Merchandising : 5 décembre 2019 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/08426

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Merchandising : 5 décembre 2019 Cour d’appel de Lyon RG n° 17/08426
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 17/08426 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LMFQ

[N] ÉP [F]

C/

SAS PROMOTION PRET A PORTER

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTBRISON

du 14 Novembre 2017

RG : F 16/00161

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 05 Décembre 2019

APPELANTE :

[C] [N] épouse [F]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1] (03)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Pierre ROBILLARD de l’AARPI AVOCATS PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

SAS PROMOTION PRET A PORTER

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Marie FRUCHART de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Septembre 2019

Présidée par Laurence BERTHIER, conseiller et Bénédicte LECHARNY, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

– Laurence BERTHIER, conseiller

– Bénédicte LECHARNY, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 05 Décembre 2019 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Madame [C] [F] a été embauchée le 5 avril 1983 par la SAS PROMOTION DU PRÊT À PORTER, exerçant sous l’enseigne PIMKIE, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de première vendeuse.

Elle a été promue au poste de responsable adjointe de magasin à [Localité 4] en 1991, statut Agent de maîtrise en 1999.

Madame [F] a par la suite assuré divers mandats : déléguée du personnel et représentante au CE à compter de 1996, déléguée syndicale à partir de 1999, secrétaire du comité d’entreprise à partir de 2000 et de conseillère prud’homale à compter de 2002.

Madame [F] a été placée en arrêt de travail pour maladie le 5 octobre 2015 et a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 28 février 2018, sans avoir repris le travail.

Soutenant avoir été victime d’une dégradation de ses conditions tenant à une mise à l’écart, d’une discrimination syndicale, d’un harcèlement moral, ainsi que d’une absence d’organisation d’entretiens annuels et professionnels et de formation, Madame [F] a saisi le 15 juin 2016 le Conseil de Prud’hommes de Montbrison, invoquant les dispositions de l’article 47 du code de procédure civile, pour voir :

– Condamner la société PROMOTION DU PRÊT A PORTER à lui verser les sommes de :

– 20 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral.

– 10 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour l’atteinte à la dignité

– 20 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour discrimination syndicale.

– 10 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect de l’obligation de formation.

– 10 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour défaut d’entretiens annuels et d’entretiens professionnels.

– 4 322,28 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents 432.23 € bruts.

– 29 175,39 € à titre d’indemnité de licenciement

– 35 000 € de dommages intérêts pour licenciement nul

– 64 834,20 € de dommages intérêts pour violation du statut protecteur.

– Condamner la société PROMOTION DU PRÊT A PORTER à verser à Madame [F] 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Par jugement du 14 novembre 2017, le conseil de prud’hommes de Montbrison a :

– Débouté Madame [C] [F] de l’ensemble de ses demandes,

– Débouté la SAS PROMOTION PRÊT À PORTER de se demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Madame [C] [F] aux entiers dépens de l’instance.

Madame [F] a interjeté appel du jugement le 5 décembre 2017.

Par ses dernières conclusions, elle demande à la Cour de :

– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes le 14 novembre 2017,

Statuant à nouveau,

Sur l’exécution du contrat de travail :

– Condamner la société PROMOTION DU PRÊT A PORTER à verser à Mme [F] :

– 5 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral.

– 10 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour l’atteinte à la dignité

– 20 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour discrimination syndicale.

– 5 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect de l’obligation de formation.

– 5 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour défaut d’entretiens annuels et d’entretiens professionnels.

– 592,08 € bruts au titre du non-respect des salaires minima conventionnels outre 59,20 € bruts de congés payés afférents.

– Rectifier les bulletins de paie du 1er septembre 2016 au 28 février 2018

Sur la rupture du contrat de travail,

– Dire et juger que le contrat de travail de Madame [F] a été résilié aux torts de l’employeur en raison des graves manquements commis par celui-ci, emportant les conséquences d’un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.

– Condamner l’employeur à lui verser :

– 4 322,28 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents 432,23 € bruts.

– 18 296,01 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 47 542 € de dommages intérêts en réparation du préjudice matériel lié à la perte de son emploi.

– 64 834,20 € de dommages intérêts pour violation du statut protecteur.

– 963,30 € bruts de rappel de salaire au titre de l’allocation de fin de carrière.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– Condamner la société PROMOTION DU PRET A PORTER à verser à Madame [F] 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– La condamner aux entiers dépens de l’instance.

Par ses dernières conclusions, la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER demande à la Cour de :

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

– CONFIRMER le Jugement du Conseil de Prud’hommes de Montbrison du 14 novembre 2017 en ce qu’il a débouté Madame [C] [F] de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes indemnitaires afférentes.

– JUGER que cette demande de résiliation judiciaire est, depuis le 28 février 2018, dépourvue d’objet, suite à son départ à la retraite et est donc irrecevable

– DÉBOUTER en conséquence Madame [C] [F] de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes indemnitaires afférentes.

Sur la demande portant sur le harcèlement moral :

A titre principal :

– CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de Montbrison du 14 novembre 2017

A titre subsidiaire :

– DÉBOUTER Madame [C] [F] de sa demande de dommages et intérêts, manifestement excessive, en l’absence de démonstration d’un préjudice.

Sur la demande portant sur la discrimination syndicale :

A titre principal :

– CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Montbrison du 14 novembre 2017

A titre subsidiaire

– DÉBOUTER Madame [C] [F] de sa demande de dommages et intérêts, au surplus, manifestement excessive, en l’absence de démonstration d’un préjudice.

Sur la demande résultant du prétendu manquement de la société à son obligation de formation et d’adaptation :

A titre principal :

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Montbrison du 14 novembre 2017

A titre subsidiaire :

DÉBOUTER Madame [C] [F] de sa demande de dommages et intérêts, au surplus, manifestement excessive, en l’absence de démonstration d’un préjudice

Sur la demande portant sur l’absence alléguée d’entretiens annuels et professionnels :

A titre principal :

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Montbrison du 14 novembre 2017

A titre subsidiaire :

DEBOUTER Madame [C] [F] de sa demande de dommages et intérêts, au surplus, manifestement excessive, en l’absence de démonstration d’un préjudice.

Sur la demande portant sur l’atteinte à la dignité :

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Montbrison du 14 novembre 2017

Sur les demandes de rappel de salaire,

DEBOUTER Madame [C] [F] de ses prétentions nouvelles, sur le fondement des articles 564, 566 et 910-4 du code de procédure civile ;

DEBOUTER en toute hypothèse Madame [C] [F] de ces demandes, infondées.

A titre reconventionnel,

– CONDAMNER Madame [C] [F] au paiement d’une indemnité d’un montant de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

*

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2019.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu’elles ont fait viser par le greffier lors de l’audience de plaidoiries et qu’elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n’avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les

agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une

dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa

dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir

professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné,

licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment

en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de

qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de

renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés

de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul (article L.1152-3 du code du travail).

L’article L.1154-1 du même code prévoit que ‘Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’

Au sens de ces textes il appartient donc d’abord au salarié d’établir la réalité de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

En l’espèce, Madame [F] soutient qu’elle a été stigmatisée par le biais de remarques offensantes et vexatoires sur ses fonctions syndicales et juridictionnelles, qu’elle a été mise à l’écart du magasin et de l’entreprise (non convocation aux réunions, défaut d’informations, absence de mention dans les plannings…), que ses fonctions de responsable de magasin ont été modifiées unilatéralement par l’employeur qui l’a cantonnée à des missions de vendeuse et l’a placée sous la subordination d’une autre salariée de même qualification qu’elle mais moins ancienne, qu’elle ne s’est vu proposer aucune formation, qu’elle n’a bénéficié que d’une seule évolution de qualification en 30 ans de carrière sans que le poste de responsable de magasin qui s’est trouvé vacant ne lui ait été proposé.

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER conteste l’existence d’un harcèlement moral, faisant valoir en premier lieu que les propos tenus dans les comptes-rendus de visite des magasins ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral mais ne font que relater de simples constatations.

Elle invoque le caractère tardif des accusations tenant à l’absence de mention de la salariée sur les plannings qui n’est au demeurant qu’une erreur, et le caractère infondé et non démontré du grief tenant à l’absence de formation sur l’évolution technologique ou tout autre formation aux fonctions managériales, au merchandising et à l’encaissement, au demeurant non réclamées par la salariée. Elle conteste la modification des fonctions de Madame [F] et prétend que celle-ci n’a jamais sollicité d’évolution professionnelle à un poste supérieur et ne démontre pas ses compétences pour y prétendre ou son intérêt pour un poste de responsable de magasin.

Les allégations quant aux prétendues multiples alertes et au refus allégué de l’employeur de dialoguer ne sont par ailleurs pas fondées.

La société fait observer que même si les deux premières conditions constitutives d’un harcèlement moral étaient jugées réunies, la troisième tenant à l’atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l’avenir professionnel fait défaut et que les arrêts de travail de Madame [F] ne sont pas motivés par une origine professionnelle.

Madame [F] produit aux débats au soutien de sa demande :

– Trois comptes rendus de visite de l’animateur de région (2000-2001) faisant grief à Madame [F] alors déléguée syndicale, de ne pas avoir procédé à l’affichage de certains documents (compte-rendu de CE, horaire) ou de ne pas avoir posé un second panneau d’affichage syndical assortis des commentaires suivants : ‘Très étonnant de la part d’un magasin qui ‘possède’ une déléguée syndicale !'(…)’Cela ne choque pas notre déléguée syndicale !!!'(…) ‘Cela ne semble pas inquiéter notre déléguée'(…) ‘mais que fait notre déléguée syndicale ”(…) et relevant des problèmes d’organisation compte tenu des absences de Madame [F] du fait de ses délégations.

– Un courrier du 1er septembre 2001 de Madame [F] à la DRH évoquant des pressions et un harcèlement moral depuis mars 2000 à son encontre de la part de Monsieur [B] (Animateur De Région) du fait des rapports de visite erronés et la discréditant.

– Les comptes-rendus d’entretien d’activité d’octobre 2012 et juin 2013 déplorant la multiplication des ‘provocations et absences’ de Madame [F].

– Des plannings de base de semaine du 1er octobre 2008, 3 avril 2009 et 2 octobre 2009 où Madame [F] n’apparaît pas.

– Un avenant au contrat de travail de Madame [I] pour la période du 26 au 31 août 2013 en qualité de vendeuse responsable signé le 28 août 2013 par Madame [Y], 1ère vendeuse.

– Un contrat de travail à durée déterminée du 2 au 7 septembre 2013 de Madame [M] en qualité de vendeuse en remplacement de Madame [Y], 1ère vendeuse, remplaçant elle-même Madame [H], responsable adjointe, contrat signé par Madame [H].

– L’entretien annuel de l’année 2014 de Madame [F] dans lequel il est précisé par l’évaluateur que la salariée : ‘manque de formation donc maîtrise peu le domaine merch’, ‘aucune gestion administrative’ , ‘peu de disponibilité donc un suivi au quotidien difficile’, ‘pas de management effectué car pas d’intégration au sein de l’encadrement magasin’ et ‘évaluation de la tenue de poste impossible étant donné que [C] ne remplit pas les fonctions de RA’ . Deux formations dans le cadre du DIF sont sollicitées par la salariée à cette occasion (pièce 26).

– L’entretien annuel de l’année 2015 mentionne dans les objectifs notamment ‘se positionner comme une RA’ et indique toujours la nécessité de ‘prévoir une formation management’ et des formations ‘au quotidien’ .

Madame [F] produit par ailleurs un courrier du 6 janvier 2012 adressé par ses soins à la DRH de l’entreprise dénonçant une situation ‘concordante avec une mise au placard’ (20 bis) et un compte-rendu d’entretien entre la responsable de magasin, l’animateur région et Madame [F], du 18 novembre 2011, rédigé par Madame [F] et non signé par les parties mais non contesté, et dans lequel elle déplore n’avoir aucune formation et indique ressentir qu’on ne veut pas d’elle dans le magasin (pièce 20).

Madame [F] a été placée en arrêt de maladie pour ‘syndrome anxieux généralisé’ et ‘insomnie’ du 5 juillet 2013 jusqu’au 3 août 2013.

Il ressort de ces éléments que Madame [F] apparaît comme n’ayant pu exercer les fonctions pour lesquelles elle était employée et n’était pas intégrée au magasin dont elle était responsable adjointe, qu’elle manquait de formation et avait été absente compte tenu de ses divers mandats pour lesquels elle avait été manifestement stigmatisée.

Ces faits répétés et ces circonstances, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral.

Or, la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER n’établit pas que ses décisions et agissements étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement dès lors que :

– Elle ne conteste pas la nature des propos railleurs rapportés dans les comptes-rendus de visite du magasin qu’elle considère comme normaux alors qu’ils dénigrent manifestement Madame [F], qui plus est auprès de l’ensemble des salariés du magasin.

– Elle ne justifie pas, contrairement à ce qu’elle allègue, du refus de Madame [F] d’effectuer une formation au management en 2011 ou d’autres formations, et ne démontre avoir organisé au profit de celle-ci qu’une formation d’une journée en 2007 (‘comprendre l’économie dans l’entreprise’), d’une journée autre en 2011 (‘basique merchandising’) et de deux heures sur l’encaissement le 12 décembre 2011, sans démonstration de l’organisation de formations directement en rapport avec les fonctions de responsable de magasin adjoint et manager de Madame [F] (évoquées dans ses courriers du 2 décembre 2011 et du 8 mars 2012 mais non établies par la seule production de ceux-ci ou de son propre tableau -pièce 34 de la société).

La société ne peut se prévaloir d’une absence de demande de la salariée ou du fait que Madame [F] était ‘parfaitement opérationnelle’ à la lecture de son entretien d’évaluation de 2015 qui mentionne l’existence de ‘lacunes dans la fonction de RA’ et de la nécessité de formations.

– Elle indique que l’absence de mention de Madame [F] sur les plannings est dénoncée tardivement, ce qui est inopérant.

– Elle ne conteste pas que la direction du magasin a été confiée à une première vendeuse plutôt qu’à Madame [F], du 21 février au 7 avril 2014, sans explication quand à l’absence de désignation de Madame [F] sur ce poste qu’elle avait tout à fait vocation à occuper en l’absente de la responsable du magasin dont elle était l’adjointe.

– Elle n’établit par aucune pièce que c’est le comportement de Madame [F] qui a fait obstacle à son évolution professionnelle ou que les ‘éventuelles tensions qui ont pu exister pendant la relation contractuelle sont exclusivement dues à son comportement’, comportement qu’elle ne décrit même pas pour expliciter ses dires.

– Elle ne justifie pas de l’organisation d’entretiens d’évaluations avant l’année 2014 et d’entretiens professionnels.

La cour estime par conséquent que les décisions et agissements de l’employeur sont constitutifs d’un harcèlement moral ayant porté atteinte à sa dignité et à son état de santé et qui fonde sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 Euros.

Sur la demande au titre de la discrimination syndicale

Madame [F] soutient qu’elle a subi à compter de l’année 2000, date à laquelle elle a été désignée déléguée syndicale CFTC et était titulaire de divers mandats, un traitement défavorable, sans justification légitime, en raison de ses absences pour motif syndical.

Elle admet que les faits datant de 2001 sont prescrits mais que les agissements ont perduré en 2013, l’employeur lui ayant reproché ses absences, ses ‘provocations’, les difficultés d’organisation et le fait qu’elle soit ‘difficile à gérer’. L’entretien annuel de 2014 fait référence aux activités syndicales et juridictionnelles de la salariée pour justifier qu’elle ne peut être affectée au poste qu’elle est censée occuper. Elle ajoute qu’elle n’a pas bénéficié de formation en lien avec ses fonctions, ni d’aucun entretien annuel entre 2002 et 2013, ni d’entretiens professionnels de 2003 à 2015, ni d’entretiens senior en 2012 et 2015.

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER réplique que les faits antérieurs au 15 juin 2011 ne peuvent être invoqués par Madame [F], comme l’a retenu le conseil de prud’hommes. Elle soutient que le compte-rendu du 23 octobre 2012 faisant état des provocations et absences de Madame [F] n’est pas constitutif d’une discrimination, que les absences visées étaient au demeurant liées à un arrêt de travail pour maladie du 12 juin 2012 au 17 mars 2013 et que les ‘provocations’ mentionnées visaient un contexte particulier tenant au refus de la salariée de suivre des formations et de se rendre à ses entretiens d’évaluation. Aucune discrimination syndicale ne peut être tirée non plus des commentaires portés par l’animateur de région dans le compte rendu du 1er juin 2013 puisqu’il ne fait que relater le comportement répréhensible de la salariée à son retour. Elle invoque les trois formations auxquelles Madame [F] a participé outre les formations pratiques ‘au quotidien’ qu’elle recevait et fait état de formation refusées. Elle prétend que Madame [F] a bien eu des entretiens annuels d’évaluation et que pour ceux de 2011, 2012 et 2013, leur absence d’organisation n’est pas imputable à l’employeur. Elle précise qu’un entretien professionnel avait bien été organisé en 2011 mais que Madame [F] a refusé qu’il se tienne et que celle-ci n’a pas sollicité d’entretien senior en 2012, remplacé par la loi du 5 mars 2014 par l’entretien professionnel. Elle ajoute qu’il n’est pas démontré en quoi, en tout de cause, cela aurait un lien avec l’exercice de ses mandats.

*

L’article L2141-5 du code du travail énonce qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L’article L1132-1 prévoit par ailleurs qu’ ‘aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, ….de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de …ses activités syndicales…’.

En application de ces textes est prohibé le fait pour l’employeur de prendre en compte les absences d’un salarié liées à ses activités syndicales pour arrêter des décisions relatives notamment à la conduite et la répartition du travail, la formation, de le priver d’entretiens d’évaluation sans raison valable ou encore de ne pas former un salarié en raison de ses absences liées à ses mandats. L’existence d’une discrimination syndicale n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.

En l’espèce, les griefs invoqués par Madame [F] pour caractériser la discrimination syndicale dont elle estime avoir été l’objet sont les mêmes (à l’exclusion de ceux datant des années 2000-2001) que ceux qui ont permis à la cour de retenir l’existence d’un harcèlement moral et ils sont établis ainsi qu’il ressort des motifs qui précèdent. Le fait pour Madame [F] d’avoir été mise à l’écart de ses fonctions de responsable adjoint de magasin et stigmatisée du fait de ses activités syndicales est à l’origine d’un préjudice moral distinct de celui causé par le harcèlement moral et justifie l’octroi d’une somme de 10 000 Euros, somme au paiement de laquelle la société sera condamnée.

Sur le manquement à l’obligation de formation et d’adaptation du salarié à son emploi et son évolution

Madame [F] invoque l’absence de toute formation durant dix années (2000 à 2010) malgré ses demandes et les promesses de l’employeur et le caractère insuffisant des trois courtes formations dispensées en 2007 et 2011 (encaissement, merchandising). Elle fait valoir qu’une formation au management avait été envisagée à [Localité 5] début 2012 sans que l’employeur n’organise le déplacement, en refusant de prendre en charge de l’intégralité du temps de trajet.

Elle sollicite la réparation des préjudices subis compte tenu de ce manquement et sollicite l’octroi d’une somme de 10 000 Euros.

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER réplique que Madame [F] a bénéficié de ‘multiples formations’ (les 8 novembre 2007, 12 décembre 2011 et 19 mars 2012) outre des ‘formations pratiques au quotidien’ et en a refusé une autre début 2012 à [Localité 5] pour des raisons injustifiées. Elle fait valoir que Madame [F] n’a jamais proposé elle-même de formation et qu’en tout état de cause, elle était parfaitement opérationnelle à son poste, sauf à entreprendre une formation complémentaire en management.

*

Aux termes de l’article L. 6321-1 du Code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au respect de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il incombe à l’employeur en vertu de ce texte de démontrer qu’il a correctement exécuté cette obligation de formation et d’adaptation. L’absence d’initiative du salarié quant à sa propre formation n’exonère pas l’employeur.

Il est établi par les pièces produites en l’espèce qu’en quinze et ans et demi de carrière (de l’année 2000 jusqu’à son arrêt de travail du 5 octobre 2015 à la suite duquel Madame [F] n’a plus repris son poste avant son départ en retraite), Madame [F] n’a bénéficié que de trois formations d’une journée ou moins, relatives à la compréhension de l’économie dans l’entreprise, le merchandising de base et l’encaissement.

Il est constant que Madame [F] a refusé de se rendre sur le point de vente de [Localité 5] pour effectuer une formation de responsable de magasin, portant sur le management, proposée en 2012, dès lors que l’employeur ne prenait en charge que 2 heures au titre du déplacement, sur 7 heures de trajet (courrier de la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER du 8 mars 2012). Dans ces conditions, Madame [F] qui résidait et travaillait à [Localité 4], a donc pu valablement refuser de se rendre à cette formation, l’intégralité des frais occasionnés par celle-ci n’étant pas prise en charge de l’employeur. L’employeur n’a cependant proposé aucune autre formation de ce type par la suite.

Au vu de ces éléments, il est manifeste que l’employeur a failli à son obligation d’assurer l’adaptation de la salariée à son poste de travail et de veiller au respect de sa capacité à occuper un emploi, les entretiens d’évaluations de 2014 et 2015 de la salariée eux-mêmes mettant clairement en évidence une inadaptation de la salariée à ses fonctions de responsable, ainsi qu’il ressort des motifs qui précèdent.

Madame [F] a de ce fait subi un préjudice qui sera évalué au vu des circonstances de la cause à la somme de 3 000 Euros.

Sur la demande au titre du défaut d’entretiens annuel, professionnel et senior

Madame [F] expose qu’elle n’a bénéficié, en dépit de sa longue carrière au sein de la société, d’aucun entretien professionnel ou senior de 2002 à 2015 et d’entretiens annuels d’évaluation uniquement en 2014 et 2015.

Elle soutient que la cessation de l’organisation des entretiens annuels en 2002 est concomitante avec sa désignation comme déléguée syndicale. Elle précise qu’elle a sollicité un report de l’entretien prévu le 24 mars 2012 du fait de l’atmosphère et des relations délétères et qu’elle a été absente pour raison médicale de juin 2012 à mars 2013. Elle a été ensuite convoqué le 19 juin 2013 pour un entretien annuel le 22 juin 2013, reporté au 8 juillet suivant par l’employeur, date à laquelle elle s’est trouvée en arrêt de travail pour maladie. L’employeur n’a toutefois jamais organisé de nouvel entretien.

Elle a bénéficié ensuite d’un entretien le 21 février 2014 qu’elle qualifie de ‘raté’ dès lors qu’il ne s’est agi que d’un simple dialogue avec la responsable de magasin, démissionnaire dont c’était le dernier jour de travail.

Enfin, elle a été reçue le 10 mars 2015 par Madame [P], nouvelle responsable du magasin.

Elle ajoute, s’agissant de l’entretien professionnel prévu à l’accord collectif du 27 décembre 2010 relatif à la formation professionnelle, que celui-ci n’a pu avoir lieu réellement en 2011 car quelques minutes seulement lui ont été laissées pour remplir le support écrit, le 19 octobre 2011, et qu’aucun entretien n’a été réalisé ensuite, alors qu’il aurait dû être organisé tous les deux ans.

Elle déplore enfin qu’aucun entretien senior n’ait été réalisé en dépit de sa demande formulée en avril 2012.

Madame [F] soutient que ce manquement a fait obstacle à son évolution professionnelle vers un poste de responsable de magasin ou d’un changement de catégorie ou de classification puisqu’elle est restée en catégorie A, sans pouvoir accéder aux catégories B ou C. Elle a donc subi une perte de rémunération (salaire de base, prime d’ancienneté, part variable) et d’évolution professionnelle, outre une incidence sur sa retraite.

Elle sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 5 000 Euros.

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER réplique que l’absence de tenue de certains entretiens ne lui est pas imputable et ajoute que la salariée a toujours perçu une prime d’ancienneté contrairement à ce qu’elle allègue.

Elle soutient que Madame [F] a fait l’objet d’un ‘accompagnement sans faille’ et qu’elle n’a pas évolué professionnellement car elle n’en avait pas l’aptitude. Elle ajoute qu’il a été reconnu que Madame [F] occupait bien les fonctions de responsable adjointe de magasin, dans le dernier entretien annuel. Elle s’oppose donc à la demande de dommages et intérêts.

*

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER ne fait état d’aucun motif d’absence d’organisation des entretiens d’évaluation et professionnels durant de nombreuses années, en dehors des périodes d’arrêt de travail pour maladie qu’a pu connaître la salariée. Elle conteste en revanche avoir été destinataire de la demande d’entretien senior et celle-ci n’est pas établie avec certitude en effet, au vu de la pièce produite par Madame [F], ne démontrant pas son envoi à l’employeur (27b).

L’entretien annuel a en particulier pour objet au sein de la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER de :

– Faire un point sur la perception/motivation actuelle du collaborateur

– Evaluer les résultats obtenus et l’atteinte des objectifs de l’année écoulée

– Apprécier le degré de maîtrise au poste du collaborateur

– Fixer les objectifs de l’année à venir

– Construire un projet d’évolution professionnelle du collaborateur (pièce 25 de Madame [F]).

L’employeur ne peut donc sérieusement soutenir que le manquement observé dans l’organisation des dits entretiens n’a pu avoir aucune incidence sur l’évolution professionnelle de la salariée dès lors que celle-ci s’est trouvée privée de tout point de vue sur sa situation de collaborateur quant à la maîtrise de son poste, à ses résultats, à ses besoins de formations, qu’elle s’est également vu priver d’objectifs et donc de possibilité de les atteindre ainsi que de perspectives de carrière et de construction de son évolution professionnelle.

Il est manifeste que dans ces conditions, Madame [F] a subi un préjudice tenant à une perte de chance sérieuse d’évolution favorable de sa situation professionnelle et notamment de progresser dans l’échelle des lettres avec les pertes financières corrélatives.

Il lui sera alloué de ce chef la somme de 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande au titre de l’atteinte à la dignité

Madame [F] invoque les agissements de son employeur (stigmatisations, humiliations, cantonnement à des tâches subalternes, absence de formation, défaut d’entretiens, ‘mise au placard’, stagnation de carrière) qui lui ont causé un stress important et porté atteinte à son honneur et à son estime de soi et ainsi à sa dignité.

Elle sollicite l’octroi d’une somme de 10 000 Euros à titre de dommages et intérêts.

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER rappelle que les griefs allégués ne sont pas établis et que l’atteinte à la dignité qu’elle dénonce est un élément constitutif du harcèlement moral qui n’est pas justifié selon elle. Dès lors la demande est infondée et doit être rejetée.

*

En l’espèce, les griefs invoqués par Madame [F] pour caractériser l’atteinte à la dignité dont elle estime avoir été l’objet sont exactement les mêmes que ceux qui ont permis à la cour de retenir l’existence d’un harcèlement moral, lequel aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, a pour objet ou pour effet, une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte notamment à sa dignité.

Or, Madame [F] n’invoque aucun préjudice distinct du préjudice moral effectivement subi.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts complémentaires à ce titre.

Sur la demande de résiliation judiciaire

Madame [F] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur au motif qu’elle a subi des modifications de ce contrat, une mise à l’écart, le non respect de plusieurs droits essentiels, l’absence de maintien de son employabilité et une atteinte à sa dignité.

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER demande que la cour, à l’instar du conseil de prud’hommes, de débouter Madame [F] de ses demandes ‘opportunistes et ne reposant sur aucun fondement’ et de juger que cette demande de résiliation judiciaire est, depuis le 28 février 2018, dépourvue d’objet, suite à son départ à la retraite et qu’elle est donc irrecevable.

*

Il ressort des explications et pièces versées aux débats que Madame [F] a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 28 février 2018 de sorte que le contrat de travail a donc pris fin à cette date.

Sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail emportant les conséquences d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, alors que le contrat de travail a pris fin à son initiative, apparaît donc sans objet.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de l’allocation de fin de carrière et du non respect des minimas conventionnels

Madame [F] fait valoir qu’avec une ancienneté de 34 ans 10 mois et 24 jours et une moyenne mensuelle de salaire de 2 161,44 Euros bruts, elle aurait dû percevoir une indemnité de fin de carrière de 11 842,68 Euros, qu’elle n’a reçu que la somme de 10 879,38 Euros et qu’elle est ainsi fondée à solliciter un rappel de 963,30 Euros nets, en vertu des dispositions des articles L.1237-9 et D.1237-1 du code du travail.

Elle prétend par ailleurs que la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER n’a pas respecté les accords relatifs aux salaires pour la fixation du salaire de base (hors prime d’ancienneté). Ainsi, elle estime qu’elle aurait dû percevoir 1 620 Euros bruts de salaire de base du 1er septembre 2016 au 31 août 2017 inclus et qu’elle n’a perçu que 1 595,43 Euros bruts, soit une différence de 294,84 Euros bruts outre les congés payés afférents et une différence de 243,43 Euros bruts pour la période du 1er septembre 2017 au 28 février 2018 inclus (1 636 – 1 595,43) outre les congés payés afférents.

Elle soutient que ces deux demandes additionnelles sont recevables, en application des articles 70 et 565 du code de procédure civile, puisqu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant et sont issues de la relation contractuelle entre les parties.

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER oppose, sur le fondement des articles 564 et 566 du code de procédure civile, l’irrecevabilité des demandes nouvelles formées pour la première fois en appel qui n’ont aucun lien avec les prétentions soulevées en première instance selon elle.

Sur le fond, à titre subsidiaire, elle les estime mal fondées puisque Madame [F] ne prend pas en considération d’une part, la rémunération dans son intégralité pour vérifier si le minima conventionnel a été respecté, et notamment la prime d’ancienneté.

D’autre part, elle relève s’agissant de l’allocation de départ en retraite, que la moyenne salariale sur les douze derniers mois varie de 2 161,14 Euros (dans le calcul opéré par Madame [F]) à 2 161,44 Euros (dans ses écritures).

*

Conformément à l’article 564 du Code de Procédure Civile, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 du même code énonce que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent.

L’article 566 autorise les parties à ajouter à leurs prétentions toutes les demandes qui sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes soumises au premier juge.

Les demandes de Madame [F] relatives aux rappels au titre des minimas conventionnels et de l’allocation de fin de carrière sont formulées pour la première fois devant cette cour.

L’objet du litige en première instance était l’obtention de dommages et intérêts pour harcèlement moral, discrimination syndicale, non respect de l’obligation de formation, défaut d’entretiens annuels et professionnels, licenciement nul et violation du statut protecteur.

La demande en appel de rappels de salaires (minimas conventionnels) ne vise ni la compensation, ni à faire écarter les prétentions adverses, ni la survenance d’un fait. Elle n’est ni l’accessoire, ni la conséquence ou le complément des demandes soumises au premier juge.

Cette demande est par conséquent irrecevable.

*

La demande d’allocation de fin de carrière liée au départ en retraite de Madame [F] en février 2018, soit en cours d’instance devant la cour, procède quant à elle de la survenance d’un fait nouveau et elle est donc recevable.

En application de la convention collective des maisons à succursales de vente au détail d’habillement l’allocation de fin de carrière est égale à la moitié de l’indemnité de licenciement.

La SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER ne remet pas en calcul opéré ne serait-ce qu’à titre subsidiaire sauf à s’interroger sur le montant du salaire mensuel moyen retenu.

Toutefois, le salaire mensuel moyen brut des douze derniers mois ressortant des bulletins de salaire produits aux débats et qui apparaît le plus favorable s’établit à 2 161,14 Euros (25 933,73/12) ainsi que l’invoque Madame [F] et son calcul sera retenu. Il lui reste dû par conséquent la somme de 963,30 Euros (11 842,68 – 10 879,38) au paiement de laquelle la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER sera condamnée.

Sur les dépens et l’indemnité procédurale

Le jugement sera infirmé du chef des dépens et en ce qu’il a débouté Madame [F] de sa demande d’indemnité procédurale.

La société PROMOTION DE PRÊT A PORTER qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et au versement d’une indemnité procédurale de 2 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté Madame [F] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de formation, défaut d’entretiens annuels et professionnels, de résiliation judiciaire du contrat de travail, d’indemnité procédurale et sur les dépens.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que la demande de résiliation du contrat de travail est sans objet.

Condamne la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER à verser à Madame [C] [F] les sommes de :

– 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

– 10 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

– 3 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour manque à l’obligation de formation

– 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’entretiens professionnels et annuels.

Confirme le jugement pour le surplus.

Y ajoutant,

Déclare irrecevables la demande de rappels de salaire au titre des minimas conventionnels.

Déclare recevable la demande d’allocation de fin de carrière.

Condamne la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER à verser à Madame [F] la somme de 963,30 Euros à titre de rappels d’allocation de fin de carrière.

Dit que les sommes allouées supporteront s’il y a lieu les cotisations ou contributions sociales.

Condamne la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER à verser à Madame [F] la somme de 2 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS PROMOTION DE PRÊT A PORTER aux dépens de première instance et d’appel.

La GreffièreLa Présidente

Elsa SANCHEZElizabeth POLLE-SENANEUCH

 


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