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N° RG 21/03804 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LATR
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
Me Emeline GAYET
la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] – [Localité 5]
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 11 JUILLET 2023
Appel d’un Jugement (N° R.G. 20/05011) rendu par le Juge des contentieux de la protection de GRENOBLE en date du 03 juin 2021, suivant déclaration d’appel du 01 Septembre 2021
APPELANTS :
M. [Y] [J]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Mme [E] [J]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentés et plaidant par Me Emeline GAYET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM ÉS :
Mme [I] [H]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
M. [L] [R]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Jean-François LARDILLIER, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente
M. Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 mai 2023, Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur et Madame [J] sont propriétaires d’un appartement situé [Adresse 2]), dont un mur est mitoyen avec l’appartement de Madame [H] et de Monsieur [R], également propriétaires.
Se plaignant de nuisances sonores provenant des locataires des consorts [H] et [R], les époux [J] ont saisi le juge des contentieux et de la protection en réparation de leurs préjudices pour troubles anormaux du voisinage.
Par jugement du 3 juin 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a:
-déclaré recevable la demande des consorts [J],
-débouté Madame [E] [J] et Monsieur [Y] [J] de l’intégralité de leurs demandes,
-débouté Madame [I] [H] et Monsieur [L] [R] de leurs demandes reconventionnelles,
-rejeté les demandes d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné in solidum Madame [E] [J] et Monsieur [Y] [J] aux dépens,
-rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
-débouté les parties de toute autre demande.
Par déclaration en date du 1er septembre 2021, les époux [J] ont interjeté appel du jugement.
Dans leurs conclusions notifiées le 11 mai 2022, les époux [J] demandent à la cour de:
Vu les articles 1240 et suivants du code civil, les articles R1334-31 et R1337-7 du code de la santé publique,
Vu l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Et vu l’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 ;
-voir infirmer le jugement du 03 juin 2021 en ce qu’il débouté Monsieur et Madame [J] de l’ensemble de leurs demandes, à savoir :
-condamner solidairement Madame [H] et Monsieur [R] à leur payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et 1.156,77 euros en réparation de leur préjudice matériel;
-les condamner à réaliser des travaux d’isolation phonique de leur appartement sous astreinte de 50 euros/ jour de retard ;
-les condamner solidairement à leur verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,
-les condamner solidairement aux entiers dépens.
-voir confirmer le jugement précité en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle formulée par Madame [H] et Monsieur [R] visant à solliciter la somme de 7 297.07 euros à titre de dommages et intérêts ;
En conséquence,
-voir constater l’existence de troubles anormaux du voisinage ;
-voir condamner solidairement Madame [H] et Monsieur [R] à payer à Monsieur et Madame [J] la somme de 3 000 euros au titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral et 1 156.77 euros en réparation de leur préjudice matériel ;
-voir condamner Monsieur [R] et Madame [H] à réaliser des travaux d’isolation phonique de leur appartement sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
-voir débouter Madame [H] et Monsieur [R] de leurs demandes incidentes ;
-voir condamner solidairement Madame [H] et Monsieur [R] à verser à Madame et Monsieur [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
-voir condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.
Au soutien de leurs demandes, les époux [J] se fondent sur l’article 1728 du code civil et indiquent que si le preneur ne respecte pas ces obligations d’user de la chose louée raisonnablement, c’est alors à son propriétaire d’agir, en application de l’article 6-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
Ils font état de l’existence de troubles anormaux du voisinage du fait de la matérialité des nuisances et leur caractère répété, soulignant qu’une pétition avait été signée par dix autres occupants de l’immeuble.
Ils indiquent que les intimés s’étaient engagés à faire réaliser des travaux d’isolation phonique, qu’ils n’ont pas réalisés.
Dans leurs conclusions notifiées le 18 février 2022, Mme [H] et M.[R] demandent à la cour de:
Vu les articles 544 et 1240 et suivants du code civil,
Vu l’article 9 du code de procédure civile,
Vu la décision du 3 juin 2021,
Vu la jurisprudence y afférente,
Vu les pièces versées aux débats,
-voir confirmer le jugement du 3 juin 2021,
– en ce qu’il a débouté Madame [E] [J] et Monsieur [Y] [J] de l’intégralité de leurs demandes,
– en ce qu’il a condamné in solidum Madame [E] [J] et Monsieur [Y] [J] aux dépens de première instance.
-voir infirmer la décision du 3 juin 2021 :
– en ce qu’elle a débouté Madame [I] [H] et Monsieur [L] [R] de leur demande reconventionnelle,
– et rejeté les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Ce faisant,
-voir statuer de nouveau,
-voir constater que l’appartement de Madame [I] [H] a été vendu le 13 octobre 2021 avant les conclusions d’appelants des époux [J], rendant la demande de travaux sous astreinte totalement irrecevable,
-voir constater le caractère abusif de l’appel interjeté par les époux [J], étant donné l’absence de nouvelles pièces ou preuves permettant de caractériser le trouble anormal de voisinage, mais également leur préjudice matériel.
-voir condamner in solidum Madame [E] [J] et Monsieur [Y] [J] à verser à Madame[I] [H] et Monsieur [L] [R], la somme de 11 621,32 euros correspondant aux loyers, taxes foncières et primes d’assurance représentant le préjudice économique des intimés, du fait de la suspension de la vente de l’appartement pendant toute la durée de la première instance (art 32-1 in fine, du code de procédure civile).
-voir débouter Madame [E] [J] et Monsieur [Y] [J] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
-voir condamner in solidum Madame [E] [J] et Monsieur [Y] [J] au règlement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au bénéfice de Madame [I] [H] et Monsieur [L] [R].
-voir condamner in solidum Madame [E] [J] et Monsieur [Y] [J] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Alexis Grimaud du Cabinet Lexavoué.
Les intimés font valoir que le prétendu préjudice lié au trouble de voisinage ou tapage nocturne, repose sur deux plaintes déposées sur une période d’une année, et rappellent que Mme [H] a toujours été extrêmement diligente, qu’ainsi, lorsque Monsieur [Y] [J] dans cette période de mars 2019 à mars 2020, s’est plaint des bruits émanant de son appartement, elle a à plusieurs reprises adressé des courriers à ses locataires pour leur rappeler leurs obligations.
Ils rappellent que les colocataires sont tous partis en septembre 2020, et que l’appartement a été mis en vente, depuis le 19 septembre 2020.
Ils affirment que les appelants ont fait fuir leurs colocataires, qu’ils sont donc légitimes et recevables à solliciter une indemnisation compte tenu du fait qu’ils n’avaient plus de locataires et que la vente de leur appartement a été bloquée par la présente procédure judiciaire.
Ils déclarent que le syndic n’avait même pas connaissance de la moindre pétition à leur encontre et qu’à ce jour, et depuis septembre 2020, Monsieur et Madame [J] sont incapables de rapporter la moindre preuve de bruit ou de troubles anormaux de voisinage.
Ils réfutent s’être engagés à réaliser des travaux d’isolation phonique.
La clôture a été prononcée le 22 février 2023.
MOTIFS
Il est constant que la vie en copropriété impose à chacun de subir les bruits normaux provenant des appartements voisins, lorsqu’ils n’excèdent pas les limites objectivement mesurables (Cass 3eciv, 15 juin 2005, n°04-13434).
En l’espèce, Mme [H] et M.[R] étaient propriétaires d’un appartement mitoyen de celui des appelants, appartement qu’ils ont vendu selon acte notarié du 13 octobre 2021, et qu’ils avaient auparavant loué à des étudiants en colocation.
Il ressort de la procédure qu’aucune plainte n’est intervenue avant le mois de mars 2019.
Le 14 mars 2019, le syndic de la copropriété a écrit à Mme [H] pour lui indiquer que des copropriétaires se plaignaient que ses locataires étaient très bruyants et notamment, organisaient régulièrement des fêtes le week-end, se poursuivant tard dans la nuit. Ce premier courrier atteste du caractère réitéré de ces agissements.
Ce caractère réitéré est corroboré par le fait qu’en juin 2019, dix occupants de l’immeuble ont signé une pétition ‘contre les nuisances sonores causées par les occupants d’un appartement dont le bailleur est Mme [I] [H] M.[L] [R]’.
Ces nuisances sonores se sont de nouveau produites en avril 2020, ce qui n’est pas contesté, et ce malgré les précédentes plaintes.
Il convient enfin de relever que suite à la plainte de M.[J], l’officier du ministère public a précisé par courrier du 4 février 2020 que les locataires feraient l’objet pour l’une d’un rappel à la loi et pour les deux autres d’une ordonnance pénale. La mise en oeuvre de telles poursuites suppose une fois encore qu’il ne s’agit pas de faits isolés, mais de nuisances sonores réitérées et d’une importance réelle, l’objectif n’étant bien évidemment pas de pénaliser quiconque organiserait une soirée à son domicile.
En conséquence, et même s’il ne peut pas être reproché à Mme [H] d’être restée inactive, puisqu’il est démontré qu’elle a rappelé à ses locataires les obligations qui étaient les leurs, il existe bien un trouble anormal de voisinage, le bruit admissible au sein d’un immeuble ne s’étendant pas à des nuisances sonores répétées la nuit, gênant à ce point les occupants qu’une pétition a été signée, ce qui démontre de surcroît que les époux [J], même s’ils sont les seuls à avoir intenté cette procédure, n’étaient pas les seuls à se plaindre.
Même si M.[J] a pu parfois avoir un comportement inadapté envers les locataires, il convient de constater qu’il ne s’était jamais plaint avant le mois de mars 2019, qu’il ne saurait donc lui être reproché de ne pas supporter le moindre bruit.
Par conséquent, le jugement sera infirmé et il sera alloué aux époux [J] la somme de 600 euros en réparation de leur préjudice moral.
La preuve d’un préjudice matériel n’est en revanche pas avérée au vu des pièces produites. Contrairement aux allégations des appelants, Mme [H] ne s’est jamais engagée à réaliser des travaux d’isolation phonique, travaux au demeurant inutiles puisqu’avant février 2019, le bruit était tout à fait supportable, qu’il était donc bien lié au comportement des locataires de Mme [H] et non aux caractéristiques de l’immeuble.
Compte tenu de ce qui précède, la preuve d’un appel abusif n’est pas avérée.
Les consorts [H]/[R] ont fait le choix de vendre leur appartement et allèguent avoir subi un préjudice économique du fait de l’attitude des époux [J]. Toutefois, ce choix n’était pas contraint et ils avaient toute latitude pour relouer leur appartement à des locataires respectueux du voisinage, comme cela avait manifestement été le cas entre 2008 et février 2019. En outre, ils ne démontrent pas en quoi leur vente a été suspendue par la procédure intentée par les époux [J].
En conséquence, ils seront déboutés de leur demande.
Mme [H] et M.[R] qui succombent principalement à l’instance seront condamnés in solidum aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré et statuant de nouveau ;
Dit qu’il existe un trouble anormal de voisinage causé par les locataires de Mme [H] et M.[R] ;
Condamne Mme [H] et M.[R] à payer aux époux [J] la somme de 600 euros en réparation de leur préjudice moral ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne in solidum Mme [H] et M.[R] à payer aux époux [J] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [H] et M.[R] aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE