Merchandising : 30 septembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-10.930

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Merchandising : 30 septembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-10.930
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SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 775 F-D

Pourvoi n° Y 19-10.930

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

Mme Q… R…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° Y 19-10.930 contre l’arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d’appel d’Orléans (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Auchan France, société anonyme, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme R…, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Auchan France, après débats en l’audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l’arrêt attaqué (Orléans, 25 octobre 2018), Mme R… a été engagée par la société Auchan le 12 septembre 2009 en qualité de stagiaire chef de rayon, statut cadre puis a exercé les fonctions de chef de rayon et enfin de manager commercial.

2. Après avoir adressé au directeur général de la société début septembre 2015 une lettre relative aux conditions de travail dans l’établissement où elle était affectée, elle a été licenciée le 20 octobre 2015 pour faute grave, résultant des accusations mensongères portées à l’encontre de sa direction et d’un comportement dénigrant et agressif.

3. La salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins de contester son licenciement et obtenir divers rappels de salaire et indemnités.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait notamment grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir déclarer son licenciement nul ou, en tout cas, dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes afférentes à la rupture, alors :

« 1°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ; qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que la cour d’appel a constaté que le courriel du 4 septembre 2005 adressé au directeur général de la société par lequel la salariée l’a interpellé ne sachant plus à qui s’adresser, exposait “un manque de communication et de confiance venant de notre hiérarchie” relatant que “nous travaillons actuellement et depuis trop longtemps sous un régime totalitaire, et l’expression “marche ou crève” pourrait être la devise de notre magasin. Nous ne fonctionnons absolument pas en pyramide inversée, avec le redonner la main, entre les managers et les responsables (
) cela fait des mois que mes collègues et moi-même venons travailler dans la crainte. Cette oppression nous amène à nous demander qui sera le prochain à partir, vu le nombre excessif de départs, plus ou moins maquillés et dans quelles conditions, en sachant que pour 2 de mes collègues, ils auraient pu y laisser la vie » ; qu’en retenant que ces propos excèdent la liberté d’expression quand ils n’étaient ni injurieux, ni diffamatoires ni excessifs et décrivaient, à destination du seul directeur général, des conditions de travail difficiles et une souffrance au travail à une période où était intervenu un changement de direction et mis en oeuvre un projet visant à réduire le personnel d’encadrement, la cour d’appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ; qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que s’il subsiste un doute concernant l’un des griefs invoqués, ce doute profite au salarié ; que la cour d’appel a relevé que l’enquête diligentée auprès des collaborateurs cadre démontre que certains d’entre eux ont confirmé ou compris les propos de l’exposante, que des témoins ont fait part de leur souffrance au travail et que quinze départs de salariés ont eu lieu entre avril 2013 et février 2016, de sorte que les propos de l’exposante ne pouvaient pas avec certitude être qualifiés de mensongers ; qu’en retenant néanmoins l’existence de la faute grave, la cour d’appel a violé l’article L. 1235-1 du code du travail et les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ; qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; qu’il en résulte que la salariée pouvait librement s’exprimer auprès du directeur général de la société sur les conditions de travail des cadres au sein de l’établissement ; que l’exposante a énoncé dans le courriel litigieux qu’elle ne savait plus à qui s’adresser sachant que le comité de direction, la direction opérationnelle, les représentants du personnels, la médecine du travail et la presse, au courant de la situation, ne réagissaient pas aux appels au secours ; qu’en attribuant à ces propos un caractère mensonger duquel elle a déduit l’intention de la salariée de porter atteinte à son supérieur hiérarchique, au motif qu’aucune alerte ou saisine n’avait été faite par elle aux représentants du personnel, à la direction opérationnelle de l’établissement, au CHSCT, au médecin du travail ou à l’inspecteur du travail, et que les procès-verbaux des réunions des délégués du personnel et du CHSCT n’évoquaient pas les faits allégués, alors que la salariée était en droit de s’adresser directement au directeur général de la société sans que ne soit exigé la preuve qu’elle se soit adressée au préalable à ces instances et niveaux hiérarchiques intermédiaires, la cour d’appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ; qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; qu’en retenant des accusations mensongères préjudiciables à la société et à ses dirigeants sans nullement caractériser le préjudice subi à raison de l’exercice par la salariée de sa liberté d’expression, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

5°/ qu’ aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance de cette règle est nulle ; qu’il s’en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; qu’en retenant que la preuve de la mauvaise foi de la salariée est suffisamment établie par les accusations mensongères formalisées à dessein de porter atteinte au directeur du magasin, sans caractériser la connaissance par la salariée de la fausseté des faits qu’elle a dénoncés, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

6°/ que subsidiairement la faute grave résulte d’une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; qu’en considérant que le comportement dénigrant, négatif et d’opposition constitue une faute grave, alors que depuis l’entretien d’évaluation du 1er juin 2015 de la salariée portant des recommandations de son supérieur hiérarchique sans sanction ni mise en garde, elle n’a constaté que deux altercations en septembre 2015 dont l’ampleur et la portée ne sont pas justifiés, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d’appel qui, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que la salariée avait proféré des accusations mensongères particulièrement dénigrantes, à dessein de porter préjudice au directeur du magasin dans lequel elle exerçait ses fonctions, a caractérisé la mauvaise foi de l’intéressée et pu décider qu’elle avait commis un abus dans sa liberté d’expression. La cour d’appel a relevé par ailleurs que la salariée avait tenu des propos agressifs à l’égard de sa hiérarchie et des membres du comité de direction, réitérés malgré des alertes récentes de son supérieur. Elle a pu en déduire que ces faits, qui rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, constituaient une faute grave.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme R… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

 


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