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La règle de l’épuisement des droits ne concerne, en droit d’auteur, que le seul droit de distribution par la vente à l’exclusion des autres prérogatives patrimoniales de l’auteur. De ce fait, le titulaire n’est pas privé de la possibilité de faire valoir ses autres droits, en particulier le droit de reproduction, ou encore le droit au respect de l’oeuvre, lorsqu’il s’agit de l’auteur personne physique titulaire du droit moral.
L’oeuvre, au sens du code de la propriété intellectuelle, est l’oeuvre de l’esprit prévue à l’article L. 111-1 selon lequel l’auteur jouit sur l’œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
La protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur du fait de la création d’une forme originale, en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.
La propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.
L’article L.113-1 pose une présomption de titularité au profit de la personne physique sous le nom de laquelle l’oeuvre est divulguée. S’agissant des personnes morales, “l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne morale, sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur” (Cass. 1ère Civ., 10 juillet 2014, pourvoi n° 13-16.465).
En l’espèce, la combinaison des caractéristiques d’un fauteuil “Togo” que sont une forme pensée comme ” un tube de dentrifrice replié sur lui-même comme un tuyau de poêle et fermé aux deux bouts “, une structure sans piètement, posée à même le sol, la découpe des mousses en biseau sur le haut du dossier qui lui donne sa physionomie particulière de ” tube de dentrifrice replié sur lui-même” , une confection en bourrelets, plus resserés à l’angle du canapé entre le dossier et l’assise lui donne sa physionomie de ” tuyau de poêle ” replié, les piqûres et surpiqûres de la housse qui donnent au modèle son aspect visuellement moelleux sans nuire à sa solidité et les oreilles du canapé prennent enfin la forme de pointes dressées vers l’extérieur, porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur, ancien salarié de la société, et permettent de retenir l’originalité de l’oeuvre.
S’agissant de la titularité des droits, la société Design Market ne la conteste pas dans les motifs de ses écritures, indiquant, en page 2, que la société [B] s’en prévaut sans preuve. Cette dernière démontre toutefois commercialiser l’oeuvre depuis sa création, de manière continue et non équivoque, produisant aux débats des publicités pour ce produit vendu sous la marque [B]/ligne [B] depuis 1974 ainsi qu’un document, daté du 2 février 1970, signé par M. [W] aux termes duquel ce dernier déclare céder tous les droits patrimoniaux issus de la création par ses soins des modèles de sièges ou autres meubles à la société.Il est d’ailleurs cité comme créateur dans les annonces litigieuses. En l’absence de revendication de la part de l’auteur, la société [B] doit être présumée titulaire des droits patrimoniaux sur l’oeuvre.
En application des dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.
La contrefaçon d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, qui n’implique pas l’existence d’un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d’un genre et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l’œuvre première.
L’article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que dès lors que la première vente d’un ou des exemplaires matériels d’une oeuvre a été autorisée par l’auteur ou ses ayants droit sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette oeuvre ne peut plus être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen.
Selon l’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’ auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation , l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. La contrefaçon s’apprécie au regard des ressemblances et non des différences.
En l’espèce, la société titulaire des droits sur le modèle n’établit pas que les produits litigieux, qui sont authentiques, ont été initialement mis dans le commerce par elle-même ou avec son consentement en dehors de l’EEE. Dès lors, la règle de l’épuisement des droits de distribution a vocation à s’appliquer.
Cependant, cette règle ne concerne, en droit d’auteur, que le seul droit de distribution par la vente à l’exclusion des autres prérogatives patrimoniales de l’auteur. De ce fait, le titulaire n’est pas privé de la possibilité de faire valoir ses autres droits, en particulier le droit de reproduction, ou encore le droit au respect de l’oeuvre, lorsqu’il s’agit de l’auteur personne physique titulaire du droit moral.
Si la transformation d’une oeuvre, protégée par le droit d’auteur, peut être sanctionnée au titre de la contrefaçon comme étant une nouvelle reproduction de l’oeuvre, portant ainsi atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur, encore faut-il que le titulaire des droits explique en quoi les caractéristiques protégées ont été transformées, et, s’agissant de la forme ou de la structure interne et non visible de l’oeuvre, qui a une importance centrale en l’espèce, en quoi cette dernière a un lien direct et établi avec la forme externe de l’oeuvre.
Or, en l’espèce, la société reprend le raisonnement tenu en matière de droit des marques, arguant de ce que les défendeurs proposent à la vente des fauteuils regarnis et retapissés voire copiés, sans procéder à une comparaison précise des caractéristiques des produits par rapport à l’oeuvre.
En outre, la seule représentation de l’image du fauteuil, oeuvre protégée, dans le cadre d’annonces destinées au commerce d’occasion dont le caractère illicite n’est pas établi, n’est pas une contrefaçon. Dès lors, la contrefaçon de droit d’auteur n’est pas caractérisée.