Merchandising : 16 novembre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-17.423

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Merchandising : 16 novembre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-17.423
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COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 novembre 2022

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 675 FS-B

Pourvoi n° X 21-17.423

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 NOVEMBRE 2022

La société Acopal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° X 21-17.423 contre l’arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l’opposant à la société Paniers Terdis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Acopal, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Paniers Terdis, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Michel-Amsellem, MM. Bedouet, Alt, conseillers, M. Blanc, Mmes Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2021) et les productions, la société Acopal exerçait, depuis 2008, l’activité d’agent commercial pour le compte de la société Terdis devenue ultérieurement Paniers Terdis. Le 3 mai 2013, les sociétés Acopal et Terdis, ont conclu un contrat dénommé « contrat de prestation merchandising », par lequel la société Terdis a confié à la société Acopal l’optimisation de la mise en place de ses produits dans les rayons, et, le 7 mai suivant, un contrat d’agence commerciale. Le 11 octobre 2013, un contrat d’agence commerciale et un contrat de « merchandising » ont été conclus entre la société Paniers Terdis et la société Acopal.

2. La société Paniers Terdis a, par lettre reçue le 4 mars 2016 par la société Acopal, résilié le contrat d’agence commerciale les liant.

3. La société Acopal a assigné la société Paniers Terdis en paiement des indemnités de rupture et de préavis et en communication de pièces.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Acopal fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes d’indemnités de rupture et de préavis, alors :

« 1°/ que l’activité déployée par l’agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l’indemnité compensatrice de rupture et l’absence de préavis ; qu’il suffit à cet égard que le mandant ait connu cette situation avant la conclusion du contrat d’agence commerciale et qu’il l’ait tolérée durant l’exécution de celui-ci ; qu’au cas d’espèce, en considérant au contraire qu’il fallait que la société Terdis ait eu connaissance de l’activité déployée par la société Acopal pour la société concurrente Georgelin depuis le 11 octobre 2013, date d’entrée en vigueur du contrat d’agence se substituant au contrat précédent, et non antérieurement, la cour d’appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

2°/ que l’activité déployée par l’agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l’indemnité compensatrice de rupture ; qu’au cas d’espèce, en s’abstenant de rechercher, comme l’avaient retenu les premiers juges et comme l’y invitait la société Acopal, si, peu important que les rapports commerciaux entre la société Terdis et la société Georgelin aient cessé le 22 octobre 2009, les relations d’agence commerciale entre la société Acopal et la société Terdis n’avaient pas commencé dès l’année 2008 (le contrat écrit de 2013 n’ayant fait que formaliser ces relations) et si le mandant n’avait pas connaissance dès cette époque du fait que la société Acopal travaillait aussi avec la société concurrente Georgelin, de sorte qu’il avait toléré cette situation, ce qui interdisait d’y voir une faute grave commise par l’agent, la cour d’appel n’a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. L’arrêt relève d’abord, d’un côté, que le contrat d’agence commerciale, signé le 11 octobre 2013, stipule que l’agent « ne peut accepter la représentation de produits susceptibles de concurrencer ceux faisant l’objet du présent contrat », de l’autre, que la société Acopal reconnaît avoir exercé, postérieurement, une activité d’agent commercial également pour la société Georgelin, entreprise concurrente de la société Paniers Terdis. Il retient ensuite que la société Acopal ne rapporte pas la preuve que, depuis la date de signature du contrat la liant à la société Paniers Terdis, cette dernière était informée de cette activité concurrente et l’avait tolérée, et que la tolérance du mandant ne peut être déduite de l’existence dans le passé de relations d’affaires entre la société Terdis et la société concurrente.

6. De ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a fait ressortir que l’insertion dans le contrat de la clause interdisant toute représentation d’une entreprise concurrente remettait en cause la tolérance que la société Terdis avait pu antérieurement consentir à la société Acopal pour entretenir des relations d’agent commercial au profit de la société Georgelin, a pu déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu’en poursuivant ses relations avec cette société concurrente, la société Acopal avait commis une faute grave.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La société Acopal fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’indemnité compensatrice de rupture, alors « que les dispositions de droit interne transposant une directive de l’Union européenne doivent être interprétées à la lumière de celle-ci, notamment lorsqu’elle a elle-même été interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne ; que dans son arrêt Volvo Car Germany GmbH du 28 octobre 2010 (aff. C-203/09), la Cour de justice a dit pour droit que “l’article 18, sous a), de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, s’oppose à ce qu’un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l’existence d’un manquement de l’agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l’échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause”, après avoir exposé, dans les motifs de sa décision, que le législateur européen” entendait exiger l’existence d’une causalité directe entre le manquement imputable à l’agent commercial et la décision du commettant de mettre fin au contrat afin de pouvoir priver l’agent commercial de l’indemnité prévue à l’article 17 de la directive” (§ 39), qu’ ” en tant qu’exception au droit à indemnité de l’agent, l’article 18, sous a), de la directive est d’interprétation stricte (…) partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l’indemnité non expressément prévue par cette disposition” (§ 42) et que “lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l’agent commercial qu’après la fin du contrat, il n’est plus possible d’appliquer le mécanisme prévu à l’article 18, sous a), de la directive (…) par conséquent, l’agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l’existence d’un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat” (§ 43) ; que les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, qui sont issus de la transposition en droit interne de la directive susvisée, doivent donc être interprétés en ce sens que seule une faute grave commise avant la rupture du contrat et connue du mandant peut être considérée comme ayant provoqué la rupture, excluant le droit à indemnité de l’agent commercial ; qu’en l’espèce, en estimant au contraire, pour repousser la demande d’indemnité compensatrice de rupture, qu’il importait peu que le manquement qu’elle qualifiait de faute grave – soit la représentation par la société Acopal d’un concurrent du mandant sans que ce dernier en ait prétendument eu connaissance –, n’ait été découvert que postérieurement à la rupture, quand cette circonstance excluait toute causalité directe entre le manquement litigieux et la rupture du contrat, la cour d’appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, lus à la lumière des articles 17 et 18 de la directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986 tels qu’interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne, ensemble l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »

 


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