Merchandising : 5 juillet 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03237

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Merchandising : 5 juillet 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03237
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 05 JUILLET 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03237 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3MB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/01122

APPELANTE

Madame [O] [A] épouse [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marc LEBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1513

INTIMEE

S.A.S.U. EDP FRANCE HOLDING

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [O] [A] épouse [F] (ci après Mme [F]) a été engagée par la SARL Editions de Parfum le 14 avril 2014, par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable commerciale en application de la convention collective de la chimie. Le contrat de travail a été transféré à la société EDP France Holding. Par avenant du 1er mars 2016, Mme [F] a été promue au poste de Retail Manager Firme.

Au mois de juin 2017 la société EDP France Holding a proposé à Mme [F] de la repositionner au poste de responsable point de vente. Par courrier daté du 27 juillet 2017, la salariée a refusé cette proposition.

Mme [F] a été placée en arrêt de travail à compter du 5 août 2017 et a été dispensée d’activité à compter du 7 septembre 2017.

A l’issue des arrêts de travail de Mme [F] des discussions ont été initiées avec la société EDP France Holding en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle de son contrat de travail, discussions qui n’ont pas abouti.

Par lettre du 19 décembre 2017, la société EDP France Holding a convoqué Mme [F] à un entretien préalable au licenciement fixé au 3 janvier 2018 avant de lui notifier le 10 janvier 2018 son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Contestant son licenciement et réclamant diverses sommes, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris 16 février 2018 qui par jugement auquel la Cour se réfère dans les prétentions initiales et antérieures des parties a’statué comme suit :

– Fixe le salaire moyen à 3.476.61 euros bruts ;

– Dit le licenciement de Mme [F] sans cause réelle et sérieuse ;

– Condamne la société EDP France Holding à régler à Mme [F] les sommes suivantes’:

* 5.214,92 euros à titre de rappel de bonus annuel outre 521,49 euros bruts au titre de congés payés afférents,

Rappelle qu’en vertu de l’article R 1454-28 du code du travail ses condamnations sont exécutoires de droits à titre provisoire dans la limite minimum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaires ‘ Fixe cette moyenne à 3.476.61 euros ;

* 11.000 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts aux taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

* 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Déboute Mme [F] du surplus de ses demandes ;

– Déboute la société EDP France Holding de l’intégralité de ses demandes ;

– Condamne la partie demanderesse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 25 mai 2020, Mme [O] [F] a interjeté appel de cette décision rendue par le conseil de prud’hommes le 21 novembre 2019, notifiée par lettre du greffe aux parties le 15 mai 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2022, Mme [O] [F] demande à la Cour de’:

– Dire Mme [F] recevable et bien fondée en l’intégralité de ses demandes,

Et, y faisant droit,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté de ses demandes au titres des heures supplémentaires, de l’exécution déloyale et partiellement sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur la rémunération variable,

– Et, statuant à nouveau condamner la société EDP France Holding à lui verser les sommes de’:

* 21.318. euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 24.324.60 euros d’heures supplémentaires,

* 2.432. 46 euros de congés payés sur rappels d’heures supplémentaires,

* 21.300 euros en application de l’article L.8221-5 du code du travail,

* 9.465. euros de part variable de rémunération,

* 946.50 euros de congés payés sur variable,

– Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 16 février 2018,

– Débouter la société EDP France Holding de son appel incident et de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner l’intimée à la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– La condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2022, la société EDP France Holding demande à la Cour de’:

– Recevoir la société EDP en ses écritures,

– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 21 novembre 2019 en ce qu’il a débouté Mme [A] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes du 21 novembre 2019 en ce qu’il a condamné la société EDP au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la part variable de la rémunération, de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens

et, statuant à nouveau :

– Débouter Mme [A] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Débouter Mme [A] de ses demandes au titre de la part variable de la rémunération,

– Débouter Mme [A] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

– condamner Mme [A] à verser à la société EDP la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2022 et l’audience a été fixée au 7 avril 2022

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

Pour infirmation de la décision entreprise sur la quantum allouée, Mme [F] soutient en substance qu’elle justifie de l’ensemble des heures supplémentaires réalisées et non rémunérées ; que l’employeur n’a jamais comptabilisé les heures accomplies.

La société intimée réplique à l’appui de l’appel incident que la salariée n’a jamais fait état au cours de sa collaboration des heures supplémentaires dont elle réclame le paiement ; qu’elle ne produit pas d’éléments sérieux et fiables à l’appui de sa demande.

L’article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.

L’article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, à l’appui de sa demande, Mme [F] présente les éléments suivants:

– des centaines de courriels,

– des SMS,

– des plannings

– un tableau récapitulatif avec mention du jour où la salariée indique avoir réalisé des heures supplémentaires et le total hebdomadaire de ces heures.

Mme [F] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle dit avoir réalisées, permettant ainsi à la société EDP France Holding qui assure le contrôle des heures effectuées d’y répondre utilement.

A cet effet, la société fait valoir que le tableau récapitulatif est un document informatique établi pour les seuls besoins de la cause, que les emails envoyés le soir n’établissent pas la réalité des heures supplémentaires que la salariée prétend avoir réalisées ; que les plannings produits ne corroborent pas l’ensemble des heures réclamées. La société produit également des plannings.

Eu égard aux éléments présentés par la salariée et aux observations de l’employeur, la Cour a la conviction que Mme [F] a exécuté des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées et après analyse des pièces produites, par infirmation du jugement déféré, condamne la société EDP France Holding à verser à Mme [F] la somme 22.600 € brut à ce titre outre la somme de 2.260 € brut de congés payés afférents.

Sur la rupture du contrat de travail pour insuffisance professionnelle

Pour infirmation de la décision sur ce point, la société EDP France soutient avoir constaté de la part de Mme [F] l’accumulation de dysfonctionnements répétés dans la tenue des boutiques, dans la gestion de la force de vente, dans la gestion des stocks et des inventaires, des retards dans l’avancement ou l’absence de prise en main de nombreux dossier et dans la gestion de l’activité vente en France, éléments non contestés par la salariée ; que le licenciement de la salariée n’est pas d’ordre économique comme elle le prétend.

Mme [F] réplique que son licenciement pour insuffisance professionnelle relève d’un caractère infondé ; que le motif de ce licenciement a été créé de toutes pièces par l’employeur afin de l’écarter dès l’été 2017 par souci d’économie en fusionnant les fonctions de Responsable Retail France et Europe pour le recrutement de Mme [B] [N] dont les fonctions englobent dorénavant celles de la salariée.

****

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. Le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige, complétée par le courrier du 2 février 2018 qui précise les motifs du licenciement est ainsi rédigée :

‘ Nous avons le regret de vous informer que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour insuffisance professionnelle…

Vous avez été promue à compter du 1er mars 2016 en qualité de Retail Manager France.

A ce titre, vous étiez notamment en charge de :

– Piloter l’activité Retail,

– Piloter les ressources, notamment :

o Encadrer les responsables de boutiques,

o Evaluer individuellement la force de vente et reporting à la Direction,

o Prendre en charge le recrutement de la force de vente,

o Etablir le planning en attribuant les bonnes ressources au bon endroit et au

bon moment,

o Mettre en place le planning type pour chaque point de vente,

– La tenue des boutiques, notamment :

o S’assurer que le service client en boutique est conforme à la marque,

o Visiter régulièrement tous les points de vente + émettre des

recommandations + suivre leurs applications,

o S’assurer du correct visual merchandising du point de vente,

– Piloter les stocks, notamment :

o S’assurer du niveau de réassort du stock,

o Challenger les résultats d’inventaires,

– Analyser l’activité,

– Assurer le relais quotidien, notamment :

o Valider les dépenses de frais généraux,

o S’assurer de la correcte application des procédures boutique (encaissement,

saisie des ventes, remise du cash en banque ‘),

o Etre le point d’entrée pour toutes les problématiques quotidiennes (pannes

d’électricité, problème informatique, support Sage ‘).

Or, il est manifeste que vous rencontrez un certain nombre de difficultés pour assurer dans de bonnes conditions vos fonctions, et de mener à bien les missions qui vous sont confiées, ce qui entrave le bon fonctionnement de votre service et altère notre image de marque.

En effet, notre marque doit véhiculer une image de luxe, compte tenu de notre positionnement sur le marché notamment du parfum. Nos boutiques parisiennes et nos points de vente sont la vitrine de notre marque et doivent donc être parfaitement tenus, ce dont vous deviez être garante, en votre qualité de Retail Manager France.

Force a cependant été de constater au début de l’année 2017 que nos boutiques parisiennes étaient dans un état manifestement peu compatible avec les exigences de notre marque (désordre important, mauvais état des installations, absence de professionnalisme du personnel de vente, mauvaise gestion du planning de ce personnel’).

Ce constat édifiant est la conséquence de votre manque de suivi des points de vente, votre manque d’anticipation, de l’absence de mise en place de procédure permettant la bonne gestion de votre activité et de votre manque d’efficacité commerciale.

De ce fait, vous accomplissiez les missions vous incombant en réaction, sans aucune anticipation, avec une forte désorganisation, ce qui n’était pas en adéquation avec nos attentes et ce qui a nécessité l’intervention trop fréquente de votre manager ou de vos collègues pour pallier vos insuffisances.

Vos carences peuvent notamment être illustrées par les exemples suivants :

– grandes difficultés à gérer correctement le planning de notre force de vente ce qui vous a conduit à de maintes reprises à assurer vous-même les ventes alors que ce n’est pas votre rôle, ou nous a obligé à fermer nos boutiques, a contraint le service Ressources humaines à refaire vos plannings ou définir un budget intérim avec le service finance à votre place ‘

– manque de suivi des department store ce qui a contraint votre supérieur hiérarchique à les gérer en direct,

– manque d’anticipation des besoins en personnel, notamment en intérimaires,

– mauvaise gestion des stocks et inventaires,

– retard significatif ou absence de prise en main de certains sujets dans la gestion des boutiques, notamment la sécurité et la maintenance (installation de coffres forts, procédure sécurisée de transport des fonds, guide de procédure des règles de sécurité, caméras de surveillance, coordination avec la société de télésurveillance, code de sécurité ‘),

– prise en charge par votre manager de la négociation de l’ouverture des points de vente alors que cela vous incombait, annulation d’un podium lors de l’ouverture au printemps en raison de votre carence dans la coordination de cet événement majeur,

– Erreurs répétées dans les Capex, les analyses, le chiffre d’affaires ‘

Les difficultés que vous avez rencontrées dans la prise en charge des fonctions qui vous étaient confiées ont eu des conséquences négatives tant sur notre image de marque que sur le bon fonctionnement de votre service, votre efficacité et celle de l’équipe à laquelle vous apparteniez. Malgré nos échanges visant à rétablir une situation plus en adéquation avec nos attentes, vous n’avez pas réussi à prendre toute la mesure de votre poste, ce qui ne nous a pas permis pas d’envisager votre maintien au poste de Retail Manager France.

Nous vous avons ainsi proposé un repositionnement sur un poste plus adapté à votre niveau de compétences, repositionnement que vous avez refusé.

Dans ces conditions, nous avons été contraints de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle ».

Selon le courriel du 22 janvier 2017 adressé au directeur général de la société M. [T], à la directrice commerciale Mme [D], et à Mme [F] Retail Manager France, M. [W], fondateur de la marque a constaté, à l’issue de la visite des quatre magasins situés à [Localité 3], que les boutiques étaient en désordre, avec des ‘présentations surchargées’ donnant ‘l’apparence d’une quincaillerie’, une ‘ambiance très promotionnelle et bon marché qui n’est pas en phase avec l’image’. M. [W] a également relevé des machines à odeur cassées depuis des semaines, des rideaux sales, une grille d’air conditionné tombante. Il dénonce aussi la présence d’un seul vendeur à 17H dans le magasin [Adresse 4], ‘à cause d’un mauvais planning ou parce que son collègue était en pause déjeuner’.

Et il conclut ainsi ‘Les magasins ‘en libre’ sont au coeur de notre stratégie. Par ailleurs, nos 4 lieux à [Localité 3] ne sont pas en haut de la pyramide de notre image, ils sont le centre de notre activité française. Cela a toujours été le cas et notre stratégie, comme indiqué à [U] en décembre, est un rappel de combien ils sont essentiels pour notre marque. Il n’y a aucune raison ni excuse de les abandonner en termes d’investissements, ou du fait d’un manque de gestion. Veuillez utiliser ce qui précède pour prendre maintenant les mesures nécessaires et de redonner à Édition de Parfums un air de marque de luxe ».

La Cour relève que ce courriel est adressé à plusieurs collaborateurs de la société sans viser nommément Mme [F] et évoque l’abandon en termes d’investissements ou du fait d’un manque de gestion.

Force est de constater que si les différentes pièces produites par la société tendent à établir des difficultés d’organisation, elles ne démontrent nullement que ces difficultés sont imputables à Mme [F]. Ainsi, confrontée à des difficultés dans la gestion des plannings, elle a sollicité des embauches dans la cadre de contrat à durée déterminée ou de mission d’intérim, parfois en vain, la Cour rappelant à cet égard que le nombre d’heures supplémentaires retenu est important. La société n’établit pas que Mme [F] gérait un budget en autonomie de telle sorte qu’elle aurait pu faire les dépenses nécessaires à la sécurité ou à la maintenance. Sur l’annulation d’un podium au Printemps, les échanges de courriels n’établissent nullement qu’elle est imputable à Mme [F] qui explique que ‘la Grande Directrice est passé, a vu nos meubles et n’a pas aimé du tout, elle a tout fait renvoyer’. En outre, si des difficultés ont été relevées s’agissant des stocks, des inventaires ou du calcul du chiffre d’affaires, la société ne démontre pas que la salariée avait bénéficié des formations nécessaires pour réaliser correctement ses tâches, ni que les erreurs constatées étaient imputables à Mme [F], ni en tout état de cause qu’elle a mis en oeuvre les moyens nécessaires à l’exercice de la mission de la salarié dans de bonnes conditions.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que les premiers juges ont dit que le licenciement de Mme [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la rémunération variable

Pour infirmation de la décision entreprise dans le quantum de la somme allouée, Mme [F] fait valoir que les objectifs ne lui pas été communiqués de telle sorte qu’elle a droit à l’entier versement de la part variable pour les années 2016 et 2017 et au prorata temporis pour l’année 2018, soit 9.464 € outre les congés payés afférents.

Pour infirmation de la décision, la société EDP soutient que la salariée n’accomplissait pas ses missions de façon satisfaisante de telle sorte que la rémunération variable attachée à la réalisation des objectifs ne doit pas lui être versée.

L’avenant au contrat de travail du 14 avril 2014 stipule que la salariée percevra une rémunération mensuelle de 3.450 € ainsi qu’un bonus annuel allant jusqu’à 10% conditionné à l’atteinte des objectifs qualitatifs et quantitatifs.

La société EDP ne justifie pas, ni ne soutient avoir fixé les objectifs à atteindre de telle sorte qu’elle ne peut pas opposer leur absence de réalisation, l’insuffisance professionnelle n’étant pas de surcroît démontrée.

En conséquence, au vu des bulletins de paie produits, il convient, par infirmation de la décision déférée, de condamner la société à verser à Mme [F] la somme de 9.465 € à titre de rappel de bonus, outre la somme de 946,50 € de congés payés afférents.

Sur les conséquences de la rupture

Le licenciement a pris effet le 10 janvier 2018, sans que la date du 7 septembre 2017 ne puisse être retenue contrairement à ce que soutient la salariée. Peu important qu’elle ait été dispensée d’activité le 7 septembre 2017.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant, eu égard à l’ancienneté du salarié, est compris entre 3 mois et 5 mois de salaire.

Vu les bulletins de paie, les heures supplémentaires et le bonus au paiement desquels la société est condamnée, l’âge de la salariée au moment de la rupture, son ancienneté et de ce qu’elle justifie avoir bénéficié des indemnités de chômage, par infirmation de la décision critiquée, il convient de condamner la société EDP France Holding à verser à Mme [F] la somme de 15.000 € d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [F] fait valoir que son employeur l’a dispensée d’activité et l’a écartée de toute reprise de son poste de travail pour ne pas gêner la remplaçante en poste depuis septembre 2017 ; que cette situation a aggravé son état de santé.

La société EDP France Holding réplique que la salariée n’apporte aucun élément à l’appui de sa demande ni que celle-ci serait distincte de celles présentées au titre du licenciement ou des heures supplémentaires.

En application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.

Mme [F] n’établit pas que son employeur a exécuté de mauvaise foi ses obligations contractuelles ni notamment qu’il l’a dispensée d’activité pour ne pas gêner la prise de poste de sa remplaçante ou pour échapper au barème de l’article L.1235-3 du code du travail.

C’est donc à juste titre que les premiers juges l’ont déboutée de sa demande de dommages-intérêts et la décision critiquée sera confirmée de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Mme [F] sollicite l’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé sans développer de moyens de droit et de fait dans les motifs de ses conclusions et sans qu’il soit établi en tout état de cause que l’employeur a agi de manière intentionnelle pour dissimuler une partie de l’activité de sa salariée. C’est donc à juste titre que les premiers juges l’ont débouté de la demande à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

La société EDP France Holding sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [F] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SASU EDP France Holding à verser à Mme [O] [F] les sommes suivantes :

– 22.600 € au titre des heures supplémentaires,

– 2.260 € de congés payés afférents,

– 9.465 € à titre de rappel de bonus,

– 946,50 € de congés payés afférents,

– 15.000 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SASU EDP France Holding aux entiers dépens,

CONDAMNE la SASU EDP France Holding à verser à Mme [O] [F] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.

 


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