tous les bruits de voisinage à l’exception de ceux qui proviennent des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent, des aéronefs, des activités et installations particulières de la défense nationale, des installations nucléaires de base, des installations classées pour la protection de l’environnement ainsi que des ouvrages des réseaux publics et privés de transport et de distribution de l’énergie électrique soumis à la réglementation prévue à l’article 19 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie.

Aux termes de l’article R 1334-31 du code de la santé publique, devenu R1336-5 en suite de l’entrée en vigueur du décret n°2017-1244 du 7 août 2017, aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.

Aux termes de l’article R 1334-32 du code de la santé publique, devenu R1336-6 en suite de l’entrée en vigueur du décret n°2017-1244 du 7 août 2017, lorsque le bruit mentionné à l’article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l’une de celles mentionnées à l’article R. 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme est caractérisée si l’émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l’article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Lorsque le bruit mentionné à l’alinéa précédent, perçu à l’intérieur des pièces principales de tout logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d’activités professionnelles, l’atteinte est également caractérisée si l’émergence spectrale de ce bruit, définie à l’article R. 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Toutefois, l’émergence globale et, le cas échéant, l’émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l’intérieur des pièces principales d’un logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas.

Aux termes de l’article R 1334-33 du code de la santé publique, devenu R1336-7 en suite de l’entrée en vigueur du décret n°2017-1244 du 7 août 2017, l’émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l’occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l’absence du bruit particulier en cause.

Les valeurs limites de l’émergence sont de 5 décibels pondérés A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 décibels pondérés A en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s’ajoute un terme correctif en décibels pondérés A, fonction de la durée cumulée d’apparition du bruit particulier :

1° Six pour une durée inférieure ou égale à 1 minute, la durée de mesure du niveau de bruit ambiant étant étendue à 10 secondes lorsque la durée cumulée d’apparition du bruit particulier est inférieure à 10 secondes ;

2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ;

3° Quatre pour une durée supérieure à 5 minutes et inférieure ou égale à 20 minutes ;

4° Trois pour une durée supérieure à 20 minutes et inférieure ou égale à 2 heures ;

5° Deux pour une durée supérieure à 2 heures et inférieure ou égale à 4 heures ;

6° Un pour une durée supérieure à 4 heures et inférieure ou égale à 8 heures ;

7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures.

Aux termes de l’article R 1334-34 du code de la santé publique, devenu R1336-8 en suite de l’entrée en vigueur du décret n°2017-1244 du 7 août 2017, l’émergence spectrale est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant dans une bande d’octave normalisée, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau de bruit résiduel dans la même bande d’octave, constitué par l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l’occupation normale des locaux mentionnés au deuxième alinéa de l’article R. 1336-6, en l’absence du bruit particulier en cause.

Les valeurs limites de l’émergence spectrale sont de 7 décibels dans les bandes d’octave normalisées centrées sur 125 Hz et 250 Hz et de 5 décibels dans les bandes d’octave normalisées centrées sur 500 Hz, 1 000 Hz, 2 000 Hz et 4 000 Hz.

Aux termes de l’article L 112-16 du code de la construction et de l’habitation, le s dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.

Le syndicat des copropriétaires, ainsi que les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] estiment que la responsabilité de la SAS Caput est établie par les conclusions expertales, la cessation de la fabrication de pain à compter du 2 juillet 2018, induisant la reconnaissance par la SAS Caput de l’existence des nuisances sonores. Par ailleurs, l’antériorité de l’activité ne saurait utilement être invoquée, les nuisances sonores dépassant les seuils autorisés.

En réponse, la SAS Caput souligne qu’il n’y a pas lieu à octroi de dommages et intérêts dans la mesure où tous les copropriétaires ont acquis leurs lots en pleine connaissance de cause de l’existence d’un fonds de commerce de fabrication et vente de pain au rez-de-chaussée de l’immeuble, fonds de commerce exploité sans discontinuité depuis 1950, primitivement par le mari de feu [M] [Y].

Pour leur part, les consorts [Y] reprennent l’argumentation de la SAS Caput tenant à l’antériorité de l’activité empêchant la réparation d’un préjudice, outre des nuisances sonores relatives. Enfin, le bailleur ne saurait garantir le preneur au vu des obligations pesant sur lui en regard du bail conclut et de l’exigence de conformité des appareils utilisés aux normes sonores en vigueur.

En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise judiciaire de M. [O] [T], ingénieur acousticien, que, pour l’ensemble des trois logements, occupés respectivement par les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X], les émergences sonores sont majoritairement très supérieures aux émergences autorisées. L’expert souligne que sur l’ensemble des trois appartements, les émergences sont dépassées tant au global qu’en fréquentiel, outre le fait que les différents tests menés démontrent des dépassements récurrents sur les bandes d’Octave 250 Hz, 500 Hz et 1KHz.

En conclusion, l’expert indique que les émergences sonores, issues du fonctionnement des installations intérieures et extérieures de la boulangerie Caput, ne sont pas conformes aux prescriptions du code de la santé publique. A ce titre, il est également rappelé que les niveaux produits par les équipements techniques de la boulangerie sont susceptibles de porter atteinte à la tranquillité et à la santé de l’homme.

Il y a lieu de relever que les mesures dans le cadre de l’expertise ont lieu du 27 octobre 2015 au 19 février 2016. Cette période doit également être rapprochée des différents constats d’huissier réalisés et notamment celui en date du 13 mars 2015 relevant des niveaux sonores que la fenêtre soit ouverte ou fermée dans l’appartement des époux [I], oscillant, selon les heures, entre 38 et 58 dba, outre un bruit sourd émanant du pétrin de la boulangerie à 5h15 du matin. Ces mesures corroborent celles réalisées antérieurement, selon un autre constat en date du 26 septembre 2014, avec des mesures oscillant entre 46 et 63 dba.

Par ailleurs, l’application d’un correctif de 2 en regard d’un temps d’exposition compris entre deux et quatre heures sur l’émergence globale ne peut seule servir de base à l’analyse des mesures desdites nuisances, l’émergence séquentielle devant également être prise en compte. En outre, cette émergence séquentielle, dite également spectrale ou fréquentielle, ne peut se voir appliquer quelque correctif que ce soit, de sorte que les seuils demeurent dépassés et excluent de fait l’application de la règle de l’antériorité invoquée par les intimés, pour s’opposer aux demandes de dommages et intérêts.

En tout état de cause, l’expert relève que tant en regard de l’émergence globale que de l’émergence séquentielle, les seuils sont dépassés chez l’ensemble des copropriétaires.

Aux fins d’appréhender le retentissement desdites émergences sonores, l’ensemble des copropriétaires résidents, soit les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X], versent des certificats médicaux relevant chez les époux [I] et leurs enfants le 6 janvier 2015 et le 24 janvier 2018 un état de fatigue physique et psychique avec stress, irritabilité et troubles du sommeil. Mme [V] [C] dit [X] est notamment examinée le 23 avril 2015 et le 28 janvier 2017, les certificats délivrés relevant une asthénie chronique, une anxiété réactionnelle, ainsi que des troubles cutanés. Pour sa part, M. [N] [J] produit un certificat médical en date du 21 février 2018 indiquant la présence de l’ensemble des signes d’un syndrome de stress post traumatique avec des éléments anxieux et dépressifs, outre un retentissement sous forme de palpitations cardiaques incitant le médecin prescripteur à orienter M. [N] [J] vers un service de cardiologie.

Dès lors, il apparaît que les nuisances sonores, affectant indifféremment les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X], proviennent de l’activité de la SAS Caput et sont la cause des préjudices invoqués par les appelants.

En conséquence, il y aura lieu d’infirmer le jugement critiqué en ce qu’il a insuffisament évalué et limité les dommages et intérêts accordés aux époux [I] à hauteur de 8 000 euros, ainsi que d’avoir débouté M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] de leurs demandes et ce, en regard de l’importance des nuisances et de la durée d’exposition, sur plusieurs années. Dès lors, il y aura lieu de condamner la SAS Caput à payer la somme de 12 000 euros aux époux [I], 12 000 euros à M. [N] [J], ainsi que 12 000 euros à Mme [V] [C] dit [X], au titre des préjudices subis sur la période courant de septembre 2014 au 2 juillet 2018.

Sur la responsabilité du bailleur et le caractère solidaire des condamnations sollicitées,

Aux termes de l’article 1147 ancien du code civil, applicable au litige, devenu 1231-1 du code civil également applicable, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il est constant que le copropriétaire bailleur est responsable de plein droit vis-à-vis du syndicat des copropriétaires et des autres copropriétaires des agissements de son locataire, et notamment des violations du règlement de copropriété et des troubles de jouissances occasionnés par ce dernier.

Il est constant que la solidarité doit être prononcée, dès lors que les deux défendeurs sont responsables des mêmes nuisances, sur des fondements juridiques distincts.

Les appelants sollicitent la condamnation solidaire de la SAS Caput et des consorts [Y], aux fins de réparation de leurs préjudices. Ils considèrent que le copropriétaire bailleur à l’obligation de respecter et de faire respecter par son locataire le règlement de copropriété, à défaut, il engage sa responsabilité contractuelle à l’égard des copropriétaires et du syndicat de copropriété.

La SAS Caput considère que la responsabilité du bailleur, feu [M] [Y], est engagée au vu de l’inadaptation des locaux à l’usage des machines servant à la fabrication du pain, la clause du bail visant le respect du règlement de copropriété ne pouvant dispenser le bailleur de son obligation de délivrance conforme.

Les consorts [Y] réaffirment la règle de l’antériorité de l’activité excluant toute indemnisation, outre le fait que bailleur ne saurait garantir le preneur au vu des obligations pesant sur lui en regard du bail conclut et de l’exigence de conformité des appareils utilisés aux normes en vigueur.

En l’espèce, le règlement de copropriété en sa partie tenant à la destination de l’immeuble, stipule que les locaux du rez-de-chaussée pourront être utilisés pour l’exercice de n’importe quel commerce, à la condition que l’activité exercée ne nuise pas à la tranquillité des autres occupants, notamment par le bruit qui serait produit. Il est notable que le copropriétaire bailleur, aux droits duquel viennent les consorts [Y], n’adresse qu’un seul courrier à son locataire en décembre 2014, aux fins de faire cesser les nuisances. Dès lors, en regard de l’importance et de la durée des nuisances invoquées, sur une période courant de septembre 2014 au 2 juillet 2018, le bailleur, dont l’inertie empêche la cessation des nuisances et le respect du règlement de copropriété, engage sa responsabilité à l’égard des copropriétaires.

En conséquence, il y aura lieu d’infirmer le jugement critiqué en ce qu’il a débouté les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] de leurs demandes à l’égard du bailleur. Dès, il y aura lieu de condamner solidairement la SAS Caput et les consorts [Y] au titre des condamnations prononcées au bénéfice des [I], de M. [N] [J], ainsi que de Mme [V] [C] dit [X] au titre des préjudices subis sur la période courant de septembre 2014 au 2 juillet 2018.

– Sur la demande en garantie de la SAS Caput à l’encontre des consorts [Y],

Aux termes de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

En l’espèce, la SAS Caput reprenant un local dans lequel est exploité de longue date un fonds de commerce de fabrication et vente de boulangerie et viennoiserie estime que ledit fonds doit être aux normes et en état de servir à l’usage pour lequel il est loué. Dès lors, la SAS Caput estime devoir être garantie de ses éventuelles condamnations par le bailleur défaillant à entretenir le fonds en l’état de servir l’usage pour lequel il a été loué. De la même manière, c’est, selon elle, cette même carence du bailleur, au regard de l’obligation de mettre ledit fonds en conformité avec la spécificité de l’activité, qui commande que le bailleur le rembourse des travaux engagés pour un montant de 5 814,68 euros.

En réponse, les consorts [Y] exposent qu’ils ne sauraient garantir le preneur au vu des obligations pesant sur lui en regard du bail conclut et de la conformité des appareils utilisés aux normes sonores en vigueur.

Au vu des dispositions du bail commercial en date du 12 février 1996, le locataire peut faire dans les biens loués, à ses frais, tous travaux, aménagements ou installations que bon lui semblera, conformément à la destination des lieux et ce, sans aucun droit à indemnité en fin de bail. Dès lors, au vu desdites dispositions et des obligations du seul preneur d’assurer la conformité de son activité avec les normes existantes et ce, indépendamment des obligations générales pesant sur le bailleur, la SAS Caput échoue en ses demandes à l’égard du bailleur.

En conséquence, en l’absence de faute du bailleur dans l’exécution du bail à l’égard du preneur et de quelque obligation au regard des aménagements et travaux à réaliser, la décision critiquée sera confirmée de ce chef en ce qu’elle a débouté la SAS Caput de sa demande en garantie, ainsi que de la demande de remboursement de la SAS Caput au titre des travaux entrepris, dirigées à l’encontre des consorts [Y].

– Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Aux termes de l’article 1240 du code civil que cette demande suppose la caractérisation d’une faute susceptible de faire « dégénérer en abus de droit, la résistance d’une partie ».

Il est constant que la simple résistance à une action en justice ne peut constituer un abus de droit.

De même, l’abus de droit exige au moins un acte de mauvaise foi et qu’il est nécessaire pour le juge de caractériser l’abus, sans omettre d’évoquer le préjudice subi par les demandeurs.

En l’espèce il y a lieu de constater que les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X] ne démontrent pas en quoi l’attitude de la SAS Caput et des consorts [Y] serait constitutive d’un abus.

En conséquence, les époux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X], seront déboutés de sa demande en et intérêts, pour résistance abusive.

En conséquence, en l’absence de démonstration d’un abus de la part la SAS Caput et des consorts [Y], la décision critiquée sera confirmée de ce chef en ce qu’elle a débouté lépoux [I], M. [N] [J] et Mme [V] [C] dit [X], de leur demande en et intérêts, pour résistance abusive.

 


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