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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2020
(n° , 20 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/20833 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6MA3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/04641
APPELANTE
SCI DU BASSIN NORD représentée par ses deux gérants domiciliés audit siège en cette qualité
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 422 733 402
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant
Assistée de Me Emmanuel ROSENFELD de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06, avocat plaidant
INTIMÉE
SARL LE MADRILENE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 449 831 007
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentée par Me David PINET de l’ASSOCIATION LEBRAY & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R189
PARTIES INTERVENANTES
SELAFA MJA prise en la personne de Maître [W] [Z] désigné en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société LE MADRILENE suivant jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 2 août 2019
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Roland ELBAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0371
Maître [K] [R] désigné en qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société LE MADRILENE par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 2 août 2019
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Roland ELBAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0371
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
Madame Elisabeth GOURY, conseillère
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 29 novembre 2010, la SCI DU BASSIN NORD (la SCI) a consenti à la société LE MADRILENE un bail commercial d’une durée de dix années à compter du 1er décembre 2010 portant sur un local commercial situé au rez-de-chaussée du Centre Commercial du Millénaire à Aubervilliers (93), à usage de café, bar, brasserie, restauration, vente à emporter, licence IV, écailler, le tout à l’enseigne ‘LES DOCKS’et moyennant un loyer minimum garanti de référence (‘LMG’) de 120.000 euros hors taxes et hors charges par an outre un loyer variable correspondant à cinq pour cent (5%) du chiffre d’affaires HT du preneur. Les parties ont parallèlement convenu d’une réduction du LMG an titre des quatre premières années à compter de la date d’ouverture du Centre au public.
Par acte du 30 juillet 2014, la SCI a fait assigner la société LE MADRILENE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny (93), en paiement d’une provision sur loyers impayés. Par ordonnance du 5 novembre 2014, le juge des référés a condamné la société LE MADRILENE à payer à la SCI la somme provisionnelle de 201.750,53 euros au titre des loyers et charges impayés au 1er octobre 2014 et lui a accordé un délai de dix mois pour s’acquitter de sa dette. La société LE MADRILENE a interjeté appel de cette ordonnance puis les parties ont signé un protocole d’accord le 5 décembre 2014 mettant fin à cette procédure judiciaire.
Par acte du 23 mars 2017, la société LE MADRILENE a fait assigner la SCI devant le tribunal de grande instance de PARIS, au visa des articles L.442-6 1 2°, D.442-4 et R.l45-23 du code de commerce, et 1116, 1134, 1382 et 1219 du code civil sollicitant pour l’essentiel sa condamnation à lui payer la somme de 1.408.933 euros à titre de dommages et intérêts en raison des manquements du bailleur à ses obligations contractuelles et notamment à son obligation de commercialité, outre celle de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Par jugement en date du 31 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
Rejeté la demande de la SCI DU BASSIN NORD tendant à faire écarter des débats le procès-verbal de constat du 9 novembre 2016,
Déclaré la société LE MADRILENE recevable en ses demandes,
Dit que la SCI DU BASSIN NORD a manqué à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée,
L’a condamné à payer à la société LE MADRILENE la somme de 400.000 euros au titre du préjudice matériel subi entre le ler janvier 2012 et le 31 décembre 2016,
Rejeté la demande de la société LE MADRILENE en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 24 avril 2017 à 24h00,
Accordé rétroactivement à la société LE MADRILENE des délais de paiement jusqu’au jour de la présente décision pour apurer les causes du commandement du 24 mars 2017,
Suspendu les effets de la clause résolutoire,
Constaté que la société LE MADRILENE a apuré les causes du commandement du24 mars 2017 dans le délai ainsi accordé,
Dit que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué,
Condamné la société LE MADRILENE à payer à la SCI DU BASSIN NORD la somme de 403.570,44 euros au titre de sa dette locative comprenant les loyers, charges, accessoires et clause pénale arrêtés 13 avril 2017, terme du 2ème trimestre 2017 inclus,
Ordonné la compensation entre la créance de dommages et intérêts et la créance de loyers et charges ci-dessus déterminées à hauteur de la plus faible,
Condamné la SCI DU BASSIN NORD aux dépens,
Condamné la SCI DU BASSIN NORD à payer la somme de 8.000 euros à la société LEMADRILENE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
Rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 12 septembre 2018, la SCI DU BASSIN NORD a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 21 octobre 2019, la SCI DU BASSIN NORD demande à la cour de :
Dire la SCI du Bassin Nord recevable et fondée en son appel,
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– déclaré la société Le Madrilène recevable en ses demandes fondées sur des moyens antérieurs à la signature du protocole ;
– dit que la SCI du Bassin Nord avait manqué à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée ;
– condamné la SCI du Bassin Nord à verser à la société Le Madrilène la somme de 400.000 € au titre de son préjudice matériel subi ente le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2016 ;
– accordé rétroactivement des délais de paiement au preneur et suspendu les effets de la clause résolutoire ;
– condamné la SCI du Bassin Nord à payer la somme de 8.000 € à la société Le Madrilène sur le fondement de l’article 700 du CPC.
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– rejeté les autres griefs soulevés par la société Le Madrilène devant le tribunal (manquement à une obligation de commercialité, non-ouverture de certaines enseignes, travaux en cours aux abords du centre, insuffisance des actions de promotion et d’animation, défaut d’entretien des parties communes du centre) ;
– rejeté la demande de l’intimée en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– constaté que la créance de la SCI du Bassin Nord s’élevait à la somme de 403.570,44 € arrêtés au 13 avril 2017, terme du 2ème trimestre 2017 inclus.
Et statuant à nouveau,
Vu les articles 1134 (ancien), 1719 et 2052 du code civil,
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Vu les articles L.622-7 et L.631-14 du code de commerce
Vu l’article 2044 du code civil
Sur les fins de non-recevoir
Vu l’article 2044 du code civil
FAIRE DROIT à la fin de non-recevoir tirée par la SCI du Bassin Nord de la transaction intervenue entre les parties et du désistement d’action de la société Le Madrilène ;
DIRE, en conséquence le Madrilène irrecevable en toutes ses demandes fondées sur des moyens antérieurs à la signature du protocole soit :
– l’ouverture prématurée du centre au regard des travaux de voirie ;
– l’absence de livraison des bureaux et logements sur les terrains avoisinants ;
– le manquement à une prétendue obligation de commercialité ;
– la vacance de certaines cellules ;
– l’inadaptation des enseignes à la clientèle;
– l’absence de création du pôle TV cité ;
– Le non-respect par le bailleur des éléments transmis au cours des pourparlers précontractuels ;
– l’absence d’animations suffisantes ;
– un défaut de communication sur le centre commercial ;
– l’utilisation du concept « shopping au bord de l’eau » ;
– le refus de renégocier les conditions financières du bail.
Sur le fond
A titre principal
DIRE ET JUGER que l’appelante ne saurait se voir reprocher un défaut de commercialité du centre commercial, le bail ne comportant pas d’obligation de commercialité ;
DIRE ET JUGER que la SCI du Bassin Nord ne s’est pas engagée à délivrer un local dans un centre commercial « haut-de-gamme » ;
DIRE ET JUGER que la SCI du Bassin Nord ne saurait se voir reprocher aucune inexécution contractuelle ni aucun dol ;
DIRE ET JUGER subsidiairement que la clause de responsabilité pour manquement à l’obligation de promotion figurant à l’article 12.4 est valide, et applicable en l’absence de faute lourde ;
CONSTATER l’absence de clause limitative dans le bail relativement à la commercialité et subsidiairement la validité de l’article 12.4 s’il était jugé applicable ;
DEBOUTER en conséquence la société Le Madrilène de toutes ses demandes, fins et conclusions;
A titre très subsidiaire
CONSTATER que l’intimée ne justifie pas de la réalité et du quantum du préjudice allégué et du lien de causalité avec le préjudice allégué ;
DEBOUTER en conséquence la société Le Madrilène de ses demandes de dommages et intérêts;
A titre infiniment subsidiaire
ORDONNER en application de l’article L.622-7 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire par renvoi de L.631-14 du même code, la compensation par créances connexes entre d’une part, la créance indemnitaire du Madrilène, et d’autre part, la créance de la SCI du Bassin Nord envers le Madrilène, régulièrement déclarée au passif de la société.
En tout état de cause
DEBOUTER Le Madrilène de sa demande au titre de l’Article 700
Sur les demandes reconventionnelles de la SCI BASSIN NORD
Sur l’acquisition de la clause résolutoire
CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail à la date du 9 juin 2019 ;
ORDONNER en conséquence, l’expulsion de la société Le Madrilène ainsi que de toute personne de son chef du local n° RS 02 sis dans le centre [6] sis [Adresse 2], les locaux devant être restitués en bon état conformément à l’article 17 du bail ;
DIRE que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
DIRE que Le Madrilène devra rendre les locaux en bon état de propreté, d’entretien et de réparations tel que stipulé aux termes de l’article 17 du bail ;
DIRE que le preneur devra participer à l’état des lieux, faute de quoi l’état des lieux lui sera opposable ;
Sur les sommes déclarées par la SCI du Bassin Nord au passif de la société Le Madrilène
DIRE ET JUGER que les décomptes de la SCI du Bassin Nord ne sont pas erronés ;
CONSTATER que la SCI du Bassin Nord est créancière à l’égard de la société Le Madrilène de la somme de 955.512,35 €, dont 509.263,74 € au titre du privilège du bailleur ;
FIXER la somme de 955.512,35 € au passif de la société Le Madrilène
Sur l’article 700 et les dépens
DIRE ET JUGER que la créance de la SCI du Bassin Nord à l’égard de la société le Madrilène au titre des frais irrépétibles de première instance et aux dépens est de 10.000 euros ;
DIRE ET JUGER que la créance de la SCI du Bassin Nord à l’égard de la société le Madrilène au titre de l’article 700 du code de procédure civile est de 20.000 au titre de la procédure d’appel.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 20 octobre 2019, la SARL LE MADRILENE demande à la cour de :
Vu les 1116, 1134, 1149, 1152, 1161, 1382, 1719, 2224 et suivants du Code civil, ayant partiellement été recodifiés aux articles 1137 (ex-1116), 1103 & 1104 (ex-1134), 1188, 1189 et 1192 (ex 1161), 1231-2 (ex-1149) et 1231-5 (ex-1152) du Code civil de par l’effet de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016,
Vu les articles L. 310-4, L. 145-1 et suivants, L. 145-41, L. 621-1 et suivants, L. 622-21 et suivants du Code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
IN LIMINE, SUR LES FINS DE NON RECEVOIR
– De dire et juger recevables les conclusions (2) et (3)de la concluante au visa de l’article L. 622-21 du Code de commerce ;
– A titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le protocole du 5 décembre 2014 ne vaut pas transaction au sens des articles 2044 et 2052 du Code civil et ne dispose pas de l’autorité de la chose jugée ;
Subsidiairement, si la Cour venait à considérer que le protocole vaut transaction au sens des articles 2044 et 2052 du Code civil, de dire et juger que le protocole est caduc, nul et de nul effet au visa des articles 8 et 18 de ce dernier, faute pour le preneur d’avoir honoré les échéances de règlement prévues par le protocole ;
– En conséquence, de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit et jugé la concluante recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions, y compris celles fondées sur des faits antérieurs au protocole ou des arguments relatés dans le protocole ;
– Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour venait à juger que le protocole dispose de l’autorité de la chose jugée au sens des articles 2044 et 2052 du Code civil et n’est pas caduc, de dire et juger que les demandes indemnitaires de la concluante reposent notamment sur des arguments qui n’ont pas été soulevés par devant le Tribunal de grande instance de Bobigny en 2014 et qui ne sont pas visés par la clause de « renonciation à recours » de l’article 15 du protocole d’accord ;
En conséquence, de dire et juger la concluante recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions, fondées sur des faits ou arguments postérieurs au protocole ou non relatés dans le protocole ;
– En tout état de cause, de dire et juger la fin de non-recevoir invoquée par le bailleur mal fondée et de l’en débouter ;
A TITRE PRINCIPAL :
– de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le bailleur a manqué à ses obligations contractuelles envers LE MADRILENE au sens de l’article 1134 du Code civil, de le réformer pour le surplus, et partant de dire et juger que le bailleur a gravement manqué à ses obligations contractuelles au sens de l’article 1134 du Code civil :
. en n’ayant pas créé et implanté au sein du centre commercial du Millénaire les commerces « locomotives » que devaient être la jardinerie, l’animalerie, le cinéma et le « pôle TV cité » ;
. en ayant changé la nature du centre commercial, qui ciblait initialement des enseignes et une clientèle de « haut de gamme », le bailleur ayant manqué à ses obligations en ayant :
d’une part, implanté des enseignes axant leur politique commerciale sur la vente de produits « à bas prix » ou « discount »,
d’autre part, autorisé des enseignes nationales à transformer leurs points de vente « prime » en « outlet » ou « magasins d’usine » au sens de l’article L. 310-4 du Code de commerce, dédiés à la commercialisation à prix cassés de fins de série des collections antérieures et de produits avec défaut ;
. en ayant abandonné la commercialisation du 1er étage, appelé à être fermé au public ;
. en ayant durablement externalisé la commercialisation des cellules du centre commercial, synonyme d’abandon de toute notion de sélectivité et de complémentarité des commerces qui y sont implantés ;
. en ayant bouleversé le « mix-enseignes » et le « plan merchandising » originel, ce qui a eu pour effet de sacrifier l’équilibre entre les différents pôles d’attraction des offres commerciales du centre, leurs synergies et complémentarités, et notamment d’aboutir à un triplement de l’offre de restauration qui est désormais surreprésentée (18 unités à ce jour contre 6 initialement) ;
. en s’étant abstenu de produire au titre des exercices 2014 / 2019 les redditions de comptes du « fonds d’animation et de promotion » visées à l’article 12.3.1 du bail, outre une attestation de son Commissaire aux comptes de nature à justifier précisément par année calendaire au sens de l’article 12.5 du bail des sommes collectées, des actions entreprises et du coût unitaire et consolidé correspondant ;
. en ayant drastiquement réduit son effort promotionnel, dès lors que l’augmentation exponentielle de la vacance du centre au cours de la période 2014 / 2019 a arithmétiquement rejailli sur le budget du « fond d’animation et de promotion » qui s’est vu amputer d’autant sans que le bailleur n’ait contribué personnellement audit fonds, à proportion des cellules vacantes ;
. en ayant supprimé certains services collectifs du centre commercial et délaissé l’entretien des parties communes de ce dernier ;
. en ayant supprimé la communication des tableaux de bord mensuels du centre commercial intitulés « états commerce » ;
– De réformer le jugement entrepris pour le surplus, et de dire et juger que le bailleur a gravement manqué à son obligation de délivrance envers LE MADRILENE au seul visa de l’article 1719 du Code civil en n’ayant pas mis en ‘uvre les moyens nécessaires pour assurer une commercialité qui soit de nature à permettre au preneur d’exploiter son commerce de manière pérenne, dans un environnement adéquat ;
– De confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que les clauses de non responsabilité insérées au sein de l’exposé préalable et de l’article 12.4 du bail ne sont pas de nature à exempter le bailleur de sa responsabilité compte tenu notamment du caractère dolosif ou délibéré des manquements du bailleur à ses obligations légales et conventionnelles, et du périmètre des clauses litigieuses ;
– En conséquence, de réformer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas procédé à une exacte appréciation du préjudice subi par la concluante, et statuant à nouveau :
A titre principal, de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de la somme de la somme de trois millions sept cent soixante-huit mille neuf cent vingt-deux euros (3.768.922 EUR) à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de marge brute ayant été subie par la concluante au titre des années calendaires 2012 à 2019, sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir ;
A titre principal, de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de la somme de cent cinquante mille (150.000) EUR à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour venait à considérer que la concluante ne peut revendiquer aucune indemnisation au titre du gain manqué, de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de la somme de un million cent mille (1.100.000 EUR) à titre de dommages et intérêts au titre de la perte éprouvée, correspondant au montant des arriérés de loyers et charges HT allégués par le bailleur, sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir ;
– En tout état de cause, d’ordonner la compensation entre la créance de loyer et charges du bailleur et la créance indemnitaire de la concluante ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– De dire et juger manifestement excessifs et injustifiés au sens des articles 1231-5 alinéa 2 & 3 du Code civil les dispositions des articles 31 et 29 du bail relatives aux pénalités et intérêts de retard ;
En conséquence de fixer le montant du loyer dû par le preneur à hauteur du loyer minimum garanti indexé convenu à l’article 22.3 des conditions particulières du bail ;
– De débouter le bailleur du quantum de ses demandes au titre des loyers et des charges prétendument restés impayés, et de fixer le quantum de la créance du bailleur au passif à hauteur de huit cent soixante-dix mille deux cent trente-six euros et quatre-vingt-cinq cents (870.236,85 EUR) TTC;
– de débouter la SCI du Bassin Nord de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
– de condamner la SCI du Bassin Nord au paiement de la somme de trente mille (30.000) EUR au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans leurs dernières conclusions d’intervention forcée, notifiées par le RPVA le 20 octobre 2019, Me [K] [R] en qualité d’administrateur judiciaire avec mission d’assistance de la société LE MADRILENE et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [W] [Z], mandataire judiciaire audit redressement, demandent à la cour :
– D’adjuger à la société LE MADRILÈNE le bénéfice de ses dernières écritures, sous réserve des dispositions de l’article L.622-21 du Code de commerce susvisées, et y faisant droit :
– À titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le protocole du 5 décembre 2014 ne vaut pas transaction au sens des articles 2044 et 2052 du Code civil et ne dispose pas de l’autorité de la chose jugée.
– Subsidiairement, si la Cour venait à considérer que protocole vaut transaction au sens des articles 2044 et 2052 du Code civil, de dire et juger que le protocole est caduc, nul et de nul effet au visa des articles 8 et 18 de ce dernier, faute pour le preneur d’avoir honoré les échéances de règlement prévues par le protocole.
– En conséquence, de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit et jugé recevable et bien fondée la société LE MADRILÈNE en toutes ses demandes, fins et prétentions, y compris celles fondées sur des faits antérieurs au protocole ou des arguments relatés dans le protocole
– Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour venait à juger que le protocole dispose de l’autorité de la chose jugée au sens des articles 2044 et 2052 du Code civil et qu’il n’est pas caduc, de dire et juger que les demandes indemnitaires de la société LE MADRILÈNE reposent notamment sur des arguments qui n’ont pas été soulevés devant le tribunal de grande instance de Bobigny en 2014, qui ne sont pas visés par la clause de « renonciation à recours » de l’article 15 du protocole d’accord.
– En conséquence, de dire et juger la société LE MADRILÈNE recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions, fondées sur des faits ou arguments postérieurs au protocole ou non relatés dans le protocole
– En tout état de cause, de dire et juger la fin de non-recevoir invoquée par le bailleur mal fondée et de l’en débouter.
À TITRE PRINCIPAL :
– De confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le bailleur a gravement manqué à ses obligations contractuelles envers la société LE MADRILÈNE au sens de l’article 1134 du Code civil.
– De réformer le jugement entrepris pour le surplus et de dire et juger que le bailleur a gravement manqué à son obligation de délivrance envers la société LE MADRILÈNE au seul visa de l’article 1719 du Code civil en n’ayant pas mis en ‘uvre les moyens nécessaires pour assurer une commercialité qui soit de nature à permettre au preneur d’exploiter son commerce de manière pérenne, dans un environnement adéquat.
– De confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que les clauses de non responsabilité insérées au sein de l’exposé préalable et de l’article 12.4 du bail ne sont pas de nature à exempter le bailleur de sa responsabilité compte tenu notamment du caractère dolosif ou délibéré des manquements du bailleur à ses obligations légales et conventionnelles, et du périmètre des clauses litigieuses.
– En conséquence, de réformer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas procédé à une exacte appréciation du préjudice subi par la concluante, et statuant à nouveau :
À TITRE PRINCIPAL :
– de condamner la SCI DU BASSIN DU NORD au paiement de la somme de la somme de 3.768.922 € à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de marge brute subie par la société LE MADRILÈNE au titre des années 2012 à 2019, sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir.
– De condamner la SCI DU BASSIN DU NORD au paiement de la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
SUBSIDIAIREMENT :
– Si par extraordinaire la Cour venait à considérer que la société LE MADRILÈNE ne peut
revendiquer d’indemnisation au titre du gain manqué, de condamner la SCI DU BASSIN DU NORD au paiement de la somme de 1.100.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la perte éprouvée.
– De fixer la créance locative du bailleur au passif de la société LE MADRILÈNE à la somme de 870.236,85 €.
– En tout état de cause, d’ordonner la compensation entre la créance de loyers et charges du bailleur et la créance indemnitaire de la société LE MADRILÈNE
– De débouter la SCI DU BASSIN DU NORD de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– De condamner la SCI DU BASSIN DU NORD à régler à chacun des intervenants forcés la somme de 1.200 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Enfin, de condamner la SCI DU BASSIN DU NORD aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes de la société LE MADRILENE
La SCI BASSIN NORD se prévaut d’une transaction intervenue entre les parties le 5 décembre 2014 et notamment des articles 8 et 15 dudit protocole, le preneur renonçant ‘définitivement et irrévocablement à toute réclamation, droit, action, moyen ou prétention trouvant leur cause ou leur objet dans tous faits antérieurs aux présentes’ ainsi qu’à faire valoir ‘toutes causes de préjudices confondues relatives à l’exécution du bail commercial souscrit le 29 novembre 2010 et plus généralement aux faits rappelés à l’exposé qui précède’. Elle soutient que chacune des parties lors de la conclusion de la transaction bénéficiait ab initio de concessions réciproques.
La société LE MADRILENE soutient que ce protocole d’accord est caduc et de nul effet, que d’une part, les obligations respectives des parties au sens du protocole, notamment les engagements du bailleur, n’étaient pas définitives et d’autre part, que l’effet obligatoire du protocole restait soumis à son exécution à peine de caducité.
Ainsi que le rappellent les premiers juges, selon les articles 2044 et suivants du code civil, constitue une transaction qui fait obstacle à l’introduction entre les parties d’une action en justice ayant le même objet, l’acte par lequel les parties terminent une contestation par des concessions réciproques ; que si les obligations nées de la transaction ne sont pas exécutées, sa résolution ou son exécution forcée peut être demandée en justice et l’exception de transaction invoquée par l’une des parties pour faire échec à la recevabilité de l’action de son adversaire doit être écartée.
Pour apprécier l’existence de concessions réciproques, il convient de se placer à la date de conclusion de l’acte.
Ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le protocole d’accord dont ils ont rappelé la teneur, comporte des concessions réciproques des parties, le bailleur renonçant notamment à une partie des sommes pour lesquelles il avait obtenu un titre exécutoire et le preneur à la poursuite d’une instance judiciaire tendant à faire juger qu’aucune somme n’est due.
Pour autant, l’engagement du bailleur à renoncer à réclamer certaines sommes au preneur n’est que conditionnel, puisque l’article 5 dudit protocole stipule non seulement une déchéance du terme, s’agissant des délais de paiement octroyés, ce qui constitue une modalité d’application du protocole, mais également qu’en cas de non-respect des délais de paiement accordés, le bailleur recouvre son droit de demander le paiement des sommes auxquelles il avait renoncé à l’article 2 dudit protocole ainsi que celui de la franchise de loyer accordée à l’article 10, sus visé.
Dès lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la SCI ne pouvait à la fois solliciter dans la présente instance le paiement des sommes auquel elle avait renoncé dans la transaction, motifs pris de l’inexécution par le preneur de ses obligations et donc se considérer comme déliée de tout engagement, tout en maintenant à l’égard du preneur les entiers engagements de ce dernier.
En conséquence, le bailleur ne peut se prévaloir des termes de cette transaction et il convient de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré recevable les demandes de la société LE MADRILENE.
Dans le dispositif de ses conclusions la SCI BASSIN NORD, qui conclut à l’irrecevabilité des demandes de la société LE MADRILENE se prévaut du désistement d’action de cette société Cependant, elle ne développe au soutien de cette demande aucun moyen dans la partie discussion de ses conclusions, alors qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile ‘la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion’.
Sur les obligations contractuelles de la SCI BASSIN NORD
La société LE MADRILENE soutient que la SCI BASSIN NORD a gravement manqué à ses obligations contractuelles que ce soit sur le fondement de l’article 1134 du code civil ou sur celui de l’obligation de délivrance du bailleur en application de l’article 1719 du code civil, sans que les clauses de non-responsabilités puissent utilement être invoquées par le bailleur.
Elle reproche au bailleur la non réalisation de ‘locomotives’ convenues ; le changement de la nature du centre commercial, dont le concept est désormais ancré sur la commercialisation de produits à bas prix, l’abandon de la commercialisation du 1er étage, de l’externalisation de la commercialisation ; le bouleversement du mix-enseignes et du plan merchandising et enfin la diminution de l’effort promotionnel, la suppression de certains services communs ou encore l’absence d’entretien du centre. Elle soutient que l’obligation de délivrance du bailleur de centre commercial intègre celle d’assurer une commercialité adéquate.
La SCI BASSIN NORD soutient que non seulement l’obligation de commercialité du centre est absente du bail, mais encore que celui-ci l’exclut formellement. Elle soutient que la commercialité du centre n’est pas la cause de l’engagement du preneur. Elle conteste la désertification du 1er étage du centre et décrit les efforts accomplis afin de permettre la recommercialisation des cellules devenues vacantes. Elle soutient que le bail ne contient aucune stipulation quant au caractère ‘haut de gamme’ du centre, que notamment, il n’y avait aucune obligation à la charge du bailleur quant au choix des enseignes, que dans les enseignes présentes à l’ouverture se trouvaient Carrefour Zara et Mac Donald et non Dior ou Fauchon. Elle souligne que le caractère exceptionnel du centre lors de son ouverture ne tenait pas à son luxe mais à la nouveauté de son merchandising-mix.
Il est constant qu’en application des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 et 1719 du même code, le bailleur d’un local situé dans un centre commercial est tenu de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose de servir à son usage, en ce inclus les parties communes accessoires nécessaires de la chose louée, d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la durée du bail et d’exécuter de bonne foi ses obligations. A défaut de stipulations particulières du bail, il n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre, cependant, il engage sa responsabilité, s’il manque à des stipulations contractuelles.
L’exposé préalable des conditions particulières du bail consenti à la société locataire stipule :
‘il est précisé, en particulier, que la société bailleresse pouvant être amenée, pour assurer un meilleur fonctionnement du centre, à modifier sa distribution, la référence à tous plans ou documents est faite à titre purement indicatif, les seuls plans ayant valeur contractuelle étant ceux des locaux dont la jouissance privative est concédée au preneur en vertu des présentes.
Il résulte de la précision qui précède que la société bailleresse et/ou l’AFUL ou l’ASL resteront libres de modifier, à leur seule convenance, les accès extérieurs du centre, les emplacements de tous locaux et de toutes implantations commerciales y compris celle de la moyenne unité alimentaire.
Le preneur déclare contracter aux présentes en acceptant les aléas économiques pouvant résulter d’une évolution de la zone d’implantation du centre commercial de la concurrence, du dynamisme des commerçants de la galerie marchande, des actions commerciales dans le cadre du fonds d’animation et promotion du centre commercial, du maintien, de la transformation ou de la disparition des commerces constituant le centre commercial, sans pouvoir rechercher le bailleur à cet égard.
Le preneur renonce expressément à se prévaloir des dispositions de l’article 1723 du code civil, le bailleur […] se réservant la possibilité de modifier unilatéralement les lieux loués, leur accès, les flux de clientèle, les emplacements de parking, la disposition de la moyenne unité alimentaire, cette liste n’étant pas limitative, sans que le preneur puisse formuler une quelconque réclamation de ce chef.’
Contrairement à ce que soutient le preneur cette clause figure dans les conditions particulières du bail et non dans les conditions générales.
Selon la clause 12-4 des conditions générales du bail, intitulée ‘renonciation à recours’, ‘le bailleur […] n’est tenu à aucune obligation de résultat dans le cadre de ces actions d’animation, de promotion, de communication et de publicité.
Par conséquent, le bailleur […] ne saurait assumer une quelconque responsabilité liée aux effets des opérations mises en place par le fonds commun sur l’activité exercée par le preneur dans le local ou sur l’état de la commercialité du centre commercial et le preneur le dégage de toute responsabilité.’
La cour relève que l’article 12-4 ne fait que rappeler que le bailleur n’est tenu à aucune obligation de résultat quant aux opérations de communication mises en oeuvre. Elle ne constitue donc pas une clause exonératoire de responsabilité, puisqu’elle reconnaît implicitement que le bailleur est tenu à une obligation de moyen. Par ailleurs, compte tenu du caractère général des dispositions insérées dans l’exposé préalable, elles ne font pas obstacle à l’application éventuelle de dispositions contractuelles plus précises figurant dans les conditions générales et particulières quant aux obligations réciproques des parties et n’empêchent pas le preneur de rechercher la responsabilité contractuelle du bailleur pour une violation précise de stipulations contractuelles.
L’article 12 des conditions particulières du bail relatif au ‘fonds d’animation et de promotion du centre commercial’, en son article 12.3.3 ‘modalités de détermination des contributions annuelles’stipule que le montant de la contribution annuelle des boutiques non qualifiées de moyennes unités spécialisées sera déterminé par le prix au mètre carré, que les moyennes unités spécialisées font l’objet de contributions forfaitaires comme suit :’ la moyenne unité alimentaire […] bénéficie d’un forfait annuel ; les moyennes unités spécialisées dans les activités de ‘jardinerie’, ‘animalerie’, ainsi que le ‘pôle TV CITE’ ou le local dédié à l’audiovisuel tel que cinéma, TV, théâtre… et les activités de type ‘parc d’attraction’ bénéficient également de forfait’.
L’article 27 des conditions particulières du bail intitulé ‘charges’, définit un système de pondération par tranche de surface et stipule des coefficients de pondération particuliers pour le local à usage de jardinerie et d’animalerie et pour les locaux constituant le pôle TV Cité et/ou le local dédié à l’audiovisuel et les activités de type parc d’attraction et stipule qu’en ‘cas de changement de destination en ce inclus en cas de division d’une toute moyenne unité pour créer des locaux d’une surface inférieure à 5000 m² et ce avec agrément du bailleur, le système de pondération par tranche s’appliquera de plein droit’.
L’annexe 2 du bail intitulé ‘Cahier des charges techniques preneurs’ rappelle que le programme de l’opération comprend pour la partie ‘galerie marchande’ ’18 moyennes unités dont une surface alimentaire et une jardinerie ; entre 5 et 8 restaurants […] une centaine de boutiques ; un espace ludique et interactif dédié à l’image et au numérique’.
La cour relève que contrairement à ce que soutient le preneur il ne s’évince pas de ces dispositions que le bailleur s’est engagé par ces clauses de répartition des charges, contractuellement, à créer dans le centre commercial les commerces et activités visées à ces clauses, l’objet de ces clauses étant uniquement de prévoir par avance les modalités de répartition des charges en cas de présence de tels ou tels commerces ou activités. Par ailleurs, le cahier des charges qui précise qu’il a pour objet de donner aux preneurs une définition des travaux de construction et d’aménagement à effectuer par la société et par les preneurs, ne peut avoir eu pour effet d’engager la bailleresse quant à l’ouverture d’une jardinerie et d’un espace ludique, quand bien même, viserait-il expressément, les frais du bureau de contrôle devant être supportés par la jardinerie( 2.2.5), la structure de la serre et de la façade Tv cité (3.1), le type d’abonnement du poste dont devrait disposer Tv cité (4.20.2.4), ou encore le type de vitrine de l’animalerie (appendice I, article II), ces précisions ne trouvant à s’appliquer qu’en cas de création de ces commerces. Aucun manquement contractuel de la bailleresse ne peut en conséquence être retenu à son encontre du fait de l’absence d’ouverture des ‘locomotives’ qui lui est reprochée par la société locataire, il importe peut que la surface concernée par les commerces et activités correspondant à ces ‘locomotives’ ait correspondu à 20% du total de la surface du centre commercial.
La société locataire reproche à la bailleresse un changement de la nature du centre, en implantant désormais dans le centre des enseignes discounts et de’ magasins d’usine /outlets’, alors que son caractère ‘haut de gamme’ était contractualisé par l’article 3, qui interdisait au preneur d’adopter une enseigne de moindre notoriété en cours de bail, par l’article 13 qui interdisait au preneur d’axer sa communication sur la vente de produit à bas prix et par l’article 14 relatif aux aménagements luxueux que le preneur devait réaliser à ses frais.
La cour relève qu’il ressort de l’article 3 des conditions générales du contrat de bail, que le centre commercial ‘doit répondre au respect permanent d’une organisation rationnelle et d’un équilibre entre les différents commerces et services’, que l’enseigne du preneur est par conséquent un élément déterminant du consentement du bailleur et qu’en cas de changement d’enseigne, il appartiendra au preneur de proposer au consentement du bailleur ‘un enseigne de notoriété et de niveau de gamme et qualité équivalentes’.
L’article 13 des conditions générales dudit bail stipule que ‘le bailleur rappelle au preneur qui lui en donne acte, que toutes formules de ventes portées à la connaissance du public et ayant pour objet de permettre au preneur d’attirer la clientèle en lui proposant des prix inférieurs, soit à ses prix habituels, soit à des prix de référence, constituent une image de marque particulièrement dommageable au Centre tout entier si elles ne sont pas, soit organisées de façon concertées par l’Association des Commerçants, soit justifiées par des circonstances exceptionnelles et, dans ce cas, expressément autorisées par le représentant du bailleur, et simultanément par l’administration compétente, conformément à la réglementation en vigueur.
Le bailleur rappelle au preneur que le strict respect du présent article constitue une condition essentielle à la bonne exécution du bail.’
L’article 14 des conditions particulières stipule que :’le centre commercial a un positionnement et une démarche ‘HQE’ qui doit lui permettre de bénéficier d’une image très qualitative. Ainsi sa réalisation nécessite la mise en oeuvre de moyens exceptionnels pour atteindre cet objectif. De plus, son architecture, sa décoration et ses aménagements extérieurs ont été particulièrement soignés.
Il en résulte l’absolue nécessité de pouvoir offrir aux consommateurs du centre des concepts et des aménagements de boutiques eux-mêmes exceptionnels ; ceci afin de permettre à ce centre commercial de marquer sa différence par rapport à un environnement concurrentiel.
Aussi le preneur s’engage à faire ses plus grands efforts pour développer dans ce Centre un nouveau concept ou celui le plus récent de son réseau de magasins.
De manière plus générale, il lui appartient de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour hisser le niveau de qualité de son magasin, notamment en matière d’agencement et de décoration, à hauteur de celui atteint par la réalisation du Centre commercial.
Cet engagement du preneur constitue une condition déterminante de l’engagement du bailleur sans lequel il n’aurait pas contracté.’
Contrairement à ce que soutient le bailleur, il résulte de ces clauses qu’il entrait dans la commune intention des parties de tout mettre en oeuvre pour que le Centre ait un positionnement différent des autres centres, non seulement en terme de qualité environnementale, mais également quant à l’architecture et la décoration du Centre, celle-ci ayant été particulièrement soignée, le preneur devant tout mettre en oeuvre pour hisser ‘le niveau de qualité de son magasin’ à la hauteur de celui atteint par la réalisation du Centre Commercial. Par ailleurs, la clause 13 susvisée, en interdisant au preneur de pratiquer des soldes permanents, et rappelant que ces pratiques ‘constituent une image de marque particulièrement dommageable au Centre tout entier’, renforçait l’engagement de qualité des parties, quant au positionnement du centre.
Il résulte de ces stipulations contractuelles que la SCI BASSIN NORD était tenue de délivrer à la société LE MADRILENE un local dans un centre commercial de qualité élevée, avec des commerces d’une gamme élevée, avec une décoration soignée.
Sur les conséquences des manquements du bailleur
Tout manquement par un contractant à ses obligations engage sa responsabilité en application de l’article 1147 du code civil devenu l’article 1231-1 du code civil.
Ainsi que l’ont relevé les premiers juges il résulte du rapport d’expertise amiable de M. [S] en date du 24 avril 2014, réalisé à la demande d’un autre preneur la société AMC et des photographies qui y sont annexées, du procès verbal dressé par Me [D] le 9 novembre 2016 et des photographies annexées, des articles de presse versés aux débats par les parties, qu’en 2012 plusieurs allées du centre présentaient des cellules vides avec de grands panneaux annonçant l’arrivée d’enseignes, qu’il en était de même en 2014, qu’en 2016, plusieurs allées présentaient des cellules vides avec soit des panneaux annonçant l’arrivée d’enseignes, soit des panneaux blancs, visiblement de mauvaise qualité et des allées ne présentant aucun élément de décoration.
Certes ainsi que le soutient le bailleur, le procès-verbal de Me [D] permet de constater la présence d’un certain nombre de plantes en pots, et quelques guirlandes, pour autant, il ressort de l’examen des photographies notamment en page 12, 14 et 15 que certains commerces sont masqués par des panneaux blancs ne présentant aucune décoration.
Il n’est pas contesté par la société bailleresse que son gestionnaire [C] a fait le choix dès 2014 d’orienter les enseignes en fonction des besoins de la clientèle, celui-ci annonçant en septembre 2014 avoir fait le choix de se tourner vers des enseignes davantage mass market, réorientant ses offres vers un positionnement un peu plus populaire (extrait du journal du textile du 23 septembre 2014).
C’est ainsi que l’enseigne TATI, connue pour vendre du prêt à porter à petit prix, s’est installée dans le centre. Il résulte en outre des pièces versées aux débats par la société locataire, que se sont également installées d’autres enseignes pratiquant des prix bas. Ainsi en est-il du commerce “Auber Marque tout à 2€” affichant sur sa vitrine un “destockage de marque à prix unique”, ou encore de commerces “outlet”, comme Camaïeu (pièce 8.10.I. de la locataire). L’appellation “outlet” renvoyant à la notion de vente de produits de marques à bas prix, dans le cadre de déstockage ou de magasins d’usine, il ne peut sérieusement être soutenu par le bailleur, que ce terme apposé sur différentes vitrines ne renverrait qu’à la pratique de soldes périodiques. Le maintien des enseignes Lacoste et Séphora et l’arrivée en 2016 du club de sport Neoness et en 2019 de l’enseigne Vapiano, allégués par la bailleresse ne peuvent suffire à établir qu’elle a maintenu le positionnement initial du centre commercial et ne l’a pas réorienté vers une clientèle plus populaire à moindre pouvoir d’achat.
Ainsi que l’ont décidé les premiers juges, la société LE MADRILENE établit ainsi un manquement de la SCI à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée.
Sur les autres manquements reprochés au bailleur
La société LE MADRILENE reproche au bailleur d’avoir abandonné la commercialisation du 1er étage, appelé à être fermé au public. Cependant, si le nombre de cellules vacantes est important au premier étage, la société LE MADRILENE installée au rez-de-chaussée ne peut s’en prévaloir.
La société locataire reproche également au bailleur d’avoir durablement externalisé la commercialisation des cellules du centre commercial, synonyme d’abandon de toute notion de sélectivité et de complémentarité des commerces qui y sont implantés. Ainsi que le soutient le bailleur, il n’existe au bail aucune obligation de conserver ce service en interne.
La société locataire reproche également au bailleur d’avoir bouleversé le « mix-enseignes» et le « plan merchandising » originel, ce qui a eu pour effet de sacrifier l’équilibre entre les différents pôles d’attraction des offres commerciales du centre, leurs synergies et complémentarités, et notamment d’aboutir à un triplement de l’offre de restauration qui est désormais surreprésentée (18 unités à ce jours contre 6 initialement).
La cour relève que s’il peut être reproché au bailleur d’avoir changé la gamme des commerces existant dans le centre, le preneur n’ayant pas de clause d’exclusivité de son commerce, ne peut faire reproche à son bailleur d’avoir augmenté le nombre de commerces de restauration, qui n’était pas contractuellement défini.
La société locataire reproche encore à son bailleur de s’être abstenu de produire au titre des exercices 2014 / 2019 les redditions de comptes du « fonds d’animation et de promotion » visées à l’article 12.3.1 du bail, outre une attestation de son Commissaire aux comptes de nature à justifier précisément par année calendaire au sens de l’article 12.5 du bail des sommes collectées, des actions entreprises et du coût unitaire et consolidé correspondant.
La cour relève que la société bailleresse justifie organiser des réunions quant à la reddition de compte du fonds d’animation et observe que le preneur n’avait jusqu’à présent jamais demandé la production des comptes.
La société bailleresse justifie suffisamment par la production notamment de sa pièce 38 de l’organisation au sein du centre commercial de diverses actions d’animation, si bien qu’elle a satisfait de ce chef à son obligation de moyen d’assurer la promotion du centre et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir contribué personnellement au dit fonds à proportion des cellules vacantes, le bail ne contenant aucune stipulation en ce sens.
La société locataire reproche également à la société bailleresse d’avoir supprimé la communication des tableaux de bord mensuels du centre commercial intitulés « états commerce ». Cependant, la société locataire ne vise aucune clause du bail faisant obligation au bailleur de produire ces “états”, dans ces conditions, elle ne peut soutenir que ce défaut de communication est un manquement du bailleur à ses obligations.
La société locataire soutient encore que la société bailleresse a supprimé certains services collectifs du centre commercial et délaissé l’entretien des parties communes de ce dernier.
Elle soutient que selon l’appendice 3 de l’annexe 2 du bail le bailleur doit mettre en oeuvre “un traitement d’air visant à maintenir un confort acceptable dans le centre” compris entre 19° et 26°. A l’appui de ses plaintes quant à l’absence de chauffage, la société locataire produit une sorte de pétition du 18 janvier 2017 ainsi qu’un constat d’huissier dressé à sa demande le 29 janvier 2019. La cour relève que ces deux pièces sont insuffisantes à établir la réalité de l’absence de chauffage, la pétition étant rédigée en termes vagues et le constat d’huissier relevant au sein du commerce une température de 20°, sans que soient notées avec précision les conditions de cette mesure.
La société locataire se plaint également de dysfonctionnement d’escalator, de la suppression des éclairages communs au premier étage, de la suppression de l’ambiance musicale établis par une pétition du 7 septembre 2018 et un constat d’huissier du 15 octobre 2018.
Le bailleur, sur lequel pèse une obligation d’entretenir les parties communes, dans le cadre de son obligation de délivrance, justifie par la production de divers contrats avoir fait procéder à la réfection des escalators et des sanitaires. Il produit un constat dressé par huissier de justice le 22 mars 2019, qui constate un bon état d’entretien des parties communes et notamment des sanitaires, ainsi que la diffusion de musique d’ambiance. Seule la porte 2 dysfonctionne mais son remplacement est programmé.
Dans ces conditions, aucun manquement de ce chef ne peut être reproché à la société bailleresse.
Sur la réparation du préjudice subi
Il résulte de l’article 1147 du code civil devenu l’article 1231-1 du code civil que le bailleur est tenu d’indemniser le preneur des préjudices subis par ce dernier en raison des manquements contractuels.
Le bailleur conteste tout lien de causalité entre les manquements allégués et le préjudice subi. Il souligne que les difficultés rencontrées par le preneur (crise de la consommation et baisse générale d’activité des commerces) ne lui sont pas imputables. Il indique que la perte d’exploitation dont se plaint la société LE MADRILENE peut n’être imputable qu’à un mauvais choix de gestion et met en avant les commentaires défavorables relevés sur le site Tripadvisor.
Le preneur soutient que son préjudice correspond à une perte de marge brute de 3.768.922 euros pour la période 2012 à 2019, dans le cadre d’une perte de chance. A titre subsidiaire, il soutient que son préjudice serait égal à la perte éprouvée, correspondant au montant de la dette de loyers et charges HT soit 1.100.000 euros.
La cour relève qu’il ressort des pièces du dossier que la cellule prise à bail par la société LE MADRILENE est destinée à une activité de ‘café, bar, brasserie, restauration, vente à emporter licence IV, écailler’. S’il ne s’agit pas d’un établissement de luxe, la possibilité de vendre des fruits de mer, correspond au positionnement initial du centre commercial, mais moins à son positionnement actuel, tourné vers une clientèle plus populaire. Dans ces conditions, les manquements du bailleur quant à l’engagement de qualité du centre tant dans sa décoration, que dans les enseignes devant s’y installer a été à l’origine d’un préjudice pour ce commerce qui n’a pu développer la clientèle attendue. Cependant, la société LE MADRILENE ne peut imputer à cette seule faute l’entier différentiel constaté entre les bénéfices espérés et les bénéfices effectivement réalisés, ceux-ci dépendant également de ses propres choix de gestion. En tout état de cause elle ne peut prétendre obtenir que la réparation d’une perte de chance.
La société locataire produit aux débats ses liasses fiscales des années 2012 à 2018. Ses chiffres d’affaires HT et résultats d’exploitation sont les suivants : pour 2012 CA 1.359.976 euros (-103.948 euros) ; pour 2013 CA 1.330.623 euros (-171.922 euros) ; pour 2014 CA 1.169.747 euros (-75.030 euros) ; CA 1.208.116 euros (-5.413 euros) ; 2016 CA 1.173.291euros (-22.160 euros) ; 2017 CA 1.214.088 euros (-82.878 euros) et pour 2018 1.254.367 euros (-124.755 euros). La société produit également ses comptes prévisionnels d’exploitation pour l’année 2011. Elle établit à 71% le taux de marge brute. Aucune pièce comptable n’étant produite aux débats pour l’année 2019, il convient de la débouter des demandes présentées pour l’année 2019. Dans ces conditions, le préjudice subi par la société LE MADRILENE entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2018, s’agissant d’une perte de chance s’établit à la somme de 502.650 euros arrondie à 502.000 euros. La société LE MADRILENE sera déboutée pour le surplus de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
En cause d’appel, la société LE MADRILENE ne justifie pas du préjudice moral qu’elle allègue avoir subi. Elle sera en conséquence déboutée et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire pour inexécution de la clause de destination
Ainsi que l’ont rappelé Me [R] et Me [Z], l’ouverture de la procédure collective de la société LE MADRILENE entraîne, en application de l’article L622-21 du code de commerce, l’arrêt des poursuites en paiement de la SCI BASSIN NORD et fait obstacle aux demandes tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers. Cependant, elle n’empêche pas le bailleur de présenter une demande tendant à l’acquisition de la clause résolutoire, sur un fondement différent de celui résultant d’un défaut de paiement d’une somme d’argent.
Le bailleur a fait délivrer à la société LE MADRILENE le 9 mai 2019, un commandement pour inexécution des obligations locatives, lui faisant grief de n’avoir pas respecté la clause de destination de son bail, un constat du 27 février 2019 ayant constaté qu’elle avait branché une enceinte sur la terrasse et diffusait sa propre musique et que les clients consommaient de la chicha sur la terrasse et lui a fait commandement dans le délai d’un mois de cesser ces activités et notamment la consommation de chicha, cet acte rappelant la clause résolutoire figurant au bail et l’article L145-41 du code de commerce. Par constat d’huissier de justice dressé le 18 juin 2019, la société bailleresse a fait constater l’utilisation de chicha par les clients par la société LE MADRILENE.
Par acte d’huissier de justice en date du 11 juin 2019, la société LE MADRILENE a fait délivrer une protestation à commandement. Elle a principalement soutenu que les débits de boissons à consommer sur place titulaires d’une licence de 3e ou de 4e catégorie pouvaient revendre du tabac à leurs clients et usagers au sens de l’article 45 1°) du décret 2010-720 du 28 juin 2010 ; qu’il s’agissait d’une activité complémentaire à son activité principale ; qu’elle se conformait aux dispositions du code de la santé publique imposant à sa clientèle de consommer du tabac exclusivement sur la terrasse privative et à l’air libre ; qu’il s’agissait d’une activité subalterne incluse dans sa destination de bar ; qu’elle jugeait le commandement délivré de mauvaise foi compte tenu du contexte et ne pouvant recevoir effet et déclarait qu’elle refusait de s’y soumettre en ce qui concerne l’utilisation de chicha, mais avait cessé la diffusion de musique.
La cour relève que le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l’exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés, permet aux exploitants de débits de boissons à consommer sur place, titulaires d’une licence de troisième ou quatrième catégorie effectivement exploitée, ou restaurant titulaire d’une « licence restaurant proprement dite », conformément aux articles L. 3331-1 et suivants du code de la santé publique, la revente en qualité de revendeurs de tabac manufacturé à leur client.
En l’espèce, il n’est reproché au preneur que le fait de permettre à sa clientèle, installée en terrasse de consommer des chicha ou narguilé.
Dès lors que le bail autorise l’exercice des commerces de “café, bar, brasserie, restauration, vente à emporter, licence IV, écailler’, cela inclut toutes les activités habituelles de bar, parmi lesquelles celle d’offrir à ses clients installés en terrasse la consommation de narguilé qui n’est en tout état de cause qu’un accessoire de l’activité de bar. Il s’agit donc d’une activité autorisée.
Le second manquement reproché au preneur tendant à la diffusion de musique n’a pas perduré au delà du délai d’un mois suivant la délivrance du commandement.
Dans ces conditions, à défaut de violation d’une clause du bail, ou de persistance du manquement au delà d’un mois, le commandement visant la clause résolutoire n’a pu recevoir effet et le bailleur doit être débouté de sa demande d’acquisition pour ce motif de la clause résolutoire du bail.
Sur la fixation au passif de la société LE MADRILENE de la créance du bailleur
Par jugement du 2 août 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société LE MADRILENE. La SELAFA MJA, prise en la personne de M. [W] [Z] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire et Me [R], en qualité d’administrateur avec mission d’assister le débiteur.
Le 10 septembre 2020, la société BASSIN NORD a déclaré sa créance et sollicité son admission au passif pour la somme de 955.512,35 euros dont 502.263,74 euros au titre du privilège du bailleur pour la période écoulée entre le 1er août 2017 et le 1er août 2019, le surplus de la créance étant admis à titre chirographaire. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 octobre 2019, la société BASSIN NORD a adressé les factures correspondant à sa déclaration de créances.
La société locataire assure que la créance de la société BASSIN NORD ne peut excéder la somme de 870. 236,85 euros telle qu’elle apparaît sur son grand livre au 31 juillet 2019. Elle conteste le décompte produit par la société BASSIN DU NORD et souligne que le décompte contient des erreurs manifestes puisqu’elle justifie par la production de son relevé de compte que le chèque n°47 57 a été débité pour la somme de 17.566, 70 euros, alors qu’il n’apparaît au décompte produit par la société BASSIN NORD que pour la somme de 473,40 euros.
Me [K] [R], en qualité d’administrateur judiciaire avec mission d’assistance de la société LE MADRILENE et la SELAFA MAJA, prise en la personne de Me [W] [Z], en qualité de mandataire judiciaire de la société LE MADRILENE, demandent de voir fixer la créance locative du bailleur à la somme de 870.236,85 euros. Ils se réfèrent au compte loyers de la société LE MADRILENE et s’associent à son argumentation relative au défaut d’imputation de certains paiements.
La société BASSIN NORD a produit aux débats les factures correspondant à son décompte. Il apparaît qu’au 8 avril 2016 elle a émis la facture 2016500450 d’un montant total de 52.700 euros. Cette facture apparaît sur le grand livre de la société LE MADRILENE au 15 février 2016 et a été réglée par trois chèques de 17566,70 euros, sous le libellé loyer [C] avril, loyer [C] mai et loyer [C] juin, un des chèques portant le numéro 4757. Cependant, la facture 206500450 du 8 avril 2016, n’est reprise dans le décompte produit par la société BASSIN NORD que pour la somme de 473,39 euros, et le chèque n°4757 n’est également repris que pour la somme de 473,39 euros, si bien qu’il est inexact de dire comme le fait la société LE MADRILENE que son paiement n’a pas été enregistré pour sa totalité, puisque la dette qu’il payait n’apparaît pas sur le décompte de la société BASSIN NORD et qu’aucune somme ne lui est réclamée à ce titre.
La société LE MADRILENE soutient également qu’on lui réclamerait la taxe sur les bureaux alors qu’elle n’y est pas assujettie pour autant elle ne précise pas à quelle date cette somme lui aurait été réclamée empêchant ainsi tout contrôle.
Le bailleur pour établir sa dette verse aux débats non seulement, un état du compte mais également les factures correspondantes. Dans ces conditions, il justifie ses demandes de fixation au passif de la société LE MADRILENE à hauteur de la somme de 955.512,35 euros. La cour rappelle que l’extrait du grand livre, ne vaut preuve de paiement que s’il est accompagné des pièces comptables correspondantes, lesquelles ne sont pas en l’espèce produites aux débats. Dans ces conditions, la seule production de cet extrait ne peut suffire à établir le montant des sommes dont reste redevable la société LE MADRILENE envers son bailleur.
En conséquence, la créance de la société BASSIN NORD sera fixée à la somme de 955.512,35 euros, étant précisé que les sommes dues pour la période écoulée entre le 1er août 2017 et le 1er août 2019, à hauteur de 509.263,74 euros, correspondent, en application de l’article L622-16 du code de commerce, au privilège du bailleur.
Sur les frais, intérêts et pénalités
La société locataire demande à la cour de voir dire manifestement excessifs et injustifiés au sens de l’article 1231-5 alinéa 2 et 3 du code civil les dispositions des articles 31 et 29 du bail relatives aux pénalités et intérêts de retard et de voir fixer le montant du loyer dû à hauteur du loyer minimum garanti indexé convenu à l’article 22.3 dans les conditions particulières du bail.
Ainsi que le soutient la bailleresse, elle n’a jamais facturé au preneur les majorations de retard de l’article 29 ou encore l’indemnité d’occupation prévue à l’article 32 du bail. Aucune demande n’est présentée à ce titre dans le dispositif des conclusions de la bailleresse. Dans ces conditions, la cour ne peut connaître des demandes de la société locataire tendant à minorer ces clauses pénales.
Sur la compensation
Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné une compensation entre les créances réciproques des parties.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris étant confirmé à titre principal, il le sera également en ce qui concerne le sort des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance.
En cause d’appel, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI BASSIN NORD qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 2 août 2018, prononçant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société LE MADRILENE ;
Vu la déclaration de créance de la société BASSIN NORD en date du 10 septembre 2019 ;
Vu les conclusions d’intervention forcée de Me [K] [R], en qualité d’administrateur judiciaire avec mission d’assistance au redressement judiciaire de la société LE MADRILENE et de la SELAFA MAJA, prise en la personne de Me [W] [Z], mandataire judiciaire audit redressement ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a:
– Déclaré la société LE MADRILENE recevable en ses demandes,
– Dit que la SCI DU BASSIN NORD a manqué à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée,
– Rejeté la demande de la société LE MADRILENE en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– Ordonné la compensation entre la créance de dommages et intérêts et la créance de loyers et charges à hauteur de la plus faible,
– Condamné la SCI DU BASSIN NORD aux dépens,
– Condamné la SCI DU BASSIN NORD à payer la somme de 8.000 euros à la société LEMADRILENE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
l’infirme pour le surplus,
statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société BASSIN NORD à payer à la société LE MADRILENE la somme de 502.000 euros au titre de son préjudice économique pour la période écoulée entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2018 ;
Rejette pour le surplus la demande d’indemnisation présentée à ce titre ;
Fixe la créance de la société BASSIN NORD au passif de la société LE MADRILENE au titre des loyers et charges impayés à la somme de 955.512,35 euros dont 509.263,74 euros au titre du privilège du bailleur ;
Dit n’y avoir lieu à constater l’acquisition de la clause résolutoire à la suite de la délivrance le 9 mai 2019 d’un commandement pour non respect de la clause de destination du bail ;
Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes ;
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BASSIN NORD aux dépens de l’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE