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ARRÊT DU
25 Novembre 2022
N° 1836/22
N° RG 20/02176 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TIK7
OB/NB
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Tourcoing
en date du
12 Octobre 2020
(RG 19/00241)
GROSSE :
aux avocats
le 25 Novembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [R] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Krystel SCOUARNEC, avocat au barreau de LILLE substitué par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE
INTIMÉE :
S.A.S. BERNARD
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Ruth CARDOSO EZVAN, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS : à l’audience publique du 04 Octobre 2022
Tenue par Olivier BECUWE
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Olivier BECUWE
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Isabelle FACON
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 septembre 2022
EXPOSE DU LITIGE :
Engagé à durée indéterminée en mars 1999 en qualité de ‘chef de groupe produit’ par la société Bernard France (la société), devenu en septembre 2012 ‘directeur merchandising hygiène, entretien et services généraux’ pour un salaire mensuel brut moyen s’élevant, en dernier lieu, à la somme de 9 418 euros, M. [F], invité à s’expliquer auprès de la direction en janvier 2018 sur des allégations de harcèlement sexuel à la suite du signalement auprès d’elle du mari d’une salariée, a été, à la suite d’une enquête interne menée sous l’égide de la responsable des ressources humaines en février 2018, mis à pied à titre conservatoire et convoqué, le 1er mars 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Les résultats de l’enquête ayant été présentés, le 14 mars 2018, au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en présence de la médecine du travail et de l’inspection du travail, l’employeur a, selon lettre du 19 mars 2018, licencié pour faute grave M. [F] lui reprochant, pour l’essentiel, ‘un comportement inapproprié constitutif d’une dérive managériale caractérisée s’illustrant par des propos et des comportements de type harcèlement, à connotation sexuelle, envers l’ensemble de l’équipe, certains salariés ayant pu être plus exposés que d’autres’.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Tourcoing de demandes de ce chef dont il a été débouté selon jugement du 12 octobre 2020.
M. [F] a, selon déclaration du 30 octobre 2020, fait appel de ce jugement dont il demande, par ses conclusions notifiées le 17 décembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, l’infirmation et la condamnation de l’employeur au titre de la nullité du licenciement ou, à tout le moins, de son absence de cause réelle et sérieuse.
Soutenant, pour l’essentiel, que la véritable cause du licenciement est d’ordre économique, il conteste les faits allégués et, exposant avoir subi un choc émotionnel après avoir reçu la convocation à l’entretien préalable, prétend qu’ainsi victime d’un accident du travail, il bénéficiait de la protection prévue à l’article L.1226-7 du code du travail.
Par des conclusions en réponse notifiées le 22 février 2021, la société sollicite la confirmation du jugement, s’en appropriant les motifs qui se basent sur les conclusions de l’enquête interne.
MOTIVATION :
S’il appartient au juge de rechercher la véritable cause du licenciement, celle-ci étant, selon l’appelant, de nature économique, l’existence de difficultés économiques ne saurait réfuter en soi le motif disciplinaire allégué si ce dernier est établi.
S’il est exact que la société a rencontré des difficultés économiques, un plan de sauvegarde de l’emploi ayant été adopté en août 2014, il ne résulte d’aucune des pièces versées aux débats que ses effectifs ou ses bénéfices aient diminué de façon notable à une époque contemporaine au licenciement, étant ajouté que le poste de M. [F] n’apparaît pas avoir été supprimé.
En outre, l’employeur invoque des faits matériels à la suite d’un signalement du mari d’une salariée placée sous les ordres de M. [F] et finalement placée en arrêt de travail.
De tels faits, s’ils devaient être retenus, ne peuvent évidemment pas être constitutifs, au regard de la chronologie, d’un effet d’aubaine pour masquer une autre cause de licenciement.
Il n’est pas contestable que le choc psychologique, attesté par les pièces médicales, ressenti par le salarié le 1er mars 2018 en fin d’après-midi, à la suite de sa mise à pied et de sa convocation le même jour par l’employeur à un entretien préalable, caractérise, nonobstant le refus de prise en charge de la caisse, un accident du travail au regard de sa soudaineté.
La protection prévue par l’article L.1226-7 du code du travail, assurée même si, comme en l’espèce, ledit accident présente un lien avec les faits à l’origine de la rupture, limite les cas de licenciement et autorise celui pris au motif de faute grave.
Dès lors, le litige est profondément factuel et réside dans le fait de savoir si les agissements reprochés, non constitutifs, de l’aveu même de l’employeur qui venait d’en être saisi et de l’inspection du travail, de harcèlement moral à proprement parler, ont été commis et justifient la qualification de faute grave.
L’enquête interne, menée auprès de six personnes placées sous la direction de M. [F] ou en collaboration étroite avec ce dernier, révèle, outre les témoignages supplémentaires d’une autre salariée ayant quitté le service et de celle dont le mari a dénoncé les faits, que l’appelant faisait régulièrement des allusions à caractère sexuel de nature à mettre mal à l’aise et même à déstabiliser ses interlocutrices.
Qu’il n’ait pas su ou voulu s’en apercevoir, M. [F], malgré, d’une part, de bons bilans financiers qui lui ont d’ailleurs permis de rapidement retrouver chez un autre employeur des fonctions de même niveau et, d’autre part, l’esprit d’équipe qu’il a pu insuffler par un management parfois excentrique, apparaît s’être laissé aller à des remarques et à un comportement déplacés dont la lourdeur le dispute à l’incongruité.
C’est dès lors à juste titre, et sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le conseil de prud’hommes a rejeté l’ensemble des demandes, les faits retenus empêchant le maintien dans l’entreprise du salarié.
Il sera équitable de condamner M. [F], qui sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles ayant succombé en son appel, à payer à la société la somme de 1 800 euros à titre de frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour d’appel statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi :
– confirme le jugement ;
– condamne M. [F] à payer à la société Bernard France la somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
– rejette le surplus des prétentions ;
– condamne M. [F] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER
Valérie DOIZE
LE PRESIDENT
Olivier BECUWE