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La société Bonneterre fait valoir que :
– elle a respecté un délai de préavis de trois mois conformément aux termes du contrat de transport,
– la notification de la résiliation a été faite dans les délais requis,
– elle conteste toute accusation de dol.
La société Dispam réplique que :
– le contrat ne permettait pas une résiliation à tout moment,
– la résiliation aurait dû être notifiée avant le 18 décembre 2016,
– la société Bonneterre a commis un dol en ne respectant pas les obligations contractuelles.
La cour conclut que la société Bonneterre n’a pas respecté les dispositions contractuelles de résiliation annuelle du contrat.
La société Bonneterre soutient que la société Dispam n’a pas subi de préjudice réel et avéré et conteste le quantum du préjudice allégué.
La société Dispam demande une indemnité correspondant à quatre fois la moyenne de chiffre d’affaires HT facturé des trois derniers mois.
La cour estime que la société Dispam a subi un préjudice de 30.000 euros en raison de la perte de taux de marge pendant trois mois et d’une légère désorganisation.
Les condamnations de première instance sont confirmées. La société Bonneterre supportera les dépens d’appel mais aucune demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’est accordée.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 19/08909 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MYUH
Décision du Tribunal de Commerce de Lyon du 09 décembre 2019
RG : 2019j00121
SAS BONNETERRE ET COMPAGNIE
C/
SAS DISTRIBUTION DE PRODUITS AGRICOLES MAGALLON DISPAM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 07 Septembre 2023
APPELANTE :
SAS BONNETERRE ET COMPAGNIE immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Créteil sous le numéro 682 043 724, représenté par son représentant légal dument habilité ès qualité
[Adresse 1]
MIN [Localité 4],
Représentée par Me Anne-Florence RADUCAULT de l’AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de LYON, toque : 1700
INTIMEE :
SAS DISTRIBUTION DE PRODUITS AGRICOLES MAGALLON – DISPAM au capital social de 160 062 euros, immatriculée au RCS d’Avignon sous le numéro 387 050 339, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Pierre-François GIUDICELLI de la SELARL CABINET GIUDICELLI, avocat au barreau D’AVIGNON
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Date de clôture de l’instruction : 05 Février 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Mai 2023
Date de mise à disposition : 07 Septembre 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Marianne LA-MESTA, conseillère
– Aurore JULLIEN, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La Sas Distribution de produits agricoles Magallon (ci-après « la société Dispam ») exerce une activité de transport de marchandises sous températures dirigées. La Sas Bonneterre et Compagnie (ci-après « la société Bonneterre ») exerce une activité de vente en gros et demi-gros de produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable.
Les sociétés entretenaient des relations commerciales depuis quelques années. Le 3 mai 2013, la société Dispam et la société Bonneterre ont conclu un contrat de transport pour une durée de un an renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d’un an. Ce contrat est entré en vigueur le 18 mars 2013.
Par courrier recommandé du 27 septembre 2016, la société Bonneterre a indiqué à la société Dispam sa volonté d’organiser un appel d’offres portant sur l’ensemble des destinations qui lui sont attribuées et de cesser leurs relations contractuelles à compter du 2 janvier 2017.
Par courriel du 20 décembre 2016, la société Bonneterre a indiqué à la société Dispam qu’elle ne retenait pas son offre pour l’avenir et que leurs relations commerciales cesseront au 31 décembre 2016.
Par courrier recommandé du 22 décembre 2016, la société Dispam s’est opposée à la cessation des relations commerciales au motif que le délai de prévenance n’aurait pas été respecté. Par courrier recommandé du 16 janvier 2017, la société Bonneterre a maintenu sa position.
Par courrier recommandé du 6 février 2017, la société Dispam a mis en demeure la société Bonneterre de lui verser la somme de 176.155,08 euros, correspondant à quatre fois la moyenne de chiffre d’affaire hors taxe facturé des trois derniers mois, à titre d’indemnité pour non-respect du délai de préavis contractuel. Par courrier recommandé du 15 mars 2017, la société Bonneterre s’est opposée à cette demande.
Par acte d’huissier du 18 juillet 2017, la société Dispam a assigné la société Bonneterre devant le tribunal de commerce de Créteil. Par jugement du 18 décembre 2018, le tribunal de commerce de Créteil a rendu un jugement d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Lyon auquel le dossier a été transmis.
***
Par jugement contradictoire du 9 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :
– condamné la société Bonneterre à payer à la société Dispam la somme de 70.000 euros correspondant à l’indemnité du préavis commençant à courir le 1er janvier 2017 pour se terminer le 18 mars 2017,
– condamné la société Bonneterre à payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– prononcé l’exécution provisoire de la présente décision, nonobstant appel ou opposition et sans caution,
– condamné la société Bonneterre aux entiers dépens,
– rejeté comme inutiles ou non fondées toutes autres demandes des parties.
***
La société Bonneterre a interjeté appel par acte du 23 décembre 2019.
Par ordonnance du 12 mars 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné l’organisation d’une médiation.
Par ordonnance du 8 juin 2020, le premier président de la cour d’appel de Lyon a ordonné la consignation par la société Bonneterre de la somme de 71.000 euros par la Caisse des dépôts et consignations et dit que l’exécution provisoire ne pourra plus être poursuivie sur justification de cette consignation et que cette somme pourra être libérée à la demande de la partie la plus diligente, sur la base d’un titre exécutoire, à proportion des sommes dues.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 4 septembre 2020 fondées sur les articles 1149 et suivants anciens du code civil, la société Bonneterre demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
statuant à nouveau,
– rejeter l’intégralité des demandes de la société Dispam en raison de son absence de faute à son encontre en raison du fait qu’elle a respecté un préavis de trois mois et respecté les dispositions contractuelles applicables,
– rejeter l’intégralité des demandes de la société Dispam en raison de l’absence de fondements et de justificatifs relatifs à ses prétentions et notamment du quantum du préjudice qu’elle invoque,
– rejeter l’intégralité des demandes de la société Dispam,
– si par extraordinaire une indemnisation devait être accordée à la société Dispam, retenir que cette indemnisation ne saurait être supérieure à la somme de 905 euros,
– condamner la société Dispam à lui verser la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Dispam aux entiers dépens.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 9 juin 2020 fondées sur les articles 1134 et suivants du code civil (devenus 1103 et suivants du code civil), la société Dispam demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
condamné la société Bonneterre à lui payer la somme de 70.000 euros correspondant à l’indemnité du préavis commençant à courir le 1 janvier 2017 pour se terminer le 18 mars 2017,
condamné la société Bonneterre à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
rejeté comme inutiles ou non fondées ses autres demandes,
et statuant à nouveau,
– débouter la société Bonneterre de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
– condamner la société Bonneterre à lui payer la somme de 171.115 euros correspondant à quatre fois la moyenne du chiffre d’affaires hors taxe facturé des trois derniers mois à titre d’indemnité pour non-respect du délai de préavis contractuellement prévu,
– condamner la société Bonneterre à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement pour ceux d’appel.
***
La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 février 2021, les débats étant fixés au 25 mai 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est précisé que le litige n’est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est antérieur au 1er octobre 2016.
Sur le non-respect du délai de préavis
La société Bonneterre fait valoir que :
– elle a mis un terme au contrat de transport entre les parties quatre ans après sa conclusion alors qu’il n’existait aucune exclusivité ou aucun investissement spécifique par les parties en présence ; en matière de contrat de transport, une rupture n’est pas brutale dès lors qu’un délai de préavis minimum de trois mois a été respecté, ce qui a été le cas en l’espèce ; un tel préavis devant être qualifié de suffisant,
– selon les termes du contrat, la résiliation pouvait intervenir à tout moment, en respectant un délai de préavis de trois mois, la notification de la rupture devant intervenir au plus tard 3 mois avant la date d’échéance,
– à titre subsidiaire, si le contrat n’offrait pas une possibilité de résiliation avant le 18 mars 2016 alors qu’un préavis de 3 mois était respecté, il faut considérer que les parties ont décidé dans leurs échanges de courriels en début 2016 de ramener la date de négociation et la date anniversaire du contrat au 1er janvier,
– la notification de la résiliation a été effectuée par la lettre recommandée avec accusé de réception sans équivoque du 27 septembre 2016, point de départ du préavis, pour le 31 décembre, soit plus de trois mois avant la date d’échéance du contrat conformément à ce dernier ; il est de jurisprudence constante que la notification d’un appel d’offres futur vaut notification de la rupture de relation commerciale ; la candidature de la société Dispam à l’appel d’offres n’est pas de nature à modifier le sens de la lettre du 27 septembre 2016,
– elle n’avait pas obligation par l’effet du contrat de poursuivre l’exécution jusqu’à la date anniversaire au 18 mars 2017,
– elle conteste la démonstration d’un quelconque dol,
– l’article 5 du contrat relatif à la rémunération de la prestation stipule qu’en cas de non-accord entre les parties, chacune dispose d’une faculté de résiliation avec préavis de trois mois ; or, la résiliation est intervenue suite à son désaccord face à l’augmentation tarifaire unilatérale de la société Dispam ; ce préavis de trois mois a été respecté.
La société Dispam réplique que :
– la collaboration entre les deux parties a duré plus de 13 ans,
– le contrat de transport n’autorise pas une résiliation à tout moment sous réserve d’un préavis ; son article 6 stipule qu’il ne peut être résilié par l’une ou l’autre des parties qu’à la date du 18 mars de chaque année, avec un délai de prévenance de 3 mois au minimum, soit au 18 décembre de l’année précédente ; une application correcte du contrat de transport impliquait donc la notification de la résiliation le 18 décembre 2016 au plus tard, et un arrêt de remise des marchandises après le 18 mars 2017,
– les parties n’ont pas accepté d’avancer la date d’échéance du contrat au 1er janvier ; seule la date de renégociation tarifaire du contrat a été avancée au 1er janvier,
– la lettre du 27 septembre 2016 l’informant d’un appel d’offres ne peut valoir notification de la cessation des relations commerciales ; cette rupture lui a été notifiée par le courriel du 20 décembre 2016 indiquant l’issue de l’appel d’offres, pour une fin des relations contractuelles au 31 décembre 2016, ce qui ne constitue pas un délai de préavis raisonnable et ne respecte pas les termes du contrat,
– la date d’échéance du contrat de transport à durée déterminée d’une année reconductible tacitement pour des périodes d’une année était fixée au 18 mars de chaque année, de sorte que la rupture effective en date du 31 décembre est nécessairement intervenue en violation du contrat ; de surcroît, l’arrêt des remises de marchandises est intervenu au 20 décembre 2016,
– la société Bonneterre a commis un dol en ne respectant pas les obligations contractuelles auxquelles elle était soumise concernant la rupture des relations commerciales,
– l’article 5 du contrat intitulé ‘clause d’imprévision’ ne concerne pas le cas d’espèce.
Sur ce,
La cour relève de manière liminaire, nonobstant les termes parfois employés par les parties, que l’intimée ne base pas ses prétentions sur la rupture brutale de relations commerciales établies, dont l’examen relèverait d’une autre juridiction, et que le litige porte sur le respect par la société Bonneterre des dispositions contractuelles permettant la résiliation annuelle du contrat.
Elle souligne également que les deux parties font état improprement d’un dol, terme qui ne se rapporte qu’à un vice de consentement lors de la conclusion du contrat, et qui est en l’espèce complètement inopérant.
L’article 6.1 intitulé ‘Durée’ du contrat de transport du 3 mai 2013 stipule que :
‘Le présent Contrat est prévu pour entrer en vigueur au 18/03/2013.
Le présent contrat est conclu pour une durée de 1 an.
Il est renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d’un an.
Dans le cas ou l’une des parties ne souhaiterait pas renouveler le contrat, après le terme prévu au delà de chaque période de une année y compris au-delà de la première année, elle devra le notifier à l’autre Partie par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard 3 mois avant la date d’échéance du Contrat.
L’expiration du contrat ou la résiliation du contrat conformément à ses stipulations contractuelles n’ouvrira droit à aucune indemnité de quelque nature que ce soit pour aucune des deux Parties.’
L’article 5.7. intitulé ‘Clause d’Imprévision’ du contrat de transport du 3 mai 2013 stipule pour sa part que : ‘En cas de hausse des tarifs des tunnels, autoroutes ainsi qu’en cas d’augmentation d’une des taxes de transport ou de modification de la réglementation de transport dans un des pays où le présent contrat sera exécuté, impactant le prix de transport et rendant préjudiciable pour le Prestataire, l’exécution des obligations, les Parties se rapprochent afin de déterminer les modification à apporter aux tarifs.
En cas de non-accord, chacune des Parties a la possibilité de résilier le Contrat avec un préavis de trois (3) mois par lettre recommandée avec accusé de réception.’
En premier lieu, le courrier du 27 septembre 2016, s’il avisait effectivement la société Dispam de l’organisation d’un appel d’offres, manifestait par ailleurs sans la moindre équivoque la volonté de résiliation de la société Bonneterre, le courrier mentionnant précisément en objet ‘cessation de nos relations commerciales’ et ajoutant que conformément aux dispositions de l’article 6.1 du contrat de transport du 18 mars 2013, elle informait sont co-contractant de ce que les relations contractuelles cesseraient à compter du 2 janvier 2017 ‘et conformément à notre échange de mail du 17 février 2017″.
La société Dispam ne peut donc prétendre que ce courrier ne visait que l’organisation d’un appel d’offre et non la résiliation du contrat et retient à tort la date du 20 décembre 2016 comme courrier de résiliation.
En second lieu, si la société Bonneterre se prévaut du respect d’un préavis de trois mois à compter de ce courrier en estimant que la résiliation pouvait intervenir à tout moment, l’article 6.1 est cependant très clair et ne prévoit une possibilité de résiliation qu’à la date d’échéance annuelle du contrat, soit le 18 mars de chaque année. Il n’importe donc pas que la société appelante ait fait connaître sa volonté de résilier le contrat trois mois avant la date souhaitée par elle puisque la résiliation ne pouvait intervenir annuellement qu’à la date d’échéance du contrat comme expressément stipulé, soit le 18 mars 2017 et les jurisprudences produites par l’appelante sur la résiliation des contrats à durée indéterminée sont inopérantes en l’espèce.
Par ailleurs, l’article 5.7 invoqué par l’appelante n’a pas vocation à s’appliquer à l’espèce, ne s’agissant pas d’un problème de hausse des tarifs mentionnés dans cet article.
S’agissant ensuite d’un accord des parties pour une échéance de résiliation du contrat à la date du premier janvier, comme soutenu par l’appelante, les courriels échangés et produits par la société Bonneterre (pièce 2) ne traduisent aucunement une telle volonté ; s’ils matérialisent effectivement un accord ramené au premier janvier de chaque année, ceci ne concerne que la date de validation des tarifs et nullement la date de résiliation du contrat ; c’est donc à tort que la société Bonneterre revendique une date de résiliation le premier janvier de chaque année et non à la date initiale du 18 mars.
Il est en conséquence établi que la société Bonneterre ne peut se prévaloir en l’espèce d’une résiliation conforme aux stipulations contractuelles et le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu ce non respect.
Sur la demande indemnitaire
La société Bonneterre fait valoir que :
– le contrat stipule que le respect des modalités contractuelles de résiliation et de préavis font obstacle à toute indemnité,
– la société Dispam doit démontrer l’existence d’un préjudice en causé par l’absence de maintien de l’exécution du contrat jusqu’au 18 mars 2017, ce qu’elle ne fait pas ; ainsi, elle ne justifie notamment pas de sa prétendue désorganisation ; la faible proportion du chiffre d’affaires réalisé avec elle par la société Dispam témoigne de l’absence d’un préjudice réel et avéré,
– la société Dispam ne justifie pas du quantum du préjudice allégué, alors que c’est à elle qu’incombe la charge de sa preuve ; par application de l’article 1149 ancien du code civil, qui vise la réparation du gain dont a été privé un créancier, c’est la perte de marge qui peut éventuellement être indemnisée et non le chiffre d’affaires car il ne faut pas indemniser des coûts variables qui ont en réalité été économisés, tels que les coûts de carburant ; la société Dispam ne produit pas le détail de ces charges externes qui sont pourtant significatives ; considérant le taux de marge nette de la société Dispam de 1,1% appliqué à un chiffre d’affaires moyen pour 2,5 mois de 119.435 euros, la marge nette est estimée à 1.313,78 euros, montant maximal de l’indemnité pouvant être accordée ; un autre calcul prenant la marge nette moyenne des trois derniers exercices est également proposée, pour une somme de 905 euros,
– la société Dispam invoque de façon antinomique la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle en méconnaissance de l’article 15 du code de procédure civile.
La société Dispam réplique que :
– l’article 6 du contrat du 18 mars 2013 a pour conséquence par une interprétation a contrario que le non-respect des modalités de résiliation et de préavis par la société Bonneterre lui ouvre droit à indemnité en tant que victime de la rupture des relations contractuelles,
– la faute contractuelle de la société Bonneterre est directement à l’origine d’un préjudice qu’elle a subi en ne se voyant pas remettre des marchandises jusqu’au 18 mars 2017 inclus ; le préjudice qu’elle a subi ne se limite pas à l’indemnisation du délai de préavis car elle a également été désorganisée par le non-respect des stipulations contractuelles par la société Bonneterre, diminuant la rentabilité des autres tournées ; l’éventuelle faiblesse du chiffre d’affaires réalisé avec la société Bonneterre est indifférente,
– concernant le quantum, elle est fondée à recevoir de la société Bonneterre la somme de 171.115 euros d’indemnités, soit quatre fois la moyenne de chiffre d’affaires HT facturé des trois derniers mois, pour non-respect du délai de préavis ; c’est le chiffre d’affaires et non une marge qui constitue l’assiette car elle n’a pas eu le temps, vue la tardiveté du préavis, de se réorganiser pour diminuer ses coûts.
Sur ce,
L’article 1149 ancien du code civil dispose que : ‘Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.’
De manière liminaire, la cour relève que la société Dispam se prévaut uniquement d’une inexécution contractuelle et non de dommages de nature délictuelle de sorte qu’il n’y a pas difficulté surle fondement juridique de la demande.
Il appartient à la société Dispam de rapporter la preuve de l’étendue du préjudice subi et dont elle demande l’indemnisation du fait d’un non respect fautif par son cocontractant de la date de résiliation du contrat.
La société Dispam demande un montant correspondant à quatre fois la moyenne de chiffre d’affaires HT facturé des trois derniers mois.
Il n’est pas contesté par l’appelante qui ne conclut pas sur ce point qu’elle a cessé de remettre des marchandises à la société Dispam après le 20 décembre 2016 de sorte que des marchandises n’ont pas été transportées pour son compte pendant trois mois jusqu’à la date contractuelle de rupture des relations des parties.
C’est cependant à juste titre que l’appelante fait valoir que c’est la perte de marge qui peut éventuellement être indemnisée et non le chiffre d’affaires, les coûts variables qui ont été économisés devant être déduits, et la société Dispam, qui explique sa demande de compensation d’un chiffre d’affaires par la tardivité du préavis ne peut sérieusement soutenir avoir été brutalement prise au dépourvu, ayant été avisée dès septembre 2016 de la volonté de son adversaire.
Même si elle a dû nécessairement anticiper la rupture du contrat, elle ne donne pas par ailleurs d’éléments concrets sur l’importante désorganisation qu’elle invoque et le tribunal de commerce a à juste titre retenu l’absence de preuve d’une mobilisation de moyens humains et financiers importants. Sa demande apparaît donc très exagérée.
Elle ne donne pas d’éléments chiffrés sur sa perte de marge qui est un préjudice indemnisable mais les chiffres avancés par l’appelante apparaissent également exagérément bas eu égard au taux de marge moyen en matière de transport routier, certes plus faible que dans d’autres secteurs (moins de 15% en moyenne) mais pas réduits à néant.
Au vu de ces considérations et des éléments apportés par les parties, la cour fixe le préjudice subi par la société Dispam et constitué par la perte de taux de marge pendant trois mois et une légère désorganisation provoquée par la rupture anticipée à la somme de 30.000 euros. Le jugement est donc réformé en ce sens.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les condamnations de première instance à ce titre sont confirmées.
La société Bonneterre, appelante, et qui succombe sur ses prétentions principales, supportera les dépens d’appel. Il est cependant équitable de ne pas faire droit à une demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la Sas Bonneterre et compagnie à payer à la Sas Dispam la somme de 70.000 euros en indemnisation de son préjudice.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la Sas Bonneterre et compagnie à payer à la Sas Dispam la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts pour l’indemnisation du préjudice découlant du non respect du préavis contractuel.
Condamne la Sas Bonneterre et compagnie aux dépens d’appel avec droit de recouvrement.
Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE