Merchandising : 26 octobre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/05358

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Merchandising : 26 octobre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/05358
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2e chambre sociale

ARRÊT DU 26 Octobre 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/05358 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OIZF

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JUIN 2019 CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG18/00317

APPELANT :

Monsieur [T] [R]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentant : Me Eve BEYNET substituant Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S COCA COLA EUROPEAN PARTNERS CCEP FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

– Représentant : Me RICHAUD substituant Me Dominique DUPARD de la SELARL DUPARD & GUILLEMIN, avocat au barreau de PARIS

-Représentant : Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

– Contradictoire;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

**

FAITS ET PROCÉDURE

Le 10 décembre 2013, M. [T] [R] a été mis à disposition de la SAS Coca-Cola Entreprise dans le cadre d’un contrat de mission temporaire à temps complet pour remplacement d’un salarié en arrêt de travail, en qualité de promoteur des ventes.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 30 décembre 2013 à effet au 7 janvier 2014, il a été engagé à temps complet par la même entreprise en qualité d’attaché commercial, statut employé, avec reprise d’ancienneté à compter du 9 décembre 2013, moyennant une rémunération mensuelle de 1.988,75 € brut.

A partir du 30 mai 2016, le médecin du travail a émis des préconisations tout en le déclarant apte à son poste de travail.

Par lettre du 20 janvier 2017, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, lequel s’est tenu le 25 janvier 2017.

Par lettre du 30 janvier 2017, l’employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute simple.

Par requête enregistrée le 3 avril 2018, faisant valoir que l’employeur lui devait un rappel de remboursement de note de frais, qu’il avait été victime de harcèlement moral ou à défaut d’une exécution déloyale du contrat de travail et que son licenciement était nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier.

Par jugement du 18 juin 2019, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la société Cola cola european partners à verser à M. [R] la somme de 179,48 € au titre de remboursement des notes de frais,

– débouté M. [R] de ses demandes au titre du harcèlement moral ou exécution déloyale du contrat de travail, du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

– dit que le licenciement pour faute simple est constitutif d’une cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [R] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– laissé les dépens et les frais à la charge des parties.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 26 juillet 2019, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 27 septembre 2019, M. [T] [R] demande à la Cour :

– d’infirmer le jugement, sauf en ce qu’il a fait droit à la demande de remboursement de frais’;

– de dire et juger qu’il a été victime de harcèlement moral ou à tout le moins d’une exécution déloyale le contrat de travail de la part de l’employeur, que son licenciement est nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse’;

– de condamner la Société Coca Cola à lui payer les sommes de :

* 179,48 € à titre de remboursement de notes de frais,

* 15.000 € à titre des dommages- intérêts pour harcèlement moral ou exécution déloyale du contrat de travail,

* 21.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’;

de la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 23 décembre 2019, la SAS Coca Cola European Partners CCEP France demande à la Cour, au visa de l’article L1232-1 du Code du travail, de

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [T] [R] de ses demandes :

– le débouter de son appel et de la totalité des demandes se rapportant aux chefs confirmés’;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Coca-Cola European Partners France à payer la somme de 179,48 € à M. [T] [R] en remboursement de ses notes de frais’et l’en débouter’;

– condamner M. [T] [R] aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Montpellier, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Pour l’exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 août 2022.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral.

Selon l’article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l’article L.1154-1 du même Code, dans sa rédaction applicable, prévoit que le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l’exitence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, le salarié fait valoir qu’il a subi un harcèlement moral à plusieurs titres’:

– pressions psychologiques et mise à l’écart,

– non remboursement des notes de frais,

– non-respect des préconisations du médecin du travail en ce qu’il a continué à participer aux implantations (tâches de manutention) malgré ses douleurs et n’a pas été doté d’un marche pied et en ce que l’employeur n’a pas fait de déclaration d’accident du travail,

– refus injustifié d’une mutation interne.

Il verse aux débats les pièces suivantes’:

– des courriels adressés par ses supérieurs hiérarchiques entre décembre 2016 et janvier 2017 dont il résulte que ces derniers lui font des rappels relatifs à des demandes auxquelles il n’a pas répondu, l’interrogent sur les saisies non formalisées, le contredisent s’agissant d’informations données par ses soins au vu des éléments contraires en leur possession, lui demandent de finaliser ses relevés ou l’interrogent sur sa reprise ou non le matin,

– un ticket RATP, plusieurs tickets de caisse, des tickets de carte bancaire relatifs à des pleins de carburant ou des notes de péages,

– les avis d’aptitude du médecin du travail’:

* avis du 30 mai 2016′: «’Apte au poste d’attaché commercial en évitant les manutentions nécessaires au merchandising de façon temporaire’»,

* avis du 22 septembre 2016′: «’Apte en utilisant un marche pied pour limiter les efforts des bras au dessus des épaules’»,

* avis du 23 janvier 2017′; «’Apte en utilisant un marche pied pour limiter les efforts des bras au dessus des épaules et en favorisant les activités commerciales pour limiter les manutentions’»,

– des comptes rendus de bilans radiologiques des 24 mars et 13 avril 2016 mentionnant que le patient se plaint de névralgies cervico-brachiales droites, surtout à l’effort et de douleurs lombo-sacrées et que l’examen est normal,

– des échanges de courriels entre la responsable du service relations employés (désignée ci-dessous sous le vocable «’l’employeur’») et le médecin du travail entre le 12 mai 2016 et le 24 octobre 2016 sur la situation du salarié, dont il résulte que

* l’employeur a indiqué au médecin du travail le 12 mai 2016 avoir organisé une nouvelle visite médicale pour le salarié, précisant avoir, du fait des plaintes de ce dernier depuis mars 2016 relatives à des douleurs au bras et à l’épaule, aménagé depuis cette date son poste de travail «’pour éviter les montages d’opérations en hypermarché’», avoir constaté que l’avis d’aptitude du 29 avril 2016 ne comportait toutefois aucune restriction médicale nécessitant un aménagement de poste alors que son médecin traitant avait par certificat médical du 5 avril 2016 (joint) considéré que le port de charges lourdes était déconseillé,

> l’employeur précisant’:

«’Etant donné qu’il éprouve des difficultés pour le port de charge et la manipulation du tire palette, une partie de son poste ne peut donc pas être réalisée, ce qui engendre de la charge supplémentaire pour l’équipe qui doit compenser. Enfin, nous sommes très inquiet quant à la poursuite de son poste dans des conditions de sécurité optimales’»,

> l’employeur demandant au médecin du travail son retour détaillé sur l’aptitude au poste,

> l’employeur proposant au médecin l’organisation «’d’une tournée terrain’» afin de permettre à ce dernier d’appréhender l’étendue du poste du salarié’; ce à quoi le médecin a répondu pouvoir se rendre disponible en septembre 2016,

* l’employeur a relancé le médecin du travail pour l’organisation de la tournée terrain par courriel du 12 septembre 2016′; celle-ci s’est déroulée le 12 octobre après avoir été fixée par le médecin le 29 septembre 2016,

* l’employeur a, entre-temps, le 5 octobre 2016, informé le médecin du travail de ce qu’il ne trouvait pas de marche pied pour le salarié, celui-ci trouvant que «’c’est trop lourd’» et que «’cela ne servirait à rien’», lui a indiqué souhaiter être aidé dans la gestion de ce dossier notamment sur les aménagements à prévoir dans l’attente de la tournée du 12 octobre 2016 et lui a demandé s’il acceptait un point téléphonique après ladite tournée afin de travailler en collaboration sur le dossier,

* les 18 et 24 octobre 2016, l’employeur a demandé à nouveau au médecin du travail s’il était disponible pour discuter de son analyse du poste,

– un courriel produit par l’employeur (pièce n°14) adressé au salarié le 9 mai 2016 aux termes duquel la responsable manager ventes alimentaire précise d’une part, que du fait des alertes du salarié concernant son épaule, elle a préféré adapter son poste de travail depuis le 7 mars 2016 «’pour éviter d’alourdir ses douleurs’» (adaptation chaque semaine du planning merchandising de l’équipe pour lui éviter le port de charges lourdes et privilégier l’utilisation du tire palettes) et d’autre part, qu’une nouvelle visite médicale sera organisée au plus vite avec le médecin du travail qui jugera son aptitude ainsi que les restrictions éventuelles et qu’il sera toujours possible d’aménager temporairement son poste pour lui éviter «’un accident plus grave’»,

– un courrier du 28 juin 2016 adressé au salarié à la suite du premier avis d’aptitude comportant des restrictions médicales (avis du 30 mai 2016), aux termes duquel le senior manager lui demande de respecter strictement, outre les bonnes pratiques en termes de gestes et postures figurant dans un document interne, les consignes suivantes dans ses tâches quotidiennes jusqu’à la prochaine visite médicale prévue en septembre 2016′:

* en cas de réimplantation’: intervention en tant que coordinateur avec délégation de la manutention,

* en cas de montage d’opérations’; faire appel à ses collègues de travail, aux renforts saisonniers ou à son manager à la moindre douleurs et en cas de difficulté,

– des captures d’écran relatives à une messagerie interne à l’entreprise adressant des félicitations au salarié pour la bonne gestion d’opération, notamment en avril et janvier 2016,

– un échange de courriels des 13 et 16 janvier 2017 dont il résulte que le salarié a demandé à la manager des ventes si elle était d’accord pour qu’il demande sa mutation et postule sur le poste d’attaché commercial [Localité 4]-[Localité 7]’; ce à quoi sa supérieure lui a répondu’:

«’Bonjour [T],

Compte tenu de nos échanges lors de ton évaluation de fin d’année, je ne valide pas ta candidature.

Cette décision a été également validée par [Z].

Cdt »,

– le compte rendu d’évaluation de l’année 2016 comportant neuf pages (pièce n°6), qui fait apparaître les remarques du manager du mois de juin 2016 et les observations du salarié en vue de son évaluation finale, sans les commentaires du manager lors de l’évaluation finale et qui, par conséquent, est incomplet,

– les avis d’arrêt de travail pour maladie des

* 10 mars 2016,

* 3 au 18 juin 2016,

* 19 au 24 décembre 2016,

* 9 décembre 2017 au 9 janvier 2017,

* 17 au 21 janvier 2017.

Aucun élément objectif ne permet de corroborer et d’établir les griefs du salarié en ce qui concerne les pressions psychologiques à son égard, sa mise à l’écart, le refus de l’employeur de déclarer un accident du travail et le refus de mutation interne.

En effet, l’employeur a, au vu des pièces produites par le salarié, seulement exercé son pouvoir de contrôle à l’égard du salarié dans le suivi des missions confiées et aucun des messages produits n’est rédigé d’une façon non adaptée à la situation.

Il ne ressort pas de ces pièces que l’employeur aurait pris des mesures destinées à écarter le salarié, ni que le salarié aurait été victime d’un accident du travail, le courriel produit par l’employeur (pièce n°14) auquel le salarié fait référence ne suffisant pas à démontrer l’existence d’un tel accident.

En revanche, pris dans leur ensemble, les autres faits établis en ce compris la dégradation de l’état de santé du salarié – le non-remboursement des notes de frais, la non-adaptation du poste de travail en l’absence notamment de marche pied adapté et le refus de la mutation interne injustifié selon le salarié – sont autant d’agissements répétés qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

L’employeur, qui conteste tout acte de harcèlement moral à l’encontre du salarié, rétorque que les notes de frais n’ont pas été remboursées du fait de la négligence de celui-ci qui n’avait pas transmis les justificatifs en dépit des relances adressées, qu’il a été diligent dans la mise en place des préconisations du médecin du travail et a notamment demandé au salarié de choisir le marche pied sur une liste disponible sur intranet puis, aucun marche pied ne paraissant adapté, l’a autorisé à l’acheter directement contre remboursement, ce que le salarié n’a pas fait malgré les relances.

Il verse aux débats les pièces suivantes’:

– des courriels de septembre, novembre et décembre 2016 adressés au salarié, lui demandant de transmettre ses notes de frais et la réponse de ce dernier qui explique ne pas avoir retrouvé ses justificatifs dans ses cartons stockés dans le sud de la France après son déménagement,

– les comptes rendus d’évaluation de l’année 2016 (à mi-année et en fin d’année, ce dernier comportant 13 pages), produits dans leur intégralité qui pointent en substance sa communication irrégulière, les relances régulières pour obtenir des réponses aux questions de son supérieur qui doit attendre parfois une semaine, les «’relevés PDL’» non réguliers.

Il est notamment relevé les éléments suivants par le manager’:

«’13 magasins n’ont pas été relevé entre juin et fin novembre 2016 et à date 4 magasins ne le sont toujours pas alors que [T] s’y était engagé. En 2015, nous avions constaté le même problème (…)’ Sur le 1er semestre, comme noté dans l’évaluation à mi-parcours, au 10 juin 2016, 5 magasins n’avaient toujours pas été relevés en PDL, la même problématique se reproduit quelques mois après. Je constate donc qu’aucun effort n’est fait»’; ce à quoi le salarié a répondu «’J’ai conscience que je dois m’améliorer sur la régularité des relevés PDL’».

Par ailleurs, le manager mentionne la non-atteinte des deux objectifs fixés à mi-parcours’:

«’Faire 3 RDV décideurs d’ici fin d’année en ayant au préalable envoyé le dossier + plan de croissance à son manager avant le RDV + compte rendu par mail. Malheureusement, aucun dossier envoyé en amont. Je n’ai donc aucune visibilité et aucune possibilité de t’aider à progresser. Les plans de croissance ne sont toujours pas enregistrés et les CR pas faits. [T] n’a pas souhaité me montrer les dossiers ce jour.

Je te demande à nouveau de m’envoyer tes préparations de RDV pour te conseiller et d’aider à créer de la valeur ajoutée chez le client.

«'(…) mettre en place le LOS avec dossier photos à fin octobre dans 5 mag du TOP 10 (choix des magasins). Cela n’a été mis en place qu’à KRFM St Fons. 1/5 réalisé’».

Enfin, le manager fait état des problèmes de santé rencontrés par le salarié ayant entraîné l’aménagement de son poste de travail, puis relève que le salarié connaît bien son poste mais n’a pas délivré pour l’année écoulée des résultats d’excellence, le niveau d’exigence n’était pas au rendez-vous, ni la motivation, les process de l’entreprise sont souvent remis en question, il n’a pas réussi une belle année 2016 du fait d’un manque de motivation dès le début de l’année,

– le courriel (pièce n°14) évoqué par le salarié et analysé ci-dessus dont il résulte que l’employeur a adapté le poste dès les plaintes de son employé début mars 2016 et a pris contact avec la médecine du travail,

– un échange de courriels entre la manager des ventes alimentaires et la manager relations employés du 2 juin 2016 (pièce n°35) dont il résulte que la hiérarchie a, avant même la visite médicale du 30 mai 2016, pris des mesures pour adapter le poste du salarié («’aucun montage d’op et pas de merchandising en HM le samedi’») et a envisagé une modification de l’emploi du temps du salarié,

– un courrier recommandé du 28 juin 2016 de la direction informant le salarié de ce que, à la suite des restrictions préconisées par le médecin du travail dans son avis du 30 mai 2016 (éviter la manutention) et de son aptitude provisoire, il devrait respecter strictement les consignes temporaires jusqu’à la nouvelle visite prévue en septembre 2016 (réimplantation possible en tant que coordinateur avec délégation de la manutention et appel aux collègues de travail ou manager pour le port des charges en cas de montage d’opérations),

– l’évaluation de l’année 2016 comportant au titre des commentaires du salarié l’évocation d’une «’période de restrictions de merchandising et de port de charges’»,

– un échange de courriels des 26 et 30 septembre 2017 entre le salarié et son manager dont il ressort qu’après avoir indiqué que l’escabeau figurant en ligne n’était pas adapté, le salarié avait convenu avec sa supérieure d’acheter un marche pied contre remboursement mais qu’il n’avait toujours pas acheté ce matériel le 30 septembre, ce qui avait conduit sa manager à le relancer.

Au vu de ces éléments objectifs, l’employeur démontre que :

– le remboursement des frais n’a pas eu lieu faute pour le salarié de produire en temps utiles les justificatifs et de solliciter ce remboursement,

– le travail du salarié ne correspondait pas aux attentes de sa hiérarchie, les objectifs fixés n’étant pas atteints et un manque de motivation étant souligné’; ce qui justifie le refus de mutation interne,

– la hiérarchie a anticipé l’aménagement du poste dès les premières plaintes du salarié relatives aux douleurs ressenties à l’épaule, a maintenu cet aménagement postérieurement à l’avis d’aptitude avec restrictions du 30 septembre 2016 tout en sollicitant l’implication du médecin du travail et a confié au salarié le soin d’acquérir contre remboursement un marche pied adapté, celui qui était en stock ne lui convenant pas, mais elle a dû le relancer sur ce point.

Ainsi, l’employeur prouve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Certes l’acquisition du marche pied incombait au salarié, l’employeur s’étant engagé à procéder au remboursement du matériel.

Mais aucun élément du dossier ne permet de retenir que le salarié aurait sollicité l’employeur pour que celui-ci fasse lui-même les recherches en vue de l’acquisition de ce matériel adapté.

En tout état de cause, ce seul fait ne saurait constituer un agissement de harcèlement moral.

Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre les conditions de travail et la dégradation de l’état de santé du salarié.

Il s’ensuit que le harcèlement moral n’est pas établi.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral et du licenciement nul.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail.

L’article L 1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l’espèce, le salarié se réfère à son argumentation présentée au soutien du harcèlement moral pour solliciter l’indemnisation, à titre subsidiaire, de son préjudice résultant de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.

Au vu des développements précédents, il n’est pas démontré un manquement à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat, en sorte que la demande sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le remboursement des frais.

Il est constant que l’employeur est redevable envers le salarié du remboursement de frais professionnels depuis novembre 2016, à hauteur de 179,48 € au vu des justificatifs produits en originaux par le salarié.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser cette somme au salarié.

Sur le licenciement.

L’article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à une cause réelle et sérieuse.

L’article L 1235-1 du même Code prévoit que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur reproche au salarié’les griefs suivants’:

– dysfonctionnements constatés en décembre 2016 et janvier 2017 (planning de travail illisible) entraînant le mécontentement général de ses clients principaux,

– manque de rigueur dans le pilotage d’activité avec son manager, ce qui rend le suivi de son activité impossible,

– incohérences entre son emploi du temps et des frais de péage douteux ainsi que des frais d’essence et un kilométrage important du véhicule de service.

La lettre de licenciement est ainsi en partie rédigée’:

«’Vous êtes attaché commercial sur le Sud de [Localité 6] dans l’équipe de [K] [U].

A ce titre, vos missions consistent notamment à’:

* Piloter et suivre votre activité commerciale de votre portefeuille clients,

* Rentabiliser votre activité par une organisation efficace et des visites commerciales ciblées avec des rendez-vous planifiés, des relevés de résultats et clôtures de visite.

A ces fins, l’entreprise a mis à votre disposition des outils de reporting’; 360 Connect, Salesforce et Chatter sur lesquels vous avez été formé et que vous savez utiliser. Vous devez y reporter votre planning de travail, les magasins visités, saisir les indicateurs de business et clôturer chaque visite et ce, quotidiennement.

La régularité de votre activité et le passage chez vos clients, ainsi qu’une communication quotidienne et fiable des résultats de vos visites ont un impact direct sur les performances de votre équipe, et plus généralement de Coca Cola European Partners. C’est notamment à partir de ces éléments-là que sont calculées vos primes variables.

Or, en décembre 2016 et janvier 2017, votre manager a constaté de multiples dysfonctionnements sur la réalité de votre activité pendant votre temps de travail. (…)’

De plus, plusieurs exemples flagrants d’un manque de rigueur également dans votre pilotage d’activité avec votre manager le témoignent’:

– Le/1/2017, il vous est demandé un retour sur une vitrine Monster qui a disparu dans le Carrefour [Localité 8]. Aucune réponse à ce jour.

– Le 1/12/2016′: votre manager vous demande rectifier les parts de linéaires non saisies depuis Juin par email. Malgré les relances des 6/12/2016, et 8/12/2016, vous finissez par répondre partiellement le 12/12/2016.

– Le 25/11/2016, il vous est demandé un retour sur les racks disponibles dans le magasin Carrefour [Localité 8]. Aucune réponse à ce jour.

Et plus dernièrement, votre manager a du vous appeler et vous envoyer un email le 24/1/2017 pour savoir si vous aviez repris votre activité. Vous ne vous êtes manifesté qu’à 16h42.

A chaque demande, il devient de plus en plus compliqué d’obtenir des réponses. Cela rend impossible le suivi de votre activité et questionne sérieusement votre emploi du temps. (…)».

Il résulte du rapport d’évaluation de l’année 2016 analysé dans le cadre des demandes liées au harcèlement moral prétendu ‘ dont le contenu n’est pas contesté par l’appelant – que le salarié ne communiquait pas de façon régulière les résultats de ses visites, n’utilisait que très peu les outils de communication interne mis à sa disposition, était relancé régulièrement par son manager qui pouvait attendre une réponse urgente pendant une semaine et que celui-ci s’interrogeait sur sa motivation et son engagement professionnels.

De plus, l’employeur établit, par la production d’un échange de courriels, avoir demandé au salarié le 2 janvier 2017 les raisons du retrait de la vitrine dite Monster dans le magasin Carrefour de [Localité 8] constaté le 30 décembre 2016, avoir dû relancer le salarié le 6 janvier 2017 et avoir obtenu ce jour-là une réponse partielle, le salarié n’ayant pas pu obtenir les éléments de réponse utiles.

De même, il démontre par la production d’un autre échange de courriels, avoir demandé au salarié le 1er décembre 2016 de lui envoyer le tableau de suivi des PDL non saisies depuis juin pour le lendemain 2 décembre 2016, avoir reçu une réponse précisant que les saisies n’avaient pas été faites, l’avoir relancé les 6 et 8 décembre 2016 pour quatre magasins non saisis contrairement à ses engagements et avoir obtenu une réponse partielle le 12 décembre 2016.

Il ressort de ces éléments que, alors que des remarques lui avaient été faites sur le manque de communication et de réactivité aux demandes lors de l’entretien d’évaluation tenu mi-juin 2016, la situation ne s’était pas améliorée lors du bilan de fin d’année 2016 et s’est poursuivie jusqu’en janvier 2017.

Ainsi, le fait de ne pas communiquer sur les saisies correspondant à son activité professionnelle et de ne pas être diligent et réactif est établi et suffit à lui seul à justifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit le licenciement justifié.

Sur les demandes accessoires.

L’employeur sera tenu aux dépens de l’instance.

Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME l’intégralité des dispositions du jugement du 18 juin 2019 du conseil de prud’hommes de Montpellier’;

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Coca Cola European Partners France aux entiers dépens de l’instance’;

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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