Nom des auteurs au générique d’un film : une obligation sous sanction
Nom des auteurs au générique d’un film : une obligation sous sanction
Ce point juridique est utile ?

Faire figurer au générique d’un film et sur les supports de commercialisation de celui-ci le nom des auteurs de l’oeuvre musicale incorporée est une obligation légale (droit à la paternité) sous peine de sanction (contrefaçon).

Affaire Le Crime / Barbaque

M. [O] [A] (dit [K] [S]) est co-auteur avec M. [X] [D] (dit [Y] [R]) d’une œuvre musicale déposée à la SACEM le 30 juin 1997 intitulée Le crime. M. [D] en est également auteur, arrangeur et s’en dit producteur.

Les droits d’exploitation de ce titre ont été cédés à la société Universal music publishing et à la société Della Java, éditeurs.

La SAS Cinefrance est productrice du film de [B] [P] sorti en septembre 2021 intitulé Barbaque. Elle a demandé à la société Universal music publishing l’autorisation d’utiliser l’œuvre Le crime pour le générique de fin du film. Cette autorisation a été donnée par les deux auteurs à leur éditeur le 18 décembre 2020.


La société Cinefrance studios a conclu deux accords de cession des droits : l’un avec la société Universal music publishing du 3 janvier 2022 en qualité d’éditeur et l’autre avec la société Democrat D, en qualité de producteur phonographique et d’interprète, le 22 décembre 2021.


Le titre a été utilisé comme prévu mais sans aucun crédit au générique.

Le titre Le crime est le fond musical du générique de fin du film Barbaque alors qu’il y apparaît seulement (ainsi que sur la jaquette du DVD) “musique originale : [E] [Z]”, de sorte que le nom des auteurs n’y apparaît pas en violation de leur droit moral de paternité de l’œuvre.


L’obligation de la société Cinefrance studios de faire figurer au générique du film la mention de la diffusion de l’œuvre musicale Le crime avec l’indication de leurs auteurs n’est ni contestée, ni contestable, elle figure d’ailleurs en toutes lettres dans le contrat de cession conclu avec les auteurs.

Une omission constitutive de contrefaçon


Cette omission constitue une contrefaçon dont la nature et la durée caractérisent un trouble manifestement illicite dont la juridiction a ordonné la cessation en enjoignant au producteur du film d’insérer dans les crédits cités au générique de fin du film, la mention des auteurs de l’œuvre utilisée.

Au regard de l’ancienneté de l’exploitation et de l’insuffisance des justifications par la société Cinefrance studios de la réalisation des diligences nécessaires et de leur efficacité, la juridiction a prononcé une astreinte provisoire.

5.000 euros de préjudice


Le préjudice résultant de cette atteinte au droit de paternité des auteurs pour la large diffusion du film Barbaque sur la période, au moins, du 27 septembre 2021 jusqu’au jour de l’audience – le demandeur ayant téléchargé en VOD une version du film pour le jour de l’audience dans laquelle le crédit n’apparaît pas – est à l’origine d’un préjudice pour les auteurs qui a été fixé, pour chacun d’eux à la somme de 5.000 euros.

Les droits des auteurs

Conformément à l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur l’œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial et l’article L. 121-1 du même code précise : “ L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne”.Toute atteinte à ces droits est une contrefaçon et un délit (article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle).

Les droits de l’artiste-interprète

En application des articles L. 212-2 et L. 212-3 du même code, l’artiste-interprète a également un droit moral au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation et son autorisation est requise pour la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public.


L’article L.213-1 du même code dispose : “Le producteur de phonogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de son. L’autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l’article L. 214-1”.
La violation de ces droits est un délit (article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle).

Selon l’article 835, alinéa 1, anciennement 809, du code de procédure civile, “Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire”.


Chat Icon