Merchandising : 16 juin 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 19/02347

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Merchandising : 16 juin 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 19/02347
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AFFAIRE : N° RG 19/02347 – N° Portalis DBWB-V-B7D-FH5U

 Code Aff. :AP

ARRÊT N°

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de SAINT-DENIS en date du 10 Juillet 2019, rg n° F 18/00146

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

APPELANTE :

S.A.S. BRITISH AMERICAN TOBACCO LA REUNION

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Florent MALET, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [J] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Laetitia RIGAULT de la SELARL PRAGMA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Clôture : 7 décembre 2020

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 804 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 avril 2022 devant la cour composée de :

Président :M. Alain LACOUR,

Conseiller :M. Laurent CALBO,

Conseiller :Mme Aurélie POLICE,

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 16 juin 2022.

ARRÊT : mis à disposition des parties le 16 JUIN 2022

Greffier lors des débats : Mme Monique LEBRUN

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige :

M. [B] a été embauché par la société British American Tobacco (BAT) à compter du 5 juin 2001 jusqu’au 7 mars 2008, en qualité de «’distribution area manager’», au statut cadre.

Le 1er avril 2010, M. [B] a conclu avec la société BAT un contrat d’assistance technique pour une durée déterminée, jusqu’au 31 décembre 2010.

Des contrats identiques ont été conclus du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, du 29 juin 2015 au 31 décembre 2015 puis du 1er avril 2017 au 31 décembre 2017.

Sollicitant la requalification de ses contrats d’assistance technique en contrat à durée indéterminée, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion qui a, par jugement rendu en formation de départage le 10 juillet 2019′:

– dit que le contrat qualifié par les parties de «’contrat d’assistance technique’» signé le 29 juin 2015 doit être requalifié en contrat à temps plein et à durée indéterminée, le salarié n’ayant pas le statut de cadre,

– dit que le licenciement intervenu le 31 décembre 2017 est irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société BAT au paiement des sommes de’:

– 1 035 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 12 420 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 140 euros au titre du non-respect du délai de préavis et 414 euros au titre des congés payés sur préavis,

– 6 210 euros au titre des congés payés,

– condamné la société BAT au remboursement à Pôle emploi des indemnités versées à M. [B] dans la limite de 4 mois à compter du 1er janvier 2018

– dit qu’à défaut pour la société BAT d’avoir remis le bulletin de salaire sur la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2017 et le certificat de travail, elle sera redevable d’une astreinte provisoire de 10 euros par jour de retard sur un délai de six mois, à courir à compter de la notification ou signification du jugement,

– condamné la société BAT à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Appel de cette décision a été interjeté par la société BAT le 23 août 2019.

Vu les dernières conclusions notifiées par la société BAT le 3 décembre 2020′;

Vu les dernières conclusions notifiées par M. [B] le 28 septembre 2020′;

La clôture a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2020 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 20 avril 2021.

Par arrêt avant dire droit du 3 février 2022, la réouverture des débats a été ordonnée et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoiries du 12 avril 2022.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

Sur ce’:

Sur la requalication des contrats d’assistance technique en contrat de travail :

Le contrat de travail se définit comme l’exécution d’une prestation de travail pour le compte d’un employeur, dans le cadre d’un lien de subordination et moyennant rémunération, étant rappelé que l’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles s’est exercée l’activité litigieuse.

Selon l’article L. 8221-6 du code du travail’: «’I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 214-18 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. [‘].’».

La société BAT soutient que M. [B], inscrit au registre des métiers de Saint-Denis-de-la-Réunion, ne parvient pas à renverser la présomption de non-salariat édictée par l’article rappelé ci-dessus. Elle indique qu’il exerçait son activité en toute indépendance, s’organisant librement, sans recevoir de directives de la part de la société et sans rendre de compte à celle-ci qui n’avait aucun pouvoir de contrôle et de sanction. Elle ajoute qu’il disposait de son matériel, de ses propres locaux, de son véhicule et qu’il avait embauché un salarié. Elle conteste que M. [B] ait été placé dans un état de dépendance économique à son égard, considérant qu’il avait toute latitude pour développer son activité et avoir d’autres contrats.

M. [B] considère à l’inverse avoir été dans un lien de subordination avec la société BAT, aux motifs que les délais d’intervention étaient particulièrement courts, qu’il exerçait son activité en respectant les directives qui lui étaient données et en rendait compte à Mme [D], salariée de la société BAT. Il précise avoir été intégré dans l’organisation de la société, travaillant au sein du dépôt de la société lorsque lui-même ou son salarié n’étaient pas en intervention, qu’il utilisait un véhicule qui restait stationné dans l’enceinte de la société, que l’ensemble du matériel restait entreposé dans les locaux de la société et qu’il était détenteur d’un tee-shirt de la société. Il relève avoir été rémunéré non à l’acte mais par une rémunération fixe et forfaitaire.

La réalité des prestations effectuées par M. [B] pour le compte de la société BAT ne fait l’objet d’aucune contestation de même que la rémunération qui lui a été servie en contrepartie.

Il n’est pas contesté que M. [B] a été inscrit, du 6 novembre 1989 au 27 février 2018, au répertoire des métiers en qualité d’artisan dans le secteur des activités des agences de publicité.

Il incombe donc à M. [B] de rapporter la preuve de l’existence d’un contrat de travail, et plus précisément du lien de subordination à l’égard de la société BAT, qui se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il ressort du contrat d’assistance technique que la société BAT a confié à M. [B] la réalisation de prestations relatives à la pose, la dépose des mobiliers cigarettes, des supports de communication, des enseignes lumineuses, ou tout autre matériel mis à disposition des clients ou partenaires revendeurs, l’entretien, la réparation, le nettoyage du matériel mis à disposition des revendeurs, la réparation / intervention dans les dépôts ou bureau de la société selon les demandes, le transport de marchandises entre les dépôts nord/sud, le siège social ou les différents prestataires de service, la pose et dépose de matériel de communication et matériel sono lors de manifestations, le changement des visuels de l’ensemble des mobiliers et caissons lumineux mis à disposition des revendeurs, la réalisation du planogramme, à savoir le rangement des produits de la société et de ses compétiteurs et la pose des étiquettes de prix, le nettoyage du mobilier cigarette et la gestion de la base de donnée mobilier présent sur le marché, ce sur toute l’île de la Réunion.

L’ampleur du champ d’intervention justifie que M. [B] ait été destinataire d’un nombre important de demandes d’intervention (pièce 91 / intimé) et d’une activité continue au profit de la société BAT, soit en extérieur soit au sein du dépôt, ainsi qu’en atteste M. [N], salarié de M. [B], activité peu compatible avec des prestations effectuées pour d’autres clients.

Le contrat prévoit également, à l’article 4, que’: «’A la fin de chaque mois, le service technique remet les fiches interventions réalisées au client en précisant les dates de l’intervention et les commentaires (informations terrain) si nécessaire. Les fiches interventions réalisées devront être signées par les clients BAT et le service technique.’». M. [B] justifie également avoir déféré chaque mois aux demandes formulées par Mme [D], «’trade marketing’» au sein de la société BAT, et lui avoir communiqué le nombre d’interventions à faire et réalisées, le type d’interventions, la zone et les commentaires éventuels (pièces 21 à 24 et 33 à 36 / intimé).

La société soutient que la transmission des listes des prestations étaient uniquement destinées au règlement de celles-ci. Pourtant, cet argument ne saurait être retenu dès lors que M. [B] était rémunéré pour sa prestation globale, sur la base d’un forfait mensuel de 5 000 euros hors taxe, puis de 4 600 euros hors taxe dans le dernier contrat. La transmission des interventions réalisées ne peut donc avoir d’autre finalité qu’un contrôle du travail fait.

En outre, plusieurs courriels sont versés aux débats desquels il résulte que des directives étaient données à M. [B] aux fins d’organiser ses interventions. En effet, dans un courriel du 28 novembre 2016 (pièce 20 / intimé), M. [B] indique’: «’J’ai un doute concernant les délais pour faire le merchandising. A ce jour je n’ai toujours pas le plan de merchandising et la liste des magasins.’».

A ce message, Mme [D] répond’: «’Tu trouveras ci-joint la liste des 40 POS par TMR’s + le plan de planogramme par type mobilier. Rappelle moi pour que je t’explique pour le planogramme.

Pour le délai, tu m’as dit 2 planogrammes par jour. Tu en fais 2 et Marco 2 par jour soit 4 par jour * 10 jours = 40 POS c’est faisable.

Par semaine = 3 jours de planogramme + 2 jours de visuels.

Pour les visuels tu pourras aller récupérer le 30.11 les autres visuels restant chez labopix.’»

Ou encore, par courriel du 2 décembre 2016 (pièce 95 / intimé), M. [F] écrit’: «’Bonjour [J],

Merci de prendre en compte la demande d’intervention ci-dessus.

[G] [E] étant en rupture, il faudra prendre les poussoirs et séparateurs au dépôt Nord. Intervention faire mardi à partir de 14h00, pas avant.’»

Le 7 décembre 2016 (pièce 96 / intimé), Mme [D] indique à M. [A]’: «’Pour le besoin une création de communication, nous aurions besoin les mesures de la vitrine d’une vending machine.

Peux-tu stp prendre les mesures des vitrines (Hauteur & Largeur) de la vending machine au point de vente Engen malartic et nous le transmettre.

A nous transmettre pour le 9.12.2016.’».

Le 17 février 2017 (pièce 105 / intimé), Mme [D] écrit’: «’Bonjour [J],

Tu trouveras ci joint la fiche intervention concernant la demande de [G].

Pour les fixations à acheter, merci de suivre la procédure ci-dessous. Achète un stock de fixation en plus pour les camions du dépôt Sud (total 5 camions)’:

1. Demander un devis à Mr Bricolage -20.02.2017

2. Envoi du devis par fax à [I] ([XXXXXXXX01]) -20.02.2017

3. BAT envoie au dépôt Nord le bon de commande à ton attention -21.02.2017

4. Récupération du matériel à Bricolage en présentant le BC original -21.02.2017

Démarrage travaux camion’: à compter du 22.02.2017.’».

M. [B] devait par ailleurs s’expliquer lorsque les directives n’étaient pas suivies. En effet, par courriel du 7 mars 2017, Mme [D] demande’: «’Bonjour [J],

Peux-tu stp me confirmer pourquoi le visuel de ce point de vente n’a pas été changé”’», ou encore, les 24 et 25 octobre 2017′: «’Peux-tu, stp me transmettre la plateforme mobilier BAT mise à jour. Je ne l’ai pas reçu à fin septembre.’» et’:’«’Il y a une erreur sur Engen lagon, le mobilier Dunhill a été enlevé, merci de faire la correction dans ton fichier et de mettre à la place concept générique sans visuel’», ou encore le 7 juillet 2017′: «’A côté du 800, [W] a fixé au mur une vending. Peux-tu stp me dire la raison pourquoi le 800 n’a pas été fixé au mur”’» (pièces 101, 102 et 103 / intimé).

Ces différents échanges démontrent le caractère précis et directif des demandes d’intervention voire des ordres donnés à M. [B]. La société ne peut soutenir que celui-ci disposait d’une autonomie d’organisation au vu des dates impératives qui lui étaient données pour accomplir ses missions. De même, si un délai de un à plusieurs jours était laissé à M. [B] pour répondre aux demandes d’intervention, il ressort des pièces communiquées que les délais étaient toujours courts et que plusieurs demandes pouvaient être faites dans un même trait de temps. Même si M. [B] pouvait disposer d’une certaine liberté pour déterminer ses horaires et ses itinéraires, il est établi qu’il devait se conformer à des directives pour les missions à accomplir chaque jour et le secteur géographique d’intervention. La nature de la mission à effectuer, les méthodes de travail et les délais pour les réaliser n’étaient à l’évidence pas laissées à l’initiative de M. [B] qui se devait de suivre les directives qui lui étaient données et de répondre de toute divergence par rapport à celles-ci, ce qui caractérise une relation de travail avec un lien de subordination.

Le fait que Mme [D] occupe un poste d’assistante marketing et ne soit pas cadre dirigeante au sein de la société BAT est indifférent dès lors qu’elle a été la référente de M. [B] et la personne chargée de formuler les directives auprès de celui-ci au nom et pour le compte de la société BAT.

Si besoin est, il convient également de relever que M. [C], ancien employé de la société BAT, atteste que’: «’durant l’ensemble de ma période (janvier 2016 à juin 2017) de travail pour British American Tobacco en tant que livreur vendeur et magasinier remplaçant le camion Peugeot Boxer de Monsieur [B] [J] était stationné dans la cour sécurisé du dépôt Nord’». Cette attestation ne peut être considérée comme douteuse au seul motif que cet employé a également introduit une action judiciaire à l’encontre de la société BAT, d’autant que ses propos sont corroborés par ceux de M. [H], employé de la société Coredime, voisine du dépôt de la société BAT, qui atteste’: «’avoir vue à plusieurs reprises MR [B] et MR [N] venir récupérer le camion Peugeot Boxer immatriculé AT769MC qui stationnait dans le parking clôturé de BAT.’».

Il ressort également tant des contrats que des échanges entre les parties que l’intégralité du matériel nécessaire aux interventions et réparations était fournie par la société et entreposé dans le dépôt de la société, si bien qu’aucune activité n’est démontrée au siège social de la société crée par M. [B], qui ne correspond qu’à une domiciliation.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le contrat litigieux en contrat de travail à durée indéterminée à plein temps.

M. [B] demande toutefois à voir requalifier le contrat du 1er avril 2010, indiquant n’avoir pas cessé de travailler pour la société BAT depuis cette date.

Il résulte des pièces versées aux débats que de nombreuses demandes d’intervention ont été émises par la société BAT en dehors des périodes de contrats. M. [B] produit en effet onze fiches d’intervention datées de 2013, une en 2014 et huit au début de l’année 2015. La société BAT soutient qu’il y a eu discontinuité au motif qu’il n’y a pas eu de contrat durant plus de deux années mais ne s’explique pas sur les fiches d’intervention ainsi produites.

Ces éléments sont également corroborés par les attestations de M. [K], expert-comptable de l’entreprise de M. [B], desquelles il résulte que le chiffre d’affaires s’est élevé, pour les exercices successifs des années 2011 à 2016, à 60 000 euros et, pour l’exercice de l’année 2017, à 56 400 euros, ce qui correspond exactement aux montants des rémunérations forfaitaires convenues avec la société BAT.

M. [B] démontre ainsi la persistance de son activité au profit de la société BAT, sans interruption depuis le 1er avril 2010.’

Ainsi le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu le contrat du 29 juin 2015 comme point de départ du contrat à durée déterminée. Le contrat d’assistance technique du 1er avril 2010 sera en conséquence requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Sur la rupture de la relation contractuelle :

La relation contractuelle étant qualifiée de contrat de travail, la société BAT ne pouvait y mettre un terme unilatéralement que par un licenciement.

La résiliation du contrat faite à l’initiative de la société BAT le 31 décembre 2017 doit donc s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité légale de licenciement :

Vu les articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail’;

Les parties ne contestent pas le montant du salaire de référence retenu par le conseil de prud’hommes, fixé à la somme mensuelle de 2 070 euros bruts.

M. [B] avait sept ans et neuf mois d’ancienneté lors de la rupture de son contrat de travail. Il peut par conséquent prétendre à une indemnité de 4 010,63 euros (2 070/4 x 7 + 2070/4 x 9/12).

Il convient toutefois de constater que M. [B] limite sa demande à ce titre à la somme de 3 622,50 euros et de condamner la société BAT à cette hauteur. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Vu l’article L. 1235-3 du code du travail’;

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°’2017-1387’du 22’septembre’2017, applicable à l’espèce, prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de 1’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Eu égard à l’organigramme communiqué par la société BAT, il apparaît que celle-ci dispose d’un effectif supérieur à onze salariés.

Pour une ancienneté de 7 ans et 9 mois, l’article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité minimale équivalant à trois mois de salaire et une indemnité maximale équivalant à 8 mois de salaire.

Le salarié demande que soit écarté le barème légal d’indemnisation, comme étant contraire aux dispositions de la Convention n°158’de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de l’article 24’de la Charte sociale européenne du 3’mai’1996, toutes deux ratifiées par la France et d’application directe.

Il apparaît toutefois que M. [B] sollicite l’octroi d’une indemnité de 16 560 euros sur la base de 8 mois de salaires bruts, ce qui correspond à la fourchette haute du barème. La demande consistant à voir écarter le barème est donc sans objet.

M. [B], âgé à ce jour de 56 ans, produit des documents de Pôle emploi desquels il résulte qu’il n’a pu bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, destinée uniquement aux salariés, et qu’en janvier 2020, il était toujours inscrit en qualité de demandeur d’emploi. Aucune précision n’est donnée pour la période postérieure.

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération perçue par M. [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, il y a lieu de lui allouer la somme de 16 560 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

Vu l’article 1234-1 du code du travail’;

Eu égard à l’ancienneté de M. [B] lors de la rupture de son contrat de travail, il peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaires, soit la somme de 4 140 euros, outre la somme de 414 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

Vu l’article L. 3141-24 du code du travail’;

La société BAT fait valoir que le droit à congés est annuel, en vertu de l’article L. 3141-1 du code du travail, et que M. [B] n’a jamais été empêché de prendre ses congés. Elle en déduit que ce dernier ne peut prétendre tout au plus à une année de congés payés.

L’indemnité de congés payés est destinée à compenser les jours de congés payés acquis mais non pris au moment de la rupture du contrat de travail. Dès lors que le contrat de prestation a été requalifié en contrat à durée indéterminée, il est certain que M. [B] n’a pu en solliciter le bénéfice auprès de l’employeur et qu’il est en droit d’en demander le paiement sur une période de trois années, la prescription triennale s’appliquant aux créances salariales, et ainsi que le retient M. [B].

En conséquence, la société BAT sera condamnée à payer à M. [B] la somme de 7 452 euros (2 070 / 10 x 36 mois) correspondant au dixième de la rémunération brute durant 36 mois.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Vu les articles L. 8221-5, L. 8221-6 et L. 8223-1 du code du travail’;

M. [B] fait grief à la société de ne pas avoir procédé à la déclaration préalable à l’embauche et à la délivrance de bulletin de salaire, alors qu’il se trouvait dans un état de subordination juridique.

L’article L. 8221-6 susvisé exige toutefois la démonstration de ce que l’employeur a sciemment voulu se soustraire, au moyen d’un travail dissimulé, à l’accomplissement des obligations lui incombant. Or, M. [B] échoue à caractériser cet élément intentionnel, car le choix de la société BAT de recourir à un prestataire de services, par l’intermédiaire d’un contrat d’assistance technique, plutôt qu’à l’embauche d’un salarié ne peut constituer cet élément intentionnel.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande à ce titre.

M. [B] sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts pour privation du droit à l’assurance chômage, subséquente de la demande indemnitaire pour travail dissimulé. Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Eu égard à la période du contrat retenue, il y a lieu de faire droit à la demande de remise d’un bulletin de paie récapitulatif pour la période du 1er avril 2010 au 31 décembre 2017 et les documents de fin de contrat, à savoir un certificat de travail mais également une attestation Pôle emploi, conformes à la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci, sans que la mesure d’astreinte ne soit en l’état justifiée.

PAR CES MOTIFS’:

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Infirme le jugement rendu en formation de départage le 10 juillet 2019 par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion en ce qu’il a’:

– dit que le contrat d’assistance technique du 29 juin 2015 devait être requalifié en contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée,

– condamné la société British American Tobacco La Réunion (BAT) au paiement des sommes de 1 035 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, 12 420 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 6 210 euros au titre des congés payés,

– dit que la société British American Tobacco La Réunion (BAT) devait remettre, sous astreinte provisoire de 10 euros par jour de retard sur un délai de six mois, un bulletin de salaire sur la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2017 et le certificat de travail’;

Confirme le jugement pour le surplus’;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que le contrat d’assistance technique du 1er avril 2010 doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein’;

Condamne la société British American Tobacco La Réunion (BAT) à payer à M. [B] les sommes de’:

– 3 622,50 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 16 560 au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 7 452 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés’;

Ordonne à la la société British American Tobacco La Réunion (BAT) de remettre à M. [B] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi ainsi qu’un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci’;

Déboute M. [B] du surplus de ses prétentions’;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société British American Tobacco La Réunion (BAT) à payer à M. [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;

Déboute la société British American Tobacco La Réunion (BAT) de sa demande au titre des frais irrépétibles’;

Condamne la société British American Tobacco La Réunion (BAT) aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière,le président,

 


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