Merchandising : 19 juin 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-12.269

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Merchandising : 19 juin 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-12.269
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SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 juin 2019

Rejet non spécialement motivé

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président

Décision n° 10704 F

Pourvoi n° G 18-12.269

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Mephisto, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 19 décembre 2017 par la cour d’appel de Metz (chambre sociale, section 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. C… N…, domicilié […] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est […],

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 21 mai 2019, où étaient présents : Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de Me Balat, avocat de la société Mephisto, de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. N… ;

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mephisto aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Mephisto à payer à M. N… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Mephisto

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que le licenciement de M. N… était sans cause réelle et sérieuse et d’avoir condamné la société Mephisto à lui verser à ce titre la somme de 45.000 € de dommages et intérêts ainsi qu’une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et d’avoir ordonné le remboursement par la société Mephisto aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois ;

AUX MOTIFS QU’ aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu’ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur doit toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ; qu’en l’espèce, M. N… a été convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 7 juin 2013, à l’issue duquel il a été licencié par lettre du 11 juin 2013 en ces termes : « Je fais suite à notre entretien en date du 7 juin 2013 au cours duquel je vous ai exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement. Nous vous avons engagé à compter du 7 mars 2011 en qualité de Directeur du développement V…, emploi classé cadre hors classification par la convention collective applicable à notre société. Dans le cadre de vos fonction vous deviez notamment : – déterminer les possibilités du marché et suivre en permanence les évolutions afin de définir les objectifs de vente et la stratégie commerciale – établir un programme de vente pour parvenir aux objectifs – proposer des campagnes publicitaires à mettre en oeuvre – assurer le suivi et l’optimisation des Mephisto STORES (MS), des ALLROUNDER STORES (AS), des SHOP IN SHOP (SIS) en France et en Europe – acquérir des nouveaux clients qui souhaitent ouvrir des MS, AS, SIS – revoir l’agencement et l’organisation des magasins – rechercher des nouveaux emplacements pour les MS, AS, SIS – développer de nouvelles stratégies retail – organiser et contrôler l’ensemble des activités MS, AS, SIS. Nous sommes obligés de constater un peu plus de deux années après votre embauche que vous n’avez pas assuré vos fonctions de manière satisfaisante, en tous les cas pas de la manière dont nous sommes en droit de l’attendre de la part d’un cadre classé hors classification. Ainsi, à titre d’exemples, sans qu’ils puissent être considérés comme limitatifs, vous n’avez jamais vraiment analysé les possibilités du marché. Partant de là, vous n’avez établi ni objectifs de vente, ni stratégie commerciale pour parvenir aux objectifs et encore moins proposé de campagnes de publicité à mettre en oeuvre. Vous n’avez pas fait le travail de fond attendu concernant le suivi et l’optimisation des Mephisto-Shops, des Allrounders-Shops et des Shops-in-Shops. C’est la raison pour laquelle aucune structure organisationnelle pour le développement de ce type de magasins n’a été mise en place par vos soins. Il en est de même pour la mise en place du merchandising qui vous incombait. Concernant le développement des magasins et des emplacements que vous étiez censé trouver force est de reconnaître là encore que vous n’avez pas assuré véritablement vos fonctions. Vous vous êtes entièrement reposé sur l’expérience de notre client de longue date, M. I…, alors que justement il vous était demandé de trouver de nouveaux clients. Au surplus, l’expérience de M. I… lui permettait d’ouvrir des points de vente sans aucune assistance. Vous n’avez pas su mener à bien la réflexion sur les Mephisto-Concept-Stores parce que vous n’avez traité que superficiellement ce dossier. C’est ainsi qu’au cours d’une réunion avec le soussigné vous avez affirmé à propos du Mephisto-Shop de Trèves que celui-ci avait fait l’objet d’une rénovation complète en 2008. En réalité, il s’est avéré qu’à cette date a été livré un élément de mobilier, que le magasin n’avait fait l’objet d’aucune rénovation, et que le reste du mobilier datait de 1999. Vous deviez vous occuper du Mephisto-Shop de Constance. Là encore, rien n’a été entrepris alors que celui-ci ne correspond absolument plus au concept. Son état est tel qu’il porte atteinte à l’image de marque des Mephisto-Shops et donc de notre société et de ses produits. Aujourd’hui, vous n’avez mis en place aucune stratégie retail. Aucune organisation, aucun contrôle de l’ensemble des activités Mephisto-Shop, Allrounder-Shop et Shop-in-Shop n’existent. Vous deviez insuffler une nouvelle dynamique dans le retail, assurer la croissance future et la pérennité de l’entreprise et du groupe dont elle fait partie. Tel n’est pas le cas. Vous deviez également mettre en place « l’ecommerce » pour l’Allemagne et l’Autriche. Votre carence a obligé le soussigné à intervenir directement dans ce dossier. Les nombreuses erreurs sur les pages Web, les retards dans les livraisons de chaussures, alors même que les chaussures à livrer étaient disponibles, nous ont obligés à retarder l’ouverture de la boutique prévue initialement pour le 1er mai. C’est au même titre de l’insuffisance de votre implication que nous expliquons les raisons de la faiblesse des ventes depuis l’ouverture de l’outlet à Ochtrup et le fait que le seuil de rentabilité ne soit pas atteint. Les observations fournies lors de l’entretien précité ne nous permettent pas de reconsidérer notre appréciation de la non-exécution de vos obligations. Aussi, pour l’ensemble des motifs ci-dessus, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Votre contrat prendra fin à l’expiration du préavis de trois mois qui prendra effet à compter de la première présentation de la présente etc…» ; qu’ainsi, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, retient une insuffisance professionnelle que l’employeur considère comme caractérisée par l’absence d’analyse des marchés et donc de définition d’objectifs de vente et de stratégie commerciale, l’absence de structure organisationnelle pour le développement des points de vente, l’absence de suivi et d’optimisation des points de vente déjà existants (en particulier les points de ventes de Trèves Constance et Ochtrup), l’absence de prospection de nouveaux clients pour ouvrir de nouveaux points de vente, l’absence de mise en place de stratégie retail, l’absence de mise en place du marchandising, l’absence de mise en place de l’« e-commerce » en Allemagne et Autriche ; que si en matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, et donc lorsque l’insuffisance professionnelle est invoquée, l’administration de la preuve n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, il a toutefois été rappelé plus haut que l’employeur devait fonder sa décision de licencier le salarié sur des faits précis et matériellement vérifiables et fournir au juge les éléments de nature à emporter la conviction de celui-ci, le salarié apportant pour sa part les éléments contraires ; qu’en l’espèce, sur les nombreux griefs retenus dans la lettre de licenciement à l’encontre de M. N…, la société Mephisto ne produit en tout et pour tout que deux attestations émanant de M. M… F…, directeur administratif et financier, indiquant, pour l’une, qu’à la date du 31 décembre 2014, le magasin d’usine d’Ochrup a enregistré une perte de 77.647,48 € ce qui a obligé la société exploitant le magasin à changer de local pour occuper un local de plus petite taille, ainsi qu’à réduire le personnel, pour l’autre, qu’aucun Mephisto-Shop dont M. N… serait à l’origine n’est exploité à Lunebourg, que celui de Düsseldorf a été ouvert le 3 février 2015, qu’aucun magasin n’est exploité à Vienne et Copenhague, qu’enfin, depuis le départ de M. N…, son successeur a ouvert les magasins de Leipzig, Berlin, Heidelberg, Düsseldorf, Constance et Karlsruhe ; que ces deux attestations proviennent d’une seule et même personne, qui se trouve être le directeur financier de la société, donc un cadre très proche de la direction ; qu’il est aussi relevé qu’aucun autre élément ne vient matériellement confirmer les affirmations qui y figurent ; qu’en tout état de cause, la première attestation relative au magasin d’Ochrup ne dit aucunement que M. N… a été à l’origine des pertes d’exploitation, M. N… attribuant, pour sa part, les difficultés financières de ce magasin à la politique financière menée par M. F…, justement ; que cette attestation n’a donc aucune valeur probante ; que s’agissant de la seconde attestation, elle se limite à énumérer certaines villes où un magasin Mephisto n’est pas implanté et celles où le successeur de M. N… en aurait implanté, ce qui ne démontre aucunement les carences professionnelles de M. N…, le succès de l’implantation d’un magasin relevant au demeurant de plusieurs facteurs et l’attestation indiquant elle-même que M. N… aurait effectué des démarches pour l’ouverture du magasin de Düsseldorf, même si le lieu choisi aurait finalement été autre ; qu’il est aussi observé qu’une seule attestation ne saurait suffire à tenir pour acquise et complète la liste ainsi relevée, d’autant que, de façon contradictoire et sans autre explication, la ville de Constance est citée comme lieu d’ouverture d’un magasin alors qu’il est dans le même temps reproché à M. N… dans la lettre de licenciement de ne pas avoir bien géré le Mephistoshop de Constance, ce dont il a y lieu de déduire qu’il existait un magasin dans cette ville avant l’arrivée du successeur de M. N… ; qu’il est relevé, par ailleurs, que le contrat de travail de M. N… prévoyait une période d’essai de six mois, donc d’une durée conséquente ; qu’à l’issue de la période d’essai, soit le 7 septembre 2011, donc vingt-et-un mois avant son licenciement, il a été estimé que M. N… remplissait correctement ses missions puisqu’elle n’a pas été rompue à l’initiative de l’employeur, ni même renouvelée ; que par ailleurs et surtout, tel qu’invoqué par le salarié, entre la fin de sa période d’essai et la remise de sa convocation à entretien préalable au licenciement, il n’est produit aucun courrier de rappel à l’ordre ou de constat de ses insuffisances à M. N… par sa direction, alors qu’il doit être relevé que les griefs retenus induisent des carences répétées sur le moyen ou long terme ; que la société Mephisto s’appuie seulement sur la motivation de sa lettre de licenciement et les deux attestations de son directeur financier pour estimer qu’elle a, pour sa part, parfaitement rempli son obligation de fonder le licenciement alors que précisément si les griefs invoqués étaient, tel qu’elle le prétend, matériellement vérifiables, il lui appartenait d’apporter à la juridiction prud’homale des éléments de nature à emporter sa conviction, ce qu’elle échoue à faire en l’espèce ; que pour sa part, M. N… invoque ses difficultés à récupérer des pièces qui sont restées dans l’entreprise lors de son départ ; qu’il produit malgré tout un certain nombre de courriels dont certains à l’origine en allemand ont été traduits par lui, ce que fait observer l’intimée sans toutefois remettre en cause le sens de cette traduction ; que dès lors, il convient de retenir ces pièces qui ont été traduites ; que les courriels produits font ressortir que M. N… assurait précisément le suivi du magasin de Constance, qu’il suivait le projet d’implantation d’un magasin à Vienne et Copenhague, villes dans lesquelles son successeur n’a manifestement pas pu non plus implanter de magasin Mephisto et qu’il était aussi occupé une bonne partie de son temps à l’ouverture du magasin « e-shop » qui a bien eu lieu en mai 2013 ; qu’il est observé sur ce dernier point, d’une part, qu’il ressort de la lettre de licenciement que cela faisait partie de ses missions ce que semble contester à certains moments de la procédure la société Mephisto, et, d’autre part, qu’il n’est pas démontré que le retard de quelques semaines mis dans l’ouverture de l’« e-shop » soit dû, tel qu’invoqué par l’employeur, à des retards de livraisons imputables au directeur du développement retail ; qu’au vu de ces éléments, il convient de conclure que le licenciement de M. N… ne repose pas sur des griefs matériellement vérifiables et qu’à tout le moins, il existe bien un doute sur les insuffisances professionnelles de ce salarié, de telle sorte que son licenciement doit être considéré sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS, D’UNE PART, QUE le salarié ne peut justifier son insuffisance professionnelle par le fait qu’il s’est trouvé débordé ou en raison d’une mauvaise organisation de l’entreprise ; qu’il en va d’autant plus en l’espèce, s’agissant d’un poste de directeur du développement qui laissait à M. N… toute latitude pour définir cette organisation ; qu’en considérant que ne pouvait être reproché à M. N… aucune insuffisance professionnelle s’agissant notamment de l’implantation de nouveaux magasins, de la définition d’une stratégie commerciale et de la fixation d’objectifs de vente, au motif qu’il avait « occupé une bonne partie de son temps à l’ouverture du magasin “e-shop” » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 5), cependant que cette circonstance n’exonérait pas M. N… de son insuffisance professionnelle, qui se trouvait au contraire caractérisée par le fait qu’il s’était trouvé débordé et n’avait pas été en mesure de prendre la mesure de sa tâche, la cour d’appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ainsi que l’article 1103 (nouveau) du code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE s’agissant des aptitudes professionnelles du salarié, le juge ne saurait prétendre substituer son appréciation à celle de l’employeur ; qu’en considérant que M. N… avait convenablement exécuté sa mission en faisant le choix d’occuper « une bonne partie de son temps à l’ouverture du magasin “e-shop” », quitte à ne pas mener à bien notamment les projets d’implantation de magasins à Vienne et à Copenhague, « villes dans lesquelles son successeur n’a manifestement pas pu non plus implanter de magasin Mephisto » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 5), la cour d’appel, qui a ainsi substitué son appréciation des aptitudes professionnelles de M. N… à celle de la société Mephisto, a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ainsi que l’article 1103 (nouveau) du code civil.

 


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