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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/05188 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MP73
SAS XPO DISTRIBUTION FRANCE
C/
[U]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 27 Juin 2019
RG : F 15/01558
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
SAS XPO DISTRIBUTION FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Eric ANDRES de la SELARL ANDRES & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[V] [U]
né le 05 Avril 1968 à [Localité 3] (Algérie)
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Nadège BERTHIER, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2022/06013 du 28/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Patricia GONZALEZ, Présidente
Sophie NOIR, Conseiller
Catherine CHANEZ, Conseiller
Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Ludovic ROUQUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangle Distribution exerce une activité dans le secteur du transport routier et de fret.
M. [V] [U] a été embauché par la société Darfeuille Services dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée du 23 avril 2003 au 22 juin 2003, en qualité de conducteur manutentionnaire. La relation de travail s’est poursuivie pour une durée indéterminée à compter du 9 septembre 2003.
La convention collective applicable est celle des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
La société Darfeuille Service a été cédée à la société Norbert Dentres Sangle Distribution et le contrat de M. [U] lui a été transféré.
À compter du 8 juillet 2013, M. [U] a été placé en arrêt de travail.
Lors de la visite de reprise du 22 octobre 2013, le médecin du travail a déclaré M. [U] inapte à son poste de travail, confirmé au cours d’une seconde visite en date du 7 novembre 2013.
Par courrier du 20 novembre 2013, la société Norbert Dentres Sangle Distribution a proposé des solutions de reclassement à M. [U], auquel M. [U] a répondu qu’il ne pouvait se prononcer sur les propositions de postes par courrier du 5 décembre 2013.
Par courrier du 6 décembre 2013, la société Norbert Dentres Sangle Distribution a convoqué M. [U] à un entretien préalable fixé le 16 décembre 2013.
Par courrier du 19 décembre 2013, la société Norbert Dentres Sangle Distribution a notifié à M.[U] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants :
‘Vous avez rencontré le docteur [G], Médecin du travail à deux reprises. A l’issue de votre première visite médicale, en date du 22 octobre 2013, le docteur [G] précisait ‘inapte à son poste. 1er avis. Compte tenu de son état de santé, un reclassement au sein de l’entreprise n’est pas envisageable’.
A l’issue de la seconde visite médicale, en date du 7 novembre 2013, le médecin apportait les restrictions suivantes : ‘inapte à son poste. 2ième avis. Compte tenu de son état de santé, un reclassement au sein de l’entreprise n’est pas envisageable.’
Après plusieurs échanges avec le docteur [G] et conformément à l’article L1226-2 du code du travail, nous vous avons proposé, en date du 20 novembre 2013, par courrier recommandé, plusieurs propositions de reclassement au sein de notre groupe Norbert Dentressangle.
Par courrier recommandé du 26 novembre 2013, vous nous avez indiqué ne pas avoir trouvé de poste compatible avec votre état de santé actuel parmi les emplois proposés. De plus, par courrier recommandé du 3 décembre 2013, nous avons répondu à vos demandes de précisions, formulées dans votre courrier précité, concernant l’étude de poste et les prescriptions du docteur [G]. Par courrier recommandé du 5 décembre 2013, vous nous avez confirmé être dans l’impossibilité de vous prononcer sur nos propositions de poste.
Nous avons donc été amenés à envisager une rupture de nos relation contractuelles pour inaptitude. En application des dispositions du code du travail, nous vous avons convoqué, par courrier recommandé du 6 décembre 2013 à un entretien préalable pouvant aboutir à un licenciement pour le 16 décembre 2013.
Par courrier recommandé du 12 décembre 2013, vous nous avez fait part de votre indisponibilité à honorer ce rendez-vous, précisant que votre situation médicale n’y était pas propice.
Nous sommes en conséquence, contraints de constater l’impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de trouver une solution de reclassement.’
Par requête du 17 avril 2015, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir condamner son employeur au titre du non-respect de la législation sur les temps de travail et de repos, de harcèlement moral et de diverses autres demandes.
Par jugement rendu le 27 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon en sa formation de départage a :
-condamné la société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangle Distribution à verser à M. [V] [U] les sommes de :
avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2015, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure,
-3.615,87 euros bruts à titre de rappel de salaire pour reclassification au coefficient 150,
-180,48 euros bruts à titre de rappel d’indemnités de dimanches travaillés en 2011,
-5.400 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la prime de polyvalence,
avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
-10.000 euros de dommages et intérêts du chef du dépassement de la durée quotidienne, hebdomadaire maximale de travail, de non-respect des repos quotidiens, des temps de pause, des temps de conduite autorisés,
-3.500 euros de dommages et intérêts pour non respect par l’employeur de la législation sur les conditions de travail (nombre de dimanches travaillés par mois, équipement du camion, manutention manuelle),
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné la société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangles Distribution à verser à Maître Nadège Berthier, avocat de M. [V] [U] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 alinéa 2 du Code de procédure civile,
-dit à Maître Nadège Berthier, avocat au barreau de Lyon, de ce qu’elle s’engage à renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle si, dans les 12 mois du jour où la décision est passée en force de chose jugée, elle parvient à recouvrer auprès de la société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangles Distribution la somme allouée et si cette somme est supérieure à l’indemnité qui aurait été versée au titre de l’aide juridictionnelle,
-débouté la société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangles Distribution de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
-condamné la société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangles Distribution aux dépens de la présente instance.
Par déclaration en date du 22 juillet 2019, la société XPO Distribution France a interjeté appel de ce jugement.
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Aux termes de ses conclusions en date du 10 janvier 2022, la société XPO Distribution France demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu’il a :
-dit que l’employeur ne démontre pas avoir respecté les dispositions légales et conventionnelles applicables en matière de durée de temps de travail et de repos ;
-dit qu’il ne fournit aucun élément de nature à établir que les temps de repos quotidiens et hebdomadaires, et que les temps de conduite de travail autorisés étaient bien respectés ;
-dit que ce non-respect des durées du temps de travail a causé au salarié un préjudice en ce qu’il n’a pas été en mesure de préserver un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle, et qu’il est relevé que celui-ci a été placé en arrêt de travail en juillet 2013 pour un syndrome dépressif ayant, selon le médecin du travail, un lien probable avec son travail ;
-dit que le préjudice qui en a résulté pour M. [U] sur une période de plusieurs années sera justement indemnisé par l’octroi de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
-dit que M. [U] a travaillé quatre dimanches en septembre 2011 et quatre dimanches en octobre 2011 et qu’à ce titre les dispositions prévues par l’article 8 de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires n’a pas été respecté ;
-octroyé au salarié au titre du préjudice subi à ce titre la somme de 500 euros ;
-dit que l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de sécurité de résultat en ne mettant pas à disposition du salarié les équipements indispensables ;
-octroyé en conséquence au salarié la somme de 1.500 euros à titre de dommages intérêts ;
-dit que l’employeur ne justifie pas avoir une nouvelle fois satisfait à son obligation de sécurité de résultat s’agissant du port ou de la traction de charges lourdes ;
-octroyé en conséquence au salarié à ce titre la somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts ;
-dit que le salarié réunissait au moins 55 points (conduite de camions de plus de 19 tonnes, distance de moins de 150 km, conduite d’un ensemble articulé) ;
-dit que s’agissant des autres conditions, il est relevé, d’une part, qu’une partie d’entre elles est identique à celles du groupe six dont il bénéficiait et d’autre part, que celles-ci ne sont pas remises en cause par l’employeur qui ne conteste que le fait que le salarié ne disposait pas du nombre de points de nécessaire ;
-dit qu’il sera reconnu à M. [U] le bénéfice du coefficient 150 à compter de janvier 2011 et non seulement à compter de juillet 2013, et condamné la société XPO Distribution France à lui payer la somme de 3.615,87 euros à titre de rappel de salaires ;
-dit que c’est à l’employeur qu’il appartient de démontrer s’être acquitté du paiement de l’entier salaire s’agissant du règlement de 24 dimanches en 2011, et qu’aucune mention du bulletin de paie ne vient préciser le versement d’indemnités pour les dimanches travaillés en 2011 ;
-dit qu’il convient en conséquence au regard de ces éléments de condamner la société à payer à M. [U] la somme de 180,48 euros, non contestée en son quantum, à titre de rappel d’indemnités de dimanches travaillés en 2011 ;
-dit que le risque de subjectivité et d’inéquité dans l’attribution de la prime de polyvalence aux contours mal définis apparaît très important ;
-en conséquence condamné l’employeur à payer à M. [U] la somme de 5.400 euros à titre de rappel de salaire pour la prime de polyvalence ;
-débouté la société XPO Distribution France de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné la société XPO Distribution France à verser à M. [U]
outre intérêts légaux à compter du 27 avril 2015, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure :
-3.615,87 euros bruts à titre de rappel de salaire pour classification coefficient 150,
-180,48 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de dimanches travaillés en 2011,
-5.400 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la prime de polyvalence,
outre intérêts légaux à compter du présent jugement :
-10.000 euros de dommages-intérêts du chef de dépassement de la durée quotidienne, hebdomadaire maximale de travail, de non-respect des repos quotidiens, des temps de pause, des temps de conduite autorisés,
-3.500 euros de dommages et intérêts pour non-respect par l’employeur de la législation sur les conditions de travail ;
-1500 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,
-Le confirmer en ce qu’il a :
-débouté M. [U] de toute demande relative à l’absence de contrat de travail,
-débouté M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour non-paiement d’une partie de salaire pendant plusieurs années au titre du coefficient 150 M,
-débouté M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour non-paiement d’une partie du salaire pendant plusieurs années au titre du travail le dimanche,
-débouté M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour non-paiement d’une partie du salaire pendant plusieurs années au titre de la prime de polyvalence,
-débouté M. [U] de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral et de dommages-intérêts à ce titre,
Et statuant à nouveau,
-débouter M. [U] de son appel incident,
-Le débouter de ses demandes visant à :
-réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lyon le 27 juin 2019 ;
Et en conséquence de :
-rejeter les demandes formulées par la société XPO Distribution France au titre de la prescription ;
Et de :
-la condamner à payer à M. [U] les sommes suivantes suite au non-respect par l’appelante de la législation sur les temps de travail et de repos :
-64.467 euros correspondant à 36 mois de son dernier salaire qui était de 1.790,75 euros, outre la somme de 5 400 euros au titre de la prime de polyvalence, de 150 euros mensuels, calculée sur trois ans, qui aurait dû être incluse à son salaire, au titre du préjudice matériel subit par lui du fait de la perte de son emploi ;
-50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice moral résultant de la perte de son emploi ;
-la condamner à payer à M. [U] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice moral suite au non-respect par la Société Dentressangle de la législation sur les conditions de travail :
-la condamner à payer à M. [U] les sommes suivantes suite à l’application du mauvais coefficient de rémunération :
-3.615,87 euros à titre de rappel de salaire ;
-10.000 euros à titre de dommages et intérêt pour la réparation de son préjudice moral ;
-la condamner à payer à M. [U] les sommes suivantes suite au non-paiement d’une partie de son salaire :
-180,48 euros à titre de rappel de salaire pour les heures travaillées le dimanche ;
-5.400 euros à titre de rappel de salaire pour la prime de polyvalence ;
-10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice moral ;
-la condamner à payer à M. [U] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêt pour la réparation de son préjudice moral suite au harcèlement moral subi par l’intimé :
-la condamner à payer à M [U] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
-débouter M. [U] de l’intégralité de ses fins, demandes et conclusions,
Subsidiairement et avant dire droit,
Ordonner une mesure d’expertise des disques chronotachygraphes du 17 avril 2010 au 31 mai 2013 afin notamment de calculer les heures de travail par jour effectivement réalisées et de dire si les infractions informatiquement relevées ont pour origine une manipulation erronée du sélecteur tachygraphe ou le fait personnel du chauffeur,
-condamner M. [U] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.
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Aux termes de ses conclusions en date du 22 octobre 2019, M. [U] demande à la cour de :
-réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lyon le 27 juin 2019 ;
Et en conséquences de :
-rejeter les demandes formulées par la société XPO Distribution France au titre de la prescription ;
Et de :
-condamner la société XPO Distribution France à lui payer les sommes suivantes suite au non respect par l’appelante de la législation sur les temps de travail et de repos :
-64.467 euros, correspondant à 36 mois de son dernier salaire qui était de 1.790,75 euros,
outre la somme de 5.400 euros au titre de la prime de polyvalence, de 150 euros mensuels, calculée sur trois ans, qui aurait due être incluse à son salaire, au titre du préjudice matériel subit par lui du fait de la perte de son emploi ;
-50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice moral résultant de la perte de son emploi ;
-condamner la société XPO Distribution France à lui payer la sommes de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice moral suite au non respect par la société Dentressangle de la législation sur les conditions de travail :
-condamner la société XPO Distribution France à lui payer les sommes suivantes suite à l’application du mauvais coefficient de rémunération :
-3.615,87 euros à titre de rappel de salaire ;
-10.000 euros à titre de dommages et intérêt pour la réparation de son préjudice moral ;
-condamner la société XPO Distribution France à lui payer les sommes suivantes suite au non paiement d’une partie de son salaire :
-180,48 euros à titre de rappel de salaire pour les heures travaillées le dimanche ;
-5.400 euros à titre de rappel de salaire pour la prime de polyvalence ;
-10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation de son préjudice moral ;
-condamner la société XPO Distribution France à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêt pour la réparation de son préjudice moral suite au harcèlement moral subi par l’intimé :
-condamner la société XPO Distribution France à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-condamner la société XPO Distribution France aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription
Il résulte de l’article L3245-1 du code du travail que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
S’agissant de l’exécution du contrat de travail, il résulte de l’article L1471-1 du code du travail dans sa version applicable que toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Le conseil de prud’hommes a retenu qu’étaient uniquement recevables les demandes indemnitaires relatives à l’exécution du contrat de travail (autres que celles relatives au harcèlement moral), portant sur la période à compter du 17 avril 2010.
Bien que les parties débattent de la prescription dans le corps de leurs conclusions, aucune de leurs prétentions portées dans le dispositif de leur conclusions ne vise à remettre en cause le jugement sur ce point de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’évoquer.
Sur le temps de travail et de repos
Il résulte des articles L3131-1, L3121-35, L3121-33, L3121-34 du code du travail relatifs au temps de travail, que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives et que dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.
De plus, ils indiquent qu’au cours d’une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures, et que la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures.
La preuve du respect de ces seuils et plafonds incombe à l’employeur.
M. [U] affirme qu’il a été contraint d’effectuer de nombreuses heures supplémentaires tout au long de la relation contractuelle au delà de la durée contractuelle de 177,66 heures par mois, jusqu’à contrevenir à la législation sur les temps de travail et de repos, et fait valoir que :
-la société ne lui a pas donné les moyens d’effectuer son travail dans le respect de la législation, en ce sens qu’elle a augmenté drastiquement les tâches qui lui été confiées,
-la société n’a jamais réagi aux rapports d’infractions mensuels, au contraire, elle l’a encouragé à contrevenir à la législation et l’a sanctionné lorsqu’il a refusé,
-la société était parfaitement informée des risques pris,
-ce manquement a entrainé des conséquences sur son état de santé.
La société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangles Distribution réplique qu’aucune infraction à la législation du travail n’a été commise et fait valoir que le salarié manipulait de façon défaillante et frauduleuse son tachygraphe enregistrant ainsi des temps de conduite erronés. Elle ajoute que le salarié ne démontre pas la réalité de son préjudice. Subsidiairement, elle sollicite une mesure d’expertise afin d’analyser les disques chronotachygraphes du salarié du 17 avril 2010 au 31 mai 2013.
Le salarié appuie son argumentation sur des relevés mensuels d’activité ainsi que sur des rapports d’infraction pour les années 2007 à 2013, soit en partie sur une période non couverte par la prescription. Ces rapports concernent des infractions régulières se rapportant aux durées de travail continu et quotidien, de travail hebdomadaire et de temps de conduite.
La pièce 5 à laquelle se réfère la société est très peu explicite et ne revêt pas un caractère probant quant à l’inexistence des dépassements allégués par rapport aux éléments fournis par le salarié.
Les dépassements invoqués sont en conséquence suffisamment établis par les pièces du dossier.
L’employeur ne peut soutenir qu’ils sont imputables au seul salarié en méconnaissance de ses directives, alors que, nécessairement au courant de ces dépassements, il n’a pris aucune sanction à l’encontre du salarié ni effectué aucun rappel, ce qui accrédite la thèse du salarié selon laquelle l’employeur était à l’origine, par l’organisation de l’entreprise, de ces dépassements.
L’employeur ne démontre donc pas avoir respecté les dispositions susvisées en matière de temps de repos quotidien et hebdomadaire et l’organisation d’une expertise ne peut suppléer sa carence dans l’administration de la preuve.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu le dépassement de la durée quotidienne, et hebdomadaire.
Le non-respect de la législation sur le non respect de la durée quotidienne de travail, des temps de repos, des temps de pose et temps de conduite autorisés cause nécessairement un préjudice au salarié en ce qu’il porte atteinte à sa santé.
Le conseil de prud’hommes a évalué à 10.000 euros le montant des dommages intérêts que l’employeur doit verser au salarié en indemnisation de ses préjudices, s’agissant de dépassements quotidiens et sur plusieurs années. Cette indemnisation est juste et le jugement est confirmé sur ce point.
Le jugement est également confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande en paiement d’un montant équivalent à 36 mois de salaire outre prime de polyvalence à titre de préjudice matériel pour perte d’emploi. M. [U], qui ne fournit d’ailleurs aucun justificatif sur la réalité de sa situation depuis le licenciement, ne justifie d’aucun fondement juridique pour présenter une telle demande et échoue à démontrer que l’invalidité subie et ayant entraîné le licenciement serait en lien avec son état découlant des dépassements susvisés alors que l’avis d’inaptitude mentionne ‘accident ou maladie non professionnel’.
Sur le respect de la législation sur les conditions de travail
M. [U] soutient que ses conditions de travail déplorables lui ont causé un préjudice moral et fait valoir que :
-il a été déstabilisé par l’absence de contrat de travail à durée indéterminée écrit, l’empêchant de connaître ses droits,
-il a travaillé à plusieurs reprises quatre de dimanche par mois, or l’article 8 de la convention collective prévoit qu’il aurait du passer un dimanche sur deux à son domicile ou à tout le moins 4 dimanches sur une période de deux mois, et ce rythme de travail a eu un impact sur sa santé,
-son camion aurait du être équipé de couchette et d’un chauffage pour lui permettre de se reposer compte tenu de son amplitude horaire,
-le déchargement des camions était réalisé en dehors de toute norme de sécurité, lui causant un accident de travail en 2007, il était affecté à un poste de conducteur manutentionnaire ce qui signifie qu’il cumulait deux fonctions contraignantes sans possibilité de se reposer entre chaque livraison.
La société XPO Distribution France réplique que :
-il a été remis au salarié un contrat de travail à durée indéterminée écrit le 10 septembre 2013, qu’il a signé,
-l’article 8 de la convention collective applicable n’interdit pas le travail le dimanche, qu’il bénéficiait d’un repos les samedis précédents les dimanches travaillés et qu’il débutait à 22h00 le dimanche,
-les journées de travail du salarié ne dépassant pas 14h par jour et le salarié n’étant pas un conducteur grand routier, elle n’avait aucune obligation d’équiper son véhicule de couchette,
-le salarié ne démontre pas avoir déchargé lui même de façon habituelle des charges supérieures à 55 kg,
-le salarié a bénéficié de visites médicales régulières et qu’il était apte à exercer son poste de conducteur manutentionnaire sans aménagement,
-le salarié ne justifie d’aucun préjudice.
S’agissant de l’absence de contrat de travail, l’employeur verse aux débats un contrat à durée indéterminée daté du 10 septembre 2003 qui a été signé par le salarié. Ce dernier ne peut utilement se prévaloir des mentions de son passeport (soutenant ne pas avoir été en France le jour mentionné sur le contrat) alors qu’il ne conteste pas sa signature. Cet argument est donc inopérant pour établir un préjudice découlant d’un non respect de la législation du travail.
S’agissant du nombre de dimanches travaillés, la convention collective en son article 8 précise que le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche et que dans les services exigeant un roulement, celui-ci doit être organisé pour permettre au salarié de passer un dimanche sur deux chez lui ou au moins 4 dans les deux mois.
Il n’est pas contestable que le salarié a travaillé quatre dimanches en septembre puis en octobre 2011. Il n’importe pas que la mission ait débuté à 22 heures. Ce grief est donc établi et le montant d’indemnisation retenu par le premier juge est confirmé, indemnisant justement le préjudice nécessairement subi en raison de l’impact sur la santé du salarié.
S’agissant de l’absence d’équipement des camions, le salarié se réfère à l’article 25 de la Convention collective, lequel prévoit des dispositions spécifiques à la conduite des véhicules effectuant de jour ou de nuit des services grand-routiers.
Le conseil de prud’hommes a retenu que la société ne procédait que par affirmations en indiquant que l’amplitude des journées de travail ne dépassait pas 14 heures et sur la fourniture de matériel adapté.
Cependant, M. [U] affirme que pendant 10 ans, il conduisait un camion porteur sans couchettes, peu important qu’il ait été un conducteur régional, et il ne donne aucun détail permettant à l’employeur de répondre utilement sur son affirmation alors qu’il ne répond pas à la catégorie ‘grand routier’ visé par l’article 25 susvisé. Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu’il a fait droit à une demande de dommages intérêts sur ce point faute de preuve d’un manquement.
S’agissant de la manutention manuelle, l’article R 4541-9 du code du travail visé par le salarié précise que lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques prévues au 2° due l’article R 4541-5 ne peuvent être mises en oeuvre, un travailleur ne peut être admis à porter d’une façon habituelle des charges supérieures à 55 kilogrammes qu’a la condition d’y avoir été reconnu apte par le médecin du travail, sans que les charges puissent être supérieures à 105 kilogrammes.
Le conseil de prud’hommes a retenu que l’employeur n’apportait aucun élément sur les conditions de travail et que le médecin du travail avait à deux reprises en 2010-2011 demandé à l’employeur d’éviter en journée les tournées comportant traction de palettes de façon régulière en évoquant les séquelles de l’accident du travail de 2007.
Le salarié affirme que le déchargement des camions se faisait en dehors de toute norme de sécurité et il produit cinq photographies non datées ni situées dans l’espace le montrant avec des cartons volumineux sans plus de précision, les photographies apparaissant établies pour les besoins de la cause.
Les seuls éléments produit par le salarié sont insuffisantes à établir la violation des dispositions de l’article susvisé et le jugement est infirmé en ce qu’il a accordé des dommages intérêts à ce titre.
En définitive, le jugement est infirmé et il est retenu la seule somme de 500 euros au titre du préjudice découlant du non respect de la législation sur le temps de travail.
Sur le coefficient applicable au salarié
M. [U] affirme que ses activités ont évolué sans que son coefficient d’embauche de 138, groupe 6 ne bouge, et fait valoir que :
-il a été affecté à la conduite d’un semi remorque soit un véhicule tracteur en 2008 et aurait du bénéficié du coefficient 150 groupe 7,
-il a fait la demande de changement de coefficient en août 2009 mais n’a obtenu gain de cause qu’au mois de juillet 2013.
La société XPO Distribution France réplique que :
-le salarié ne démontre pas remplir à l’ensemble des exigences afférentes à la classification 150, tel que le fait de réunir un nombre minimum de 55 points en répondant à différents critères, notamment :
-la conduite d’un véhicule de plus de 19 tonnes : 30 points
-le dépassement d’un trajet de 500 km aller et retour : 20 points
-la conduite d’un ensemble articulé ou d’un train entier : 10 points
-M. [U] ne répond pas aux exigences subjectives liées à ses compétences tels que la maîtrise du véhicule et le respect de la réglementation sur la conduite des véhicules poids lourds, celui-ci ayant causé un accident le 30 mars 2010,
-cette demande est soumise à la prescription triennale pour tout rappel antérieur au mois d’avril 2010,
-le salarié ne détaille pas le décompte des sommes réclamées.
Lorsque la qualification professionnelle attribuée au salarié est contestée, il convient de rechercher quelles étaient les fonctions réellement exercées par ce dernier, eu égard notamment aux fonctions définies par la convention collective applicable.
Le salarié a à charge de prouver qu’il relève d’une classification conventionnelle différente ce celle résultant de son contrat de travail et de prouver qu’il exerce de manière permanente les tâches définies par la catégorie revendiquée.
M. [U] doit ainsi prouver qu’il relève du groupe 7 des ouvriers coéfficient 150 de la convention collective.
La nomenclature des ouvriers de la convention collective des transports routiers défini le Groupe 7 de la façon suivante :
‘Conducteur hautement qualifié de véhicule poids lourd.
– Ouvrier chargé de la conduite d’un véhicule automobile, porteur ou tracteur, et ayant la qualification professionnelle nécessaire à l’exécution correcte (c’est-à-dire avec le triple souci de la sécurité des personnes et des biens, de l’efficacité des gestes ou des méthodes et de la satisfaction de la clientèle) de l’ensemble des tâches qui lui incombent normalement (c’est-à-dire conformément à l’usage et dans le cadre des réglementations existantes) dans l’exécution des diverses phases d’un quelconque transport de marchandises.
En particulier : utilise rationnellement (c’est-à-dire conformément aux exigences techniques du matériel et de la sécurité) et conserve en toutes circonstances la maîtrise de son véhicule ; en assure le maintien en ordre de marche ; a les connaissances mécaniques suffisantes pour lui permettre soit de dépanner son véhicule, s’il en a les moyens, soit en cas de rupture de pièces ou d’organes de signaler à l’entreprise la cause de la panne ; peut prendre des initiatives notamment s’il est en contact avec le client ; est capable de rédiger un rapport succinct et suffisant en cas d’accident, de rendre compte des incidents de route et des réparations à effectuer à son véhicule ; assure l’arrimage et la préservation des marchandises transportées ; est responsable de la garde de son véhicule, de ses agrès, de sa cargaison et, lorsque le véhicule est muni d’un coffre fermant à clé, de son outillage ; peut être amené en cas de nécessité à charger ou à décharger son véhicule.
Doit en outre justifier habituellement d’un nombre de points égal au moins à 55 en application du barème ci-après :
conduite d’un véhicule de plus de 19 tonnes de poids total en charge : 30 points ;
services d’au moins 250 kilomètres dans un sens : 20 points ;
repos quotidien hors du domicile (au moins trente fois par période de douze semaines consécutives) : 15 points ;
services internationaux à l’exclusion des services frontaliers (c’est-à-dire ceux effectués dans une zone s’étendant jusqu’à 50 kilomètres à vol d’oiseau des frontières du pays d’immatriculation du véhicule) : 15 points ;
conduite d’un ensemble articulé ou d’un train routier : 10 points ;
possession du CAP ou d’un diplôme de FPA de conducteur routier : 10 points.
L’attribution de points pour la conduite de véhicule assurant des transports spéciaux sera de droit pour les titulaires de tout titre de qualification professionnelle reconnu par les parties signataires.’
M. [U] a bénéficié de la classification 7 à compter de juillet 2013 sans que cela ne corresponde à une modification de ses fonctions, aucune pièce ne l’établissant, ce qui révèle qu’il n’était pas payé selon sa compétence réelle antérieurement.
Ainsi que justement relevé par le jugement, il démontre avoir, dès 2010 conduit un véhicule articulé (tracteur routier et semi-remorque de plus de 19 T en poids en charge) et qu’il parcourait de longues distances d’au moins 250 km.
C’est donc à juste titre que le jugement a retenu que le salarié réunissait les points permettant la requalification sollicitée.
La société échoue pour sa part à démontrer un changement de fonction correspondant à la revalorisation du salaire à compter de juillet 2013.
Le salarié justifie donc de sa demande et le jugement est confirmé de ce chef.
Le conseil de prud’hommes a fait droit à la demande de rappel de salaire à compter de janvier 2011. Le jugement doit être confirmé sur le montant retenu.
Sur les heures de travail le dimanche
Il résulte de l’article 7 quater de l’annexe 1 relatif aux ouvriers de la convention collective des transports routiers que ‘le personnel appelé à travailler pendant une durée inférieure à 3 heures consécutives ou non, un dimanche, bénéficie en sus du salaire d’une indemnité forfaitaire de 37,20 F au 1er juillet 1992, de 37,50 F au 1er octobre 1992 et de 38 F au 1er décembre 1993. Cette indemnité est portée à 86,85 F au 1er juillet 1992, à 87,55 F au 1er octobre 1992 et à 88,70 F au 1er décembre 1993 si la durée du travail est égale ou supérieure à 3 heures consécutives ou non.
Le travail du dimanche s’entend de 0 heure à 24 heures, le dimanche considéré à l’exception du temps compris entre 0 heure et 1 h 30, imputable au service de la journée précédente.
Cependant, cette indemnité ne se cumule ni avec l’indemnité prévue par l’article 7 ter ci-dessus (jours fériés travaillés) ni avec les indemnités déjà versées dans les entreprises au titre du travail effectué les dimanches.’
M. [U] fait valoir que la majoration conventionnelle due en raison de son travail le dimanche ne lui a pas été versée et que l’employeur n’a jamais fait apparaître sur ses bulletins de salaire le nombre de dimanches travaillés.
La société XPO Distribution France réplique qu’il n’entre pas dans le cadre de la définition de l’article 7 de l’annexe 1 relative aux ouvriers de la convention collective applicable car sa prise de poste le dimanche débutait à 22h00 pour une mission le lendemain soit le lundi.
Compte tenu de la définition du travail le dimanche donnée ci-dessus, il y a bien lieu à indemnité compte tenu de la prise de poste le dimanche.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande à hauteur de 180,48 euros à titre de rappel d’indemnités pour les dimanches travaillés en 2011.
Il est également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande, chiffrée à 5.000 euros par le salarié pour non paiement d’un partie du salaire pendant plusieurs années, ayant justement retenu l’absence de préjudice distinct de celui déjà indemnisé par les intérêts moratoires.
Sur la prime de polyvalence
M. [U] explique que la société a mis en place une prime de polyvalence et soutient que cette prime ne lui a jamais été versée alors qu’il était polyvalent de trois manières : sur les secteurs de livraison, sur les véhicules camions porteur – semi remorque, sur les horaires de jour et de nuit. Il ajoute qu’il a interpellé son employeur sans que celui-ci ne réagisse. Il produit des bordereaux de livraison faisant apparaître le terme ‘polyvalent’
La société XPO Distribution France réplique que l’attribution de cette prime était conditionnée aux salariés bénéficiant du statut ‘conducteur polyvalent joker’ dont il ne bénéficiait pas et pour lequel il n’a pas candidaté.
Le conseil de prud’hommes a retenu que le salarié avait droit à cette prime, rappelant le principe ‘à travail égal, salaire égal’.
L’article 20 de l’accord NAO de 2008 précise que ‘afin de rétribuer de façon cohérente les sujétions exceptionnelles liées à la polyvalence de certains conducteurs dits ‘Joker’ en porteur ou semi-remorque ayant la connaissance de l’ensemble des tournées de l’agence et susceptible d’occuper chacune de ces tournées de distribution sans délais, il est convenu du versement d’une prime mensuelle de 150 euros brut. Le statut de conducteur polyvalent ‘joker’ sera attribué en fonction des besoins de l’agence sur la base du volontariat identifié au préalable. Le choix entre plusieurs conducteurs candidats se fera selo un critère d’ancienneté dans l’entreprise. Le nombre de conducteurs polyvalents ‘Joker’ sur semi-remorque sera déterminé en dernier état
Le conseil de prud’hommes a justement relevé que les critères susmentionnés étaient particulièrement flous. Ces critères revêtent effectivement un caractère subjectif et inéquitable et ne peuvent priver un salarié qui effectuerait un travail identique ou de valeur égale de la perception de la prime.
Le salarié fait état de bordereaux de livraison mentionnant le terme ‘ordre de mission polyvalent’, établissant la polyvalence du salarié sur le secteur des livraisons ; ils établissent également la polyvalence sur les véhicules (mentions TR ou SR/PO). Les rapports d’activité établissent également le travail de nuit.
La société ne justifie pas concrètement la différence de situation de M. [U] avec les salariés bénéficiant du statut ‘Joker’, statut dont le caractère flou et arbitraire a été relevé.
Notamment, la prime en cause ne peut se confondre avec une ‘prime client’ manifestement rattachée au marché du client ‘Zara’.
En conséquence, le jugement est en ce qu’il a dit que M. [U] devait bénéficier de la prime de polyvalence et condamné le salarié à la verser.
S’agissant de sa demande de dommages intérêts chiffrée dans les motifs à 5.000 euros pour préjudice subi du fait du non-paiement d’une partie de son salaire sur plusieurs années, le jugement est confirmé en ce qu’il a justement retenu que le retard était indemnisé par les intérêts de retard et que le salarié ne démontrait aucun préjudice distinct, rejetant la demande.
Sur le harcèlement moral
En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et l’employeur est tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Selon l’article 1154-1 du code du travail, ‘lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4 du,….le salarié présente les éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.
Il convient dans un premier temps de vérifier si le salarié établit la matérialité des faits qu’il invoque puis dans un second temps d’analyser les faits établis dans leur ensemble afin de déterminer s’ils permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Si les faits dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral, il convient d’examiner si l’employeur rapporte la preuve de ce que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [U] argue qu’il a subi des faits de harcèlement moral de la part de la société, et fait valoir que :
-il a effectué de nombreuses heures supplémentaires au point de contrevenir à la législation sur les temps de travail et de repos,
-la société lui a notifié un avertissement injustifié en raison de son refus d’effectuer une tournée qui l’obligé à contrevenir à la réglementation sur la durée maximale de travail,
-ses conditions de travail étaient déplorables,
-il était rémunéré à un coefficient inférieur à celui auquel il pouvait prétendre,
-l’employeur ne lui pas rémunéré la prime au titre du travail le dimanche,
-l’employeur n’a pas répondu à ses diverses sollicitations notamment concernant son salaires et ses demandes de formation.
La société XPO Distribution France réplique qu’aucun fait de harcèlement n’est démontré par le salarié et fait valoir que :
-le salarié a effectué des heures supplémentaires sans excès,
-le salarié ne justifie pas de conditions de travail prétendument déplorables,
-l’avertissement prononcé était justifié par le fait qu’il avait refusé d’effectuer sa mission et n’avais jamais été contesté,
-le salarié ne démontre aucune dégradation de son état de santé en lien avec un harcèlement moral.
Ainsi que relevé justement par le conseil de prud’hommes, le salarié reprend en grande partie ses griefs présentés à l’encontre de l’employeur déjà examinés supra et dont certains ont été accueillis.
Il ne produit toujours pas en appel la matérialité d’autres faits avancés puisqu’il fait état d’heures supplémentaires de manière vague et imprécise. Il fait par ailleurs valoir le refus de réponse de l’employeur à ses diverses sollicitations mais le refus de l’employeur de faire droit aux demandes du salarié ne caractérise pas un défaut de réponse.
S’agissant de l’avertissement dont le salarié n’a pas demandé l’annulation, le salarié fait valoir un ton méprisant et ironique et un courrier dégradant. La société, après entretien préalable, a adressé un avertissement au salarié en lui reprochant un refus illégitime et un abandon de poste sur une tournée de nuit. Le salarié a répondu en substance que les reproches étaient fallacieux et inexacts et indiqué qu’il refusait que le dossier de sanction soit ajouté à son dossier, et demandé à l’employeur de revoir sa position. L’employeur a répondu dans le détail au salarié en indiquant ne pas modifier la sanction.
Les quelques faits précis qui ont pu être établis par le salarié, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre. Notamment, le ton méprisant et ironique imputé à l’employeur lors de l’avertissement et du courrier y faisant suite ne ressort pas des pièces produites.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a jugé que le salarié n’établissait pas l’existence d’un harcèlement moral.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les condamnations prononcées à ce titre par le jugement sont confirmées.
La société appelante qui succombe sur la majeure partie de ses prétentions supportera les dépens d’appel.
Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, le salarié bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement querellé en ce qu’il a condamné la société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangle Distribution à payer à M. [V] [U] la somme de 3.500 euros de dommages et intérêts pour non respect par l’employeur de la législation sur les conditions de travail (nombre de dimanches travaillés par mois, équipement du camion, manutention manuelle),
Confirme le jugement querellé pour le surplus.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société XPO Distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangle Distribution à payer à M. [V] [U] la somme de 500 euros pour non respect par l’employeur de la législation sur les conditions de travail (nombre de dimanches travaillés par mois).
Condamné la société XPO distribution France venant aux droits de la société Norbert Dentres Sangle Distribution aux dépens d’appel.
Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LE GREFFIERLA PRESIDENTE