Merchandising : 27 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04913

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Merchandising : 27 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04913
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 27 OCTOBRE 2022

(n°2022/ , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04913 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFJA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° 18/00865

APPELANTE

Madame [F] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : P339

INTIMEE

S.A.S. CARREFOUR MARCHANDISES INTERNATIONALES (C M I)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Chaïma AFREJ, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée à effet du 1er mars 1995 au 28 février 1996, Mme [F] [R] a été engagée par la société Sogara France en qualité d’employée libre service. A compter du 1er mars 1996, elle a été embauchée en contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable de rayon, catégorie cadre, niveau 1, coefficient 200. Elle a bénéficié d’un congé parental du 18 juin 2007 au 28 avril 2010. Par avenant du 1er septembre 2010, elle a été soumise à une convention individuelle de forfait de 172 jours de travail et sa rémunération mensuelle brute a été portée à 2 483,20 euros. Dans des conditions qui ne sont pas justifiées mais qui ne font pas litige, son employeur est devenu la société Carrefour marchandises internationales. En dernier lieu, elle occupait un emploi de manager merchandising textiles, catégorie cadre, niveau VII B et percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 3 260 euros que les parties ne discutent pas.

Le contrat de travail a été suspendu pour maladie du 29 septembre 2015 au 13 mai 2016, date de la visite de reprise à l’issue de laquelle, elle a été déclarée apte au travail par le médecin du travail.

Le 15 décembre 2016, la société Carrefour marchandises internationales a notifié un avertissement à Mme [R], lui reprochant un comportement inapproprié envers sa directrice.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 mars 2017, Mme [R] a été dispensée d’activité et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 avril 2017. Elle s’est ensuite vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle par courrier adressé sous la même forme le 18 avril 2017.

La société Carrefour marchandises internationales emploie au moins onze salariés et applique la convention collective nationale de commerce de détail et de gros et à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

Contestant son licenciement, sollicitant l’annulation de l’avertissement et soutenant subir des agissements de harcèlement moral, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau le 24 septembre 2018 afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. Par jugement du 4 juin 2020 auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Longjumeau, section encadrement, a débouté Mme [R] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Mme [R] a régulièrement relevé appel du jugement le 23 juillet 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante transmises par voie électronique le 21 octobre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [R] prie la cour d’infirmer le jugement et :

– annuler l’avertissement du 15 décembre 2016,

– condamner la société Carrefour marchandises internationales à lui verser les sommes de :

* 78 240 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 3 260 euros au titre des frais de justice,

– assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, et ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée transmises par voie électronique le 22 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Carrefour marchandises internationales prie la cour de :

– confirmer le jugement,

– débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes,

– la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– à titre subsidiaire, réduire le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 19 560 euros,

– débouter Mme [R] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 mai 2022.

MOTIVATION :

Sur l’exécution du contrat de travail :

Sur la demande en annulation de l’avertissement :

L’avertissement notifié à Mme [R] est motivé dans les termes suivants ‘[…] le 6 octobre 2016 lors d’un point sur vos tâches de travail, vous vous êtes adressée à votre directrice, Mme [B] [P], sur un ton et en des termes que nous ne pouvons accepter dans le cadre de relations professionnelles. En effet […] vous avez démesurément haussé le ton à son égard, refusant fermement de l’écouter[…]’.

Aux termes de l’article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. L’article L. 1333-2 du code du travail précise que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Mme [R] sollicite l’annulation de l’avertissement qui lui a été notifié le 15 décembre 2016 et l’infirmation du jugement qui l’a déboutée de cette demande en invoquant les motifs suivants :

– elle conteste les faits et souligne l’imprécision des griefs dès lors que ses propos ne sont pas rapportés,

– les faits interviennent dans un contexte de harcèlement moral alors que ses relations avec sa supérieure hiérarchique se sont dégradées,

– la réunion était houleuse et la directrice employait un ton ‘très humiliant et autoritaire’,

La société Carrefour marchandises internationales s’oppose à la demande en faisant valoir que Mme [R] n’a pas contesté la sanction lorsqu’elle lui a été notifiée et que les faits se sont produits lors d’une réunion le 6 octobre 2016, au cours de laquelle Mme [R] a adopté un comportement inadmissible envers sa supérieure hiérarchique. Elle s’appuie sur l’attestation rédigée par la directrice elle-même dans les termes suivants : ‘ lors d’un point sur les tâches de travail à faire, Mme [R] a eu un comportement totalement inapproprié tant sur le ton très colérique et sur les termes très irrespectueux. N’arrivant pas à apaiser la situation, j’ai dû suspendre la réunion de travail’.

La cour observe que cette attestation ne suffit pas à caractériser le caractère inadmissible du comportement de Mme [R] dès lors qu’elle émane de la supérieure hiérarchique avec laquelle la salariée est en conflit, qu’elle n’est corroborée par aucun élément objectif et que les propos tenus ne sont pas reproduits. Il importe peu à cet égard que la salariée n’ait pas contesté l’avertissement dans l’immédiat puisqu’elle le fait dans le cadre de la présente procédure.

Les faits n’étant pas établis la cour fait donc droit à la demande d’annulation de l’avertissement, le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté Mme [R] de ce chef de demande.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [R] présente les éléments de faits suivants :

– elle n’a jamais bénéficié d’augmentations subséquentes de salaire et de niveau de poste, malgré les promesses de sa hiérarchie et ses changements de postes,

– alors que depuis 2010, elle travaillait à 4/5ème de temps, sa charge de travail est demeurée identique à celle d’un salarié à temps plein,

– à compter de 2012, l’employeur a créé un niveau intermédiaire de hiérarchie et sa supérieure, Mme [E], est devenue très autoritaire et humiliante,

– elle a présenté un épuisement professionnel constaté par le médecin du travail en 2013,

– elle a été arrêtée en raison d’un ‘burn-out’ plusieurs mois en 2015,

– elle s’est vu notifier un avertissement imprécis faisant partie des agissements de harcèlement moral subis.

Elle s’appuie dans ses écritures sur les pièces suivantes :

– le dossier médical du médecin du travail mais la cour considère que reproduisant ses propos quant au caractère insupportable de sa chef, il ne suffit pas à établir que ce médecin a lui-même constaté que Mme [E], comme le prétend la salariée, était insupportable. Les faits allégués sur le comportement de sa supérieure hiérachique en 2013 ne sont donc pas matériellement établis,

– aucun élément n’établit que la charge de travail de Mme [R] est demeurée la même que celle d’un salarié à plein temps alors que depuis 2010, elle travaillait à 4/5ème de temps,

– aucun élément communiqué ne justifie les promesses d’augmentations de salaire conséquentes et de changement de niveau alléguées.

Ces faits ne sont donc pas matériellement établis mais pour le surplus, la cour considère que pris dans leur ensemble les faits présentés par la salariée laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l’employeur de prouver qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

La société Carrefour marchandises internationales fait valoir que le dossier médical de la médecine du travail reflète les déclarations de Mme [R] et non les constatations sur site du médecin du travail et qu’il y est également fait état des problèmes personnels de Mme [R] (deuil) de sorte que l’inaptitude temporaire qu’elle a présentée en 2013 n’est pas la conséquence du harcèlement moral. La cour n’ayant en outre retenu ni la surcharge de travail ni le comportement insupportable de la supérieure hiérarchique de l’époque, considère qu’ainsi l’employeur justifie que l’inaptitude temporaire prononcée par le médecin du travail en 2013 provient d’éléments objectifs étrangers aux agissements de harcèlement moral allégués.

S’agissant du burn out constaté par le médecin traitant de Mme [R] en 2015, l’employeur fait valoir qu’en mars 2015 lors d’un entretien entre Mme [E] et Mme [R], elles ont indiqué que malgré leurs différends elles ont réussi à travailler ensemble ainsi que cela ressort du compte rendu produit de sorte que la cour considère que l’employeur démontre ainsi que le burn out constaté n’avait pas pour origine le différent professionnel allégué et d’ailleurs lors de la visite de reprise qui s’est tenue le 13 mai 2016, le médecin du travail l’a déclarée apte à la reprise sans aucune restriction.

S’agissant de l’avertissement, la cour a annulé cette sanction mais cet élément à lui seul ne suffit pas à établir l’existence d’agissement répétés de harcèlement moral.

La cour considère en conséquence que le harcèlement moral allégué n’est pas établi et déboute Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le bien fondé du licenciement :

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, l’employeur reproche à Mme [R] son insuffisance professionnelle caractérisée par les manquements suivants :

‘ un manque de concentration et de rigueur,

– un manque d’organisation et d’anticipation,

– un manque d’implication,

– des difficultés à travailler en équipe,

– un attitude inappropriée vis à vis de votre hiérarchie et de vos interlocuteurs’

L’employeur s’appuie sur les éléments suivants pour objectiver l’insuffisance de la salariée :

En premier lieu, il invoque l’entretien compétences et carrières du 26 mars 2015 par lequel la responsable hiérarchique Mme [E] a fait apparaître comme ‘axe de progrès identifié en priorité’ la ‘concentration’ et son ‘sens des priorités’ puisqu’elle ne respectait pas ses rétro plannings. Il soutient que Mme [R] n’en a pas tenu compte, s’appuyant sur plusieurs mails de Mme [E] en date des 2 et 6 juillet 2015, sur un mail de M. [W], responsable visuel merchandising du 16 juillet 2015 et un échange de mails entre eux du 24 août 2015 et enfin sur un mail de Mme [E] du 23 septembre 2015.

Il ressort de ces différents mails que Mme [R] n’avait pas effectué une présentation conforme des plans lingerie de nuit et business, notamment sans mettre les articles dans la marge, qu’elle avait mis à l’envers les plans jeans PE 2016, qu’elle ne respectait pas la charte BAO mise en place par le responsable visuel merchandising et qu’elle a mis à disposition sur le portail des plans ‘hiver 2015″ non validés.

Mme [R] fait valoir qu’il s’agit de faits anciens, sans importance, rapidement arrangés et souligne qu’elle a elle-même mis en place la charte BAO, bien avant l’arrivée de M. [W] et que si elle ne l’avait pas respectée, c’est parce qu’elle avait eu un empêchement et non par manque de rigueur. Elle soutient, s’agissant de l’absence de validation, que seules ses toutes dernières corrections n’avaient pas été validées, alors qu’elle les avait faites depuis chez elle pendant un arrêt maladie.

La cour relève que la matérialité des faits est établie.

L’employeur vise ensuite l’entretien compétence et carrière du 3 juin 2016 par lequel Mme [E] a demandé à Mme [R] de ‘piloter la fonction merchandising du saisonnier homme de façon efficace, transverse , maîtriser merch 3D, être en lien avec l’exploitation’ pour reprocher à Mme [R] son manque d’organisation et d’anticipation ainsi que le non respect des rétroplannig. Dans ses écritures la société Carrefour marchandises internationales vise le plan automne 2016 qui n’a pas selon elle été réalisé dans les temps et la cour constate que quelques lignes faisant mention du nom de Mme [R] n’ont pas été initialisées avant la date de la dead line.

Mme [R] fait valoir qu’elle revenait d’arrêt maladie, qu’à son retour, elle a dû gérer tous les dossiers en cours, et faire face à une difficulté particulière : la maîtrise du nouvel outil informatique et que le manque de suivi des rétroplannings par d’autres équipes avait des répercussions sur elle, qu’au surplus, des réunions se tenaient le mercredi, jour où elle ne travaillait pas.

La matérialité des faits est ainsi établie.

L’employeur s’appuie également sur l’entretien compétences et carrières de Mme [R] en date du 3 février 2017 au cours duquel il indique avoir mis en évidence que la performance de celle-ci était en deçà de ses attentes, au regard des éléments suivants :

– elle ne travaillait pas en lien avec les managers pilotage marchandises pour mettre en oeuvre la stratégie de démarque dynamique, ne proposant aucun plan ni recommandation d’implantation pour les produits dont la vente avait été difficile durant la saison automne-hiver 2016,

– elle n’échangeait pas suffisamment avec les équipes chefs de produits sur les évolutions merchandising en amont et en aval,

Mme [R] fait valoir que devant sa charge très importante de travail, elle a dû prioriser ses tâches de travail et qu’il est communément admis que la démarche dynamique n’est pas une priorité ; elle invoque également le fait que son bureau était physiquement collé avec ceux des managers pilotage de sorte qu’elle échangeait quodiennement avec eux et faisait de même avec les équipes chefs de produits.

La cour relève qu’aucun élément concret ne vient corroborer les affirmations de l’employeur à cet égard. Les faits ne sont donc pas établis.

Sur l’absence de maîtrise de l’outil merch 3D, malgré la formation reçue, l’employeur vise dans ses écritures des échanges de mails du 10 janvier 2017 entre Mmes [P] et [R] dont il ressort qu’elle connaissait des difficultés pour utiliser cet outil et préférait en utiliser un autre alors que la diretrice lui donnait comme consigne d’utiliser Merch 3D.

De son côté, Mme [R] fait valoir qu’à son retour de congé, elle n’a bénéficié d’aucune formation, avant novembre 2016 alors que la maitrise de l’outil prend environ 6 mois ce que l’employeur ne conteste pas et la cour observe qu’il n’est pas justifié du contenu ede la formation ni que l’outil était pleinement opérationnel contrairement à ce que soutient la salariée, Mme [P] reconnaissant elle-même dans un mail du 17 mars 2017 que cet outil était ‘complexe’.

Sur la gestion des shop inshop, l’employeur reproche à la salariée de jamais avoir participé au shop in shop de la marque Rica Lewis, Mme [R] fait valoir qu’elle a délégué cette tâche à un de ses collaborateurs et la cour considère qu’aucun élément n’établit que cette délégation était inadaptée ou contraire aux demandes de la société.

Sur le manque de respect des rétroplannings pour la saison printemps 2017, l’employeur s’appuie sur le rétroplanning présenté par Mme [R] donnant comme date de publication le 16 décembre 2016 et sur les mails de Mme [P] faisant apparaître des retards. Mme [R] reconnaît les faits tous en les imputant à sa surcharge de travail et en indiquant qu’elle s’est efforcée de faire face à ce retard. Les faits sont donc établis, étant rappelé que la cour n’a pas retenu que la surcharge de travail alléguée était établie.

Sur la non atteinte du budget, l’employeur indique qu’il n’a reçu aucune information , la cour relève qu’aucun élément concret n’est produit par l’employeur pour objectiver l’insuffisance de la salariée à cet égard.

Sur l’absence de compte rendu de visites, Mme [R] explique qu’elle effectuait des visites sans établir nécessairement de comptes rendus mais en adressant des photographies comme par exemple à [Localité 6] ou [Localité 5]. Les faits sont matériellement établis.

Sur le comportement inadapté avec M. [W], l’employeur reproche à Mme [R] le ton qu’elle a adopté avec M. [W] et produit les échanges de mails entre les deux salariés en date des 10 et 14 février 2017 ne faisant pas apparaître que le comportement de Mme [R] était inapproprié mais en revanche qu’une certaine forme d’agacement était partagée par les deux salariés.

De l’ensemble de ces éléments la cour retient que l’insuffisance professionnelle de Mme [R] est insuffisamment caractérisée d’autant que les faits qui lui sont reprochés sont essentiellement postérieurs à son arrêt maladie, résultent d’un manque de formation sur un outil complexe, ne démontrent pas le manque d’implication qui lui est reproché, l’employeur restant défaillant pour démontrer l’absence de travail en équipe, le ton inapproprié de Mme [R], et ses retards dans les rétroplannings apparaissant communs à d’autres salariés sans que la désorganisation de l’entreprise et la mauvaise image de la marque également alléguées soient par ailleurs démontrées.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse et le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté Mme [R] de l’ensemble des demandes qu’elle présentait en conséquence.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Employée depuis plus de deux ans dans une entreprise occupant au moins onze salariés lors de la rupture du contrat de travail, Mme [R] est fondée à percevoi une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d’une somme qui ne peut être inférieure à ses salaires des six derniers mois en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 24 septembre 2017. Eu égard à son âge au moment du licenciement, (née en 1973), à son ancienneté dans l’entreprise (22 ans), au montant de sa rémunération des six derniers mois, aux cironstances du licenciement, à ce qu’elle justifie de sa situation postérieure au licenciement, la cour condamne la société Carrefour marchandises internationales à lui verser la somme de 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, suffisant à réparer son entier préjudice.

La cour fait d’office application de l’article L. 1235-4 du code du travail et condamne la société Carrefour marchandises internationales à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [F] [R] depuis son licenciement dans la limite de six mois.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision. La capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière est ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

La société Carrefour marchandises internationales, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [R] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [F] [R] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

PRONONCE l’annulation de l’avertissement notifié le 15 décembre 2022,

CONDAMNE la société Carrefour marchandises internationales à verser à Mme [F] [R] une somme de 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,

ORDONNE à la société Carrefour marchandises internationales de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [F] [R] depuis son licenciement dans la limite de six mois,

DÉBOUTE Mme [F] [R] du surplus de ses demandes,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Carrefour marchandises internationales

CONDAMNE la société Carrefour marchandises internationales aux dépens de première instance et d’appel et à verser à Mme [F] [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

 


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