Merchandising : 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/00771

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Merchandising : 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 19/00771
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ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 704/22

N° RG 19/00771 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SHRY

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS

en date du

07 Mars 2019

(RG 17/00233 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [T] [U]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Patrick KAZMIERCZAK, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE :

S.A.S.U. JT INTERNATIONAL FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS :à l’audience publique du 26 Avril 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 01 Décembre 2021

EXPOSE DES FAITS

 

[T] [U] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 octobre 2008 par la société JAPAN TOBACCO INTERNATIONAL France en qualité de délégué commercial, statut employé, classification 1.3 de la convention collective des entreprises de la publicité et assimilés, sur la base d’un volume horaire de 35 heures hebdomadaires et moyennant une rémunération annuelle brut de 20800 euros augmentée de primes.

Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 octobre 2016 à un entretien le 4 novembre 2016 en vue d’une mesure pouvant aller jusqu’à son licenciement. A l’issue de cet entretien, son licenciement pour une cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 novembre 2016.

 

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

« Vous avez intégré la société JT International France sous contrat à durée indéterminée en date du 27/10/2008 en qualité délégué commercial.

A ce titre, il vous appartenait de développer et fidéliser votre portefeuille de clients, en adéquation avec la politique globale et stratégique de la Société et dans le respect des procédures et instructions de votre direction des opérations. En outre, il vous appartenait de déclarer vos visites sous réserve d’avoir négocié auprès du décideur (renseigné comme tel dans Siebel), et mené une action commerciale au cours de cette visite.

Or, nous avons eu le regret de constater à la suite du contrôle terrain réalisé par votre manager, Monsieur [O] [D], courant septembre et octobre 2016, les griefs suivants :

– Déclarations de visite à «La Civette – client 066415» les 04/07/16, 29/08/16, 12/09/16

Vous avez déclaré avoir visité par 3 reprises cet établissement depuis juillet 2016, alors que nous n’enregistrons aucun volume de cigarettes pour ce client depuis mars 2016. De surcroît, vous avez déclaré sur Siebel un type d’implantation merchandising en date du 12/09/2016 dans cet établissement alors qu’il a été constaté après contrôle de votre manager en date du 16 septembre 2016 que le tabac était vide et ce depuis plus de 6 mois.

De surcroit, vous déclarez des visites les 29/08/16 et 12/09/16, alors que la responsable tabac déclare ne pas vous avoir vu depuis votre départ en congé d’été au mois de juillet 2016.

– Déclarations de visite à «Le Tabarlet – client 066509» les 20/06/2016, 19/08/2016, 09/09/2016 Vous avez déclaré avoir visité par 3 reprises cet établissement depuis juin 2016, alors que nous n’enregistrons aucun volume de cigarettes pour ce client depuis mars 2016. De surcroît, vous avez déclaré sur Siebel un type d’implantation merchandising en date du 09/09/2016 dans cet établissement alors qu’il a été constaté après contrôle de votre manager en date du 16 septembre 2016 que l’établissement était fermé depuis au moins 3 mois !

– Déclarations de visite à «Le Chiquito – client 060977» les 30/08/2016 et 14/09/2016 Vous avez déclaré avoir visité cet établissement les 30/08/16 et 14/09/16 alors que le débitant déclare auprès de votre manager à l’occasion de son contrôle du 12/10/2016 ne pas se souvenir d’une quelconque visite de votre part depuis juillet 2016.

Le suivi de l’activité des commerciaux s’exerçant pour l’essentiel dans un cadre déclaratif, il est fondamental pour l’entreprise que chacun respecte scrupuleusement les procédures internes tant au niveau de la politique commerciale que des tâches administratives, et ce de façon loyale.

Or ces faits inacceptables constituent un manquement grave à vos obligations contractuelles, et mettent en cause la bonne marche de l’entreprise tout en portant atteinte à ses intérêts et à son image.

Les explications recueillies auprès de vous lors de votre entretien, ne nous ont pas permis modifier notre appréciation des faits. Aussi, nous avons décidé de vous licencier en raison des manquements à vos obligations contractuelles qui viennent d’être évoqués.

Votre préavis d’une durée de 2 mois débutera à la date de première présentation de cette lettre.

Nous vous informons toutefois que nous vous dispensons de toute activité pendant votre préavis, votre rémunération vous étant versée aux échéances habituelles.»

Par requête reçue le 24 août 2017, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes de Lens afin de faire constater l’illégitimité de son licenciement et d’obtenir le versement d’indemnités de rupture.

 

Par jugement en date du 7 mars 2019, le Conseil de Prud’hommes l’a débouté de sa demande et a laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 20 mars 2019, [T] [U] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 1er décembre 2021, la procédure a été clôturée et l’audience des plaidoiries a été fixée au 26 avril 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 29 novembre 2021, [T] [U] sollicite de la Cour l’infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

– 4540 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

– 25804,32 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 2400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

 

L’appelant expose que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les faits relatés dans la lettre de licenciement ne sont pas objectivement vérifiables, que de 2009 à 2011, lorsque son chef de secteur était différent, les commentaires sur son travail étaient élogieux, que c’est à compter de l’arrivée de [O] [D] comme chef de secteur que les relations se sont nettement dégradées, que son employeur l’a sanctionné au motif qu’il avait fait des visites commerciales auprès de clients rencontrant des difficultés financières et économiques, que l’intimée ne démontre pas l’absence d’implantation merchandising le 12 septembre 2016, qu’il avait bien rencontré le commerçant et renseigné une enquête sur le type d’implantation de la caisse, que l’intimée a commis des manquements à son obligation de sécurité de résultat, que dès 2012, il avait adressé un mail à sa hiérarchie pour alerter sur sa situation, que [O] [D] n’a cessé de le rabaisser, qu’un climat délétère permanent a perduré jusqu’à son licenciement, qu’il était constamment pénalisé dans les redécoupages de secteur, que la pression a duré jusqu’à ce qu’il se retrouve en arrêt de travail le 27 avril 2016, que le médecin traitant a décelé un ‘burnout secondaire à un état conflictuel permanent à son supérieur hiérarchique’, que l’intimée aurait dû permettre sa mutation géographique dans la région Languedoc Roussillon comme il l’avait demandé, qu’il n’a reçu aucun avertissement ni blâme ni rappel à l’ordre préalablement à son licenciement, qu’il a subi un grave préjudice du fait de celui-ci, qu’il jouissait d’une ancienneté de huit ans et a bénéficié pendant les trois dernières années d’augmentations, qu’il est père de trois enfants, que l’indemnité allouée doit correspondre à douze mois de salaire.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 30 novembre 2021, la société J T INTERNATIONAL intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire la limitation de l’indemnité revendiquée à la somme 15721,78 euros et en tout état de cause la condamnation de l’appelant à lui verser 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

L’intimée soutient que le groupe JAPAN TOBACCO INTERNATIONAL a mis en ‘uvre depuis de nombreuses années un dispositif d’évaluation de la performance de ses collaborateurs dénommé «Dialogue», que dans le cadre de cet outil, chaque collaborateur bénéficie d’une évaluation biannuelle qui permet de déterminer un niveau de contribution globale évalué en fonction d’une échelle comprise entre 1 et 5, que pour les années 2013 à 2015 les codes de contribution de l’appelant ont oscillé entre 2,3 et 2,6, que les fiches de détermination des revalorisations salariales pour les années concernées prévoyaient un budget moyen d’augmentation de salaire au mérite de 2,5% pour chacune des années 2014, 2015 et 2016, que l’appelant était éligible à des revalorisations salariales comprises entre 0 et 4,5% en 2014 et 2015 et 0 et 5% en 2016, que pour chacune de ces trois années, il n’a obtenu que 0,5%, qu’après huit années de collaboration, il n’avait toujours pas atteint le niveau lui permettant le passage au statut d’attaché commercial alors qu’un délégué commercial est en principe considéré comme confirmé à l’issue d’une période comprise entre douze et vingt-quatre mois d’expérience, que les chefs des ventes effectuent régulièrement des journées de suivi au cours desquelles ils accompagnent le délégué commercial dans les visites qu’il réalise auprès de sa clientèle cible, que l’appelant a régulièrement bénéficié de cet accompagnement, qu’au cours des mois de septembre et octobre 2016, [O] [D], supérieur hiérarchique de l’appelant, a été amené à effectuer un contrôle des actions déclarées en juillet et août par ce dernier, que ce contrôle a fait apparaître de nombreuses irrégularités, que l’appelant a procédé, sur la période, à de multiples déclarations ne correspondant pas à la réalité, qu’il a déclaré de fausses visites et des opérations de merchandising imaginaires dans le seul but de faire croire qu’il accomplissait correctement ses fonctions, qu’il a fait preuve d’un manque de loyauté à l’égard de son employeur, qu’il ne peut arguer d’une quelconque surcharge de travail qui l’aurait empêché de travailler correctement ou aurait été de nature à porter atteinte à sa santé, que le certificat médical établi par le médecin de l’appelant est de pure complaisance et révèle une violation manifeste des règles déontologiques qui s’imposent à tout praticien, que l’appelant a perçu une indemnité de licenciement d’un montant de 7461,09 euros, qu’il a donc été entièrement rempli de ses droits, qu’il ne démontre pas l’existence d’un quelconque préjudice lui permettant de solliciter une indemnité d’un montant supérieur au minimum prévu par l’article L1235-3 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l’espèce.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Attendu en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, sur les manquements à l’obligation de résultat allégués dans le corps des écritures de l’appelant que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties ; que ce chef de demande ne figurant pas dans le dispositif des conclusions de l’appelant, la cour n’en est pas saisie ;

Attendu en application de l’article L1232-1 du code du travail qu’il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont l’établissement par l’appelant de déclarations de visites de trois débits de tabac entre le 20 juin et le 14 septembre 2016 faisant état de faits inexacts révélés par le défaut d’enregistrement de commandes de cigarettes depuis mars 2016, les déclarations des gérants des débits et l’absence d’implantation merchandising ;

Attendu qu’aux termes de l’article 2 du contrat de travail, la première mission de l’appelant en sa qualité de délégué commercial consistait à développer les volumes et la part de marché de la société sur son secteur, en assurant la visite régulière d’une clientèle de débitants de tabac et de revendeurs ; que s’agissant des débits de tabac à l’enseigne «La Civette» et «Le Tabarlet» situés respectivement à [Localité 3] et à [Localité 5], relevant de sa compétence, il résulte du courriel en date du 19 septembre 2016 transmis par [O] [D], chef des ventes, à l’appelant que celui-ci a déclaré, au moyen d’une saisie informatique, avoir effectué les 4 juillet, 29 août et 12 septembre 2016 la visite du premier établissement et les 20 juin, 19 août et 9 septembre 2016 celle du second ; que toutefois, le contrôle sur le terrain réalisé le 16 septembre 20126 a fait apparaitre que le débit « leTabarlet » était fermé depuis trois mois au moins ; que le second ne commercialisait plus depuis plus de six mois de tabac, remplacé par la vente d’accessoires divers ; que la responsable de ce dernier débit a ajouté qu’elle n’avait pas eu l’occasion de rencontrer l’appelant depuis le début des vacances de ce dernier en août ; qu’en outre, selon la procédure en cours au sein de l’entreprise, l’absence de commande durant une période de trois mois consécutifs devait conduire l’appelant à proposer la déclassification du débit de tabac concerné ; que dans le second cas, ce dernier ne pouvait ignorer le changement de politique commerciale suivie par le responsable du Tabarlet puisqu’il l’avait rencontrée au mois de juillet et qu’à cette date cette dernière ne vendait plus de tabac ; qu’il ne pouvait donc soutenir sérieusement, comme il l’allègue dans son courriel en réponse du 22 septembre 2016, que ses deux clients rencontraient des difficultés mais que leur situation allait s’arranger et que pour ce motif il n’avait pas proposé qu’ils soient déclassifiés ; que de même, il ne peut alléguer un simple oubli alors qu’il a par ailleurs, en connaissance de cause, enregistré au moins six déclarations de visites imaginaires ; que l’appelant ne démontre aucun lien de causalité entre les manquements qu’aurait commis la société à son obligation de résultat et les faits qui lui sont reprochés ; qu’au demeurant, le fait qu’il lui aurait été attribué dans sa zone, comme il le soutient, un nombre de détaillants supérieur à celui que devaient gérer ses collègues commerciaux, ne saurait justifier des déclarations fallacieuses répétées, faussant la perception de l’employeur de son activité réelle ; que l’appelant ne peut prétendre qu’il était un bon salarié obtenant de bons résultats ; que sur la fiche d’évaluation pour l’année 2015, son notateur constate qu’il n’était toujours pas au niveau attendu pour un délégué commercial malgré une expérience au sein de l’entreprise de plus de sept années et ajoute qu’il stagnait et ne démontrait pas d’envie de réussir et de progresser ; qu’il s’ensuit, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les griefs concernant la déclaration de visite du «chiquito » que le licenciement de l’appelant est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Attendu que l’appelant ne justifie pas que la société soit redevable d’un reliquat d’indemnité de licenciement qu’il évalue à 4540 euros ;

Attendu qu’il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l’intimée les frais qu’il a dû exposer en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré,

 

ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE [T] [U] à verser à la société JAPAN TOBACCO INTERNATIONAL FRANCE 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

N. BERLY

LE PRESIDENT

P. LABREGERE

 


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